Situation économique et financière en 2023

 

En 2023, la croissance économique de la Macédoine du Nord a de nouveau ralenti à 1,0 % en raison des effets persistants de la crise énergétique. Elle devrait s’accélérer à +3,0 % à moyen terme, tirée par la réalisation d'importants investissements publics. Alors que le solde courant et le solde budgétaire s’étaient tous deux creusés en réaction à la hausse des prix des importations d’électricité, ils devraient s’améliorer à nouveau avec la baisse des prix mondiaux. Le pays, qui fera face à d'importants besoins de financement, est soutenu par les institutions internationales, notamment par le FMI et l’UE, dont les financements sont conditionnés à la mise en œuvre de réformes.

L’économie macédonienne subit les conséquences de la crise énergétique depuis 2022.

Après avoir atteint +2,2 % en 2022, contre +3,9 % en 2021, la croissance économique de la Macédoine du Nord a de nouveau ralenti, s'établissant à +1,0 % en 2023 en raison des effets persistants de la crise énergétique. Bien que la consommation privée ait bénéficié d'un fort rebond des salaires réels nets à partir de juillet 2023 (jusqu'à +13,7 % en g.a. en novembre 2023, après -6,2 % en novembre 2022) et des envois  de fonds, le ralentissement des économies européennes a continué de peser sur l'activité économique du pays, tandis que les investissements ont diminué. Parallèlement, alors que l'inflation avait atteint 14,2 % en 2022, avec un pic à 19,8 % en g.a. en octobre, elle a ralenti pour s'établir à 9,2 % en 2023, aidée par la baisse des prix des produits énergétiques et alimentaires ainsi que par la politique monétaire restrictive de la Banque centrale. Celle-ci a augmenté le taux directeur à 13 reprises depuis mars 2022, atteignant 6,3 % actuellement. Cependant, l'inflation a de nouveau progressé, à 4,5 % en mai 2024, après avoir enregistré un point bas à 3,0 % en février. Selon le FMI, l'inflation devrait s'établir en moyenne à 4,5 % en 2024, dont 5,2 % pour l’inflation sous-jacente (8,2 % en 2023) en lien avec la hausse des salaires. La croissance devrait s’établir à +2,5 % en 2024, soutenue par l'augmentation des investissements publics (notamment le corridor autoroutier 8/10d), avant d'atteindre +3,0 % à moyen terme.

Malgré une légère baisse des exportations (-0,4 % en g.a.), le déficit de la balance commerciale du pays s’est réduit en 2023, passant de -3,5 Mds EUR à -2,6 Mds EUR, en raison du relâchement des prix des importations énergétiques. Ce solde négatif est par ailleurs plus que compensée par l’excédent des revenus secondaires. De ce fait, le compte courant, qui était déficitaire depuis 2019 (-797,4 MEUR en 2022, soit 6,2 % du PIB), a enregistré un excédent en 2023 (+95,3 MEUR, soit 0,01 % du PIB). Malgré une baisse des IDE nets entrants de 21,0 % en g.a. à 523 MEUR (3,6 % du PIB), les réserves ont fortement augmenté, passant de 271,5 MEUR en 2022 à 606,2 MEUR en 2023. Au premier trimestre 2024, le compte courant est néanmoins redevenu déficitaire, alors que les exportations ont fortement diminué (-12,1 % en g.a.) tandis que les importations se sont stabilisées, mais est entièrement financé par les entrées nettes d’IDE.

Les crises ont accru les pressions financières mais le pays, soutenu par les institutions internationales, a adopté des réformes budgétaires.

En 2023, le déficit budgétaire a été enregistré à 4,9 % du PIB, après 4,5 % du PIB en 2022. La forte hausse des fonds alloués à la caisse des retraites et de l’assurance invalidité (+15,0 % en g.a.) et aux dépenses salariales (+14,7 % en g.a.) n’a en effet pas été compensée par les réformes adoptées en vue d’élargir structurellement l’assiette fiscale[1]. Ces dernières devraient néanmoins apporter des recettes annuelles supplémentaires d'environ 0,5 % du PIB en 2024, tandis que les subventions à l'électricité et à l'agriculture devraient diminuer pour des gains de respectivement 0,5 % et 0,1 % du PIB selon le FMI. Par ailleurs, un département de gestion des investissements publics (PIM) a été créé au sein du Ministère des Finances. Le déficit budgétaire devrait ainsi diminuer progressivement pour s'établir à 3 % du PIB en 2025 - conformément à la nouvelle règle budgétaire - tandis que les dépenses d’investissements augmenteraient. Le ratio de dette publique reste quant à lui contenu (53,1 % du PIB en 2023), en nette augmentation par rapport à 2019 néanmoins (+12,6 pp depuis 2019) et devrait diminuer progressivement après un pic à 54,6 % du PIB en 2024.

Toutefois, les besoins de financements extérieurs restent élevés, oscillant entre 10 et 14 % du PIB entre 2024 et 2028 selon le FMI, alors que la charge d’intérêt devrait occuper une part croissante des dépenses (de 1,2 % du PIB en 2022 à 2,3 % en 2027). Le pays est néanmoins soutenu par les institutions internationales. En 2024, le déficit de financement de 255 MEUR devrait être couvert par la mise à disposition de 200 MEUR au titre de la seconde revue de la ligne de précaution et de liquidité conclue avec le FMI en novembre 2022. Le solde serait entièrement financé par l’AMF de l’UE signé en juillet 2023 (50 MEUR sur les 100 MEUR au total), par un prêt de trésorerie de la BERD octroyé en 2023 (50 MEUR sur les 100 MEUR au total) à l’opérateur public d’électricité ESM, ainsi que par des subventions de l’UE (8 MEUR).

Des réformes sont nécessaires pour assurer la convergence économique vers l’UE.

En juin 2022, la Bulgarie a finalement levé son veto à l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne après que, en 2020, le Conseil européen eut donné son aval. Mais avec un PIB par habitant équivalent à 39,0 % de celui de l’UE (PPA, USD constant), le pays devra poursuivre la mise en œuvre des réformes pour assurer la convergence avec l’UE, notamment :

•    L’amélioration de la transparence et de l'efficacité des dépenses publiques. Malgré l’adoption, en septembre dernier, d’une nouvelle loi organique de finance publique, le récent changement de la formule d'indexation des pensions et des salaires pose de nouveaux risques pour la soutenabilité budgétaire selon le FMI. Les dépenses courantes et les charges d’intérêts devraient représenter une part croissante des dépenses publiques, réduisant les capacités d’investissement (4,3 % du PIB en 2023). Le budget reste en outre contraint par l’ampleur et l’opacité des exemptions et dépenses fiscales, l’absence de cadre transparent des aides d’État (besoin d’actualiser le registre), la collecte fiscale trop faiblement digitalisée et l’économie informelle (près de 38 % du PIB). La création d’un conseil budgétaire est une avancée. Celui-ci pourra notamment examiner l’évolution du projet de corridor autoroutier 8/10 (8-10 % du PIB sur 5 ans), exempté de la loi sur les marchés publics, alors que les coûts de contruction présentent une tendance haussière, de façon générale, y compris dans les autres pays de la région.

•    Freiner le déclin démographique. La Macédoine du Nord a connu une forte émigration au cours des deux dernières décennies, notamment parmi les jeunes, les plus diplomés et les entrepreneurs, avec un impact négatif sur la croissance potentielle (perte de main-d’œuvre et de compétences). Afin de limiter ce phénomène, la Macédoine du Nord devrait se concentrer sur des réformes visant à améliorer le marché du travail, alors que le taux de participation y reste relativement faible (63,8 % contre 74,6 % en moyenne au sein de l’UE en 2023). La lutte contre l'informalité et contre la corruption doit également être une priorité. Les dernières recommandations du GRECO[2] ne sont que partiellement mises en œuvre.

•    L’accélération de la transition énergétique dans un contexte de forte dépendance aux importations d’électricité. Les besoins liés à la transition énergétique sont importants : fermeture et reconversion des centrales thermiques au charbon, construction d’interconnexions pour le transport de gaz, rénovation des lignes de transmission, développement accéléré des ENR. Le plan national énergie-climat adopté vise la sortie des énergies fossiles d’ici 2027, ce qui est toutefois considéré irréaliste par les professionnels du secteur. Il semble indispensable de créer un cadre juridique et institutionnel favorable au développement des ENR, la constitution d’un ministère de l’énergie dans le nouveau gouvernement élu en 2024 pourrait le faciliter.



[1] En particulier de : l'impôt sur le revenu des personnes physiques, l'impôt sur les sociétés, la TVA, les accises et la taxe sur les véhicules à moteur.

[2] Groupe d'États contre la corruption

 
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