Indicateurs et conjoncture

 

NB : La Birmanie connaît une crise politique et institutionnelle majeure depuis le 1er février 2021. A ce titre, la situation économique et financière du pays est très volatile et il convient de rester prudent sur la validité dans le temps des indicateurs de conjoncture.

 

Description de la structure de l’économie

Avec un PIB de 66,1 Mds USD et un PIB par habitant de 1 223 USD en 2022, la Birmanie se situe au niveau des Pays à Revenu Intermédiaire de la tranche inférieure mais continue de bénéficier d’un statut de PMA. Le secteur agricole reste encore structurant (22,5% du PIB et 50% de la population active) mais la part du secteur des services tend à augmenter.

La Birmanie dispose d’atouts clairs : (i) une population estimée à 53,9 millions d’habitants, relativement jeune (l’âge médian est de 29,2 ans), (ii) constituant un réservoir de main-d’œuvre bon marché (bien que peu qualifiée) et un marché intérieur, (iii) un territoire vaste (2ème pays de l’ASEAN par sa superficie – 676 600 km²), (iv) doté de ressources naturelles abondantes (agricoles, minérales, gazières, hydroélectriques, solaires…) encore sous exploitées, (v) une situation géographique favorable au croisement des trois marchés dynamiques que sont l’Inde, la Chine et l’ASEAN.

 

Eléments d'analyse conjoncturelle 

 1. Reprise lente et très volatile de l'activité économique

Alors que la Birmanie avait connu un effondrement de son économie en 2021 (baisse du PIB de -18 %) suite au coup d’état de février 2021, l’économie birmane a depuis entamé une phase de relative stabilisation, avec un taux de croissance compris entre 2 et 3 % en 2022 et attendu aux alentours de 3 % en 2023. En effet, après avoir enrayé sa chute en 2022, l’activité économique semble poursuivre vers la voie du redressement en 2023 :

  • Dans le domaine des services, le niveau d’activité a connu ces derniers mois une nette progression du fait la hausse graduelle de la consommation domestique, les entreprises opérant à 75 % de leur activité en mars 2023 (+ 9 points sur un an), avec notamment un taux à 85 % dans les services autres que le commerce de détail.

  • Sur le plan industriel, l’indice PMI du secteur manufacturier a enregistré une hausse continue entre décembre 2022 et mai 2023, tiré par la demande de produits agroalimentaires (hausse de la production locale en lien avec la politique de substitution aux importations mise en place par les autorités) et des matériaux de construction (reprise des grands projets d’infrastructure publics.

  • Dans le domaine agricole, la production reste néanmoins insuffisante, affectée par le prix élevé des intrants (énergie et fertiliseurs) et la persistance du conflit dans les régions les plus fertiles (25% du PIB national). D’après l’USAID, la surface agricole utilisée pour la production de riz a diminué de 7 % durant la saison de la mousson 2022, entraînant une baisse de la production de 13 % sur un an. Pour autant, la hausse des prix du riz – conséquence de l’augmentation des prix internationaux, de la dépréciation du kyat en 2022 et de la baisse de la production domestique - a permis d’augmenter les revenus des producteurs, contribuant au rebond de la consommation domestique en biens manufacturés.

De multiples facteurs, tant domestiques qu'internationaux continuenet néanmoins de contraindre l'activité économique :

  • Les coupures d’électricité (jusqu’à 8h par jour à Rangoun entre mars et mai 2023) du fait de la baisse de la production électrique (-8 % entre septembre et décembre 2022) liée à un manque d’eau dans les barrages ainsi qu’à la diminution des opérations de maintenance, poussant la Birmanie à fortement augmenter ses importations d’électricité depuis la Chine.
  • La faiblesse des exportations : baisse de 16 % sur les 5 premiers mois de l’année 2023 comparé à la même période de l’année précédente (en particulier les exportations de biens manufacturés, en diminution de 11%), en raison de la contraction de la demande internationale. Les importations sont, quant à ellles, restées stables en dépit des multiples restrictions administratives à l’importation (licences et quotas). Le déficit courant pourrait atteindre 6 % du PIB en 2023 selon la BM.
  • L’insuffisance de l’investissement, avec des importations de biens d’équipement représentant encore environ la moitié de leurs niveaux pré-pandémie, et des IDE négligeables (182 M USD sur les 4 premiers mois de 2023) impactés par le retrait de plusieurs firmes internationales, tandis que les créations d’entreprises restent au plus bas (inférieures de 43 % à leur nombre pré-pandémie).
  • Les freins au transport et à la logistique, affectés par le niveau élevé du prix des carburants, des coûts de transaction accrus (hausse des péages routiers et des droits de contrôle sur les routes) et les licences d’importation qui contraignent l’achat de nouveaux véhicules et de pièces détachées.

2. Inflation et taux de change : après un choc en 2022, une stabilisation récente mais précaire

Alors que le taux d’inflation a atteint un pic à 18,3 % en 2022, majoritairement porté par la hausse des prix de l’énergie et la forte dépréciation du kyat, il devrait diminuer en 2023 tout en se maintenant à un niveau élevé (+ 14 %) du fait de la plus grande stabilité du kyat et de la diminution des prix internationaux du pétrole. Ainsi, les prix locaux de la plupart des denrées alimentaires de base se sont stabilisés depuis la fin de l'année 2022, tandis que les prix du diesel ont baissé depuis le milieu de l'année dernière. Toutefois, on observe depuis mai-juin 2023 de nouvelles poussées inflationnistes, notamment du prix du diesel (+30 % entre mai et septembre 2023) et des prix alimentaires, impactés par la baisse des rendements agricoles, le coût élevé des intrants et la persistance des contraintes (commerciales et de change) qui entravent l'importation de certains produits alimentaires.

Le taux de change Kyat sur le marché parralèlle, qui avait connu une très forte dépréciation par rapport au dollar entre juillet et septembre 2022 (- 90 %, passant d’environ 2200 à 4200 Kyat pour 1 USD), s’est stabilisé à partir de décembre 2022 à 2850 Kyat pour 1 USD. D’après la BM, cette stabilité inhabituelle du taux de change kyat/USD tiendrait à une application stricte du contrôle des changes, la Banque centrale du Myanmar (CBM) ayant révoqué les licences de 20 bureaux de change pour cause de non-conformité. Depuis le 1er mars 2023, les exportateurs de riz sont par ailleurs tenus de convertir 65 % de leurs recettes d'exportation en kyats au taux de change officiel (les autres exportateurs étaient déjà soumis à ces exigences), fixé à 2.100 Kyats pour 1 USD depuis septembre 2022). Cependant, à partir de l’été, le Kyat a connu une nouvelle phase de dépréciation marquée face au dollar américain (avec un pic à 3850 Kyat pour 1 USD au 18 août) provoquées à la fois par les nouvelles sanctions américaines portant sur deux banques publiques majeures, l’émission fin juillet d’une nouvelle dénomination de billet de « 20 000 kyats » et l’annonce de la banque singapourienne UOB d’arrêter ses transactions avec la Birmanie.

 

3. Un secteur financier très vulénrable

S’agissant du secteur bancaire, déjà fragile avant la pandémie, celui-ci continue d'être confronté à une série de défis opérationnels (tensions persistantes sur les liquidités, réduction de la qualité des actifs, augmentation des retards et du contrôle dans le traitement des transactions commerciales et des transferts de fonds en devises). Les taux de prêts non performants ont continué d'augmenter depuis le début de la pandémie en 2020, ce qui oblige les banques à accorder des allègements de dette et à rééchelonner les remboursements au cas par cas. S’agissant des IMFs (Institutions de microfinance), les prêts non performants sont passés de moins de 1 % du portefeuille total de prêts en 2019, à 9,6 % en décembre 2020, puis à 28 % en juin 2022.

En outre, le secteur bancaire doit dorénavant faire face à des difficultés opérationnelles accrues du fait : (i) de son inscription depuis octobre 2022 sur la liste noire du Groupe d’action financire (GAFI) pour "ne pas avoir remédié à un grand nombre d'insuffisances stratégiques dans ses systèmes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme" ; (ii) de l’imposition en juin 2023 par les autoités américaines de sanctions à l’encontre de deux institutions financières publiques majeures, la Myanmar Foreign Trade Bank (MFTB) et la Myanma Investment & Commercial Bank (MICB), ces deux banques jouant un rôle important en matière de transactions financières internationales en facilitant une grande partie des échanges en devises dans le pays.

 

4. Une situation budgétaire dégradée et caractérisée par un endettement croissant

Après une chute des ressources budgétaires en 2021 (de 23 à 20 % du PIB) suite à la baisse de l’activité, celles-ci se sont stabilisées et devraient atteindre 22,5 % du PIB en 2023, en lien avec la hausse des recettes fiscales obtenues grâce à l’introduction de mesures de collecte plus strictes  et l’augmentation des exportations en valeur de gaz vers la Chine. Toutefois, les dépenses ont continué d’augmenter (+0,4 points de % à 27,9 % du PIB en 2022), en lien notamment avec la hausse des dépenses d’énergie alors que les dépenses d’éducation et de santé ont drastiquement baissé (de 3,6 % en 2021 à 1,8 % du PIB actuellement). Au total, le déficit devrait se creuser à 5,4 % du PIB en 2023 (contre 4,7 % l’année dernière).

La dette publique s’est fortement accrue ces dernières années et devrait atteindre 63 % du PIB en 2023 (+20 points depuis 2019), en lien avec l’accumulation de déficits élevés et la forte contraction passée du PIB. La hausse de l’endettement concerne essentiellement la dette domestique, qui se hisse actuellement à 40 % du PIB contre encore 22 % en 2017.

 

 5. Conséquences sociales du conflit : une hausse dramatique de la pauvreté

Dans ce contexte de persistance du conflit et de graves difficultés économiques, la pauvreté a enregistré une très forte augmentation, atteignant 46,3 % de la population en 2022 contre 24,8 % en 2017. Elle s’explique à la fois par l’extrême insuffisance des créations d’emplois (+ 2 M d’emplois créés par rapport à une augmentation de la population active de 9 M entre 2017 et 2022) et une baisse concomittante des revenus réels (faible demande de travail et emplois à faible de productivité provoquant une chute des salaires dans un contexte de forte presson inflationniste). Alors que cette situation a fait exploser l’insécurité alimentaire (nombre de personnes sous-alimentées estimé à 1,7 M en 2022 contre 300 000 en 2019), elle handicape aussi durablement le capital humain du pays, et par conséquent sa capacité à retrouver une trajectoire de croissance forte sur le long terme, qui plus est dans un contexte de basse drastique des dépenses de santé et d’éducation.

 
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