Fiche pays (juillet 2022)

L’économie namibienne, qui peinait déjà à sortir de plusieurs années de récession, a été durement affectée par la crise de la Covid-19. Après une chute de plus de 8% du PIB en 2020, la reprise économique a été très modérée en 2021 (+0,9%), tirée par le secteur minier. En 2022, l’économie du pays devrait bénéficier des effets de la guerre en Ukraine, de par sa spécialisation dans le diamant et l’uranium. L’accélération de l’inflation et la remontée des taux d’une part et la dégradation de la situation budgétaire d’autre part, devraient toutefois contraindre la demande interne et donc la reprise. Le défi pour les autorités est aujourd’hui double : (i) conduire les réformes structurelles identifiées de longue date pour relancer la croissance ; (ii) poursuivre l’ajustement budgétaire sans fragiliser la reprise.

Mise à jour Covid-19 : Pour prévenir une crise sanitaire d’ampleur, le gouvernement a mis en place des mesures de confinement particulièrement strictes lors de la première vague, dont le pays n’est sorti que très progressivement, sur le modèle sud-africain, avec un coût très élevé pour l’économie. Pour éviter de lui faire subir un nouveau choc trop important, les mesures mises en place pour contenir la seconde (décembre 2020-janvier 2021) et la troisième vague (juin-juillet 2021) ont été nettement moins contraignantes. A l’heure actuelle, moins de 20% de la population a bénéficié d’un schéma vaccinal complet, du fait principalement d’un manque de candidats. L’objectif du gouvernement de vacciner 60% de la population est donc loin d’être atteint, ce qui pourrait contraindre la reprise du tourisme international, bien que les règles d’entrée sur le territoire aient été assouplies (les personnes vaccinées peuvent entrer sans test PCR préalable – par ailleurs, toutes les restrictions sanitaires ont été supprimées mi-juillet). Un autre risque qui pèse sur la reprise du secteur est l’apparition d’un nouveau variant en Afrique australe, comme en novembre 2021 – de nombreux pays avaient alors restreint les déplacements vers la région.

1. Situation économique et politique

1.1. Situation politique

Hage Geingob a accédé à la présidence de la République en mars 2015. Il a été réélu pour un second mandat de cinq ans lors des élections générales de novembre 2019. M. Geingob a été élu avec l’étiquette de la South West Africa People's Organization (SWAPO), au pouvoir depuis l’indépendance – une des plus tardives du continent africain, en 1990 – auparavant le pays était de facto sous protectorat sud-africain. Si elles ont confirmé le président en place, les dernières élections générales se sont aussi traduites par un fort déclin de la SWAPO (56% de voix pour M. Geingob, contre 87% lors des élections de 2014) – ébranlée par plusieurs scandales de corruption ces dernières années. Dans le sillage de ces affaires, on assiste depuis quelques années à un sentiment d’augmentation de la corruption. Entre 2015 et 2021, le pays a perdu treize places au classement Transparency International, rétrogradant à la 58ième place sur 179 pays. Au niveau de l’Afrique sub-saharienne, le pays fait toutefois figure de bon élève, quatrième derrière le Botswana, Maurice et le Rwanda.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

Avec un PIB de 12 Mds USD en 2021, la Namibie est une petite économie. Mais avec une population de 2,5 M d’habitants, elle se classe aussi dans le top 10 des pays d’Afrique sub-saharienne les plus riches (PIB par tête de 4 800 USD). Sur le plan social, le pays est dans une situation relativement plus favorable que ses voisins, même s’il souffre des mêmes maux. Le taux de pauvreté y est plus faible (21% en 2021 contre 24% en 2010 – au seuil de 1,9 USD par jour), mais en augmentation de 4,5 points par rapport à 2019 suite à la crise de la Covid. Avec 22% à fin 2021, le taux de chômage est aussi parmi les moins élevés de la sous-région, même s’il a augmenté de deux points depuis 2019. En revanche, les inégalités sont parmi les plus importantes au monde, comme en Afrique du Sud et au Botswana. En 2020, la Namibie s’est classée au 8ième rang des pays d’Afrique subsaharienne en termes d’indice de développement humain et 130ième sur 188 pays au niveau mondial.

Malgré la petite taille de son marché, l’économie namibienne dispose d’atouts non-négligeables : un système politique stable, des institutions solides, un secteur financier sophistiqué (majoritairement contrôlé par des capitaux sud-africains) et un fort potentiel dans les services – logistique et numérique, notamment. Cependant, elle est peu diversifiée, reposant en grande partie sur les industries extractives (uranium et diamant principalement – environ 10% du PIB et plus de 60% des recettes d’exportation sur la période 2017-2019) et sur le tourisme (environ 10% du PIB). Le secteur public représente aussi un poids relativement élevé (15% du PIB), largement financé par la rente. Enfin, l’économie namibienne est très dépendante de la situation en Afrique du Sud (distribution, immobilier, recettes douanières et commerce extérieur – deuxième débouché derrière la Chine, avec 17% des exportations en moyenne sur les cinq dernières années).

2. Conjoncture et finances publiques

2.1. Conjoncture économique

Entre 2010 et 2015, la Namibie a enregistré un taux de croissance annuel moyen supérieur à 5%, soutenu par la bonne orientation des prix des matières premières et par une politique budgétaire expansionniste. Mais le pays est entré en récession dès l’année suivante, du fait de la fin du super-cycle des matières premières et de sécheresses répétées, qui ont fortement affecté le secteur agricole. Dans ce contexte, le gouvernement a engagé un effort soutenu d’assainissement budgétaire, qui s’est traduit à son tour par une réduction significative de l’activité.

Alors qu’elle était déjà fragilisée, l’économie namibienne a été très affectée par la crise de la Covid-19 : en 2020, le PIB s’est contracté de 8,5%. Cette chute, parmi les plus importantes d’Afrique sub-saharienne, s’explique d’abord par la dépendance de l’économie vis-à-vis des industries extractives (fortes perturbations sur l’ensemble de la chaîne de valeur du diamant) et du tourisme. Les restrictions mises en œuvre pour contenir la pandémie ont aussi fortement affecté l’offre et la demande domestiques. En 2021, la reprise a été très modérée (+0,9%), tirée par le secteur minier – grâce à la reprise de la demande mondiale et à des cours très élevés – bien que les volumes de production soient restés inférieurs à ceux de 2019. Cependant, l’activité de plusieurs secteurs clefs a continué à diminuer : -10% pour la construction, -6% pour l’industrie manufacturière et -5% pour les services financiers. Les résultats de la distribution ont quant à eux été décevants (2%) de même que ceux de l’agriculture (2%) après des récoltes exceptionnelles en 2020. L’hôtellerie et la restauration n’ont progressé « que » de 10% après avoir chuté de 30% en 2020.

Pour 2022, les prévisions sont comprises entre 2,8% (FMI) et 4,4% (ministère des Finances). Le redressement du secteur minier va se poursuivre, bénéficiant de cours très élevés et de la mise en service de nouvelles capacités de production (bateaux extracteurs de diamants) – le secteur pourrait même bénéficier de la guerre en Ukraine, profitant du report de la demande auparavant servie par la Russie (premier producteur de diamant). Le tourisme devrait entamer une lente reprise grâce à la levée des restrictions, avant de retrouver son niveau pré-crise courant 2023. Le secteur agricole, en revanche, devrait être affecté par des conditions météorologiques défavorables. Par ailleurs, la remontée rapide des taux d’intérêt (+1 point entre décembre 2021 et juin 2022, pour atteindre 4,75%), dans un contexte inflationniste (+5,4% sur un an en mai 2022), dans le sillage de la banque centrale sud-africaine, compte tenu de l’appartenance du pays à la zone rand (Common Monetary Area), devrait peser sur la consommation et sur l’investissement. Enfin, les difficultés persistantes de l’économie sud-africaine vont continuer d’affecter la Namibie.

En l’absence de réformes structurelles, la croissance potentielle du pays restera faible (aux alentours de 2%) – amélioration du climat des affaires, réformes des entreprises publiques et des services clefs (énergie et transport notamment) en vue d’améliorer la compétitivité de l’économie, etc.

2.2. Situation des finances publiques

Le pays a enregistré des déficits importants au cours de toute la décennie 2010 – 6% du PIB en moyenne par an. A partir de 2016, la forte réduction des dépenses publiques a affecté la croissance de manière significative et à leur tour les rentrées fiscales, limitant ainsi la capacité du gouvernement à contenir le déficit. En parallèle, les recettes douanières issues de la Southern African Custom Union (SACU), ont baissé de plusieurs points de PIB –continuant toutefois de représenter plus d’un tiers des revenus de l’Etat. Du côté des dépenses, la situation budgétaire a été grevée par l’augmentation substantielle du poids du service de la dette (de 5% des revenus pour l’exercice 2015-2016 à près de 12% en 2019-2020 et 15% anticipés pour l’exercice 2022-2023) et par les difficultés de certaines entreprises publiques, que l’Etat doit aider financièrement.

La crise de la Covid-19 s’est traduite par un creusement important du déficit public, qui a atteint près de 8% du PIB pour l’exercice 2020-21 – dû en grande partie à l’augmentation des dépenses (plan de soutien budgétaire : augmentation des dépenses de santé, subventions à l’emploi, transferts sociaux, etc.), tandis que les revenus de l’Etat ont été relativement préservés (-1 point de PIB).

Pour l’exercice 2021-22, le déficit a continué à se creuser pour atteindre 9% du PIB, du fait principalement de la baisse de 10% des revenus de l’Etat, fortement affectés par le recul des recettes douanières issues de la SACU, en lien avec la chute du commerce extérieur de la zone en 2020 – décalage entre l’année de collecte et de distribution des droits de douane. Les dépenses ont également reculé, mais à un rythme moins soutenu (-3%) – avec une préoccupation sur l’équilibre entre investissement et fonctionnement. La dégradation continue des comptes publics ces dernières années (malgré un effort indéniable d’assainissement depuis plusieurs années – mais maladroit et récessif) a poussé les agences Moody’s et Fitch à dégrader leur notation souveraine du pays en avril et juin 2022, respectivement trois et quatre crans en territoire spéculatif.

Pour l’exercice en cours (2022-23), le gouvernement table sur une réduction du déficit à 6% du PIB – grâce à une augmentation des revenus de 12% (surprofits de l’industrie minière, retour des revenus de la SADC à des niveaux proches de la normale), conjuguée à une hausse moins soutenue des dépenses (+2%).   

Sur le plan des entreprises publiques, la mise en œuvre du plan de privatisation présentée dans le budget 2021-2022 se poursuit, mais lentement. L’entreprise MTC (leader pour la téléphonie mobile) a été partiellement privatisée en novembre 2021 (49% du capital cotée à la Namibia Stock Exchange pour 2,5 Mds NAD soit 150 MEUR) et la liquidation d’Air Namibia a été actée. On ignore encore le sort de plus d’une vingtaine d’entreprises publiques.

L’accumulation des déficits a entraîné une augmentation rapide de la dette publique, dont le poids est passé de 16% du PIB en 2010 à 70% du PIB fin 2021. La structure de la dette publique namibienne a évolué de manière significative depuis le déclenchement de la crise. D’une part, le gouvernement a davantage fait appel au marché domestique pour couvrir ses besoins de financement – le poids de la dette en NAD a ainsi augmenté de cinq points, pour atteindre près de 70% de la dette publique fin 2021. D’autre part, au sein de la dette externe, le poids de la dette multilatérale a augmenté de 20 points entre fin 2019 et fin 2021, pour atteindre 40% – financements d’urgence octroyés par le FMI et la Banque Africaine de Développement (BAfD). Les Eurobonds émis dans les années 2010 représentent toujours le gros de la dette externe (environ 50%), même si leur poids a diminué de 7 points, suite à l’arrivée à échéance d’un des deux titres en novembre 2021. S’agissant toujours de la dette externe, le gouvernement a indiqué qu’il souhaitait renforcer sa présence sur le marché sud-africain (5% de la dette externe à ce jour) – ce qui, au-delà de ses autres mérites, rend l’arrimage du NAD au ZAR plus décisif encore pour limiter le risque de change. Le reste de la dette publique externe consiste en des prêts bilatéraux (7%) – auprès de la KfW principalement.

3. Relations avec la communauté financière internationale

Longtemps la stratégie des autorités a consisté à limiter l’endettement vis-à-vis des bailleurs, privilégiant les marchés financiers afin d’assurer le financement des principaux projets d’infrastructures et des déficits. Toutefois, pour faire face aux besoins additionnels liés à la crise de la Covid-19, le gouvernement a fait appel à un financement d’urgence du FMI (Rapid Financing Instrument), d’un montant de 270 MUSD, décaissé en avril 2021. La Namibie a aussi bénéficié d’un financement de 100 MUSD de la part de la BAfD en mars 2021, portant à près de 800 MUSD son enveloppe de projets actifs (une dizaine) dans le pays – dont plus de 60% en souverains – principalement dans le domaine des transports, de l’agriculture, de l’éducation et du développement économique. Depuis ces deux financements, la Namibie n’a pas fait appel à nouveau aux institutions financières internationales. La Banque Mondiale n’a aucun financement actif dans le pays, le dernier projet ayant été engagé en 2008.

4. Aide publique au développement de la France

Entre 2018 et 2020 (dernières données disponibles), la Namibie a reçu en moyenne 150 MUSD de versements bruts d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité provenait de l’Allemagne (près de 50%) et des Etats-Unis (plus de 40%). Sur la période, la France a été le troisième pays contributeur à l’APD bilatérale (7 MUSD en moyenne par an, soit 5% du total). Ces dernières années, l’AFD a principalement engagé des ressources pour financer le développement du micro-crédit (ligne de crédit de 15 MUSD en faveur de NamPost). Elle a aussi soutenu la transition énergétique et environnementale du pays via des lignes de crédit Sunref en faveur de trois banques commerciales. Elle a par ailleurs financé de l’expertise technique : (i) développement des partenariats publics-privés (infrastructures portuaires et logistiques de Walvis Bay) ; (ii) renforcement des compétences des autorités locales dans la gestion de l’eau et de la sècheresse ; (iii) soutien à l’émergence de nouvelles sources de revenus pour la protection de la biodiversité.

5. Relations économiques avec la France

5.1. Échanges commerciaux avec la France

Le commerce bilatéral entre la France et la Namibie a progressé de 55% en 2021, pour atteindre 121 MEUR. Cette dynamique s’explique à la fois par une nette progression des exportations (+37% à 19 MEUR – forte augmentation des ventes de produits métallurgiques et métalliques et dans une moindre mesure de produits chimiques) et des importations (+58% à 102 M EUR, portées notamment par une reprise des achats d’uranium, dont la France est un client historique). Le commerce bilatéral a progressé pour la troisième année consécutive, bien qu’il reste nettement en deçà du niveau observé au début de la décennie (point haut de 315 MEUR en 2012). Si la Namibie est un fournisseur stratégique sur le plan énergétique (mais de manière erratique, en fonction de l’évolution des cours de l’uranium), il reste un partenaire commercial marginal, en raison notamment de l’étroitesse de son marché.

5.2. IDE et présence française

Une quinzaine d’entreprises françaises sont implantées en Namibie, employant plus de 300 personnes. Il s’agit principalement de grandes entreprises opérant dans les secteurs minier (Orano), énergétique (Total et Innosun, producteur indépendant d’électricité exploitant des parcs solaire et éolien) et du transport et de la logistique (Bolloré et CMA-CGM). Les autres secteurs représentés sont : l’eau et l’assainissement avec Veolia (traitement des eaux usées de Windhoek et traitement d’effluents industriels) ; les gaz industriels (Air Liquide) ; la métallurgie (3C Metal Belmet), le BTP (Colas et Freyssinet) ; l’agroalimentaire (Pernod-Ricard) ; les services (JCDecaux, Bureau Veritas et BNP-Paribas via sa filiale sud-africaine RCS – crédit à la consommation) ; le tourisme (employeur important pour les Français établis en Namibie) et l’hôtellerie (rachat d’un hôtel à Windhoek par le fonds d’investissements Kasada, associé au groupe Accor).

 

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