QATAR
La Vision Nationale 2030
L’actualisation de la Stratégie nationale de développement (NDS3) du Qatar pour la période 2024-2030 marque un tournant dans les priorités, hors hydrocarbures du pays. Après une décennie d’investissements dans les grands travaux d’infrastructures accélérées par l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022, le Qatar identifie de nouveaux vecteurs vers la diversification de son économie, davantage axés sur le capital humain que sur une nouvelle série de grands travaux. Le pays espère ainsi mettre à profit les infrastructures créées pour devenir d'ici 2030, un hub régional multisectoriel (logistique, pétrochimie, tourisme, numérique, nouvelles technologies, finance) attractif et compétitif. Le Qatar vise un taux de croissance annuel moyen (TCAM) de +4 % hors-hydrocarbures d'ici 2030, objectif ambitieux dont l’offre française pourrait saisir quelques opportunités.
Capitaliser sur les infrastructures créées pour soutenir l’émergence de pôles d’activité sectoriels (transport, logistique, tourisme), afin de stimuler la croissance hors hydrocarbures.
- Le développement du secteur de la logistique doit permettre d’atteindre 7 Mds USD de réexportations en 2030, contre 2,8 Mds USD en 2022.
Le Qatar souhaite notamment capitaliser sur l’extension en cours de l’aéroport international d’Hamad pour accroître l’activité de Qatar Airways Cargo (la capacité de fret sera portée à 5 M de tonnes d’ici 2030 contre 3,2 M de tonnes de fret en 2023). Depuis 2013, la compagnie aérienne poursuit une stratégie de hausse de ses activités de fret, priorisant les produits à forte valeur ajoutée (biens pharmaceutiques, les biens nécessitant une chaîne du froid, pièces d'avion). Qatar Airways Cargo développe également les liaisons avec ses partenaires commerciaux stratégiques comme la Chine ou les Etats-Unis. Par ailleurs, le ministère des Transports (MoT) a annoncé la finalisation du Plan directeur pour le transport de marchandises au Qatar (« Qatar Freight Master Plan »), un plan de modernisation des infrastructures fret terrestre. En outre, le Qatar et l’Arabie Saoudite discutent de la construction d’une ligne à grande vitesse Doha-Riyad (fret dans un 1e temps, puis passagers). Les réexportations par voie maritime devraient également être soutenues par la mise en service progressive d’infrastructures de stockage agroalimentaires (riz, blé, sucre, huiles, ect…) au port Hamad.
- La stratégie conserve l’objectif ambitieux d’attirer 6 millions de visiteurs par an, avec un accent sur le tourisme familial et haut de gamme.
Les autorités ont annoncé plus de 4 millions de visiteurs au cours de l’année 2023, et espèrent en attirer 6 millions par an dès 2030. Pour y parvenir, le Qatar programme un calendrier chargé en événements sportifs (Coupe d’Asie 2023, Championnats du monde de natation 2024, Jeux d’Asie 2030), des conférences et sommets internationaux. Au-delà des grands événements ponctuels, le pays développe plusieurs rendez-vous annuels ou biannuels à portée régionale, voire internationale (Qatar Economic Forum, Web Summit Qatar, Milipol Qatar/DIMDEX Qatar, Wise). Longtemps aux commandes du développement touristique du Qatar, Qatar Airways restera un pilier pour catalyser l’arrivée de touristes au Qatar, avec le projet d'étendre son réseau jusqu’à 255 destinations d’ici 2030 contre 170 actuellement. Le Qatar développe également son offre culturelle (les inaugurations des musées de l’automobile, du musée sur l’orientalisme et d’arts contemporains sont attendues d’ici 2030) et de loisirs.
- Le Qatar souhaite tirer pleinement parti de son avantage comparatif dans le secteur pétro-gazier, pour descendre la chaîne de valeur et développer son secteur manufacturier, dans la pétrochimie notamment.
Souhaitant capitaliser sur son faible coût de production de gaz naturel et de pétrole qui le rend particulièrement compétitif, le Qatar investit dans la production d’ammoniac bleu, de produits plastiques ainsi que de métaux à faible teneur en carbone et l'aluminium. Ces développements envisagés, par le recours à davantage de services de maintenance, de fabrication et d’ingénierie (pratiques liées à la 4ième révolution industrielle) devraient permettre un saut qualitatif du secteur pétrochimique Ainsi, l’émirat vise un taux de croissance annuelle moyen (TCAM) du secteur manufacturier de +3,4% d’ici 2030.
Attirer les investisseurs et les talents internationaux par le biais d’un programme de réformes ambitieux avec, pour objectif, le développement d’un secteur qatarien privé compétitif.
- La montée en gamme de la main d’œuvre qatarienne mais aussi expatriée doit participer à aligner les compétences disponibles aux besoins du marché local.
Le Qatar ambitionne de porter à 50 % la proportion de la population active qatarienne ayant un emploi qualifié et à 20 % la proportion employée dans le secteur privé. Afin de transformer le Qatar en une "société de la connaissance" dotée de talents locaux performants, Qatar Foundation et le ministère de l'Education conçoivent des programmes co-financés par le secteur privé (parrainage de formations, stages, bourses d'études, etc.). La transformation numérique devrait également s'accélérer, avec la publication fin février 2024 de l'Agenda numérique national 2030 (« National Digital Agenda 2030 ») qui vise à adopter un cadre réglementaire propice à l'intégration des technologies émergentes et à la formation des talents dans le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC). Ainsi, le pays table sur un objectif de 10 % de l'emploi total pour les TIC (soit 47 300 employés) d’ici 2030, contre 5 % actuellement, avec un TCAM cible de +7,8%. En outre, 90% des fonctionnaires devront être dotés de compétences numériques.
- Le Qatar propose également une série de réformes et de programmes afin d’attirer davantage d’Investissements directs étrangers (IDE) et de soutenir l’émergence de start-ups locales.
La Qatar Investment Authority (QIA) multiplie les initiatives (incitations à l’épargne, soutien aux gestionnaires d‘actifs) visant à accroître la liquidité et la profondeur de la Bourse de Doha. La QIA a récemment annoncé : (i) un engagement de 275 M USD dans un programme de tenue de marché sur 5 ans ; (ii) l'Active Asset Management Initiative qui se traduit par la création de fonds de placement commun, doté d’actions de sociétés cotées à la Bourse du Qatar et gérées par des gestionnaires d'actifs internationaux et locaux ; (iii) un programme via lequel la QIA investira plus d’1 Md USD dans des fonds de capital-risque internationaux et régionaux. Le pays espère attirer 27,5 Mds USD d’IDE nets et la gestion depuis le Qatar d’environ 2,7 Mds USD d’actifs d’ici 2030. La stratégie vise également à permettre aux entrepreneurs, start-ups et PME, un meilleur accès au crédit et au marché des capitaux et une facilitation de leur participation aux marchés publics. Ce soutien aux start-ups devrait s’appliquer à tous les secteurs d’innovation, avec néanmoins une priorité donnée aux technologies émergentes (cible de lancement de 35 fintechs d’ici 2030). Invest Qatar, l'agence de promotion des investissements du Qatar, a annoncé le lancement de "Startup Qatar", une plateforme qui vise à faciliter la création d'entreprises au Qatar avec notamment des exonérations fiscales pendant cinq ans, des avantages en matière d'hébergement, des visas gratuits pour les entrepreneurs et des financements en fonds propres.
- Une attention particulière portée aux secteurs de la santé, de l’environnement et de l’éducation.
Le Budget de l’État établi pour 2025 alloue 20 % des dépenses aux secteurs de la santé et de l’éducation. Concernant la santé, le gouvernement souhaite promouvoir un style de vie plus sain afin d'améliorer l'espérance de vie moyenne à la naissance de 80,3 à 82,6 ans, de réduire la mortalité infantile à 2 pour 1 000 naissances et de diminuer les taux de mortalité. La politique climatique établit des objectifs en matière de préservation de la biodiversité (30 % de la surface terrestre et 30 % de la surface marine protégées, 30 % des habitats naturels dégradés restaurés), de lutte contre la désertification et de réduction du stress hydrique (réduction de 70 % de l'extraction des eaux souterraines, de 33 % de la consommation des ménages et de 40 % de la consommation d'eau par tonne de produit agricole) ainsi que de sécurité alimentaire. Enfin, le Qatar vise une capacité de production d’énergie renouvelable de 5 GW d’ici 2030. Il a inauguré en 2022 la centrale solaire d’Al-Kharsaah (800 MW), co-opérée par TotalEnergies, et en développe actuellement une seconde d’une capacité de 875 MW.