ROUMANIE
Indicateurs, conjoncture et fiche pays
Données économiques pour l'année 2021 : (Commission Européenne, Institut National des Statistiques, Banque Nationale de Roumanie, Douanes françaises)
- PIB : 238 Mds EUR
- PIB réel par habitant : 9.380 EUR
- PIB par habitant en base 100 moyenne UE 27 : 73
- Taux de croissance : +5,9 % (prévisions de la Commission pour 2022 : +2,6 %)
- Taux de chômage : 5,6 %
- Taux d'inflation moyen (IPC) : 5,1 %
- Solde courant : -7,1 % du PIB
- Dette publique : 47,7 % du PIB
- Déficit public : -9,1 % du PIB
- Echanges de biens et services : 173,1 Mds EUR (73 % du PIB)
- Solde commercial : -10,0 % du PIB
- Principaux clients : Allemagne (20,5 %), Italie (10,5 %), France (6,4 %)
- Principaux fournisseurs : Allemagne (20,1 %), Italie (8,9 %), Hongrie (6,9 %)
- Exportations françaises vers la Roumanie : 4,2 Mds EUR
- Importations françaises depuis la Roumanie : 4,5 Mds EUR
La croissance économique roumaine est depuis des années portée par le dynamisme de la consommation privée, au prix d’une dégradation des déficits jumeaux. L’économie roumaine a fait preuve de résilience pendant la crise de la covid-19, mais la reprise économique est contrariée par un choc d’offre externe. Les entreprises et in fine les ménages sont affectés par les poussées inflationnistes et les difficultés d’approvisionnement. Si l’économie dispose d’une résilience face à la guerre en Ukraine, cette dernière amplifie les difficultés existantes. Les prix à la consommation ont progressé de +14,5 % en mai 2022 sur un an, bien au-dessus de la cible établie par la BNR à +2,5 % ± 1 pp. Les dépenses budgétaires supplémentaires engagées pour soutenir l’économie, conjuguées au ralentissement de l’activité économique, compromettent le processus de consolidation budgétaire censé aboutir en 2024. L'absorption des fonds européens à venir, totalisant 80 Mds EUR, représente un enjeu majeur pour réaliser des investissements structurants et faire converger la Roumanie vers une économie digitale, inclusive et plus respectueuse de l’environnement.
1. Le ralentissement économique est causé en premier lieu par des facteurs externes
La Roumanie a parcouru un chemin significatif en matière de convergence réelle, avec un PIB/habitant qui atteint 73 % de la moyenne UE27 en SPA en 2021 (+37 pt. depuis 2006). L’attraction soutenue de capitaux étrangers (+3,6 % du PIB en moyenne d’entrées nettes d’IDE entre 2000 et 2020), un tissu productif diversifié et solide, le déploiement d’une politique budgétaire expansionniste et la mise en œuvre de réformes réelles (bien qu’encore partielles) constituent autant de facteurs favorables à la convergence.
Après une récession de -3,7 % du PIB en 2020, le PIB a crû de +5,9 % sur l’année 2021, grâce à un rebond de la consommation des ménages (traditionnel moteur de la croissance du PIB) et une forte résilience du secteur privé. Un essoufflement économique s’est cependant fait ressentir dès le début de l’été 2021, avec la très forte hausse continue des prix de l’énergie et des matières premières[1]. L’industrie, très dépendante de son secteur automobile, a par ailleurs été affectée par le regain des pénuries mondiales de semi-conducteurs. Enfin, l’éclatement de la coalition gouvernementale en septembre a conduit à une gestion par intérim du pays pendant plusieurs mois, notamment d’une quatrième vague très virulente de la covid-19, qui a pesé sur la confiance et la consommation des ménages. Après une contraction de -2,9 % au T3 2021, la croissance trimestrielle du PIB est repartie à la hausse au T4, de +1,0 %, avant de s’accélérer nettement au T1 2022, de +5,2 %, sans doute accélérée par les anticipations d’inflation très élevées à court terme. Le taux de chômage diminue depuis le mois de janvier, atteignant 5,5 % en avril 2022.
Face au ralentissement économique, les autorités ont maintenu un policy-mix modérément expansionniste, avec le plafonnement des prix de l’électricité et de l’énergie, le prolongement du programme de financement du Kurzarbeit[2] (via le programme SURE), l’annonce d’un paquet budgétaire de 3,4 Mds EUR en faveur de l’environnement des affaires et des ménages les plus vulnérables, complétée plus récemment d’un budget de 1,1 Mds EUR[3]. La Banque centrale (BNR) a amorcé un cycle de normalisation de sa politique en octobre 2021, en rehaussant son taux directeur de +0,25 pp, rythme qui a été poursuivi en novembre et en janvier. La propagation rapide du choc inflationniste externe à l’inflation sous-jacente[4] a poussé la BNR à durcir le ton de sa politique monétaire en février et en avril, en rehaussant son taux directeur de +0,5 pp, puis de +0,75 pp en mai, à 3,75 %.
L’économie roumaine témoigne d’une résilience accrue face à la guerre en Ukraine, du fait d’une production nationale importante en céréales et en gaz naturel qui limite la dépendance vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie. L’amplification des difficultés existantes (tensions inflationnistes et pénuries d’approvisionnement) ont poussé les prévisionnistes à baisser leurs prévisions à +2,9 % pour le gouvernement et la Banque mondiale, +2,8 % pour la BERD, +2,6 % pour la Commission et +2,2 % pour le FMI.
[1] En avril 2022, les prix de la production industrielle se sont envolés de +47,1 % et les prix à la consommation de +13,8 % (contre +3,9 % en juin 2021) sur un an, tirés par les prix du gaz naturel (+85,3 %), des carburants (+35,7 %), des produits alimentaires (+13,5 %).
[2] Le programme prévoit le financement de 75 % du salaire mensuel (à hauteur de 75 % du salaire mensuel moyen).
[3] Afin de financer une augmentation des salaires des fonctionnaires, des retraites et un moratoire bancaire dont la mise en œuvre reste encore floue.
[4] L’indice CORE 2 ajusté a atteint +8,3 % en avril 2022 en glissement annuel, en hausse de +1,2 pp sur un mois, +2,3 pp sur deux mois.
2. La stratégie budgétaire, qui prévoit le retour au -3 % du PIB en 2024, parait compromise
L’économie roumaine est caractérisée depuis des années par une situation préoccupante de déficits jumeaux causée en partie par une politique budgétaire expansionniste de tendance populiste[1], ce qui a conduit la Commission à enclencher une Procédure pour Déficits Excessifs (PDE)[2] en avril 2020. Les mesures d’urgence pour lutter contre les conséquences de la covid-19, conjuguées au ralentissement économique, ont davantage dégradé le déficit public (cash), à -9,2 % du PIB en 2020. Le rebond économique a toutefois permis de réduire le déficit public (cash) à -6,7 % du PIB sur l’année 2021, avec seulement 28,5 % du PIB de recettes fiscales, niveau le plus faible de l’UE, à l’exception de l’Irlande. Les niveaux de taxation sont en effet parmi les plus faibles de l’UE[3]. Symptôme d’une collecte de l’impôt par l’Etat déficiente, l’écart de collecte sur la TVA atteignait 35 % en 2019 (soit près de 3,5 % du PIB), contre seulement 10 % au sein de l’UE 28.
La nouvelle coalition tripartite, qui a pris ses fonctions fin novembre 2021, est parvenue à élaborer la loi de finances 2022 avec un déficit public (cash) de -5,8 % du PIB. Cependant, les dépenses supplémentaires engagées pour répondre à la crise énergétique, au ralentissement économique et à la guerre en Ukraine compliquent le respect de cette cible, déjà très optimiste. Dans ce contexte, le processus de consolidation budgétaire, qui doit faire revenir le déficit public à -3 % du PIB en 2024, semble irréalisable, d’autant plus qu’il reposait exclusivement sur des prévisions de baisse de dépenses (gels des dépenses de fonctionnement), peu tenable sur trois exercices budgétaires consécutifs. L’absorption des fonds européens se révèle ainsi essentielle pour le processus de consolidation budgétaire. La Roumanie maintient son objectif d’entrer dans la zone euro, mais a de nouveau reporté la date potentielle, à 2029, alors que les autorités envisageaient précédemment d’intégrer le MCE II dès 2024.
La crise en Ukraine a engendré de fortes tensions sur le marché obligataire, où les taux souverains se sont envolés[4], alors que les besoins de financement de l’Etat sont encore conséquents, représentant environ 11,0 % du PIB en 2022. L’Etat roumain a toutefois pu bénéficier de la reprise du programme de la BNR de rachat de ses titres libellés en RON sur le marché secondaire. Le niveau de dette publique (ESA) reste relativement faible, à 48,9 % du PIB fin décembre 2021, et devrait être contenu à 55 % du PIB à moyen terme. Mais l’Etat roumain est exposé à une dépréciation du RON, 43 % de sa dette étant détenue en EUR en décembre 2021. Cependant le risque de dépréciation est aujourd’hui faible, le taux de change EUR/RON s’avérant stable, à la faveur d’une ligne de repo de 4,5 Mds EUR ouverte par la BCE en octobre 2020 au bénéfice de la Banque nationale de Roumanie (BNR), et récemment étendue jusqu’au 15 janvier 2023. Malgré des craintes, les agences de notation ont maintenu mi-avril 2022 la note souveraine roumaine dans la catégorie investissement.
[1] En 2021, les dépenses de personnel et d’assistance sociale représentaient 84 % des recettes publiques.
[2] Le 18 juin 2021, le conseil européen a accordé un prolongement du délai accordé à la Roumanie pour corriger son déficit public, à 2024, afin de ne pas compromettre la reprise. La guerre en Ukraine pourrait conduire la Commission à prolonger de nouveau ce délai.
[3] Le taux d’imposition sur les sociétés est de 16 % et celui sur les dividendes de 5 %. Le statut de microentreprise permet d’échapper à l’IS avec une taxe réduite et forfaitaire de 1 % sur le chiffre d’affaires déclaré. L’impôt sur le revenu est de 10 % et la législation fiscale roumaine offre de nombreuses possibilités pour différentes catégories professionnelles d’exploiter des niches fiscales (secteurs des TIC et de la construction). Le taux de TVA effectif est à 12,1 % (taux plein à 19 % et taux réduits à 9 % et 5 %), en ligne avec la moyenne de l’UE27.
[4] De 3,8 % au 01/09/2021, les taux souverains à 10 ans atteignent 8,1 % au 09/06/2022.
3. L’absorption des fonds européens sera cruciale pour la Roumanie de demain
L’ampleur des fonds européens que la Roumanie peut percevoir jusqu’en 2027 est considérable, atteignant 80 Mds EUR, soit 33 % du PIB. Au titre du PNRR, la Roumanie bénéficie d’une dotation de 29,2 Mds EUR (soit 13% du PIB), dont 14,2 Md€ de subventions. L’approbation du plan par les instances européennes le 28 octobre dernier représente une grande victoire pour l’administration roumaine, mais sa réelle mise en œuvre sera un immense défi. Le pays a déjà pu bénéficier du préfinancement, de 3,8 Mds EUR, mais les prochains déboursements seront sujets à la bonne atteinte des jalons intermédiaires. Le plan prévoit des investissements significatifs dans les infrastructures, notamment de transport, mais aussi des réformes variées et ambitieuses (retraites, justice, administration publique, fiscalité, entreprises publiques). L’Etat roumain pourra également bénéficier des fonds structurels, notamment du CFP 2021-2027 (31,1 Mds EUR) et de la PAC 2023-2027 (environ 19 Mds EUR), mais aussi du CFP 2014-2020 consommable jusqu’à n+3. Sa capacité d’absorption des fonds européens pourrait être un levier significatif de sa transition écologique et digitale et de sa croissance économique à moyen terme.