Situation économique et financière au 1er semestre 2022

Aux Philippines, la reprise économique s’est poursuivie avec vigueur au 1er semestre (+7,8% de croissance en g.a.) dans un contexte de levée des restrictions sur les déplacements liés à la pandémie. La croissance de l’activité devrait néanmoins connaître un ralentissement au 2nd semestre, en lien avec les pressions inflationnistes (+6,1% en juin en g.a.) et le resserrement de la politique monétaire par la banque centrale (+225 pdb pour le taux directeur entre mai et septembre 2022). Porté par la reprise des importations, le déficit du compte courant s’est creusé, pour atteindre 6,1% du PIB soit 12 Mds USD (contre 1,3 Md USD au S1-2021). L’archipel bénéficie néanmoins toujours de fondamentaux économiques solides.

 

 

1. La croissance économique s'est consolidée au 1er semestre 2022 (+7,8%)

Au 1er semestre 2022, la reprise économique s’est poursuivie (+7,8% en glissement annuel), malgré un net ralentissement entre le T1 (+8,2%) et le T2 (+7,4%). Cette croissance économique est entretenue par la levée complète en début d’année des restrictions sur les déplacements domestiques liés à la pandémie et la réouverture à pleine capacité des commerces. Au 2ème trimestre, les principaux contributeurs à la croissance sont les secteurs du transport et du stockage (+27,1%), de la construction (+19,0%), et du commerce de gros et de détail et de la réparation de véhicules à moteur (+9,7%). La dépense de consommation finale des ménages, qui représente 75% du PIB, augmente de 8,6%, contre 11,1% pour l’Etat. L’augmentation de la formation brute de capital atteint 20,5%, en lien avec la poursuite de la politique d’investissement dans les travaux publics.

La Banque mondiale, le FMI, et la Banque asiatique de développement (BAsD) prévoient une croissance de 6,5% pour les Philippines en 2022. Les institutions financières internationales prévoient un ralentissement de la croissance économique au 2nd semestre 2022, qui devrait se poursuivre en 2023 en lien avec le resserrement de la politique monétaire par la banque centrale et la détérioration des prévisions de croissance pour l'économique mondiale. La BAsD prévoit une croissance de 6,3% aux Philippines en 2023, contre 5,8% pour la Banque mondiale et 5% pour le FMI. 

La reprise de l’activité économique a permis au taux de chômage de retrouver une valeur similaire au niveau prépandémique, soit 5,2% en juillet 2022 (contre 5,1% en moyenne en 2019). Le taux de chômage avait atteint un pic à 17,6% en avril 2020, puis diminué progressivement pour se stabiliser à 6,0% en moyenne au S1-2022 (contre 7,9% en moyenne en 2021). En juillet 2022, en glissement annuel, les principaux contributeurs à la création d’emploi sont les secteurs du commerce de gros et de détail de la réparation de véhicules à moteurs (+2,1 M) et de l’agriculture et de la sylviculture (+1,7 M).

La consolidation de la croissance est néanmoins fragilisée par les pressions inflationnistes, entretenues par les importations nettes de produits agroalimentaires et de combustibles minéraux. L’inflation globale s’est accélérée au 1er semestre, pour atteindre 6,1% en juin (en g.a.), contre 3,0% en janvier et en février. Les ménages demeurent vulnérables à l’inflation sur les produits alimentaires (6,4% en juin en g.a.), qui représentent 35% de leur panier de consommation. A la même période, la hausse des prix de l’électricité, du gaz et des carburants atteint 18,3%, contre 17,1% pour les transports. En moyenne, l’inflation globale atteint 4,4% au S1-2022.  Cette inflation est par ailleurs entretenue par la dépréciation du peso philippin, qui perd 10,6% de sa valeur face au dollar au cours du 1er semestre 2022.

 

2. La banque centrale amorce un resserrement de sa politique monétaire dans un contexte de croissance et d'amélioration de la qualité du crédit

En réponse à l’accélération de l’inflation et à la dépréciation du peso, la banque centrale (BSP) a relevé à deux reprises son taux directeur entre mai et juin 2022, pour atteindre 2,5% (+25 pdb le 20 mai, +25 pdb le 24 juin). Dans un contexte de liquidité abondante et de reprise graduelle du crédit, la BSP a annoncé en mai 2022 la reconfiguration de sa fenêtre d’achat de titres publics et l’arrêt des mécanismes de facilités de trésorerie exceptionnels mis en place pendant la crise.

Au 1er semestre 2022, les actifs du secteur bancaire philippin atteignent 21 347 Mds PHP (388 Mds USD), soit +7,8% en glissement annuel (+2,5% par rapport au S2-2021). La croissance des actifs est portée par l’augmentation des dépôts, dont l’encours enregistre une croissance de 1,5% (+7,5% en g.a.) pour atteindre 16 493 Mds PHP (299,8 Mds USD). Le portefeuille de prêts du secteur bancaire enregistre une croissance positive pour le 11ème mois consécutif, pour atteindre 11 716 Mds PHP (212,9 Mds USD) à la fin du mois de juin 2022, soit +8,7% en glissement annuel (+2,9% par rapport au S2-2021). Les principaux contributeurs à la croissance du crédit sont les secteurs de l’industrie manufacturière, de l’immobilier, des télécommunications, de la construction et du commerce de gros et de détail et de la réparation de véhicules à moteurs, qui représentent à eux seuls 50,4% du portefeuille de prêts du secteur bancaire.

A la même période, le taux d’adéquation des fonds propres du secteur philippin atteint 16,2%, en diminution par rapport au S1-2021 (16,7%) mais bien au-dessus du taux exigé par la BSP (10,0%). Le taux de prêts non productifs (PNP) poursuit une tendance à la baisse entamée depuis le pic enregistré en août 2021 à 4,5%, et atteint 3,6% à la fin du S1-2022, en lien avec l’amélioration des conditions économiques et la reprise de l’activité bancaire. Par ailleurs, le taux de couverture des PNP atteint 97,1%, contre 87,7% à la fin du S1-2021.

 

3. Sous l'effet de la reprise économique, le compte de transactions courantes se dégrade

Au 1er semestre 2022, le déficit du compte courant atteint 12 Mds USD (soit 6,1% du PIB), contre 1,3 Md USD en 2021 à la même période. Cette dégradation du solde est principalement liée à l’augmentation du déficit de la balance commerciale de biens (34,9 Mds USD au S1-2022, soit +49,6% en g.a.). Celle-ci est générée par la reprise vigoureuse des importations (+27,5% contre +7,9% pour les exportations), en lien avec la reprise économique et la hausse des prix des matières premières. Pour mémoire, le compte courant des Philippines avait atteint un excédent de 11,6 Mds USD lors de la crise sanitaire en 2020, soit le seul excédent enregistré depuis 2015. Au 1er semestre 2022, l’excédent de la balance commerciale des services atteint 6,1 Mds USD, soit -4,3% (en g.a.). Les recettes nettes des revenus primaires atteignent 2,4 Mds USD au S1-2022 (+45,7%), contre 14,3 Mds USD pour les revenus secondaires (+2,8%), dont l’augmentation est très largement attribuable aux transferts des travailleurs philippins émigrés (13,2 Mds USD, soit +3,2%).

Le compte financier enregistre un besoin en financement de 7,2 Mds USD au S1-2022, contre une capacité de financement de 1,4 Md un an plus tôt. Ce renversement du solde du compte financier est attribuable à la forte diminution des flux sortants nets d’investissements de portefeuille (0,5 Md USD au S1-2022 soit -93,7% en g.a.). Les flux d’IDE vers les Philippines atteignent 4,6 Mds USD (+3,2%) et se dirigent principalement vers l’industrie manufacturière (32,0%), la construction (13,6%), les activités immobilières (13,5%) et les activités de finances et d’assurances (12,8%). Au 1er semestre 2022, les Philippines enregistrent des flux entrants nets d’IDE de 2,7 Mds USD, soit une augmentation de 24,9% en glissement annuel.

Les réserves de changes atteignent 100,1 Mds USD à la fin du 1er semestre, soit une diminution de 4,6% en glissement annuel. Ces réserves permettent de couvrir 8,5 mois d’importations, et sont équivalentes à 7 fois la dette extérieure des Philippines. La dette extérieure atteint 107,7 Mds USD à la fin du mois de juin 2022 (+6,4% en g.a.) et se compose à 61,0% de dette publique. Elle est principalement libellée en USD (56,2%) et JPY (9,0%), et consiste pour 21,0% en des emprunts multidevises.

 

 

4. Après la crise sanitaire, le gouvernement mène une politique d'assainissement budgétaire

Depuis le début de l’année 2022, la dette de l’Etat a progressé de 9,9% mais le ratio dette publique/PIB a diminué en lien avec la reprise économique, de 63,5% au T1 à 62,1% à la fin du T2-2022. L’endettement de l’Etat a été financé par le recours croissant aux marchés internationaux. Le ratio dette extérieure/dette publique totale atteint 31,5% en juin 2022, contre 29,0% à la même période en 2021. La dette extérieure de l’Etat a cru de 24,7% en glissement annuel, pour atteindre 4 025 Mds PHP (73,2 Mds USD). Le ministère des Finances s’est fixé l’objectif de réduire le ratio dette extérieure/dette publique totale à 20% d’ici 2025, afin de limiter les risques de change. De même, le gouvernement prévoit une réduction du déficit budgétaire à 6,1% en 2023, contre 7,6% en 2022 selon les prévisions gouvernementales. En 2021, le soutien budgétaire à l'activité économique et la lutte contre la pandémie avait entraîné un déficit budgétaire équivalent à 8,6% du PIB. 

La nouvelle administration a indiqué souhaiter poursuivre le Comprehensive Tax Reform Program (CTRP) initié en 2017. Son 1er module, la Tax Reform for Acceleration and Inclusion (TRAIN) de décembre 2017, a réduit et simplifié l'impôt sur le revenu, élargi l'assiette de la TVA et ajusté les droits d'accise (carburants, automobiles, boissons sucrées, activités minières, tabac). Son 2ème module, la Corporate Recovery Tax Incentives for Enterprises (CREATE) adoptée en mars 2021, s'est inscrit dans dans une logique de soutien aux entreprises dans le contexte de la pandémie, en prévoyant une réduction de l'impôt sur les sociétés et en créant des incitations fiscales. A la suite de son éléction en mai 2022, le président Ferdinand Marcos Jr a identifié la poursuite de la CTRP parmi ses priorités législatives. Celle-ci devrait être complétée par deux autres modules visant à réformer les impôts et taxes sur les services et les transactions financières, ainsi qu'à améliorer l'évaluation des biens immobilier par l'administration fiscale.

 

 
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