Maldives : une croissance solide mais des déséquilibres financiers persistants

Fin-2025, la croissance économique reste soutenue mais vulnérable aux chocs externes du fait de la dépendance de l’archipel au tourisme et aux importations. En l’absence de réformes structurelles, la situation réelle des finances publiques continue de se dégrader, sous l’effet d’un endettement élevé et d’un service de la dette record attendu en 2026, qui accentuent la pression sur le budget de l’État.

Le dynamisme de la croissance et des recettes publiques ne compense pas l’aggravation des déséquilibres en absence de réforme budgétaire.

 La croissance, estimée à 4,2% en 2025, reste soutenue. Elle est portée par l’augmentation du nombre de touristes[i], qui devrait encore s’accentuer après l’ouverture prévue en novembre du nouveau terminal de l’aéroport international d’Hanimaadhoo, dans le nord de l’archipel et la mise en service complète du nouveau terminal de l’aéroport de Malé en janvier prochain. Par ailleurs, le secteur de la pêche a connu une reprise soutenue[ii], grâce à des captures supérieures à celles des années précédentes et à la réforme du mécanisme de fixation des prix[iii]. L’inflation, qui a atteint 3,9% en septembre en g.a., a commencé à refluer depuis le pic d’avril dernier (5,9%) car l’effet de l’augmentation des droits de douanes sur le tabac commence à s’estomper.

 Le déficit budgétaire pourrait atteindre 9,8% du PIB à comparer à 12,9% en 2025. Ce résultat serait obtenu grâce à l’augmentation de 8,5% des recettes constatée fin octobre 2025 par rapport à l’année précédente, qui s’explique d’une part par l’augmentation de certaines taxes[iv] et de l’autre, par la croissance économique qui soutient la collecte fiscale. Il s’explique également par une forte baisse affichée des dépenses (-13,5% à fin octobre 2025 par rapport à l’année précédente) due à la stagnation des dépenses courantes, et surtout à la baisse de 58,1% des dépenses en capital. Par ailleurs, plusieurs projets de développement ont été mis à l’arrêt, alors que les arriérés de l’Etat accumulés sur plusieurs années atteignent déjà 1 Md USD, auquel s’ajoute des retards de paiement de 610 M USD à l’égard de la Housing Development Corporation[v], révélés en octobre (soit un total d’arriérés qui représenteraient 23% du PIB).

 La balance courante, structurellement déficitaire en raison du déficit commercial lié à la dépendance aux importations (-18,3% du PIB en 2024), devrait enregistrer une légère amélioration en raison du dynamisme des recettes de services touristiques ; le déficit courant pourrait atteindre 15,3% du PIB en 2025 selon la Banque mondiale.

 L’exposition des banques commerciales au risque souverain continue de fragiliser le système bancaire[vi].

 

Malgré une amélioration des réserves, l’endettement des Maldives reste préoccupant, avec un service de la dette record prévu pour 2026.

 Le niveau des réserves de change s’est légèrement amélioré[vii], grâce aux récents durcissements de la réglementation des changes[viii], qui permettent d’accumuler environ 15 M USD par mois. Cette mesure, nécessaire pour restaurer des réserves qui avaient atteint un seuil critique en début d’année[ix], contribue néanmoins à limiter la quantité de dollars en circulation dans l’économie et donc à renforcer les tensions sur le marché parallèle[x].

 L’année 2026 s’avèrera déterminante pour le remboursement de la dette, qui atteindra 132,8% du PIB fin 2025. Le service de la dette pourrait s’élever en 2026 au niveau historiquement élevé de 1 Md USD en l’absence de refinancement, notamment avec l’échéance du sukuk de 500 M USD intervenant en avril 2026, qui ne devrait pas être réfinancé. Les autorités affichent leur confiance dans leur capacité à l’honorer[xi], ainsi qu’à rembourser les Eurobounds de 100 MUSD dus l’année prochaine à un fonds basé à Abu Dhabi. Si le bon niveau des réserves brutes[xii] donne du crédit à cet optimisme, elles sont cependant bien supérieures aux réserves effectivement disponibles. Elles incluent notamment les 400 M USD liés à l’accord de swap avec la banque centrale indienne arrivé à échéance en octobre et prolongé de seulement six mois, qui ne pourront donc pas être mobilisés. L’hypothèse la plus probable est que l’Etat maldivien finance une partie de ses échéances grâce à ses réserves, tout en négociant un nouvel appui bilatéral, sous la forme d’un prêt chinois ou indien par exemple, pour couvrir le solde[xiii].

 



[i]  Les arrivées ont augmenté de 10% alors que les nuitées n’ont augmenté que de 2% : les touristes sont plus nombreux mais restent moins longtemps

[ii] Les exportations de thon ont augmenté de 40 à 50% contre une baisse de 20% en 2024.

[iii] Les prix sont désormais alignés sur les cours du marché international, alors qu’ils étaient auparavant fixés par l’Etat.

[iv] La Tourism Goods & Services Tax (TGST) est passée de 16 à 17% en juillet 2025 ; Le montant de la Green Tax est passé de 6 à 12 USD par touriste en janvier 2025 et l’Airport Development Fee pour les passagers quittant les Maldives a également été relevée en décembre 2024.

[v] La Housing Development Corporation (HDC) est l’entreprise publique spécialisée dans le développement et la gestion de logements et de projets urbains.

[vi]. L’exposition du secteur financier interne à la dette souveraine a augmenté de 14,1% cette année. Les banques commerciales sont exposées aux bons du Trésor à hauteur de 38,7% de leurs actifs et la MMA est exposée à hauteur de 46% de ses actifs.

[vii] Selon la banque centrale (MMA), les réserves disponibles fin septembre 2025 atteignaient 194,4 M USD (11,7 jours d’importations), soit 13,7% d’augmentation par rapport à avril 2025. Il s’agit d’une nette amélioration, en comparaison avec les 60 M USD disponibles fin 2024.

[viii] Depuis octobre 2024, les complexes touristiques doivent échanger 20% de leurs revenus mensuels en devises auprès des banques commerciales. Depuis le 1er juin 2025, les banques sont tenues de céder 90% et non plus 60% de cette somme à la banque centrale.

[ix] Les réserves nettes étaient tombées début 2025 à 5 jours d’importations de biens et services.

[x] Le taux de change parallèle du dollar à la rufiyaa est de 20.2, soit 20% de plus que le taux de change officiel.

[xi] Le projet de budget pour 2026 prévoit des dépenses record de 64 Mds MVR (4,15 Mds USD), largement portées par le remboursement d’1 Md USD de dette, y compris le sukuk de 500 M USD et les 100 M USD d’Eurobounds.

[xii] Les réserves brutes sont passées de 673,4 M USD fin 2024 à 859,5 M USD fin septembre 2025.

[xiii] Deux bons du Trésor de 50 M USD chacun détenus par l’Inde sont ainsi refinancés chaque année.

 

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