Situation économique et financière du Mozambique

1 – Contexte économique marqué par l’incertitude depuis la crise post-électorale de fin 2024

Dans un climat politique et social qui s’est progressivement apaisé depuis la prise de fonctions, le 15 janvier, du Président Daniel Chapo, le contexte économique n’est plus aussi sombre que fin 2024 / début 2025, mais demeure incertain.

 En termes de croissance économique, le pays est en récession depuis octobre 2024. Le PIB a chuté de -4,9 % en glissement annuel au T4 2024 (après +3,7% au T3). Cette contraction brutale, plus forte encore en rythme trimestriel que celle enregistrée au pire de la crise du Covid-19, a fait chuter la croissance annuelle à 1,9 %, bien en dessous des 5,5 % prévus par la Loi de finances initiale. Par ailleurs, les coupes effectuées dans les programmes de l’USAID – en 2024 : 500 MUSD en aide publique au développement (20% du total de l’APD reçue par le Mozambique) et 105 MUSD en aide humanitaire (plus de 50% du total) - pèsent sur la situation économique et sociale, de sorte que les perspectives de croissance pour 2025 sont mitigées, avec un maintien en territoire négatif au moins durant le T1. La prévision du FMI est à 2,5 %, inférieure donc, pour la seconde année consécutive, au taux de croissance démographique (2,8%), tandis que les autorités tablent sur une croissance de 2,9%

 En matière monétaire et de change,  le stock de demandes de change non satisfaites aurait dépassé les 600 millions USD au T1 2025, et les délais d’accès aux devises atteignent 3 à 6 mois. Tout en imputant cette situation à des problèmes techniques relevant des banques commerciales, la Banque du Mozambique (BdM) a adopté début 2025 plusieurs mesures salutaires (augmentation à 50% du taux de conversion en monnaie locale des recettes d’exportation ; réduction à 29,5 % pour les devises étrangères du taux de réserves obligatoires des banques commerciales ; etc.), mais sans parvenir encore à véritablement stabiliser le marché des changes.

 Sur le plan des finances publiques, l’endettement intérieur continue à fortement augmenter : +8,4 % sur les trois premiers mois de 2025, atteignant 28,7 % du PIB fin mars. Une crise de refinancement a conduit à la reconversion d’obligations d’Etat échues en mars (3,7 milliards MZN, soit 54 MUSD) en nouveaux titres à taux réduit et à maturité reportée de 5 ans. Cette détresse de dette interne s’est traduite par des dégradations des notations de crédit en monnaie locale de S&P (SD (Selective Default)) et Moody’s (Caa3), après celle de Fitch en février sur la dette externe. Dans l’attente qu’aboutissent les négociations lancées début mai 2025 avec le FMI pour un nouveau programme, la situation est délicate également sur le plan de l’aide budgétaire externe, sujet entré progressivement en souffrance depuis fin 2023 avec la suspension des versements du programme triennal de la Banque Mondiale (500 MUSD dont seulement 60% a finalement pu être décaissé) puis avec l’interruption avant terme, fin avril 2025, du programme FEC du FMI (457 MUSD 2022/2025, décaissé à 66% seulement). La réduction de la masse salariale de la fonction publique, qui constitue à la fois un point dur de la position du FMI / BM et un sujet difficile à réformer pour l’Etat mozambicain dans la situation politique actuelle, demeure le principal point d’achoppement.

 

2 – Espoir d’une sortie de récession rapide

La magnitude de la crise auquel le pays a été confronté fin 2024 a paradoxalement fait ressortir la force de ses capacités de résilience, notamment en matière d’inflation - qui a pu être contenue à des niveaux raisonnables : 4,8 % en février 2025 ; perspective à 6,1 % fin 2025 - et de stabilité monétaire, la monnaie locale, le Metical (MZN), continuant à évoluer dans l’étroite bande de fluctuation définie en juin 2021, autour de 63,9 MZN/USD. Sur le plan externe, les réserves internationales, bien qu’en légère diminution lors de la crise de fin 2024, restent solides, à l’équivalent de 5,3 mois d’importations début 2025. La BdM a ainsi pu continuer sa politique d’assouplissement monétaire, et a pu de nouveau abaisser son taux directeur en mars 2025, à 11,75 %, soit 550 points de base de réduction depuis janvier 2024. Lors de leurs exercices de réévaluation de début 2025, Moody’s (Caa2) et S&P (CCC+) ont maintenu inchangée leur notation du risque souverain, seul Fitch l’ayant dégradée d’un cran (CCC).

Ces éléments facilitent la sortie de récession, d’autant plus que le principal moteur de la croissance, le secteur extractif, dont le gaz, enregistre début 2025 plusieurs avancées majeures qui réinsufflent confiance aux milieux d’affaires.  Les annonces consécutives, en mars, sur deux projets majeurs dans le secteur du gaz naturel liquéfié (GNL) ravivent la confiance : TotalEnergies a obtenu fin mars l’approbation de l’US EXIM Bank pour un prêt de 4,7 Mds USD pour le projet Mozambique LNG (investissement total : 23 Mds USD) ; le projet Coral Norte FLNG, porté par ENI, a vu son Plan de Développement approuvé début avril. Ce projet de 7,2 Mds USD devrait produire 3,5 mtpa de GNL à partir de 2028, avec une décision finale d’investissement attendue pour l’été 2025. L’autre mégaprojet de GNL, Rovuma LNG de ExxonMobil (26 Mds USD), quant à lui, a confié fin 2024 la réalisation d’études FEED aux deux consortiums concurrents (dont un emmené par Technip Energies) susceptibles de porter le projet en EPC et indique qu’il prendrait sa décision finale d’investissement en 2026. Enfin, les préparatifs du projet de barrage hydroélectrique de Mphanda Nkuwa (5 Mds USD, plus 2 Mds USD pour les lignes de transmission) avancent à bon rythme, laissant espérer la signature avec l’Etat mozambicain des termes de la concession, qui serait confiée à une société jointe emmenée par EDF.

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