MADAGASCAR
Situation économique et financière de Madagascar en 2025
L’économie malgache maintient une croissance modérée (+4,2 % en 2024, stable par rapport à 2023), portée par l’essor du secteur minier, la reprise du tourisme et le dynamisme des services. L’activité devrait toutefois ralentir en 2025 (+3,9 % selon le FMI), sous l’effet du nouveau régime douanier américain qui pénaliserait fortement les exportations. Le gouvernement poursuit un programme de consolidation budgétaire et de réformes, malgré des défis persistants liés à la pauvreté et à la situation financière fragile des entreprises publiques. La dette publique, majoritairement externe et concessionnelle, reste soutenable malgré sa progression.
1. L’économie malgache croît modérément en raison de fragilités internes et d’une forte exposition aux chocs extérieurs
Après une récession historique en 2020 (-7,1 %), Madagascar a connu une reprise relativement soutenue (+ 4,4 % en moyenne/an entre 2021 et 2023, contre seulement + 3,0 % sur la décennie 2010–2019). En 2024, la croissance est restée stable (à + 4,2 %), portée par une hausse significative de la production de graphite, ainsi que par le dynamisme des secteurs des transports, de la construction et des télécommunications. Le tourisme a également soutenu l’activité (308 000 entrées en 2024, au-delà du niveau de 2019), grâce à l’ouverture de nouvelles liaisons aériennes. Néanmoins, certains secteurs clés (industrie, exportations de nickel, textile et vanille) peinent à retrouver leur niveau prépandémique. Le passage du cyclone Gamane en mars 2024 a fortement perturbé la production agricole et les réseaux électriques.
L’inflation reste élevée à Madagascar (+7,6 % en 2024, après +9,9 % en 2023), bien au-dessus de la cible de 5,0 % fixée par la Banque centrale (BFM). Le reflux des cours du pétrole et le gel des tarifs d’électricité ont permis un certain ralentissement, mais les prix alimentaires et énergétiques ont été poussés à la hausse par le cyclone Gamane et la dépréciation continue de l’ariary (-29 % depuis janvier 2020), qui alourdit le coût des importations. L’État a maintenu un important dispositif de subventions aux carburants et à l’électricité (250 M USD par an) pour atténuer ces pressions. L’inflation sous-jacente reste élevée (+8,4 % fin 2024), en lien avec des contraintes structurelles (état des routes, instabilité de l’approvisionnement électrique) qui renchérissent les coûts de transport et de production.
Face à cette inflation persistante, la BFM a durci sa politique monétaire : le taux directeur a été relevé de 10,5 % à 12 % en mai 2025 (après une première hausse de +50 pdb en août 2024), et le ratio de réserves obligatoires porté à 15 % en novembre 2024. Elle a également décidé de faire du taux directeur son principal instrument, délaissant le corridor de taux d’intérêt. Toutefois, ces mesures ont un effet limité à court terme, l’inflation étant largement alimentée par des chocs d’offre. En 2025, l’inflation totale devrait repartir à la hausse (+8,4 % selon le FMI), sous l’effet de la suppression progressive des subventions aux carburants (via un mécanisme automatique d’ajustement des prix, prévu d’ici avril 2026) et de la révision des tarifs d’électricité pour les industriels (+16 % en septembre 2025).
Les prévisions pour 2025 indiquent un impact significatif de la nouvelle donne américaine (-0,7 pt de croissance selon le FMI par rapport aux anciennes prévisions d’octobre 2024). Ainsi, la croissance baisserait en 2025 (+3,9 % selon le FMI, contre +4,5 % selon le gouvernement malgache). L’investissement devrait être soutenu par plusieurs projets d’infrastructure majeurs (extension du port de Toamasina, pipeline, axes routiers Antananarivo–Toamasina). Les extractions minières devraient également soutenir la croissance avec la mise en service à mi-2025 de la mine de graphite de Maniry. À moyen terme, la croissance convergerait progressivement vers son potentiel (estimé à +5,0 %), portée par le tourisme, les télécommunications, le secteur minier et la production rizicole. Malgré une exposition aux chocs extérieurs (conflits, volatilité des matières premières), les principaux freins à la croissance restent internes : pénuries d’eau et d’électricité, dégradation des infrastructures, vulnérabilité climatique et gouvernance. Avec une forte croissance démographique (+2,7 % par an), ces contraintes limitent l’amélioration du niveau de vie et la réduction durable de la pauvreté[1], qui demeure généralisée.
Le secteur bancaire, parmi les moins développés d’Afrique subsaharienne, affiche des signes d’amélioration. Le secteur est bien capitalisé, rentable et le niveau de risque est relativement limité (taux de NPL à 7,8 %). Le marché demeure toutefois très concentré : quatre banques, dont la BRED, détiennent 80 % des actifs. L’inclusion financière a progressé à 40 %, portée par le mobile banking (Mvola), mais seuls 19 % des adultes accèdent à des services financiers formels. L’effet d’éviction du secteur public s’est nettement atténué.
2. Les efforts budgétaires sont significatifs malgré des contraintes financières persistantes
La performance budgétaire en 2024 présente des résultats mitigés. Le déficit public a diminué, atteignant -2,8 % du PIB en 2024 (contre -4,2 % en 2023) grâce à une rationalisation des dépenses. Toutefois, le déficit primaire de 2024 (-2,8 % du PIB) a dépassé la cible fixée par le FMI, en partie en raison d’un financement exceptionnel accordé à la JIRAMA – compagnie nationale d’eau et d’électricité. Le déficit primaire devrait toutefois rester sous 3 % du PIB à moyen terme, grâce à une meilleure mobilisation des recettes attendue dans le cadre du programme FMI. Les recettes fiscales sont en baisse (10,9 % du PIB en 2024, après 11,2 % en 2023) et largement en dessous du niveau (15,0 % du PIB) considéré comme indispensable pour assurer les investissements dans les infrastructures de base. L’entreprise publique JIRAMA a un poids considérable pour les finances publiques de Madagascar : son déficit a représenté 1,3 % du PIB en 2023. Le déficit public pourrait toutefois se détériorer en 2025 (-4,3 % du PIB), sous l’effet d’un recul des recettes lié à la faiblesse de la demande intérieure, avant de se résorber à moyen terme grâce aux réformes engagées et à la hausse attendue des recettes minières. L’adoption du plan de redressement financier de la Jirama au mois de juin 2025 ne dissipe pas les incertitudes concernant sa gouvernance.
La dette publique malgache reste soutenable, selon le FMI, avec un risque modéré de surendettement. Majoritairement extérieure et concessionnelle, elle suit une trajectoire haussière depuis cinq ans (50,4 % du PIB en 2024, après 41,2 % en 2019). Cette hausse résulte d’un recours accru aux financements extérieurs, notamment via les facilités de crédit rapide du FMI octroyés pendant la crise pandémique. La Banque mondiale est le principal créancier de Madagascar, représentant 31,5 % de la dette publique, suivie du FMI (12,6 %) et des bailleurs bilatéraux (11,9 % de la dette publique, 16,4 % de la dette externe), dont l'EximBank of China (3,9 %), le bailleur bilatéral le plus important. En 2025, la dette publique devrait légèrement augmenter (51,3 % du PIB selon le FMI), en raison d’une hausse attendue de l’endettement extérieur – tendance qui pourrait toutefois être (i) freinée par des difficultés d’exécution budgétaire, (ii) accélérée par une dépréciation du change. A moyen-terme, la réforme de la JIRAMA sera déterminante pour garantir la soutenabilité de la dette.
La position externe est très fragile et s’est détérioré en 2024. Le déficit courant s’est creusé (-5,4 % du PIB, après – 4,1 % en 2023) sous l’effet d’une forte baisse des exportations liée à un recul de la production, notamment dans les secteurs miniers (suspension temporaire des activités du projet Ambatovy) et de la vanille (du fait de stocks élevés). En 2025, les exportations devraient encore reculer, tout comme les importations, portant le déficit courant à -6,1 % du PIB. Les réserves en devises sont en hausse (6,1 mois d’importations fin 2024, après 5,7 mois fin 2023), niveau jugé satisfaisant. Le risque de change reste une vulnérabilité majeure pour le pays, très exposé au risque climatique et aux prix du nickel et de la vanille. Depuis 2020, l’ariary a perdu environ un tiers de sa valeur.