Mexique : Note de situation économique et financière

Après une croissance du PIB soutenue en 2023 (3,2 %), la hausse de la consommation et de l’investissement ayant compensé le ralentissement de la demande extérieure, les perspectives de croissance se sont considérablement dégradées en 2024, année d’incertitudes électorales au Mexique et aux Etats-Unis. L’année a également été marquée par une dégradation des finances publiques, qui se manifeste par un déficit public record, et par une forte dépréciation du peso. La politique monétaire restrictive mise en place en 2021, s’est légèrement assouplie avec une baisse cumulée de 125 points de bases en 2024 mais le degré de resserrement monétaire reste élevé au vu de la lenteur de la dissipation des pressions inflationnistes.

Activité économique | Une modération importante de la croissance en 2024 et des perspectives dégradées pour 2025

Le taux de croissance se serait établi à 1,2 % en 2024 et devrait encore ralentir en 2025 (1,4 % selon le FMI ; 0,6 % selon Banxico ; 0,8 % selon le consensus de marché).

Alors que la Banque centrale (Banxico) et le FMI avaient revu à la hausse leurs dernières prévisions de croissance pour 2024, les deux organismes tablant sur un taux de croissance de 1,8 %, l’activité économique aurait été significativement moins dynamique au cours de l’année 2024 (+1,2 % g.a.) et se serait en particulier contractée au dernier trimestre (-0,6 % g.t.). Le ralentissement de la croissance s’expliquerait principalement par les effets de la politique monétaire restrictive et les incertitudes politiques nationales et internationales pesant sur les dynamiques d’investissement. Moody’s a ainsi abaissé en novembre dernier sa perspective pour la note de crédit souverain de « stable » à « négative ». Les fortes incertitudes en lien notamment avec la politique commerciale américaine continuent de peser sur les perspectives de croissance pour 2025. De nombreuses analyses prévoient une contraction du PIB en cas d’application, même temporaire, de droits de droits douanes généralisés de 25 % sur toutes les importations américaines en provenance du Mexique.

Taux de chômage | Le taux de chômage a atteint son niveau le plus bas historiquement en 2024, clôturant l’année à 2,4 %. Alors que le salaire minimum a continué à augmenter (+20 % en 2024 ; +120 % depuis 2018), l’informalité touche toujours plus d’un travailleur sur deux (53,7 % de la population active fin 2024).

 Tableau de croissance
 
Taux de croissance
 
 

Décomposition PIB

 

Finances publiques | Un déficit public record en 2024 qui réduit les marges de la politique budgétaire en 2025  Finances publiques fin 2024 |

Finances publiques fin 2024 | Le déficit public se serait établi à -5,7 % du PIB en 2024, légèrement inférieur aux dernières prévisions (-5,9 %), mais atteignant un niveau record nettement supérieur au déficit cible du budget 2024 (-4,9 %). Les dépenses publiques réalisées en 2024 ont enregistré une croissance de 7,7 % g.a. (contre +4,3 % initialement prévu dans le budget), s’établissant à un niveau supérieur de 6,57 Mds USD aux dépenses approuvées. Cette hausse des dépenses est la conséquence de la politique budgétaire expansionniste adoptée par Andrés Manuel López Obrador (AMLO) pour sa dernière année de mandat qui visait notamment à achever de grands projets d’infrastructures comme le Tren Maya. Les recettes publiques n’auraient quant à elles augmenté que de 1,7 % g.a., grâce à la hausse des recettes fiscales (+4,7 % g.a.) compensant la baisse de 15,1 % g.a. des recettes pétrolières. La collecte des impôts aurait ainsi atteint un niveau historique de 14,6 % du PIB grâce aux mesures visant à accroître le taux de collecte, notamment auprès des grands contribuables. Le creusement du déficit a eu pour corolaire l’augmentation de la dette publique en 2024 (+12,3 % g.a.), cette dernière s’établissant à 51,4 % du PIB.

 

Finances publiques

Politique budgétaire | Le budget 2025 met l’accent sur la consolidation fiscale, prévoyant de ramener le déficit à 3,9 % du PIB, mais cet objectif semble ambitieux au vu des perspectives de croissance (le déficit devrait plutôt s’établir autour de 4,5 % en 2025 selon les dernières estimations). Pour la première année de mandat de la Présidente Claudia Sheinbaum, la politique budgétaire s’oriente vers une baisse des dépenses (-1,9 % en termes réels par rapport au budget 2024), et une hausse des recettes (+5,4 %) ce qui devrait permettre de dégager un solde primaire positif. Les recettes fiscales (66 % des recettes totales) devraient en particulier augmenter de +2,8 % mais aucune réforme fiscale, pourtant nécessaire pour garantir un niveau adéquat de dépenses sociales et d’investissement, en baisse dans le budget 2025, n’est à l’ordre du jour. Le niveau de la dette publique devrait se maintenir à 51,4 % du PIB en 2025.

 

Inflation | Une normalisation monétaire prudente sur fond de décélération de l’inflation Inflation |

 
Inflation
 
Inflation | Février 2025 – inflation globale : +3,77 % g.a. ; inflation sous-jacente : +3,65 % ; inflation non sous-jacente : 4,08 % g.a. | Après avoir enregistré une tendance à la hausse au S1 2024, l’inflation a réintégré une trajectoire descendante, clôturant l’année à 4,21 % g.a., soit son niveau le plus bas pour une fin d’année depuis 2020.  La composante sous-jacente de l’inflation, qui élimine de son calcul les biens et services dont les prix sont les plus volatils, a cependant enregistré une augmentation en décembre, s’établissant à 3,65 % g.a. et mettant fin à 22 mois consécutifs de baisse. La composante non sous-jacente, qui a enregistré des niveaux élevés au S2 2024 (+10,36 % en juillet 2024), a considérablement ralenti en décembre, s’établissant à 5,65 % g.a. L’inflation globale a de son côté réintégré la fourchette cible de Banxico (3 % ± 1) en janvier 2025 et devrait atteindre la cible de 3 % au T3 2026, une échéance qui a été plusieurs fois repoussée au vu de la persistance de l’inflation.
 
Politique monétaire | Février 2025 – taux directeur : 9,5 % | Banxico a procédé à 5 baisses de taux de 25 points de base (pbd) au cours de l’année 2024, amorçant un cycle de normalisation monétaire qui a porté le taux d’intérêt directeur à 10 % fin décembre. Après que la Réserve fédérale américaine (Fed) ait débuté son cycle de normalisation monétaire en novembre 2024 (-50 pdb), Banxico a procédé à ses deux dernières baisses de taux de l’année en ligne avec la Fed, maintenant un différentiel de taux à 550 pdb. En février 2025, Banxico a toutefois accéléré son cycle normalisation monétaire en réduisant son taux directeur de 50 points de base, alors que la Fed a maintenu inchangé ses taux en janvier, sur fonds d’accélération de l’inflation aux Etats-Unis. L’orientation de la politique monétaire mexicaine reste cependant restrictive.
 
Taux de change |  Après s’être fortement apprécié face au dollar en 2022 et 2023, le peso mexicain s’est déprécié d’environ 20 % en 2024, oscillant dans une fourchette comprise entre 16,33 et 20,72 MXN/USD.  Suite aux élections présidentielles de juin, qui ont suscité les préoccupations des milieux des affaires quant au risque d’absence de contre-pouvoirs lors du prochain mandat, le peso mexicain a enregistré plusieurs épisodes de dépréciation. Des facteurs externes en lien avec le durcissement de la politique monétaire japonaise, les élections présidentielles américaines et les tensions commerciales entre le Mexique et son voisin du Nord expliquent également la volatilité accrue du peso depuis le T2 2024.
 
Taux de change
 

Commerce extérieur | Une croissance soutenue des exportations qui font du Mexique le premier partenaire commercial des Etats-Unis dans un contexte de tensions diplomatiques et commerciales entre les deux pays


Total des échanges commerciaux |  Les exportations de marchandises mexicaines ont augmenté de 4,1 % en 2024 (contre +2,6 % en 2023), atteignant un montant total de 617 Mds USD, tandis que le déficit commercial s’est creusé de 50 % g.a. (8,2 Mds USD). Les importations mexicaines de marchandises ont en effet enregistré une croissance légèrement supérieure (+4,5 %) à celle des exportations, atteignant 625 Mds USD, ce qui marque une reprise après leur chute de 1,0 % en 2023. Dans le détail, les exportations de produits manufacturés, qui représentent 90 % des exportations totales, ont enregistré une croissance de 4,8 %, tandis que les exportations extractives non pétrolières et les exportations agricoles ont cru de 7,2 % et 18,6 % respectivement. Les exportations pétrolières ont en revanche enregistré une baisse de 14,4 %.

Relation bilatérale Mexique-Etats-Unis |  Le Mexique s’est positionné en 2024 comme le premier fournisseur des Etats-Unis pour la deuxième année consécutive (15,5 % contre 15,4 % en 2023), et a enregistré un excédent record vis-à-vis des Etats-Unis de près de 172 Mds USD (+12,7 % g.a.). Les exportations mexicaines vers les Etats-Unis ont atteint près de 506 Mds USD (+6,4 % g.a.) tandis que les importations américaines vers le Mexique se sont élevées à environ 304 Mds USD (+3,5 %). La part de Mexico dans le total des échanges des Etats-Unis est passée de 15,7 % à 15,8 % depuis 2023 tandis que les deux autres principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis ont vu leur part diminuer, passant de 15,2 à 14,3 % pour le Canada et de 11,3 à 10,9 % pour la Chine.
 
 

Investissements directs étrangers | Un dynamisme des IDE à destination du Mexique soutenu par la relocalisation des chaînes de valeur mondiale (nearshoring)


Flux d’IDE | En 2024, les flux d’IDE, captés à 54 % par l’industrie manufacturière, ont enregistré un nouveau record, s’élevant à 36,9 Mds USD (+2,3 % g.a.). Le réinvestissement des bénéfices continue de dominer les IDE, représentant 78 % du total des entrées, tandis que les nouveaux investissements ne dépassent pas 9 % et auraient enregistré une baisse de 34 % g.a. dans un contexte de fortes incertitudes. Les Etats-Unis sont les premiers investisseurs étrangers dans le pays avec 45 % des flux totaux, suivis du Japon (12 %) et de l’Allemagne (10 %) et du Canada (9 %).

Nearshoring | La relocalisation des chaînes de valeur mondiale (nearshoring) représente une opportunité majeure, mais encore sous-exploitée, pour la croissance mexicaine. La stagnation de la part des nouveaux investissements dans le total des IDE nuance l’optimisme concernant le dynamisme des relocalisations au Mexique, qui se mesure plutôt à l’aune des annonces d’investissements (575 pour un montant total de près de 171 Mds de janvier 2023 à septembre 2024). En outre, les récents développements internationaux ont eu tendance à suspendre les décisions d’investissements. Le pays connait cependant une forte croissance de ses parcs industriels (+70 % de 2019 à 2024 pour atteindre 463) et la Présidente Claudia Sheinbaum prévoit la construction d’au moins 100 parcs industriels supplémentaires au cours de son mandat.
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