Investissements Directs Etrangers en Birmanie

Nb : le coup d’Etat militaire du 1er février 2021 a fortement impacté les flux d' investissements directs étrangers particulièrement volatiles à la conjoncture économique et averses au risque politique. L’accroissement des flux constaté depuis les premières étapes de la libéralisation en 2011 pourrait s’arrêter durablement.

 

  • Une forte dynamique depuis 2011 stoppée par le coup d’Etat

Au 30 avril 2021, le stock d’IDE approuvés s’élevait à 88,5 milliards de dollars depuis 1988  d’après les statistiques officielles du Directorate of Investment and Companies Administration (DICA), qui adopte par ailleurs une méthodologie de recensement contestable (Annexe 1). Depuis le début de la libéralisation politique et économique en 2011, ce sont près de 51,5 Mds USD qui ont été investis dans le pays, soit un stock supérieur de 43% aux IDE comptabilisés sur les vingt-trois années précédentes. La CNUCED évalue le stock réel d’IDE entrants à 34,1 Mds USD entre 1990 et 2019 dont 57% du total investis après 2011 (19,6 Mds USD).

52,1% des investissements approuvés proviennent de Singapour ou de Chine et 76,2% de quatre pays asiatiques : Singapour (27,5%), la Chine (24,6%), la Thaïlande (13,0%) et Hong-Kong (11,1%). Le Royaume-Uni est le premier investisseur occidental depuis 1988 (5,7%, 5e investisseur étranger) mais cette position s’explique en grande partie par des investissements provenant des Iles Vierges et des Iles Cayman, liés à des fonds vraisemblablement d’origine chinoise. La composition des dix premiers investisseurs étrangers depuis 2011 n’a pas été modifiée depuis avec toutefois un recul de la Thaïlande (6e) au profit du Vietnam (5e).

Sur l’année fiscale 2019/2020, les investissements étrangers approuvés se sont élevés à 5,5 Mds USD, en recul limité de 4,0% par rapport à la moyenne annuelle depuis 2011 (5,7 Mds USD). La Birmanie est la 8e destination pour les IDE en ASEAN devant le Laos et Brunei (2019). Singapour a été le premier investisseur l’année en 2020 (1,9 Md USD) devant Hong-Kong (1,4 Md USD), le Japon (768,4 M USD) et la Chine (553,1 M USD), ces quatre pays totalisant 83% des flux IDE. Les principaux secteurs bénéficiaires ont été celui de l’électricité (30,3%), de l’industrie manufacturière (20,4%) et de l’immobilier (20,2%). La CNUCED évalue à 2,8 Mds USD les investissements étrangers réels en Birmanie en 2019.

Pour l’année fiscale en cours, l’objectif de la junte au pouvoir est d’atteindre 5,8 Mds USD d’investissements approuvés d’ici octobre 2021. Compte-tenu de la hausse du risque pour les investisseurs provoquée par la pandémie de COVID19, les élections politiques de novembre 2020 et le coup d’Etat de février 2021, les IDE approuvés ne totalisent que 1,25 Md USD au 30 avril 2021 (-63% par rapport à la même période l’année dernière) et l’objectif initial apparaît difficilement atteignable (Annexe 3). Le Japon est le premier investisseur dans le pays depuis le début de l’année devant Singapour, la Chine et Hong-Kong.

 

  • Des IDE français et occidentaux qui restent marginaux

La France et les pays occidentaux accusent un retard conséquent par rapport à la Chine et pays de l’ASEAN car les flux d’IDE ont été très limités par les sanctions européennes et américaines levées progressivement à partir de la libéralisation en 2011 (58% des IDE du G7 sont intervenus après 2011).

En stock, l’UE27 représente 2,6% des investissements depuis 1988 et le G7 11,4% (dont la moitié provenant du Royaume-Uni), soit moins que la seule Thaïlande (13,3%). En 2020, les investissements du G7 ont représenté 1,3 Md USD dont seulement 6,0% ne provenaient ni du Japon ni du Royaume-Uni (voir Annexe 4). L’influence économique européenne et nord-américaine générée par les IDE est donc marginale comparativement à Singapour, la Chine voire même le Vietnam ou la Thaïlande.

En stock, la France est le 13e investisseur dans le pays (555,9M USD, 0,6% du total), juste derrière les Etats-Unis (574M USD) et constitue le deuxième investisseur européen après les Pays-Bas. En 2020, une trentaine de grands groupes français étaient implantés en Birmanie  parmi lesquels on trouve Total, EDF, Bouygues, Canal +, Accor, Suez, Razel Bec, Limagrain, Bureau Veritas, Voltalia et CMA-CGM.

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Après une forte croissance des investissements favorisée par la libéralisation du pays à partir de 2011, la crise politique et institutionnelle que traverse la Birmanie aura des conséquences durables sur les flux d’IDE.

D’une part, les investisseurs pourront privilégier d’autres pays de la zone aux fondamentaux économiques proches (Cambodge, Laos) qui pourraient bénéficier, mieux que la Birmanie, de la mise en œuvre du Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP). D’autre part, le cadre légal, encore fragmentaire, pourrait être impacté (protection des investissements, protection de la propriété intellectuelle, libéralisations sectorielles) et affaiblir la volonté des investisseurs japonais, coréens, malaisiens et occidentaux de s’engager dans des projets d’infrastructures électriques et manufacturières au profit des voisins bangladais, cambodgiens et thaïlandais. Les investisseurs chinois pourraient quant à eux profiter à moyen terme d’un effet d’aubaine.

 

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