Situation économique et financière

Le taux élevé (68 %) de dépendance énergétique et les fortes relations du pays avec l’Union Européen le rendent particulièrement vulnérable au choc induit par le conflit Russo-Ukrainien. Déjà affectée par la crise sanitaire, la croissance macédonienne a ainsi enregistré une perte par rapport aux prévisions du printemps 2021, à +2,1 % en 2022 (contre +2,7 % anticipé par la Banque mondiale). La Macédoine du Nord bénéficie d’un soutien appuyé des instances internationales, avec notamment la signature d’une ligne de précaution et de liquidité (LPL) de 530 MEUR sur deux ans avec le FMI en novembre 2022 et d’une assistance macro financière de l’UE de 100 M€, octroyée en juillet 2023.

1. La Macédoine du Nord est le pays de la région le plus vulnérable au double choc induit par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. 

La crise sanitaire a contrarié la dynamique de croissance du pays avec une contraction de l’activité économique de -6,1 % en 2020 (+3,9 % en 2019 après +2,9 % en 2018), qui n’a pas été compensée par la reprise de +3,9 % observée en 2021. En 2022, la croissance macédonienne a été en-dessous des prévisions (+2,1% contre +2,7%), le pays étant, à l’échelle des Balkans occidentaux, le plus vulnérable aux chocs économiques provoqués par la guerre en Ukraine. Son économie est touchée par la hausse des cours mondiaux de l’énergie, en raison d’une intensité énergétique élevée (plus de 2 fois supérieure que la moyenne UE 27 selon des données d’Eurostat) alors même que 68 % de ses besoins énergétiques doivent être couverts par des importations (soit le taux le plus élevé des pays de la région des Balkans occidentaux) et que l’intégralité du gaz (de l’ordre 10 % du mix énergétique) est importé. La croissance du PIB réel est prévue à +2,4 % en 2023 puis de +2,7 % en 2024 (Banque mondiale).

La Macédoine du Nord a enregistré un pic d’inflation de +19,8 % en g.a. en octobre 2022 et la Banque Centrale a remonté le taux directeur à 12 reprises depuis mars 2022 (à 6,15% en août 2023). L’inflation diminue désormais à +8,3 % en août dernier et devrait s’établir à +9,2 % en moyenne en 2023 puis +3,5 % en 2024, pour revenir à +2 % d'ici 2026 (FMI).

La balance commerciale de la Macédoine du Nord, traditionnellement déficitaire, s’est dégradée de -40,9 % en g.a., passant de -2,7 Mds EUR en 2021 à -3,8 Mds EUR en 2022, la hausse des exportations n’ayant pas compensé celle des importations, notamment énergétiques. Le déficit courant s’est ainsi dégradé de 2,9 pp en 2022, à -772,4 M€ (6 % du PIB), et les flux nets d’IDE (754 MEUR ; 5,2 % du PIB), bien qu’en hausse, ne suffisent pas à le compenser. Les pressions induites sur la balance des paiements pourraient en outre perdurer en 2023 en raison du ralentissement de la croissance des pays de l’Union européenne, principaux partenaires commerciaux (77,3 % des exportations) et financiers du pays, par ailleurs émetteurs de la majeure partie des remises migratoires.

2. Face aux pressions financières accrues, le pays est soutenu par la communauté internationale. 

Le déficit public a baissé à 4,5% en 2022 (contre 5,4% en 2021) en raison de la hausse des recettes budgétaires (sous l’effet de l’inflation) et de la sous exécution des dépenses d’investissements. Les dépenses publiques liées aux entreprises publiques de l’électricité (qui supportent le coût des subventions des prix de l’énergie) équivalent à 2,4% du PIB. Le déficit devrait s’élever à 4,8% en 2023, en raison des dépenses liées à l’énergie et à la construction de nouvelles autoroutes. Le ratio de dette publique de la Macédoine du Nord reste contenu (51,8 % du PIB en 2022), en nette augmentation par rapport à 2019, néanmoins (+ 11 pp entre 2019 et 2022). Il devrait rester stable en 2023 (51,9%). Environ 80 % de la dette publique est libellé en devise.

La Banque centrale a dû intervenir à plusieurs reprises pour défendre l’ancrage de référence (soft peg) du denar macédonien à l’euro. Fin mars 2022, le renouvellement de l’accès à la ligne de liquidités (400 MEUR) de la BCE avait permis de stabiliser la parité, mais les réserves de change de la Banque Centrale avaient significativement diminué pour s’établir à 3 100 MEUR au deuxième trimestre 2022 (-900 MEUR en g.a.). Depuis, leur niveau s’est amélioré (3 400 MEUR au deuxième trimestre 2023) et le ratio par mois d’importation s’est stabilisé autour de 4 mois depuis 2020[1].

Afin de soutenir l’économie, le conseil d’administration du FMI a confirmé, en novembre 2022, une ligne de précaution et de liquidité (LPL), d'environ 530 MEUR. Cet accord, portant sur 24 mois avec un décaissement immédiat de 110 MEUR suivi d'une deuxième tranche de 155 MEUR à l'issue de la première revue réalisée en juin 2023, a ouvert la possibilité d’une assistance macro-financière de l’UE (100M€). Celle-ci a été signée en juillet dernier. L’UE a par ailleurs commencé à décaisser l’aide d’urgence de 80 M€ dédiée au secteur énergétique (annoncée en octobre dernier) et un prêt de trésorerie de la BERD (100 M€) à l’opérateur public d’électricité ESM a finalement été ratifié[2]. Des discussions relatives à une aide budgétaire ont aussi été entamées la Banque mondiale.

3. Les tensions politiques restent fortes, ce qui pourrait nuire à la mise en oeuvre des réformes. 

Après avoir traversé une crise politique entre 2015 et 2017, le pays a retrouvé une certaine stabilité institutionnelle à partir de 2018. En juin 2022, la Bulgarie a finalement levé son veto à l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne après que, en 2020, le Conseil européen eut donné son aval. La stabilité politique reste néanmoins fragile, le pouvoir politique actuel pourrait être facilement déstabilisé du fait de sa faible majorité alors que l’opposition est fermement opposée à la réforme constitutionnelle qui devra avoir lieux dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE (reconnaissance de la minorité bulgare). Cette situation engendre également un risque de retard dans la mise en œuvre des réformes attendues, notamment :

  • L’amélioration de la transparence et de l'efficacité des dépenses publiques :

Les salaires, les pensions, les transferts sociaux et les intérêts de la dette devraient représenter l’essentiel des dépenses publiques réduisant les dépenses d’investissement à un espace excessivement limité (4 % du PIB en 2022). Malgré l’adoption en septembre dernier d’une nouvelle loi organique de finance publique, le récent changement de la formule d'indexation des pensions[3] et la forte augmentation du salaire minimum posent de nouveaux risques pour la soutenabilité budgétaire. Le budget reste en outre obéré par l’ampleur et l’opacité des exemptions et dépenses fiscales, l’absence de tout cadre transparent des aides d’Etat (aucune actualisation du registre), l’inefficience de la collecte fiscale (trop faiblement digitalisée) et l’économie informelle (près de 38 % du PIB). L’amélioration du cadre réglementaire du marché public est également attendue.

 

  • L’accélération de la transition énergétique dans un contexte de fortes dépendances aux importations d’électricité :

Les besoins liés à la transition énergétique sont importants : fermeture et reconversion prévue des centrales thermiques au charbon, construction d’interconnexions pour le transport de gaz, rénovation des lignes de transmission, développement accéléré des ENR. Il semble indispensable de créer un cadre juridique et institutionnel favorable au développement des ENR (octroi des permis de construire plus rapide, aujourd’hui curieusement du ressort du Ministère des transports).



[1] L'indexation des pensions a été modifiée pour refléter l'évolution des salaires parallèlement à l'inflation, ce qui implique de nouvelles pressions sur les dépenses du fonds de pension.

[2] Le FMI estime qu’une amélioration de la collecte de TVA, à taux inchangés, accroitrait les recettes de près de 2 pp de PIB.

[3]  Avec une amélioration à 7,6 mois en avril 2020 et une baisse à 2,5 en avril 2022.

 

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