MEXIQUE
Mexique - L’insolent dynamisme des exportations françaises de produits agricoles et agroalimentaires vers le Mexique
Les exportations agricoles et agroalimentaires françaises vers le Mexique ont plus que doublé en 5 ans pour atteindre en 2023 un niveau inédit (441 M€). Confirmée en 2024, cette dynamique est portée par les vins et spiritueux, mais bénéficie désormais aussi aux céréales, aux produits d’épicerie, aux aliments pour animaux, et aux semences. Ces flux sont tirés par un contexte économique favorable, ainsi que par de récentes mesures tarifaires. La balance commerciale agro-alimentaire, à l’équilibre il y a 5 ans, devient nettement favorable à la France (+26M€), qui est ainsi devenue le 8ème fournisseur du Mexique en produits agricoles et agroalimentaires. Dans un contexte de menace de guerre commerciale avec le 1er fournisseur, et de modernisation de l’accord UE-Mexique, cette dynamique favorable a toutes les chances de s’amplifier.
I. La hausse constante des exportations françaises témoigne de ressorts solides.
I.1. Une croissance malgré la pandémie et les barrières sanitaires
Les exportations françaises de produits agricoles et agroalimentaires sont passées de 209 M€ à 441 M€ entre 2019 et 2023, soit une hausse de 111% (fig.1). Cette hausse a été constante sur la période et se confirme en 2024 (442 M€ entre janvier et novembre). Elle n’est pas uniquement due à un effet prix puisqu’elle se retrouve également en volumes. La pandémie a fortement affecté la consommation dans certains secteurs, mais sans ralentir la dynamique globale des exports. En effet, en 2020 la baisse des exportations de vins, de spiritueux, des produits d’épicerie et des produits laitiers a été compensée par l’augmentation de céréales (principalement de l’orge et du blé). L’année 2021 enregistre la plus forte hausse des exportations (+46%) en raison du rattrapage important des vins et spiritueux lié à la sortie de crise covid.
La dynamique des exportations s’accroit malgré les difficultés d’accès au marché liées à des restrictions sanitaires et phytosanitaires. Les importantes baisses de moyens des autorités sanitaires sous la mandature de Lopez Obrador, combinées à une certaine lourdeur bureaucratique et à des difficultés dans les points d’entrée, contribuent à ralentir les procédures d’ouverture de marché, d’obtention des agréments et d’opération d’import. Cette « viscosité administrative » a par exemple conduit en 2024 à huit cas de blocages de lots en douane pour lesquels le SER a dû intervenir, à la suspension de l’ensemble des agréments pour la viande de porc et de certains agréments pour l’alimentation animale, et au blocus des importations de génétique aviaire et bovine en raison des cas de grippe aviaire et de MHE. Or la dynamique globale des exports se poursuit.
La France enregistre un excédent commercial agri/alim depuis 2018 qui n’a cessé d’augmenter depuis pour atteindre 26 M€ en 2023 (fig.1). Affectées par la pandémie, les exportations mexicaines de produits agricoles à destination de la France n’ont pas récupéré leur niveau de 2019. Elles sont composées principalement de Tequila, d’avocats, de fruits et de café, et représentaient 182 M€ en 2019 contre 173 M€ en 2023.
I.2. Des ressorts liés au contexte économique mexicain favorable et à certaines mesures tarifaires
Les exportations françaises sont d’abord tirées par des fondamentaux solides liés au marché mexicain. Pays de 130 M d’habitants, le Mexique se distingue par une démographie jeune (un mexicain sur deux a moins de 35 ans) et en hausse (+0.9% en 2023). La croissance du PIB est soutenue (3.2% en 2023) tirée par une hausse de la consommation et des investissements, même si le contexte s’est dégradé en 2024. L’industrie agroalimentaire est une des plus dynamiques du pays (1er exportateur de bières et de biscuits au monde) et est la seule à avoir continué à croitre durant la pandémie, ce qui a également eu comme effet de tirer les importations de matières premières (ex : orge). De manière plus conjoncturelle l’offre française a pu être favorisée par l’appréciation significative du peso mexicain depuis la reprise post-Covid (la plus forte depuis 1995) combinée à une augmentation de 50 % du taux de change entre avril 2020 et avril 2024 (+10,3 % face à l’euro en 2023).
L’assouplissement tarifaire explique probablement aussi en partie cette dynamique. L’accord entre l’UE et le Mexique, entré en vigueur en 2001, a contribué à supprimer progressivement les droits de douane pour certaines catégories de produits, comme le vin (zéro droit de douane depuis 2008), mais de nombreuses lignes tarifaires restent fortement taxées (45% sur certains fromages par exemple). Or, la forte inflation alimentaire générée par la guerre en Ukraine a conduit le Gouvernement mexicain à prendre en mai 2022 des mesures de suspension temporelle des droits de douane pour une série de produits alimentaires. Ces mesures ont été prolongées à plusieurs reprises et le nouveau Gouvernement a confirmé par un décret du 31 décembre 2024 que malgré quelques amendements, il n’entendait pas y mettre fin dans l’immédiat. Ces concessions tarifaires cependant s’appliquent à toutes origines confondues, contrairement à celles de l’accord UE, dont la version modernisée devrait considérablement favoriser les produits européens une fois entré en vigueur.
II. Si les vins et spiritueux continuent de dominer ces exportations, de nouvelles filières s’imposent
II.1. Un triplement des exportations de vins et spiritueux, marché dans lequel la France peut encore progresser.
Avec 187 M€ en 2023, les exportations françaises de vins et spiritueux progressent de 217 % en valeur sur 5 ans (fig2.). Le vin reste le premier produit exporté au Mexique en valeur à hauteur de 133 M€ en 2023. Une part importante est constituée de Champagne, dont les exportations ont presque doublé en volume entre 2019 et 2023 et enregistré une hausse de 269 % en valeur, pour un total de 96 M€. Les exportations de vins tranquilles progressent également à hauteur de 113% en valeur et de 131% en volume sur ces 5 dernières années.
La France occupe la 2ᵉ place des exportateurs de vin au Mexique en valeur, mais ne se classe qu'en 6ᵉ position en volume. En effet, si le Champagne représente un peu plus de 44 % du volume de vins français exportés, il représente près de 75 % de leur valeur. Si l’on considère uniquement les vins mousseux, la France est le 1er fournisseur du Mexique en valeur et le 3ᵉ en volume, après l’Espagne et l’Italie. Pour les vins tranquilles, la France occupe la 6ᵉ place en valeur et en volume, derrière l’Espagne, le Chili, l’Italie, l’Argentine et les États-Unis. En ce qui concerne les spiritueux, les exportations françaises ont triplé entre 2020 et 2023, marquant une reprise accélérée post-Covid. La valeur des exportations s’élevait à 53 M€ en 2023.
II.2. La hausse des exportations bénéficie à un nombre croissant de produits français
La France a exporté dix fois plus de céréales vers le Mexique en 2023 qu’en 2018, devenant le 6ème fournisseur du Mexique. Les exportations s’élèvent en 2023 à 93 M€ (256 000 t), alors qu’en 2018 elles étaient de 10M€ (22 000 t). Or, au-delà des volumes, la structure de ces exportations a aussi nettement changé sur la période. En 2018 la France n’exportait que du malt. L’ouverture du marché de l’orge en 2019 a permis dès cette année d’expédier pour 28M€, plaçant la France au deuxième rang des fournisseurs de cette matière première stratégique pour l’industrie de la brasserie en plein essor. La réouverture du marché chinois pour les orges australiennes en août 2023 a contribué à consolider la France sur le marché mexicain, avec 59 M€ (158 000 t) exporté en 2023. De même, si le Mexique n’importait aucun blé français en 2018, il en a importé en 2023 pour 30M€ (97 000 t).
Les exportations de produits d’épicerie ont progressé de 54% en 5 ans (44,5 M€ en 2023) (fig.3). La France gagne trois places parmi les fournisseurs de produits d’épicerie au Mexique. Les eaux minérales françaises trouvent un marché croissant au Mexique enregistrant une augmentation des exportations de 62,5% sur la période pour atteindre 13 M€. La France est devenue en 2023 le 2ème fournisseur de crème glacée du Mexique après les Etats-Unis (x2,7 en 5 ans) enregistrant des exportations à hauteur de 8 M€. Les produits de boulangerie ont progressé de 32 % en 5 ans atteignant 7 M€ en 2023. La France est aussi le 4ème fournisseur du Mexique en fécule de pommes de terre (5.3 M€ d’exportations en 2023 ; +141% en 5 ans.
Les exportations d’aliments pour animaux ont presque doublé sur la période passant de 20 M€ à 39 M€ ; celles de semences ont progressé de 26 % atteignant 19 M€. La France est le 3ème fournisseur de préparations pour animaux du Mexique après les Etats-Unis et le Canada, et le 8ème fournisseur de semences. En dehors des produits agricoles, la France a vu ses exportations d’engrais (86 M€), de produits phytosanitaires et d’équipement agricole et agroalimentaire augmenter de 28% en 5 ans.
Seuls les produits laitiers semblent souffrir un recul sur la période. Représentant moins de 4 % des exportations agricoles et alimentaires totales, les exportations de produits laitiers (16M€ en 2023) ont baissé de 27%, et n’ont pas retrouvé leur niveau prépandémie, en raison probablement de difficultés rencontrées par certains importateurs durant la pandémie et de la réorientation de la stratégie d’approvisionnement de certains grands acteurs français qui ont investi dans la fabrication sur le continent américain.
Pour les filières agricoles françaises, le Mexique ne présente ni la menace de barrières commerciales imprévisibles des Etats-Unis, ni le déséquilibre immense de la balance commerciale agricole du Brésil. Au de là de la bonne dynamique des échanges, il s’agit d’un partenaire d’autant plus stratégique qu’il devrait ouvrir l’accès à de nouveaux produits français en 2025 (ex pommes), que les liens avec son principal fournisseur sont incertains et que l’Accord UE-Mexique modernisé devrait offrir des gains de compétitivité aux produits d’origine européenne.
Annexes
- - Note méthodologique : Nous avons constaté que les données de TDM (Trade Data Monitor) concernant les déclarations commerciales du Mexique étaient erronées et sous-estimées. Ce phénomène, qui s’apparente selon les experts consultés à une dissimulation de données, semble avoir commencé en 2021. En comparant deux bases de données, l'une recensant les importations déclarées par les autorités mexicaines et l'autre fournissant des estimations des importations, nous observons une divergence croissante depuis 2021, alors qu’aucune différence notable n’était relevée auparavant. En 2023, cette divergence atteint 6 milliards de dollars pour les importations de produits agricoles et agroalimentaires en provenance de tous les pays du monde. Dans le cas spécifique de la France, la différence est de 241 millions de dollars. Les importations déclarées par les autorités mexicaines passent ainsi de 200 millions à 441 millions de dollars. Ce décalage ne se limite pas aux produits agricoles ou agroalimentaires : il concerne l’ensemble des secteurs et tous les types de biens importés par le Mexique. Après diverses consultations, nous avons décidé de baser notre analyse sur une base de données alternative fournie par TDM, jugée plus fiable et permettant de contourner le problème.