QATAR
Les ambitions qatariennes pour son système de gestion des déchets
L’attribution de la Coupe du Monde 2022 a mis en lumière les défis du système de gestion des déchets au Qatar. Confronté à des contraintes géographiques et désireux de respecter des exigences environnementales, l’Emirat s’efforce d’améliorer son modèle de gestion des déchets et faire émerger une économie circulaire. Selon une étude du GCC datant de 2023, cette transition pourrait générer 17 Mds USD supplémentaires pour le pays d’ici 2030, soit 10 % du PIB actuel du Qatar, et créer entre 9 000 et 19 000 emplois. Pour y parvenir, les autorités doivent transformer un secteur encore fragmenté dont la chaîne d’approvisionnement manque de structuration et repose essentiellement sur la mise en décharge et l’incinération.
Une gestion des déchets inadaptée aux volumes importants et aux exigences environnementales.
Le Qatar affiche l’un des taux de production de déchets/habitant les plus élevés au monde (1,8 kg/jour en 2022). Le Qatar produit en moyenne 16 M de tonnes de déchets solides chaque année provenant majoritairement de la construction et de la démolition. Le reste comprend des déchets encombrants, des déchets domestiques, et des déchets commerciaux. La gestion des déchets suit principalement le modèle américain : une partie conséquente est traitée par le centre d’incinération, géré par le singapourien Keppel Seghers, tandis que l’autre moitié est envoyée en décharge. Or, selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, les décharges représentent l’option la moins recommandée et n’est pas adaptée au Qatar, où l’espace disponible est restreint.
Des infrastructures insuffisantes pour une gestion efficace des déchets. Le Qatar compte quatre stations de transfert de déchets, Industrial Area, Dukhan, Doha South et Doha Ouest, deux décharges, Mesaieed et Rawdat Rashid, une unité de tri sur ordures brutes à Al Khore et un centre de gestion des déchets solides domestiques à Mesaieed (DSWMC). Rwadat Rashid et Mesaieed sont respectivement dédiés aux déchets de construction et aux déchets solides. Mesaieed reçoit également les déchets encombrants (bulky-waste). Le DSWMC possède une capacité de traitement de 2 500 t/jour et prend en charge les déchets domestiques.
Le traitement des déchets au Qatar demeure inefficace. En 2023, les infrastructures ont reçu 16,2 M de tonnes métriques de déchets, dont seulement une infime partie a été traitée au sein des installations du DSWMC et Mesaieed Rashid et Al-Afai. Le taux de recyclage reste limité et peu suivi. A ce jour, quelques unités de recyclage pour les cartons, les plastiques et les métaux existent. Concernant les déchets dangereux (181 477,4 tonnes métriques en 2023), 54,6 % ont été mis en décharge, 37,7% recyclés, et 6,3 % incinérés, tandis que 2,7 % ont été exportés à l’étranger.
Depuis l’attribution de la Coupe du Monde 2022, le Qatar s’efforce de réformer son système de gestion des déchets.
La National Vision 2030 et les stratégies de développement visent un objectif « zéro décharge » tout en portant le taux de recyclage des déchets solides à 15%. La National Vision 2030 fait de la durabilité un de ses quatre piliers fondamentaux. La première stratégie de développement national 2011-2016 (NDS1) a conduit à l’ouverture du DSWMC en 2011, qui a généré 245 000 MWh d'électricité propre à partir de déchets en 2024. Elle a également permis le lancement en 2012 d’un programme de recyclage des pneus à Umm Al-Afai, atteignant un taux de recyclage de plus de 60%, et a contribué à limiter la production journalière de déchets ménagers à 1,3kg/habitant. La NDS2 (2018-2022) fixe pour objectifs un taux de recyclage de 15 % pour les déchets solides et l’intégration de 20 % de matériaux recyclés dans les projets de construction. Lancé en 2022, le programme national intégré de gestion des déchets solides vise à détourner 95% des déchets des décharges et de trier 75% des déchets à la source d’ici 2030. De son côté, la NDS3 (2023-2030) ambitionne de réduire le gaspillage alimentaire de 50% et impose au secteur public ainsi qu’aux hôtels d’atteindre un taux de recyclage ou de traitement durable des déchets d’au moins 20 %.
L’objectif « zéro décharge » vise à réduire considérablement les déchets envoyés en décharge d’ici 10 ans. Cela implique de nouvelles solutions pour détourner les déchets des décharges, sans atteindre un « zéro déchet » absolu. Ainsi, les autorités qatariennes établissent la zone d’Al-Afjah, située à 40 kilomètres au sud de Doha, comme un pôle industriel de recyclage, complétant les stations de transfert existantes. Le ministère des Municipalités (MoM) a déjà attribué 51 parcelles aux usines de recyclage dans cette zone. 16 sites sont opérationnels, 24 en phase de construction et 11 sont vides.
Une stratégie fondée sur la collaboration entre les secteurs public et privé. Contrairement à ses voisins du Golfe, le Qatar ne dispose pas de structures publiques ou parapubliques bien structurées et dédiées au développement de l’écosystème de l’économie circulaire. Cette gestion repose largement sur le secteur privé. Le MoM assure une collecte des déchets ménagers et laisse le secteur privé prendre en charge les autres types de déchets. Il n’y a pas de supervision globale de la collecte. Une volonté existe de déléguer l’ensemble des activités de la collecte au secteur privé. Les entreprises du secteur des déchets se spécialisent majoritairement dans la collecte des déchets et l’assainissement. La collecte implique un très grand nombre d’acteurs, mais sans suivi ni supervision existante.
Opportunités pour l’offre française
Le Qatar offre des opportunités pour les entreprises françaises qui proposent des solutions dans le recyclage, les nouvelles technologies, notamment l’IA, et un savoir-faire dans le traitement des SAF. De même, il est attendu que le MoM publie en 2025 un appel d’offres relatif à la réalisation d’un centre d’incinération Waste-to-Energy (WtE). Enfin, les entreprises qui opèrent dans le secteur du recyclage sont invitées à présenter leurs projets à inclure dans la zone de recyclage d’Al-Afja.