Situation économique et financière

1. La remontée des prix des hydrocarbures a permis à Oman de sortir de la crise

Avec un PIB de 94 Md USD en 2022 et 4,9 M d’habitants, dont 42% d’expatriés principalement originaires du sous-continent indien, le Sultanat d’Oman fait partie des « pays à revenus élevés » selon la Banque mondiale (PIB par habitant de 19 200 USD). Le développement de l’économie a reposé à l’origine presque intégralement sur l’exploitation des hydrocarbures, secteur qui reste aujourd’hui au cœur du modèle de croissance.

Le pétrole et le gaz représentent ainsi un tiers du PIB et plus de deux tiers des exportations et des recettes budgétaires, en dépit de la mise en œuvre d’un plan de diversification (dans le cadre de la stratégie « Oman Vision 2040 ») visant à favoriser la croissance hors-pétrole – industrie manufacturière, tourisme, logistique, pêche, minier – et à développer l’emploi pour les nationaux. La question du chômage, en particulier des jeunes, demeure malgré tout préoccupante, comme en témoigne le mouvement de contestation sociale observé dans le pays en mai 2021. Accentuée ces dernières années, la politique d’« omanisation » des emplois, notamment dans le secteur privé, n’offre pour sa part qu’une solution partielle au défi de l’accroissement démographique.

Dès lors, Oman, qui participe depuis 2017 aux engagements OPEP+ de réduction volontaire de sa production pétrolière, a subit de plein fouet la chute des cours du pétrole observée dans le sillage de la crise du Covid-19 et du ralentissement de l’activité économique mondiale – notamment en Chine, 1er partenaire commercial d’Oman, qui absorbe près de 70% de sa production pétrolière. Conséquence, le PIB du Sultanat s’est contracté de -2,8% en 2020 selon le FMI.

Face à cette dégradation de la situation économique, les autorités omanaises n’ont pas mis en place de grand plan – coûteux – de soutien et de relance, se concentrant principalement sur des mesures destinées à soutenir la liquidité bancaire (voir infra), à alléger partiellement la fiscalité et à accompagner socialement la population omanaise (report du paiement des loyers et des remboursements de prêts en particulier). Suite à la remontée des cours du pétrole et à la levée progressive des mesures de confinement, Oman a finalement enregistré une croissance de près de +3% en 2021.

Ce redressement de l’activité s’est confirmé en 2022 avec une progression du PIB de +4,3%. Alors que la contribution du secteur des hydrocarbures à la croissance devrait marquer le pas cette année – baisse volontaire de la production de pétrole de 40 000 b/j entre mai et décembre 2023, effet « debottlenecking » sur les capacités GNL principalement concentré sur 2022  –, la croissance du PIB pourrait ralentir à +1,3% en 2023 selon le FMI, avant d’accélérer à nouveau en 2024 (+2,7%), grâce notamment aux importants investissements attendus dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert.

2. Le redressement des finances publiques s’est confirmé en 2022 et a favorisé le désendettement

Alors que le solde budgétaire dégageait traditionnellement un surplus abondant le fonds souverain – désormais Oman Investment Authority (OIA) suite à la fusion en juin 2020 des fonds SGRF et OIF, ainsi que des actifs du ministère des Finances –, l’effondrement des cours du pétrole en 2015 s’est soldé par l’apparition de déficits publics récurrents jamais observés auparavant. Le prix du baril pour équilibrer le budget compte de fait parmi les plus élevés de la région (à 75 USD en 2022 contre 26 USD au début des années 2000), résultat de la forte hausse des dépenses publiques.

Confrontées à une nouvelle dégradation des comptes publics pendant la crise sanitaire, les autorités ont mis en œuvre un certain nombre de mesures d’austérité (réduction des dépenses des entités publiques, suspension de projets d’investissement, mise à la retraite de fonctionnaires) et dévoilé un plan de consolidation budgétaire à horizon 2024. Malgré ces efforts, le déficit public a atteint -16,1% du PIB en 2020, avant de diminuer à -3,2% du PIB en 2021 suite au rebond des revenus pétroliers et à l’introduction d’une TVA à 5%. A la faveur d’un prix de vente moyen du baril omanais supérieur à 95 USD, le Sultanat a enregistré un surplus budgétaire de +7,5% du PIB en 2022 selon le FMI. Etabli sur la base d’une hypothèse – conservatrice – d’un prix du baril à 55 USD, le projet de budget 2023 anticipe pour sa part un déficit de -3% du PIB à même de préserver les principaux postes de dépenses (rémunération des fonctionnaires et des forces de sécurité, subventions à caractère social).

Cette nette amélioration de la situation des finances publiques a été mise à profit par les autorités pour désendetter significativement le pays, via notamment le rachat d’obligations souveraines et le remboursement d’emprunts avant leur date d’échéance. Le niveau de la dette publique (« central government »), passé de seulement 5% du PIB en 2014 à 70% en 2020 (recours massif au marché international de la dette obligataire, prêt de 3,6 Md USD de banques publiques chinoises en 2017), a dès lors été ramené à 40% du PIB en 2022 selon le FMI. Cet assainissement a incité les grandes agences de notation à réviser à la hausse la note souveraine d’Oman et sa perspective associée après plusieurs années de dégradation.

3. Oman a enregistré un excédent du compte courant, l’inflation – importée – a accéléré

Concernant la balance des paiements, le pays a enregistré en 2022 un excédent du compte courant – inédit depuis 2014 – de +5,2% du PIB selon le FMI (contre -4,9% du PIB en 2021 et -16,6% en 2020), soutenu notamment par la hausse des exportations d’hydrocarbures. Pour 2023, le FMI prévoit un excédent courant de +2,1% du PIB, en dépit d’un poids toujours important des remises de fonds (8,1 Md USD en 2021). Le stock d’investissements directs étrangers, en grande partie concentrés dans le secteur des hydrocarbures, s’élevait à 47,2 Md USD fin septembre 2022 (+10,4% en g.a.), soit 50,2% du PIB – le Royaume-Uni contrôle la moitié de ces investissements, via Shell et BP notamment, devant les Etats-unis et les Emirats arabes unis.

Les réserves de change ont atteint 17,6 Md USD en 2022, soit l’équivalent de cinq mois d’importations. A noter que les craintes exprimées par les marchés durant la crise sanitaire concernant une possible remise en cause de l’ancrage du rial omanais au dollar américain, objectif prioritaire de la Banque centrale, se sont largement apaisées.

Cet ancrage a d’ailleurs permis de contenir les pressions haussières sur les prix au cours de la dernière décennie. Portée notamment par les tendances inflationnistes observées au niveau mondial, en particulier sur les denrées alimentaires, l’inflation a légèrement accéléré en 2022, à +2,8%, après +1,5% en 2021. Selon le FMI, l’inflation moyenne en Oman devrait s’établir à +1,9% en 2023.

4. Le secteur bancaire a tenu le choc malgré un recul général de la solvabilité des emprunteurs

Le secteur bancaire omanais, principalement tourné vers les activités de prêt aux entreprises et aux particuliers (ratio actifs/PIB de 108%), apparaît relativement solide, affichant un ratio de solvabilité (CAR) de 20,2% fin 2022, bien au-dessus du seuil minimal fixé à 11%. Avec des taux de Return on Equity de 8,2% et de Return on Assets de 1,3% à fin juin 2022 selon le FMI (dernières données disponibles), la profitabilité du secteur apparait satisfaisante, reflet en grande partie du degré élevé de concentration du secteur. De fait, les cinq plus grandes banques du paysBank Muscat, Bank Dhofar, National Bank of Oman (NBO), Bank Sohar, Oman Arab Bank (OAB) contrôlent les trois-quarts des actifs totaux. Cette tendance pourrait en outre s’amplifier avec les projets de rapprochement en cours (fusion entre Sohar International et HSBC) ou envisagés (acquisition d’Ahli Bank par Bank Dhofar ou Ominvest). A noter que le poids des banques islamiques continue de s’affirmer. Ces dernières contrôlaient ainsi 16,4% des actifs totaux du secteur à fin 2022.

Dans un contexte de crise caractérisé par un affaiblissement général de la santé financière des entreprises, notamment les PME, un niveau élevé d’endettement des ménages et une forte exposition des banques à un secteur immobilier en difficulté (environ un tiers du portefeuille de prêts), les autorités ont ordonné un ajournement – temporaire – des remboursements des emprunts. Cette mesure, couplée à un important effort de provisionnement du secteur bancaire selon les banquiers interrogés, a permis de limiter la progression du taux de prêts non-performants, à 4,4% fin 2022 contre 3,4% fin 2019. La liquidité bancaire demeure pour sa part fortement dépendante des dépôts gouvernementaux, qui représentent environ 30% des dépôts totaux. La Banque centrale d’Oman a dévoilé en 2020 un ensemble de mesures – abaissement des exigences de fonds propres, augmentation du ratio prêt-valeur, réduction du coût de financement des banques, etc. – destinées à libérer selon elle jusqu’à 8 Md OMR (env. 21 Md USD) de liquidités bancaires supplémentaires à destination finale des entreprises affectées par le ralentissement économique. Les retombées effectives de ces mesures ont toutefois semblé limitées. L’année 2023 pourrait marquer un retour aux ratios prudentiels pré-Covid selon le FMI.

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