Situation économique et financière

1. Oman poursuit sa sortie de crise à la faveur d’un baril élevé tout en mettant en œuvre sa diversification

Avec un PIB d’environ 100 Md USD en et une population de 5,1 M d’habitants, dont 43% d’expatriés principalement originaires du sous-continent indien, le Sultanat d’Oman fait partie des « pays à revenus élevés » selon la Banque mondiale (PIB par habitant d’environ 20 000 USD). Le développement de l’économie omanais a reposé à l’origine presque intégralement sur l’exploitation des hydrocarbures – secteur qui reste aujourd’hui au cœur du modèle de croissance. Le pétrole et le gaz représentent ainsi un tiers du PIB et plus de deux tiers des exportations et des recettes budgétaires. Dans le cadre de la stratégie « Oman Vision 2040 », les autorités omanaises ont décidé de mettre en œuvre un plan de diversification –– visant, grâce au secteur privé, à favoriser la croissance hors-pétrole (industrie manufacturière, tourisme, logistique, pêche, minier) et à créer de l’emploi.

Traditionnellement, le public – administrations et entreprises publiques – ont représenter un amortisseur important du chômage. Cette question du chômage demeure d’ailleurs préoccupante en particulier chez les jeunes – comme en témoigne le mouvement de contestation sociale de mai 2021 et l’accroissement démographique élevé à 4% en glissement annuel (g.a.) en 2023. Accentuée ces dernières années, la politique d’« omanisation » des emplois, notamment dans le secteur privé, n’offre pour sa part qu’une solution partielle au défi de création d’emploi tout en étant un frein à l’attractivité du pays. Dès lors, les nouvelles lois travail et protection sociale, adoptées en juillet 2023 pour flexibiliser le marché de l’emploi tout en introduisant un certain nombre d’améliorations pour les droits des travailleurs, méritent d’être saluées. Ces réformes devraient aussi prendre en considération i) les écarts de rémunération (supérieurs à 10%) et d’avantages sociaux entre les emplois publics et privés ainsi que ii) le manque de compétences pour certains secteurs.

Oman, qui participe depuis 2017 aux engagements OPEP+ de réduction volontaire de sa production de pétrole brut, a subi de plein fouet la chute des cours pétroliers observée dans le sillage de la crise du Covid-19 et du ralentissement de l’activité économique mondiale – notamment en Chine, 1er partenaire commercial d’Oman, qui absorbe près de trois-quarts de la production totale du pays de sa production pétrolière en 2023. Conséquence, le PIB du Sultanat s’était contracté de -2,8% en 2020 selon le FMI. Face à cette dégradation de la situation économique, les autorités n’avaient alors pas mis en place de grand plan – coûteux – de soutien et de relance de l’économie, se concentrant principalement sur des mesures partielles (allégements fiscales, report du paiement des loyers et des remboursements de prêts en particulier). A la faveur de la remontée des cours du pétrole et la levée progressive des mesures de confinement, Oman a finalement enregistré une croissance de près de +3% et de +4,3% respectivement en 2021 et 2022.

Alors que la contribution du secteur des hydrocarbures à la croissance a marqué le pas – baisse volontaire de la production de pétrole dans le cadre de l’OPEP+, effet « debottlenecking » sur les capacités GNL principalement concentré sur 2022 –, la croissance du PIB a ralenti à +1,3% en 2023 (FMI). Si la croissance devrait se stabiliser autour de 1,4% en 2024, le FMI s’attend à une accélération de la croissance en 2025 grâce notamment aux importants investissements attendus dans les secteurs des EnR et de l’hydrogène vert et aux nouvelles capacités GNL après l’entrée en service de projets EnR.

2. Le redressement des finances publiques : Une tendance qui se poursuit en 2023

Alors que le solde budgétaire dégageait traditionnellement un surplus abondant l’Etat providence omanais et le fonds souverain – désormais Oman Investment Authority (OIA) suite à la fusion en juin 2020 des fonds SGRF et OIF, ainsi que des actifs du ministère des Finances –, l’effondrement des cours du pétrole en 2015 s’était soldé par une première : l’apparition de déficits publics récurrents. Confrontées à une nouvelle dégradation des comptes publics pendant la crise sanitaire, les autorités ont mis en œuvre un certain nombre de mesures d’austérité (réduction des dépenses des entités publiques, suspension de projets d’investissement, mise à la retraite de fonctionnaires) et dévoilé un plan de consolidation budgétaire à horizon 2024. Malgré ces efforts, le déficit public a atteint -16,1% du PIB en 2020, avant de diminuer à -3,2% du PIB en 2021 suite au rebond des revenus pétroliers et à l’introduction d’une TVA à 5%.

A la faveur d’un prix de vente moyen du baril omanais supérieur à 80 USD, le Sultanat a enregistré un deuxième surplus budgétaire, après celui de 2022, de +5,5% du PIB en 2023 selon le FMI. Etabli sur la base d’une hypothèse – conservatrice – d’un prix du baril à 60 USD, le projet de budget 2024 anticipe pour sa part un déficit de -1,5% du PIB sans prendre en compte le rôle, historique, de la commande publique dans l’économie omanaise, ce qui pourra peser sur la capacité du Sultanat à diversifier son économie. A noter que les autorités mettront en place à l’exercice 2024, le régime de sécurité sociale, accentuant la nécessité de poursuivre une réforme fiscale durable pour financer à long terme ce régime. Le FMI estime que le prix du baril pour équilibrer le budget est retombé à 55 USD contre 85 USD en 2021.

Cette nette amélioration de la situation des finances publiques a été mise à profit par les autorités pour désendetter significativement le pays, via notamment le rachat d’obligations souveraines et le remboursement d’emprunts avant leur date d’échéance, et s’inscrit dans un objectif à long terme d’orthodoxie budgétaire – avec la nouvelle loi sur la dette publique, promulguée en 2023, qui établira notamment un comité de gestion de la dette. Le niveau de la dette publique, passé de seulement 5% du PIB en 2014 à 70% en 2020 (recours massif au marché international de la dette obligataire, prêt de 3,6 Md USD de banques publiques chinoises en 2017), a dès lors été ramené à 38% du PIB en 2023 selon le FMI. Cet assainissement a incité les grandes agences de notation à réviser à la hausse la note souveraine d’Oman et sa perspective associée après plusieurs années de dégradation. Le Sultanat a également vu son « spread » sur les bons de Trésor se réduire et même atteindre le niveau moyen de ses voisins du GCC.

3. Oman : excédent du compte courant et inflation contrôlée grâce à son économie rentière

Concernant la balance des paiements, le pays a enregistré en 2023 un excédent du compte courant de +2,8% du PIB selon le FMI, plus faible qu’en 2022 (+5%), notamment à cause du prix de vente plus bas (80 USD contre 95 USD) et d’une production en baisse (-1,5% en g.a.). Pour 2024, le FMI prévoit un excédent courant du même ordre (+2,8% du PIB), malgré le poids toujours important, et croissant (+2.8%) des remises de fonds (9,4 Md USD en 2023). Si les prévisions sont optimistes, elles sont surtout logiques avec une économie qui, malgré ses ambitions de diversification, reste encore rentière et donc sensible aux chocs extérieurs (demande chinoise, prix du baril, etc.). D’ailleurs, le stock d’investissements directs étrangers, qui s’élevait à 65 Md USD fin 2023 (+21,3% en g.a.) soit 66,2% du PIB, continue de se concentrer dans le secteur des hydrocarbures (78% du total en 2023 contre 71% en 2022). Le Royaume-Uni contrôle la moitié de ces investissements, via Shell et BP notamment, devant les États-Unis et la Chine. Du fait du désendettement depuis 2021, les réserves de changes ont baissé de -11,2% à 17,5 Md USD en 2023, soit quatre mois d’importations. L’ancrage du OMR au USD, objectif prioritaire de la Banque centrale qui avait été remise en cause durant la crise sanitaire, a d’ailleurs permis de contenir les pressions haussières sur les prix au cours de la dernière décennie. Portée notamment par les tendances inflationnistes mondiales, l’inflation a été relativement contrôlée à +1,2% - par rapport à une légère accélération de +2,8% en 2022. Selon le FMI, l’inflation moyenne en Oman devrait s’établir à +1,7% en 2024.

4. Le secteur bancaire a tenu le choc malgré un recul général de la solvabilité des emprunteurs

Le secteur bancaire omanais, principalement tourné vers les activités de prêt aux entreprises et aux particuliers (ratio actifs/PIB de 109%), apparaît relativement solide, affichant un ratio de solvabilité (CAR) de 19,2% en juin 2023, bien au-dessus du seuil minimal fixé à 11%. Avec des taux de Return on Equity de 8,9% et de Return on Assets de 1,4% à fin juin 2023 selon le FMI (dernières données disponibles), la profitabilité du secteur apparait satisfaisante, reflet en grande partie du degré élevé de concentration du secteur. Les cinq plus grandes banques du pays – Bank Muscat, Bank Dhofar, NBO, Bank Sohar, Oman Arab Bank – contrôlent les trois-quarts des actifs totaux. Cette tendance s’est d’ailleurs amplifiée avec le rachat d’HSBC par Sohar International. A noter qu’une acquisition d’Ahli Bank est envisagée par Bank Dhofar ou Ominvest. Le poids des banques islamiques continue de s’affirmer – 18,6% des actifs totaux du secteur fin 2023.

Dans un contexte de crise caractérisé par un affaiblissement général de la santé financière des entreprises et des ménages et une forte exposition des banques au secteur immobilier en difficulté, les autorités ont ordonné un ajournement – temporaire – des remboursements des emprunts. Cette mesure, couplée à un important effort de provisionnement du secteur bancaire, a limité la progression du taux de prêts, à 4,4% fin juin 2023 contre 1,8% fin 2016. Si l’exposition reste maitrisée, son évolution pose question, qui plus est dans un contexte de taux élevés. Avec une propension à souscrire un crédit plus élevé pour les populations omanaises jeunes (60% a moins de 34 ans), le risque peut être plus important. Un risque qui pourrait d’abord être atténué si la Banque centrale déplafonnait le taux d’intérêt sur les prêt personnels (6% aujourd’hui). En effet, le taux de refinancement au Sultanat est aligné sur celui de la Réserve Fédérale Américaine, aujourd’hui à 6%, ce qui réduit fortement la profitabilité des activités de crédit aux particuliers des banques omanaises. La liquidité bancaire demeure pour sa part fortement dépendante des dépôts gouvernementaux, qui représentent environ 35% des dépôts totaux.

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