Le secteur énergétique

L’énergie, en particulier le gaz naturel liquéfié (GNL), occupe une place centrale dans l’économie qatarienne, qui devrait se renforcer dans les prochaines années. En effet, avec les projets d’’expansion (NFE/NFS/NFW) de son méga-champ gazier North Field, le Qatar pourrait devenir 1e exportateur de GNL d’ici 2030 (142 Mt/an contre 77 Mt actuellement, +85 %). Ces projets constituent des opportunités pour les entreprises françaises, fortes de leur présence historique au Qatar, en particulier Technip Energies et TotalEnergies, qui portent dans leur sillage, l’ensemble de l’écosystème parapétrolier français, mais aussi d’autres secteurs connexes tels que le transport et la logistique. Durant la crise énergétique, sur fond de guerre en Ukraine, le Qatar a contribué avec succès à la diversification des sources d’approvisionnement en GNL de l’Europe qui demeure un client du GNL qatarien.

Les hydrocarbures, en particulier le GNL, constituent le principal moteur de l’économie qatarienne.

Le Qatar est le 2d producteur d’hydrocarbures de la Péninsule arabique (en tonnes équivalent pétrole). Les hydrocarbures représentaient en 2024, 37 % du PIB (sans compter l’industrie issue de la pétrochimie), 85,9 % des exportations (soit 82,9 Mds USD) et 82,2 % des recettes budgétaires. Les réserves de gaz du Qatar sont très importantes : 24 700 Mds de m3 soient 13 % des réserves mondiales, derrière la Russie et l’Iran. Elles sont principalement localisées sur le champ offshore North Field, plus grand champ de gaz naturel au monde, partagé avec l’Iran. Le Qatar est le 6e producteur mondial de gaz naturel (4,5% de la production en 2023), derrière les Etats-Unis, la Russie, l’Iran, la Chine et le Canada. Sa production de gaz s’est stabilisée depuis 2015 (181 Mds m3 par an en 2023) mais devrait fortement augmenter à partir de 2026. Le Qatar est le 2ième exportateur de gaz naturel au monde (128 Mds de m3 derrière la Russie mais juste devant les Etats-Unis). Avec une production de pétrole modeste de 1,7M b/j (dont 600 000 b/j de pétrole brut, le Qatar se situe au 15e rang mondial et n’est pas concerné par les réductions décidées par l’OPEP+, dont il ne fait plus partie depuis 2018.

L’entreprise publique Qatar Energy (QE) est l’entité responsable de la valorisation de l’ensemble des ressources énergétiques qatariennes. QE est également impliqué dans l’aval pétro-gazier, centré autour des condensats, du GPL, du Gas-To-Liquid, des produits raffinés, des produits pétrochimiques, des fertilisants (9e producteur d’engrais azoté ; doublement des capacités d’ici 2030) et de l’hélium (2e producteur mondial). QE détient aussi des participations dans l’industrie lourde (acier, aluminium), la production d’eau et d’électricité.

Le Qatar joue un rôle central sur les marchés du GNL mondiaux qui devrait se renforcer d’ici la fin de la décennie.

Le Qatar commercialise la majeure partie de son gaz sous forme de gaz naturel liquéfié (il exporte également du gaz naturel vers les Emirats arabes unis et Oman via le gazoduc Dolphin que TotalEnergies détient à hauteur de 24,5 %). En 2023, le Qatar est le 3exportateur mondial de GNL derrière les Etats-Unis (84,5 mt), légèrement derrière l’Australie (79,6 mt) mais largement devant la Russie (31,4 mt). Les exportations de GNL qatariennes (78,2 Mt en 2023, soit 19,4 % des exportations mondiales), sont aujourd’hui principalement tournées vers l’Asie (75 % des volumes en 2022), dans le cadre de contrat de long-terme (à hauteur de 90 % des volumes). En 2023, les exportations de GNL du Qatar (78,2 mt) se sont - en grande majorité - dirigées vers l’Asie (75 % soit 59 mt, dont 16,7 mt vers la Chine et 10,9 mt vers l’Inde) et dans une moindre mesure vers l’Europe (19 % soit 15 mt, dont 4,8 mt vers l’Italie, 3,2 mt vers la Belgique et seulement 1,65 mt vers la France). En 2024, les exportations de GNL du Qatar vers la France régressent de nouveau fortement (127 M EUR contre 941 M EUR en 2023), traduisant une réorientation progressive du GNL qatarien vers l’Asie.

Les opportunités de diversification se situent surtout à moyen-terme. Le rôle du Qatar dans le marché du GNL est destiné à se renforcer d’ici la fin de la décennie au vu des investissements programmés (+85 % de ses capacités de liquéfaction d’ici 2030) et la mise en activité, retardée à fin 2025 (contre 2024 initialement), du terminal d’exportation de GNL américain de Golden Pass que QE contrôle à 70 %. Si le ministre de l’Energie a annoncé, il y a un peu plus d’un an sa volonté de fournir en GNL les pays situés à l’Ouest et l’Est du Canal de Suez dans les mêmes proportions, cette doctrine est remise en cause au vu de l’enlisement des attaques houthis en mer rouge qui désorganisent (délais/renchérissement) la chaîne de valeur du GNL. Pour écouler ces nouveaux volumes le Qatar a d’abord signé des contrats d’approvisionnement avec ses partenaires historiques occidentaux (ConnocoPhilips, TotalEnergies, ENI, Shell) puis chinois (CNPC, Sinopec). Il se tourne dorénavant vers les acheteurs asiatiques (Inde, Bengladesh) avec des propositions plus souples (tant sur les maturités que sur les prix). Coté francais, TotalEnergies a signé en octobre 2023 deux contrats de commercialisation de GNL portant sur l’achat jusqu’à 3,5 Mt/an de GNL provenant de NFE vers le terminal méthanier de Fos-Cavaou.

Le Qatar a lancé des investissements substantiels dans les hydrocarbures (plus de 100 Mds USD d’ici 2030).

Le projet North Field East (NFE) comporte la construction de quatre trains de liquéfactions (+32 Mt/an à partir de 2026). Le contrat d’ingénierie et de construction (EPC) du principal lot a été attribué en février 2021 au consortium franco-japonais Technip Energies/Chyioda pour 13 Mds USD. TotalEnergies a pris en juin 2022 une participation de 6,25 % dans l’opération et la maintenance de NFE pour 27 ans. Le projet North Field South (NFS) prévoit la construction de deux trains de liquéfaction (+16 Mt/an à partir de 2027). TotalEnergies a pris en septembre 2022 une participation de 9,375 % dans l’opération et la maintenance de NFS pour 27 ans. Technip Energies a obtenu en mai 2023 le contrat d’exécution de ce projet d’ingénierie clé en main, en partenariat avec l’entreprise CCC. Le projet North Field West (+16 mt/an d’ici 2030), lancé par QE en mars 2024, s’ajoute aux développements en cours de NFE et NFS et portera la capacité totale de liquéfaction du Qatar à 142 Mt/an en 2030 contre 77Mt/an actuellement, soit un quasi-doublement (+85 %) en seulement 5 ans.

La mise à niveau des infrastructures pétrolières offshore vieillissantes aussi bien pour les actifs exploités en propres par QE que pour le champ d’Al-Shaheen exploité par la North Oil Company (NOC), une JV entre QE (70 %) et TotalEnergies (30 %). Ces projets représentent environ 10 Mds USD d’investissements. Par ailleurs, QE a accéléré son développement à l’international, particulièrement depuis 2017. Le groupe investit dans le transport de GNL (terminaux de regazéification au Royaume-Uni et en Italie, de liquéfaction aux Etats-Unis dans le cadre du projet de 10,7 Mds USD de Golden Pass). Par ailleurs, QE a acquis des participations dans des projets d’exploration et de production en Amérique latine et en Afrique aux côtés de majors présentes au Qatar (Shell, ExxonMobil, Eni ou TotalEnergies). Le Qatar est engagé dans un important programme de construction d’une 100aine de méthaniers auprès de chantiers navals sud-coréens et chinois. Ce programme présente de belles perspectives pour le fournisseur de membranes de méthaniers GTT, présent au Qatar.

Le Qatar renforce ses ambitions en matière de transition énergétique. 

Premier émetteur mondial de gaz à effet de serre par habitant (27,3 t de CO2/an), le Qatar souhaite se positionner comme un acteur incontournable de la transition énergétique en tant que producteur d’hydrocarbures bas carbone. Les principaux vecteurs d’émission de Gaz à Effet de Serre sont directement liés à l’exploitation pétro-gazière (38 % des émissions) ou indirectement (l’industrie, essentiellement pétrochimique, représente 24 % des émissions). Le Qatar conçoit le gaz comme une énergie de destination nécessaire pour se substituer au charbon dans les pays émergents, et pour répondre aux besoins non-substituables d’énergie fossile avec un bilan carbone réduit. QE a entrepris l’amélioration de ses infrastructures afin d’en réduire l’empreinte carbone. En particulier, le Qatar promeut le développement de la séquestration et du stockage de CO2 et projette de stocker 11 Mt/an de CO2 d’ici 2035. Si le développement d’une filière hydrogène vert n’est pas une priorité qatarienne, le potentiel de l’hydrogène bleu au Qatar est important et QatarEnergy a annoncé en septembre 2022 le développement - conjointement avec l’allemand ThyssenKrupp – d’une usine d’ammoniac bleu. Le Qatar met en œuvre sa stratégie de déploiement des énergies renouvelables, notamment solaire, avec pour objectif 4 GW de capacité de production d’ici 2030. La première centrale solaire a été inaugurée en 2022 à Al-Kharsaah (800 MW), dont TotalEnergies est l’un des opérateurs tandis que les centrales de Ras Laffan et Mesaieed, d’une puissance combinée de 875 MW, viennent d’être inaugurées fin avril 2025 par l’Emir. Le Qatar investit fortement à l’étranger dans la transition énergétique via Nebras Power, QatarEnergy (1,25 GW de capacité solaire en Irak avec son partenaire TotalEnergies) et la Qatar Investment Authority (QIA) qui multiplie ses prises de participation et partenariats (Iberdrola, Engie, Enel…).

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