Fiche pays Namibie (mai 2023)

 L’économie namibienne, qui peinait déjà à sortir de plusieurs années de récession, a été durement affectée par la crise de la Covid-19. Après une chute du PIB de 8% en 2020, l’économie a ensuite enregistré une reprise progressive (+2,7% en 2021 et +3,8% en 2022), portée principalement par les performances du secteur minier (+22% en 2022). Celle-ci devrait se poursuivre en 2023, malgré un ralentissement attendu dans le secteur minier. Le niveau élevé des taux d’intérêt d’une part et la consolidation fiscale en cours d’autre part devraient toutefois contraindre la demande interne et donc la reprise. Le défi pour les autorités est aujourd’hui double : (i) conduire les réformes structurelles identifiées de longue date pour relancer la croissance ; (ii) poursuivre l’ajustement budgétaire sans fragiliser la reprise.

1. Situation économique et politique

1.1. Situation politique

Hage Geingob quittera la présidence de la République en mars 2025, après dix années à la tête du pays. La South West Africa People's Organization (SWAPO), parti au pouvoir depuis l’indépendance, a désigné Netumbo Nandi-Ndaitwah, l’actuelle vice-première ministre et ministre des relations internationales et de la coopération, comme sa candidate pour les prochaines élections présidentielles, qui se tiendront en novembre 2024. Faute d’alternative crédible, la SWAPO devrait conserver le pouvoir, malgré un fort déclin (56% des voix pour M. Geingob lors des élections de 2019, contre 87% lors des élections de 2014), dans un contexte marqué par plusieurs affaires de corruption. Entre 2015 et 2022, la Namibie a perdu quatorze places au classement Transparency International, où elle figure à la 59ème place (sur 180 pays). Au niveau de l’Afrique sub-saharienne, le pays fait toutefois figure de bon élève, sixième derrière les Seychelles, le Botswana, le Cap Vert, le Rwanda et Maurice.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

Avec un PIB de 12 Mds USD en 2022, la Namibie est une petite économie. Mais avec une population de 2,5 M d’habitants, elle se classe aussi dans le top 10 des pays d’Afrique sub-saharienne les plus riches (PIB par tête de 4 750 USD). Sur le plan social, le pays est dans une situation relativement plus favorable que ses voisins, même s’il souffre des mêmes maux. Le taux de pauvreté y est plus faible (19,4% en 2022 au seuil de 2,15 USD par jour – contre 24% en 2010), mais a augmenté de 2,5 points par rapport à 2019 sous l’effet la crise de la Covid. Avec 21% en 2022, le taux de chômage est aussi parmi les moins élevés de la sous-région, même s’il a augmenté de deux points depuis 2019. En revanche, les inégalités sont parmi les plus importantes au monde, comme en Afrique du Sud, et l’insécurité alimentaire a augmenté dans le sillage de la guerre en Ukraine, le pays important plus de 50% de sa nourriture. En 2021, la Namibie s’est classée au 9ème rang des pays d’Afrique subsaharienne en termes d’indice de développement humain et 139ème sur 191 pays au niveau mondial.

Malgré la petite taille de son marché, l’économie namibienne dispose d’atouts non-négligeables : un régime politique stable, des institutions solides, un secteur financier sophistiqué (majoritairement contrôlé par des capitaux sud-africains) et un fort potentiel dans les services – logistique et numérique, notamment. Cependant, elle est peu diversifiée, reposant en grande partie sur les industries extractives (diamant non travaillé et uranium principalement – environ 11% du PIB et plus de 50% des recettes d’exportation sur l’année 2022) et sur le tourisme (environ 10% du PIB). Le secteur public représente aussi un poids relativement élevé (12% du PIB), largement financé par la rente. Enfin, l’économie namibienne est très dépendante de la situation en Afrique du Sud (distribution, immobilier, recettes douanières et commerce extérieur – deuxième débouché derrière la Chine, avec 17% des exportations en moyenne sur les cinq dernières années).

2. Conjoncture et finances publiques

2.1. Conjoncture économique

Entre 2010 et 2015, la Namibie a enregistré un taux de croissance annuel moyen supérieur à 5%, soutenu par la bonne orientation des prix des matières premières et par une politique budgétaire expansionniste. Mais le pays est entré en récession dès l’année suivante, en raison de la fin du super-cycle des matières premières et de sécheresses répétées, qui ont fortement affecté le secteur agricole. Dans ce contexte, le gouvernement a engagé un effort soutenu d’assainissement budgétaire, qui s’est traduit par une réduction significative de l’activité, les administrations publiques représentant le premier secteur de l’économie.

Alors qu’elle était déjà fragilisée, l’économie namibienne a été très affectée par la crise de la Covid-19 : en 2020, le PIB s’est contracté de 8,0%. L’économie a ensuite enregistré une reprise progressive (+2,7% en 2021 et +3,8% en 2022 selon le FMI), portée principalement par les performances du secteur minier (+22% en 2022 selon Namstats). Celui-ci, et notamment le sous-secteur des diamants (+45% en 2022), a bénéficié de cours élevés, d’une demande soutenue (report de la demande auparavant adressée à la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine), et de la mise en service de nouvelles capacités de production (bateaux extracteurs de diamants). A noter que l’activité s’est intensifiée dans la quasi-totalité des secteurs économiques en 2022, dont les secteurs manufacturier (+5%), du commerce (+6%) et de la production d’eau et d’électricité (+10%), les secteurs de la construction (en crise depuis plusieurs années) et des administrations publiques enregistrant en revanche une contraction.

Pour 2023, les prévisions de croissance oscillent entre 2,6% (BAfD) et 3,3% (Banque centrale namibienne). La croissance du secteur minier devrait se poursuivre, quoiqu’à un rythme moins soutenu qu’en 2022. Le tourisme pourrait également poursuivre sa reprise. En revanche, l’agriculture serait contrainte par les prix élevés et la disponibilité des intrants, conséquences de la guerre en Ukraine. Les secteurs industriel et de la construction devraient bénéficier des investissements attendus pour la prospection offshore d’hydrocarbures (groupes Shell et Total Energies) et, dans une moindre mesure, de la poursuite des investissements dans le domaine des énergies renouvelables (solaire et éolien). Par ailleurs, la remontée rapide des taux d’intérêt (+4 points entre décembre 2021 et juin 2023, pour atteindre 7,75%) dans le sillage de la banque centrale sud-africaine (compte-tenu de l’appartenance du pays à la zone rand - Common Monetary Area), et ce malgré la décélération de l’inflation (+4,7% sur un an en août 2023, après un pic de 7,2% en février et mars 2023), devraient peser sur la consommation et sur l’investissement. Enfin, les difficultés persistantes de l’économie sud-africaine continueront d’affecter la Namibie.

En l’absence de réformes structurelles (amélioration du climat des affaires, réformes des entreprises publiques et des services clefs - énergie et transport notamment - en vue d’améliorer la compétitivité de l’économie), la croissance potentielle du pays restera limitée (aux alentours de 2,6%). La Namibie se positionne toutefois comme un pays leader sur l’hydrogène vert, lui ouvrant de nouvelles perspectives de croissance.

2.2. Situation des finances publiques

Le pays a enregistré des déficits importants au cours de toute la décennie 2010 – 6% du PIB en moyenne par an. A partir de 2016, la forte réduction des dépenses publiques a affecté de manière significative la croissance puis les rentrées fiscales, limitant ainsi la capacité du gouvernement à contenir le déficit. En parallèle, les recettes douanières issues de la Southern African Custom Union (SACU) ont baissé de plusieurs points de PIB – continuant toutefois de représenter plus d’un tiers des revenus de l’Etat. Du côté des dépenses, la situation budgétaire a été grevée par l’augmentation substantielle du poids du service de la dette (de 5% des revenus pour l’exercice 2015-2016 à 14,8% anticipés pour l’exercice 2023-2024) et par les difficultés de certaines entreprises publiques, que l’Etat doit aider financièrement.

La crise de la Covid-19 a entrainé un creusement important du déficit public au cours des exercices 2020/21 (8,1%) et 2021/22 (8,8%), poussant les agences Moody’s et Fitch à dégrader leur notation souveraine du pays en avril et juin 2022, respectivement trois et quatre crans en territoire spéculatif.

La situation budgétaire du pays se serait légèrement améliorée sur l’exercice 2022/23 (déficit de 7,3% selon le FMI). Le gouvernement a, quant à lui, communiqué sur un déficit de 5,2% (contre une prévision de 5,6% dans le budget initial, arguant de recettes plus élevées qu’attendu : +7,5% sur l’exercice, portées par la TVA et l’impôt sur le revenu).

Pour l’exercice en cours (2023/24), le gouvernement table sur une réduction du déficit à 4,2%, anticipant même un excédent primaire de +0,4% du PIB sur l’exercice – grâce à une augmentation des recettes (+16,5%), conjuguée à une hausse moins soutenue des dépenses (+9,7%). Les recettes, portées par les revenus douaniers en provenance de la South African Customs Unions (32,6% des recettes totales, en augmentation de 72% par rapport à l’exercice précédent), bénéficieraient ainsi à plein de la reprise du commerce extérieur sur l’exercice.

L’accumulation des déficits a entraîné une augmentation rapide de la dette publique, dont le poids est passé de 16% du PIB en 2010 à 71,3% du PIB fin 2022. La structure de la dette publique namibienne a évolué de manière significative depuis le déclenchement de la crise. D’une part, le gouvernement a davantage fait appel au marché domestique pour couvrir ses besoins de financement – le poids de la dette en NAD est ainsi passé de 67% fin 2019 à 75% de la dette publique fin 2022. D’autre part, au sein de la dette externe, le poids de la dette multilatérale a augmenté de 19 points entre fin 2019 et fin 2022, pour atteindre 54% – financements octroyés par le FMI et la Banque Africaine de Développement (BAfD). Les Eurobonds émis dans les années 2010 représentent toujours le gros de la dette externe (environ 37%), même si leur poids est en nette diminution (-18 points par rapport à 2020), suite à l’arrivée à échéance d’un des deux titres en novembre 2021 (le second arrivant à échéance en 2025). S’agissant toujours de la dette externe, si le gouvernement avait indiqué l’année dernière vouloir renforcer sa présence sur le marché sud-africain, un mouvement inverse a en réalité été constaté (1,4% de la dette externe fin 2022 contre 6,3% fin 2021). Le reste de la dette publique externe consiste en des prêts bilatéraux (7,3%) – auprès de la KfW principalement. 

3. Relations avec la communauté financière internationale

Si les autorités ont longtemps cherché à limiter l’endettement du pays vis-à-vis des bailleurs internationaux, la crise de la Covid-19 a marqué le début d’un changement de stratégie. Le gouvernement a ainsi fait appel, en avril 2021, à un financement d’urgence du FMI (Rapid Financing Instrument) d’un montant de 270 MUSD. La Namibie a aussi bénéficié de financements de 100 MUSD (mars 2021) et 135 MUSD (septembre 2022) de la part de la BAfD, portant à près de 514 MUSD son enveloppe de projets actifs (une dizaine) dans le pays – dont la quasi-intégralité en prêts souverains – principalement dans les domaines de l’eau, du développement économique, des transports, de l’agriculture et de l’éducation. La Banque mondiale pourrait également, après quinze ans d’absence, reprendre un rôle de premier plan en Namibie : on recense en effet deux projets de prêts au profit de l’électricien public Nampower pour l’amélioration de son réseau de transmission et le développement de la filière renouvelable. L’institution financière est également présente via ses filiales : l’IFC (un unique projet actif signé en 2021) et la MIGA (six projets actifs, dont un nouveau partenariat dans le secteur du tourisme signé en 2023, le premier depuis quatre ans).

4. Aide publique au développement de la France

 Entre 2019 et 2021 (dernières données disponibles), la Namibie a reçu en moyenne 168 MUSD de versements bruts d’Aide Publique au Développement (APD) par an de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité provenait de l’Allemagne (près de 50%) et des Etats-Unis (40%). Sur la période, la France a été le troisième pays contributeur à l’APD bilatérale (7 MUSD en moyenne par an, soit 4% du total). Elle a notamment financé de l’expertise technique : (i) développement des partenariats publics-privés (infrastructures portuaires et logistiques de Walvis Bay) ; (ii) renforcement des compétences des autorités locales dans la gestion de l’eau et de la sécheresse ; (iii) soutien à l’émergence de nouvelles sources de revenus pour la protection de la biodiversité. Elle a plus récemment élargi son portefeuille en s’engageant dans la transition énergétique et environnementale du pays. Elle finance notamment un prêt à Nampower pour la construction d’une centrale biomasse (100 MEUR) et des lignes de crédit Sunref en faveur de trois banques commerciales (15 MUSD). A la fin de l’année 2023, le portefeuille de l’AFD devrait ainsi atteindre 191 MEUR, contre 67,7 MEUR fin 2021.

 

5. Relations économiques avec la France

5.1. Échanges commerciaux avec la France

Les échanges commerciaux entre la France et la Namibie ont progressé de 24% en 2022, pour atteindre 152 MEUR. Cette dynamique s’explique principalement par la forte progression des importations (+29% à 132 MEUR), les exportations ayant au contraire peu évolué sur l’année (+3% à 20,5 MEUR). La France enregistre un déficit commercial structurel avec la Namibie, qui a atteint 111 MEUR en 2022, soit un point haut depuis 2016. Le commerce bilatéral a progressé pour la quatrième année consécutive, bien qu’il reste toujours nettement en deçà des niveaux observés au début de la décennie (point haut de 315 MEUR en 2012). Si la Namibie est un fournisseur stratégique sur le plan énergétique, elle reste un partenaire commercial marginal, en raison notamment de l’étroitesse de son marché et du caractère peu diversifié des échanges (uranium et poisson).

5.2. IDE et présence française

Une douzaine d’entreprises françaises sont implantées en Namibie, employant près de 300 personnes. Il s’agit principalement de grandes entreprises opérant dans les secteurs énergétique (Total et Innosun, producteur indépendant d’électricité exploitant des parcs solaire et éolien – Total Energies explore activement le bassin d’Orange pour développer ses activités de gaz) et du transport et de la logistique (Bolloré et CMA-CGM). Les autres secteurs représentés sont : l’eau et l’assainissement avec Veolia (traitement des eaux usées de Windhoek et traitement d’effluents industriels) ; les gaz industriels (Air Liquide) ; la métallurgie (3C Metal Belmet), le BTP (Colas et Freyssinet) ; l’agroalimentaire (Pernod-Ricard) ; les services (JCDecaux et Bureau Veritas) ; le tourisme (employeur important pour les Français établis en Namibie) ; les mines (Orano – mine actuellement à l’arrêt) et l’hôtellerie (rachat d’un hôtel à Windhoek par le fonds d’investissements Kasada, associé au groupe Accor).

Hydrogène de France (HDF) développe par ailleurs un projet d’approvisionnement énergétique pour la ville de Swakopmund, avec sa technologie Renewstable (procédé de conversion de l'énergie photovoltaïque en hydrogène – Power to Power – qui vise à limiter l'intermittence de la production d'énergies renouvelables). Ce projet joue un rôle de démonstrateur crucial pour l’entreprise, qui pourrait à terme étendre son développement en Afrique australe.

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