Situation économique et financière en 2023

Après avoir connu la plus forte croissance de son PIB en 45 ans en 2022 (+7,6%) dans le cadre d’un rattrapage post-covid, les Philippines enregistrent un ralentissement de la croissance économique en 2023, à +5,6%. Cette tendance baissière est liée aux effets différés de la remontée du taux directeur, et s’inscrit dans un contexte d’inflation persistante principalement lié à des vulnérabilités sur le plan alimentaire. La consommation continue à soutenir la croissance avec un recours croissant aux prêts à la consommation (+24,0%).

 

 1. Une croissance économique moins rapide en 2023 (+5,6%) dans un contexte d'inflation persistante (6,0% en moyenne) et de maintien d'un taux directeur élevé (6,5%)

Les Philippines enregistrent une croissance économique de 5,6% en 2023, en dessous de l’objectif fixé par le gouvernement entre 6 et 7%, mais qui reste la plus élevée des pays de l’ASEAN. Cette croissance est en net ralentissement par rapport à 2022 (7,6% soit le niveau le plus haut enregistré depuis 45 ans)[1], en lien avec l’essoufflement de la dynamique de reprise postpandémique initiée en début d’année 2022, et avec les effets différés de la politique de resserrement monétaire amorcée en mai 2022. La hausse du PIB est néanmoins soutenue par la robustesse de la consommation finale des ménages (+5,6%), qui représente 76,6% du PIB, et par les envois de fonds de la diaspora philippine (33,5 Mds USD soit 8,5% du PIB). L’augmentation de la consommation finale des ménages contribue pour 73,3% à la hausse du PIB, contre 22,2% pour la formation brute de capital. Les échanges de biens et de services, marqués par une diminution des exportations de biens, ont eu une contribution négative à la croissance (-4,6%). Les principaux secteurs contributeurs à la croissance sont le commerce de gros et de détail (+5,5%), les activités financières et d’assurances (+8,9%) et la construction (+8,8%).. Le FMI prévoit une croissance de 6,0% aux Philippines en 2024 (5,8% pour la Banque mondiale), soutenue par une hausse de l’investissement public et une hausse de la demande pour les exportations philippines. Ces prévisions demeurent inférieures à l’intervalle cible fixé par le gouvernement pour l’année 2024, fixé entre 6,0 et 7,0% au mois d’avril 2023.

La croissance est fragilisée par les pressions inflationnistes, auxquelles les Philippines sont particulièrement vulnérables du fait de leur double déficit en produits alimentaires et en combustibles minéraux. Observée en g.a., l’inflation a suivi une tendance baissière tout au long de l’année 2023 après le pic atteint en janvier 2023 (+8,7% en g.a.), pour s’établir à son niveau le plus bas en décembre soit +4,9%[2]. L’interdiction des exportations indiennes de riz de juillet 2023 a entrainé une forte reprise de l’inflation, avec pic en septembre à +6,1% (+17,9% pour le riz) qui a conduit le gouvernement à instaurer un plafonnement du prix du riz pendant un mois. Sur l’ensemble de l’année 2023, le taux d’inflation moyen atteint 6,0% (contre 5,8% en 2022) et demeure bien supérieur à l’intervalle cible fixé entre 2,0 et 4,0% par la banque centrale. L’inflation est principalement portée par la hausse des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées (+7,9% contre +5,9% en 2022), tandis que les pressions sur les prix du logement, de l’eau, de l’électricité et des carburants ont diminué (+4,9% contre +6,4% en 2022). La hausse de l’indice générale des prix devrait ralentir en 2024 (+3,7% selon le FMI), mais les Philippines demeurent vulnérables à la volatilité des conditions météorologiques et en particulier au phénomène El Niño au 1er semestre.

Après un cycle rapide de resserrement monétaire entre mai 2022 et mars 2023 (+425 points de base), le taux directeur a été maintenu à un niveau élevé entre mars et novembre (6,25%) dans un contexte global de décélération de l’inflation (malgré un pic en septembre à +6,1%) et de forte croissance des actifs bancaires (+9,1%) et de l’encours de prêt à la consommation (+24,0%)[3]. Le taux directeur reste inchangé depuis un réajustement à 6,50% en octobre 2023 (+25 pdb), visant principalement à lutter contre des effets de second de tour (hausse des prix du transport et ajustement des salaires minimums régionaux). La banque centrale devrait abaisser son taux directeur dans les prochains mois si le maintien de son alignement sur la Fed le permet (spread compris entre 1,25 et 1,5 point de pourcent) et si la dynamique de décélération de l’inflation observée au T4-2023 se consolide au S1-2024.  Le PHP est resté relativement stable sur l’ensemble de l’année 2023 (-0,17%).

 

 2. Le déficit du compte courant se résorbe de 38,8% sous l'effet de la hausse de l'excédent en services et de la baisse du déficit commercial de biens 

En 2023, le déficit du compte courant atteint 11,2 Mds USD (2,6% du PIB), contre 18,3 Mds USD en 2022 (4,5% du PIB). Cette amélioration du solde des transactions courantes est principalement liée à la réduction du déficit commercial en biens (65,8 Mds USD soit -5,6%) dans un contexte de diminution des importations (121,1 Mds USD soit -5,0%) attribuable pour 91,5% à la variation des prix, notamment pour les intrants de l’industrie électronique et les combustibles fossiles[4]. De même, la diminution des exportations (55,3 Mds USD soit -4,1%) est attribuable pour 92,6% à la variation des prix des matières premières[5]. L’excédent en service atteint 19,1 Mds USD (+20,3%), en lien avec la reprise du tourisme et la vigueur du secteur de la gestion/externalisation des processus métiers (BPM/BPO).  L’excédent en revenus secondaires se maintient à 31,0 Mds USD (+1,5%) en lien avec les envois de fonds de la diaspora, et permet de compenser partiellement la diminution de l’excédent en revenus primaires (4,4 Mds USD soit -10,8%). En 2023, les Philippines enregistrent des entrées nettes de capitaux, soit 15,4 Mds USD (+11,0%). Cette croissance des entrées nettes est principalement liée à l’augmentation des flux entrants nets des « autres investissement » (11,3 Mds USD soit +72,7%) portée par la hausse des emprunts des résidents à l’étranger, et compense largement la diminution des flux entrants nets d’investissements directs (5,0 Mds USD soit -11,9%).

La dette extérieure atteint 125,4 Mds USD en 2023 (+12,7%) soit 28,7% du PIB. Cette dette extérieure se compose pour 62,1% de dette publique, et est principalement libellée en USD (75,3%) en JPY (9,0%), en PHP (6,9%) et en EUR (4,7%). Les principaux créditeurs sont le Japon (15,6 Mds USD), la BAsD (15,1 Mds USD), la BIRD (12,4 Mds USD) et la Chine (4,7 Mds USD). La France détient 1,0% de la dette extérieure des Philippines soit 1,2 Md USD. A la fin de l’année 2023, les réserves de change atteignent 103,8 Mds USD et demeurent suffisantes pour couvrir 7,7 mois d’importations de biens, de services et de revenus primaires. Ces réserves sont par ailleurs équivalentes à 6,1 fois la dette extérieure à court terme du pays.

 

 3. Le gouvernement poursuit sa politique d'assainissement budgétaire et prévoit de réduire le déficit de l'Etat à 5,1% en 2024 contre 6,1% pour 2023

Au cours de l’année 2023, la dette de l’Etat a progressé de 8,9% pour atteindre 14 616 Mds PHP (262,7 mds USD), mais le ratio dette/PIB est resté stable sous l’effet de la croissance économique (60,1% contre 60,9% en 2022)[6]. La dette extérieure de l’Etat a cru de 9,2% pour atteindre 4 598 Mds PHP (82,7 Mds USD), et se maintient à 31,5% de la dette totale de l’Etat (contre 31,4% en 2022). Le déficit budgétaire atteint 6,2% du PIB, contre 7,3% du PIB en 2022. La loi de finances 2024 prévoit de réduire le déficit à 5,1% du PIB via la hausse des recettes publiques, soit +12,2% contre +6,1% pour les dépenses. Pour 2024, le gouvernement prévoit d’augmenter les dépenses en infrastructures de l’Etat de +5,6% pour atteindre 1 293 Mds PHP (23,1 Mds USD), soit 5,1% du PIB.

Malgré l’impact de la pandémie et de la crise énergétique, les agences S&P, Fitch et Moody’s ont maintenu leur notation du crédit souverain pour les Philippines, à respectivement BBB+ perspective stable (confirmé en novembre 2023), BBB (confirmé en novembre 2023) et Baa2 perspective stable (confirmé en septembre 2022). Fitch a révisé son appréciation de la perspective de long-terme de « stable » en mai 2023 pour prendre en compte la trajectoire d’assainissement des finances publiques établie par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie budgétaire à moyen-terme (MTFF)[7]

 

Taux d'inflation et taux d'intérêt directeur de la Banque Centrale (Déc. 2021 - Déc 2023)ANNEXES

Annexe 1 : croissance du PIB en glissement annuel (T1-2019 à T4-2023)

Croissance du PIB en glissement annuel (T1 2019 - T4 2023)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024 (proj. FMI)

Croissance annuelle du PIB

6,1%

-9,5%

5,7%

7,6%

5,6%

6,0%

Source : Philippine Statistics Authority

Annexe 2 : taux d’inflation et taux d’intérêt directeur de la banque centrale (décembre 2021 – décembre 2023)


Taux d'inflation et taux d'intérêt directeur de la banque centrale
Source : Philippine Statistics Authority, Bangko Sentral ng Philipinas


[1] Cf. annexe 1 : croissance du PIB en glissement annuel (T1-2019 – T4-2023).

[2] Cf. annexe 2 : taux d’inflation et taux d’intérêt directeur de la banque centrale (décembre 2021 – décembre 2023).

[3] En 2023, les Philippines enregistrent une croissance de leurs actifs bancaires de 9,1% en g.a., pour atteindre 25 640 Mds PHP (461,3 Mds USD). L’encours de prêt aux résidents net des opérations de prise en pension de la BSP atteint 12 325 Mds PHP (221,7 Mds USD), soit +8,1%. L’encours de prêt à la consommation, qui représente 13,6% de l’encours de prêt aux résidents net, a augmenté de +24,0% en lien avec le recours à l’endettement par les ménages pour soutenir la consommation dans un contexte de reprise, avec la remontée progressive des taux bancaires. En 2023, l’encours de prêt des ménages hors immobilier représentait 7,1% du PIB, en nette augmentation par rapport à 2022 (6,3% du PIB) et au niveau prépandémique (6,1% du PIB en 2019). Le taux de prêt non productifs atteint 3,2%, en position stable par rapport à 2022 (3,3%). Par ailleurs, le taux de couverture des prêts non productifs se dégrade à 102,1%, contre 107,0% en 2022. 

[4] Les importations de pétrole, de charbon et de houille, et de matériels et accessoires pour la production d’équipements électroniques ont diminué de respectivement 14,9% (soit 12,2 Mds USD), 33,7% (soit 3,8 Mds USD) et 30,4% (soit 3,8 Mds USD).

[5] Les exportations d’équipements électroniques atteignent 23,7 Mds USD (-4,8%), contre 3,1 Mds USD pour le nickel et les autres produits minéraux (-18,3%) et 1,2 Md USD pour la noix de coco et ses dérivés (-44,2%).

[6] Le cadre budgétaire à moyen terme (MTFF) du gouvernement prévoit de ramener le ratio en dessous de 60% d’ici 2025, puis à 51,1% d’ici 2028.

[7] Cf. note du SE du 14/02/2023 : « Nouveaux responsables de la politique économique et budgétaire du Président Marcos : continuité ou amorce d’une nouvelle politique ? ».

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