Maldives : situation économique et enjeux structurels

Résumé : L’économie maldivienne poursuit sa reprise. Projetée à 12,4% en 2022 et à 8,2% en 2023 selon les dernières estimations de la Banque mondiale, la croissance bénéficie de la vigueur du secteur touristique, qui s’est montré plus résilient que prévu face aux chocs externes. Les autorités maldiviennes développent les projets en vue de capitaliser sur le potentiel de ce secteur. Si la réouverture des vols avec la Chine est effectivement prometteuse, la dégradation de la conjoncture économique internationale risque de tarir les flux touristiques. Par ailleurs ce tableau favorable ne doit pas faire oublier les fragilités structurelles de l’économie maldivienne, accentuées par les effets de la guerre russo-ukrainienne : déficits jumeaux importants, pression sur la balance des paiements courants, insoutenabilité de la dette publique. Les autorités, conseillées dans ce sens par le FMI et la Banque mondiale, cherchent à entamer une consolidation budgétaire : hausse des TVA générale et touristique, réforme des subventions publiques, limitation de l’émission de garanties. L’enjeu de rationalisation des dépenses d’investissement reste prégnant. Les autorités comptent néanmoins encore sur le soutien des partenaires bi- et pluri/multilatéraux, très actifs dans l’archipel (BMD, Inde et organisations du Golfe). Les principales réformes structurelles que l’archipel pourrait mettre en place concernent la gestion des finances publiques, la réduction des inégalités et la montée en compétences de la population, l’amélioration du climat des affaires et la diversification de l’économie, ainsi que l’adaptation au changement climatique.

I. Un secteur touristique qui détermine le cours de la croissance

1. La vigueur du tourisme est à l’origine de la reprise maldivienne

L’économie maldivienne, fortement dépendante du tourisme, a connu l’une des contractions les plus importantes au monde en 2020 (-33,5%) du fait de la pandémie de Covid-19, avant une reprise tout aussi dynamique en 2021, estimée à 41,7% (PIB à 5,2 Mds USD), avec l’arrivée de 1,3 M de touristes en provenance d’Inde en premier lieu (22% du total). En 2022, l’économie maldivienne devrait encore connaître une croissance forte, estimée à 12,4% par la Banque mondiale et 8,7% par le FMI, soutenue par la forte reprise du secteur touristique (qui compte traditionnellement pour un quart du PIB directement et jusqu’aux deux tiers indirectement) et les retombées associées dans les autres secteurs. En 2022, les entrées touristiques (1,7M d’entrées, +27% en g.a.) sont ainsi proches des niveaux records de l’année 2019 et les recettes associées bien supérieures (3,3 Mds USD et +30% en g.a. sur les dix premiers mois, +29% par rapport à 2019), portées notamment par l’allongement des séjours, le changement de profil des touristes et la désépargne post-Covid.

2. La guerre en Ukraine a modifié les flux touristiques et tiré l’inflation à la hausse

En 2021, la Russie et l’Ukraine étaient respectivement le 2e (16,8%) et le 9e (2,7%) pays d’origine des touristes ; en 2022, la Russie, après être tombée à la 3e place, a retrouvé la 2e place (12,1% des entrées) tandis que l’Ukraine a chuté à la 26e place (0,8%). Le coup d’arrêt aux vols Aeroflot en mars et avril a notamment entamé les flux en provenance de Russie, mais ceux-ci ont repris à un bon niveau depuis mi-mai. Le tourisme a néanmoins bénéficié de la bonne tenue des marchés traditionnels (Europe de l’Ouest) et de l’essor des nouveaux marchés (Inde, pays du Golfe), qui ont plus que compensé le déclin des arrivées en provenance de Russie.

Les Maldives sont traditionnellement caractérisées par une faible inflation (0,2% en 2021). La dépendance de l’archipel aux importations pour sa consommation de carburants et de produits alimentaires, dont les cours ont fortement crû suite au déclenchement de la guerre en Ukraine avant de connaître une modération, a néanmoins tiré l’inflation importée. L’indice des prix à la consommation progressait de +5,2% en g.a. en juin avant d'entamer une baisse relative (3,4% en décembre), un niveau qui reste limité et tient notamment aux subventions énergétiques et alimentaires mises en place par les autorités. Sur l’année 2022, l’inflation moyenne est estimée par le FMI à 4,3% (3,5% pour la Banque mondiale).

3. La stratégie de croissance des autorités passe encore par le tourisme, mais pourrait être contrariée à moyen terme

Les autorités maldiviennes tablent sur une exploitation accrue du potentiel touristique du pays, qui passe sous 2 à 3 ans par un projet d’expansion de l’aéroport international de Velana à Malé qui porterait sa capacité à 3M d’entrées et une augmentation des capacités d’hébergement de 50% (35 000 lits), notamment grâce à l’ouverture de nouveaux resorts en sus des 170 existants, sur des îles mises à disposition en leasing. Elles comptent aussi développer le port de Malé, limité par une profondeur restreinte qui oblige à conduire les opérations de déchargement à distance.

Le ralentissement économique mondial, qui frappe en particulier les marchés européens ainsi que l’inflation et les prix élevés des billets d’avion pourraient néanmoins contrevenir à la bonne performance du tourisme à moyen terme, en particulier pour les guesthouses. Les autorités maldiviennes et la compagnie aérienne nationale espèrent quant à elles une reprise du tourisme depuis la Chine, autrefois premier pays d’origine des flux, permettant notamment de porter les arrivées de touristes en 2023 à 1,8 M. Le gouvernement table ainsi sur une croissance de 13% en 2023, projetée plutôt à 8,2% et 8,7% par la Banque mondiale et le FMI. Les Maldives retrouveraient alors un PIB par habitant supérieur à 15 000 USD, au-delà des niveaux d’avant-crise. Quant à l’inflation, les autorités projettent son maintien à un niveau raisonnable ; le FMI rejoint cet avis et table sur une inflation moyenne de 4,4% en 2023, qui devrait ensuite régresser. Cet objectif pourrait néanmoins devoir passer par un resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale (Maldives Monetary Authority) et la réduction des avances au gouvernement mises en place dans le contexte de la pandémie.

II. Des pressions accrues sur la balance des paiements courants, alors que le déficit commercial et le service de la dette pèsent sur les réserves et les disponibilités en devises

1. L’ampleur des importations maldiviennes débouche sur un déficit courant structurel

L’économie maldivienne est essentiellement importatrice (90% du total des échanges sur janvier-décembre) et accuse ainsi un déficit commercial structurel, en forte hausse sur 2022 à 3,1 Mds USD (+36,2% en g.a.), malgré une hausse parallèle des exportations (+40,1%, 400 MUSD), modestes et essentiellement constituées de produits de la pêche. La hausse des importations (+36,6%, 3,5 Mds USD) tient à la reprise touristique et économique, à celle des programmes d’investissement fortement importateurs, mais aussi au renchérissement des produits importés sous l’effet de la guerre en Ukraine. En particulier, le poste des carburants a augmenté de 83,2% en valeur et compté pour 24% des importations sur la période, contre 18% sur l’année 2021.

Si les exportations de services devraient connaître de bonnes performances, tirées par le tourisme, celles-ci ne suffiront pas à compenser les autres postes de la balance des transactions courantes. La balance des revenus s’affiche en effet aussi traditionnellement fortement déficitaire, creusée par les revenus d’investissement et les transferts des nombreux travailleurs migrants aux Maldives (Bangladais surtout, Indiens et Sri Lankais ensuite) qui ont repris à bon rythme.

Le creusement de la balance commerciale pèsera ainsi sur le déficit courant, structurellement élevé (supérieur à 20% du PIB entre 2016 et 2019, à 35% en 2020 puis résorbé à 9% du PIB en 2021 grâce à la bonne performance du tourisme), estimé à 15% du PIB en 2022 par le FMI. Ce déficit courant est partiellement financé par le recours à l’endettement, en présence d’investissements insuffisants pour le combler. Ces éléments contribuent à l’aggravation des vulnérabilités externes des Maldives.

2. Des inquiétudes renforcées sur le financement du solde de la balance des paiements courants

L’importance du déficit courant, du service de la dette extérieure et des interventions de la Banque centrale maldivienne pour maintenir le peg (1 USD = 15,4 rufiyaa) font pression sur le niveau des réserves officielles, dans un contexte où la hausse des coûts de financement externes limite l’accès aux marchés de capitaux internationaux à court terme. Ces réserves ont ainsi chuté, notamment sous l’effet du remboursement d’un swap auprès de la RBI, à 500 MUSD fin octobre 2022 (moins de deux mois d’importations), avant de remonter à 828 MUSD fin décembre suite à la conclusion d’un nouveau swap de 200 MUSD avec la RBI. Les pénuries de dollars persistent et la pression sur le taux de change persiste, alors que le marché parallèle continue de proposer des écarts de taux significatifs. A cet égard la MMA travaille sur une réforme du marché des changes devant permettre d’en améliorer l’efficacité et de diminuer la dollarisation de l’économie.

En 2023, la pression sur le compte financier de la balance des paiements maldivienne ne devrait pas diminuer. Le solde du compte courant est projeté à -12,3% du PIB par le FMI. Les déclarations d’un analyste de JP Morgan citant ainsi l’archipel parmi huit pays présentant un risque important d’épuisement de leurs réserves officielles d’ici la fin 2023, reprises par l’opposition ou les factions dissidentes au sein du parti majoritaire, ont eu un retentissement important dans la presse locale, malgré les dénégations du ministère des finances maldivien.

III. Des déficits budgétaires structurels et une trajectoire d’endettement jugée insoutenable

1. Un déséquilibre des finances publiques structurel et accru par le contexte international

Si la situation des finances publiques s’est améliorée entre janvier et novembre (hausse des recettes de 33% et des dépenses de 18%), le déficit budgétaire reste structurellement élevé : il atteint 630 MUSD sur les onze premiers mois (-8,1% en g.a.), et s’élevait à 17% du PIB en 2021. Sur l’année 2022, les dépenses publiques sont estimées par le FMI à 44,0% du PIB, les recettes publiques à 27,6% du PIB, et le déficit public à 16,4% du PIB.

Les subventions publiques, les dépenses d’investissement et les intérêts de la dette ont creusé le déficit public en 2022. Dès juin, l’enveloppe de subventions publiques prévue pour l’année 2022 était dépassée. Cette politique de soutien au pouvoir d’achat n’a en outre pas eu l’effet d’éviction un temps craint par les Banques multilatérales sur les dépenses publiques d’investissement : les Maldives ont ainsi poursuivi des programmes de dépenses massifs dans des projets d’infrastructure, dont la rationalité économique est souvent mise en cause.

Pour couvrir jusqu’à la fin de l’année 2022 ces différentes dépenses ainsi que le régime d’assurance maladie universel Aasandha financé par le gouvernement, le Parlement a dû voter en novembre une rallonge budgétaire de 5,8 Mds MVR (380 MUSD), de l’ordre de 15% du budget initial.

2. Une trajectoire d’endettement insoutenable

L’effet de la pandémie sur le tourisme et l’activité économique aux Maldives avait déjà précipité une trajectoire d’endettement massif, tirée par des déficits jumeaux structurels. Malgré la forte hausse du PIB observée en 2021 et 2022, qui a occasionné une révision à la baisse des soldes d’endettement public, ceux-ci restent élevés (106% du PIB au T3, y compris dette garantie, contre 150% au T4 2020 – à 44% externe). La dette publique (y compris garantie) progresse par ailleurs encore fortement en valeur (+7,1% au T3 2022 par rapport au T4 2021). Elle fait aussi peser des risques sur le système bancaire maldivien, fortement exposé au souverain.

Si les Maldives sont parvenues à reporter le risque de refinancement à court terme, cela a été au prix de Sukuk (obligations islamiques) émis à moyen terme (5 ans) et à taux élevés (autour de 10%), et le resserrement de la politique monétaire dans les pays développés expose l’archipel à des contraintes de financement accrues. Le service de la dette publique extérieure (y compris garantie) devrait atteindre 365 MUSD en 2023 et rester dans cet ordre les deux années suivantes, mais d’importants remboursements in fine d’obligations (dont un Sukuk de 500 MUSD et une obligation de 100 MUSD placée auprès d’Abu Dhabi) sont attendus en 2026[1] et devraient porter le service de la dette extérieure pour cette année à près de 1 Md MUSD. Le FMI juge ainsi la trajectoire de la dette maldivienne insoutenable, une opinion encore répétée lors de son communiqué de mission dans le cadre de l’article IV publié en juillet 2022.

La dette en devises des Maldives est notée B-/Caa1 par Fitch et Moody’s. Le niveau d’endettement, les contraintes de liquidité et la vulnérabilité des Maldives face aux chocs externes ont poussé Fitch à dégrader la perspective associée à sa notation de stable à négative en octobre 2022. 

3. Une prise de conscience relative de l’importance d’un rééquilibrage des finances publiques

En réaction au contexte mondial et à son effet sur l’économie maldivienne, mais aussi aux risques qui pèsent sur la dette, le Ministre des finances a pris des mesures de consolidation budgétaire : hausses dès 2023 de la TVA (General Goods and Services Tax) de 6 à 8% et de la TVA touristique (Tourism Goods and Services Tax) de 12 à 16%[2], votées au Parlement en novembre, réforme des subventions et interruption des garanties aux entreprises publiques pour les projets non prioritaires. Ces mesures font notamment suite aux hausses, dès le 1er janvier 2022, des taxes et redevances (Airport Development Fee et Airport Departure Tax) prélevées sur les vols internationaux. Le projet d’harmonisation des salaires du secteur public devrait néanmoins peser sur les dépenses courantes, tandis que les élections présidentielles à venir en 2023 pourraient inciter les autorités à accroître les programmes d’investissement. Les autorités entendent aussi mettre en place des prix planchers pour les produits pharmaceutiques ou encore recourir à des approvisionnements en gros pour les produits médicaux.

Le budget 2023 voté en novembre reflète cet effort (+3 points de PIB pour les recettes publiques, -3 points de PIB pour les dépenses publiques). Le déficit passerait ainsi à 8,5% du PIB (après 13,8 et 14,3% en 2021 et 2022). A moyen terme, la stratégie budgétaire des autorités prévoit de même une consolidation progressive des finances publiques et une trajectoire de réduction de l’endettement. Ces objectifs s’inscrivent néanmoins dans un cadre de croissance plus optimiste que celui prévu par les IFI, alors que la conjoncture internationale pourrait peser sur la reprise maldivienne.

Les autorités maintiennent un discours qui se veut rassurant sur la dette maldivienne, comptent sur des financements concessionnels bilatéraux et pluri/multilatéraux dans les prochaines années, notamment en soutien aux efforts d’adaptation/atténuation climatique du pays, et tâchent de renforcer le fonds souverain (SDF) maldivien[3].

IV. Une forte présence des bailleurs multilatéraux et de l’Inde

1. L’Inde a pris la place de la Chine au premier rang des bailleurs bilatéraux

Depuis 2018, l’Inde a remplacé la Chine comme premier bailleur bilatéral, en termes de nouveaux engagements, des Maldives. Les crédits-acheteurs de l’Eximbank chinoise avaient auparavant financé des mégaprojets de connectivité (expansion et modernisation de l’aéroport Ibrahim Nasir à Hulhulé (2015), pont de l’amitié entre Malé, Hulhulé et Hulhumalé (2016), etc.). A son tour, l’Eximbank indienne propose entre autres une ligne de crédit de 800 MUSD dès 2019, puis s’engage entre 2020 et 2021 dans le Greater Malé Connectivity Project (prêt de 400 MUSD assorti d’un don de 100 MUSD). La RBI a conclu plusieurs accords de swap avec la Banque centrale maldivienne : 400 MUSD en 2019, 150 et 250 MUSD en 2020, qui ont permis de soutenir le niveau des réserves. Plusieurs projets financés par des crédits aux entreprises publiques maldiviennes fournis par des banques de développement et banques commerciales chinoises (Eximbank, ICBC, CDB, BoC) et indienne (Eximbank) bénéficient par ailleurs de la garantie souveraine. Certains acteurs du Golfe (Abu Dhabi, Koweït, Arabie saoudite) ont aussi développé leur présence dans l’archipel au cours des dernières années. La montée en puissance de la présence indienne a néanmoins suscité des mouvements de contestation (India Out), vivement dénoncés par les autorités. La visite du Président maldivien en Inde début août a du reste encore donné lieu à la signature de plusieurs accords dont une ligne de crédit (100 MUSD, en complément aux projets d’infrastructure existants) et des crédits-acheteurs de l’Exim Bank (41 MUSD pour des infrastructures policières, lettre d’intention portant sur 119 MUSD pour des logements sociaux), avant qu'un accord de swap de 200 MUSD avec la RBI ne soit conclu en décembre.

2. La part croissante et coûteuse de la dette placée auprès des créanciers privés

Les Maldives continuent de bénéficier d’un accès aux marchés internationaux, alimenté ces dernières années par une liquidité abondante dans le cadre de l’assouplissement des politiques monétaires post-crise des subprimes et crise des dettes souveraines de la zone euro. Depuis 2017 avec l’émission d’une première obligation internationale par l’archipel (Sunny Bond de 200 MUSD, placée à Singapour, arrivée à échéance en 2022), ces créances relativement plus coûteuses, y compris les Sukuk émis par la suite, ont pris une part croissante dans la dette des Maldives : début 2022, les détenteurs d’obligations internationales (bondholders) comptaient pour 24% de la dette extérieure de l’Etat. Les Maldives ont par ailleurs conclu un accord en mars pour un soutien budgétaire de 100 MUSD auprès de CFSIT (Cargill Financial Services International) Inc au taux (rapporté par les médias) de 7,15%.

3. Une forte présence des bailleurs de fonds multi et plurilatéraux

L’archipel se caractérise par la grande diversité des bailleurs de fonds pluri/multilatéraux actifs aux Maldives (Banque mondiale, BAsD, Banque de développement islamique via l’ITFC, BEI, Fonds OPEC pour le développement international, et plus récemment BAII), qui comptent pour 30% de la dette extérieure de l’Etat. La dette multilatérale a crû significativement en 2020 (de nombreux créanciers ont mobilisé des facilités de prêt Covid-19), avant de se stabiliser en 2021, à quelque 20% de la dette extérieure de l’Etat. La finalité environnementale (projets de traitement des déchets notamment) prend une dimension croissante dans un Etat fortement exposé au risque climatique. L’appartenance des Maldives aux petits Etats insulaires et le risque élevé de surendettement, malgré un revenu par habitant élevé, déclenchent des niveaux de concessionnalité importants ou des interventions en don.

 

V. Un besoin de réformes structurelles pour diversifier et accroître l’attractivité de l’économie tout en répondant aux enjeux environnementaux

1. Diversification des recettes publiques et rationalisation des dépenses

Si la hausse des TVA générale et touristique en particulier est saluée par les IFI, celles-ci rappellent qu’elle ne saurait constituer qu’une première étape en vue d’une consolidation des finances publiques maldiviennes. Les autorités locales reçoivent dans ce sens une assistance technique importante de la Banque mondiale et du FMI : une Debt Management Bill devrait être proposée en 2023 ainsi qu’une version révisée du Fiscal Responsibility Act, qui prévoira de nouvelles règles de bonne gestion budgétaire, et devrait être soumise au Parlement au T1 2023[4]. L’enjeu pour les Maldives est à la fois du côté des recettes et des dépenses, avec d’un côté un élargissement de l’assiette fiscale et une meilleure collecte, une augmentation des impôts directs et une moindre dépendance des recettes vis-à-vis de l’activité touristique, et de l’autre côté une baisse des subventions publiques, la réforme des entreprises publiques pour diminuer leur dépendance (subventions, injections de capital) vis-à-vis du budget de l’Etat et une rationalisation des investissements en faveur de projets rentables et pertinents. Les recommandations incluent aussi généralement la réforme des généreux systèmes de soin et de pension alors que la population maldivienne devrait atteindre un pic dans les prochaines années, la numérisation de l’administration budgétaire pour une meilleure collecte et un meilleur ciblage des dépenses et l’opportunité d’explorer différents modèles de coopération permettant d’attirer le secteur privé dans les domaines aéroportuaire, portuaire, ou le traitement des déchets par exemple.

2. Réduction des inégalités et amélioration des compétences

La dispersion spatiale des Maldives relègue une partie de la population maldivienne, confrontée à des limitations importantes (barrières physiques et déplacements, accès aux services publics, à internet, etc.). Si le taux de pauvreté est faible aux Maldives (retombé à 4% en 2022, post-pandémie, contre 20% en 2020, d’après les chiffres de la Banque mondiale), plus de 90% des pauvres se trouvent en dehors de la capitale. L’élévation du niveau de vie de ces populations passe par un accès renforcé à l’éducation ou des opportunités dans des secteurs économiques à développer, comme le secteur numérique. Plus généralement, les Maldives font face à un enjeu de formation pour améliorer l’adéquation entre les compétences de la population et le marché du travail, aussi bien dans le secteur touristique que pour favoriser la diversification de l’économie[5] et par là même la réduction de son exposition aux chocs externes (enseignement de l’anglais, des sciences, techniques, ingénierie et mathématiques notamment). Les acteurs bi- et pluri/multilatéraux cherchent aussi à intervenir sur des thématiques liées au genre, alors que les femmes restent les premières victimes du chômage et de la pauvreté et que les hommes accèdent insuffisamment à l’enseignement supérieur.

3. Amélioration du climat des affaires

Lors de la dernière édition du classement Ease of Doing Business (2020) de la Banque mondiale, les Maldives apparaissaient au 147e rang sur 190 pays, en chute continue, avec des scores particulièrement faibles en ce qui concerne le droit de propriété, l’accès au crédit et la protection des investisseurs minoritaires, le commerce transfrontalier ou encore la mise en œuvre des contrats et la résolution des conflits. L’amélioration de l’environnement des affaires, via des réformes judiciaires, des réformes en matière de gouvernance, de transparence (les Maldives sont classées 85e au Corruption Perception Index 2022 de Transparency International) et de promotion des investissements et du commerce sont donc des enjeux importants pour l’économie maldivienne.

4. Réponse à l’enjeu climatique et environnemental

Les Maldives font partie de l’alliance des petits Etats insulaires en développement, et répètent par cette entremise et au sein des fora internationaux la vulnérabilité particulière de leur territoire au changement climatique, qui pose un défi existentiel à l’archipel, et la nécessité de renforcer la finance climat pour les pays en développement. Les autorités ont adopté un Climate Emergency Act comprenant notamment un objectif de neutralité carbone en 2030. Outre les contributions des partenaires au développement, l’enjeu pour les Maldives consiste aussi à favoriser les investissements dédiés, publics et privés, notamment par le développement d’outils financiers alloués à l’économie bleue.


[1] Voir Banque mondiale (2022), Maldives Public Expenditure Review: Restoring fiscal health.

[2] Cette mesure devrait accroître les recettes publiques de 2,5 à 3 points de PIB d’après le FMI. Voir FMI (2022), Maldives: Technical Assistance Report - Modernizing the Goods and Services Tax

[3] Les ressources du SDF proviennent de l’Airport Development Fee, prélevée sur les voyages internationaux à l’aéroport de Velana, et des dividendes de l’opérateur aéroportuaire public MACL, et affectées au remboursement de la dette. Au début du mois de juin 2022, le fonds s'élevait à 265 MUSD, dont 72 MUSD d'investissements à long terme, le reste des fonds du SDF étant inclus dans les réserves officielles des Maldives. Le gouvernement a formulé l’objectif d’ajouter 600 MUSD au SDF d’ici 2026.

[4] Voir FMI (2022), Maldives: Technical Assistance Report – Revising the Fiscal Responsibility Act

[5] Les autorités maldiviennes ont adopté un Strategic Action Plan 2019-2023 visant la diversification de l’économie maldivienne, confrontée néanmoins à des barrières physiques importantes.

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