Finances publiques

La Loi de finances initiale de 2023

 

La loi de finances initiale pour 2023 a été promulguée le 23 décembre 2022 par le Président de la République. Elle table sur une légère accélération de la croissance par rapport à la loi de finances rectificative 2022 (+4,9%, contre +4,2% en LFR). Elle affiche un déficit budgétaire de 6% du PIB, en légère résorption par rapport à la LFR 2022 (6,2%). Les prévisions de recettes globales augmentent fortement de 29% par rapport à la LFR, avec un taux de pression fiscale en hausse de 1 point (12,1% du PIB). Les prévisions de dépenses augmentent également de 7% avec une centralisation moins importante au niveau du ministère de l’économie et des finances (22% du budget) par rapport à 2022 (40%).

1. Une accélération de la croissance (+4,9%) par rapport à la LFR 2022, plus optimiste que le FMI (+4,2%)

La LFI prévoit une légère accélération de la croissance en 2023 (+4,9% contre 4,2% en LFR), scénario plus optimiste par rapport à celui du FMI, qui table sur une croissance stable (+4,2% comme en 2022). L’évolution du PIB sera surtout soutenue par le secteur secondaire dont la progression atteindra 8,6% (contre 10,9% en LFR), tiré par le secteur minier dont les performances connaissent un tassement par rapport à 2022 (+14,7% contre +23,6% en LFR). La croissance du secteur tertiaire devrait rester stable (+4,1% comme en 2022), en raison d’un ralentissement des activités du secteur hôtellerie et restauration (+30,2% suite à une relance forte l’année précédente : + 133,4%) et du secteur TIC (+5,4% contre 7,2% en LFR), tandis qu’une légère accélération s’observe dans le secteur transport (+4,8% contre +4,2%). La croissance du secteur primaire devrait s’accélérer (+2,3% contre 0,9% en LFR), grâce à une augmentation attendue de la production agricole (+3%), principalement tirée par le riz (+10%).

L’inflation est révisée à la hausse à 8,6% en 2022 (contre 8,0% en LFR), des prévisions toutefois inférieures à celles du FMI (+9,5%), dans un contexte de pressions inflationnistes liées au conflit en Ukraine et à la hausse des prix à la pompe en juillet 2022.

Le gouvernement table sur un creusement du déficit de la balance courante à 6,2% du PIB en 2023 contre 6% en LFR 2022. Ce déficit devrait être compensé par un rebond attendu des IDE et un maintien de l’excédent de la balance financière, qui restent insuffisants pour dégager un excédent de la balance des paiements. Les réserves des devises couvriront 3,9 mois d’importations en fin 2023 contre 4,1 mois fin 2022.

La prévision du taux d’investissement s’établit à 25,3% du PIB en 2023, en forte hausse de 4,2 points par rapport à la LFR. Il est composé à 12,2% d’investissements publics et 13,1% d’investissements privés.

2. Un déficit budgétaire de 6% du PIB, financé à 90% par l’extérieur, dont une aide budgétaire de la Banque mondiale de 200 M€

La LFR est caractérisée par une légère résorption du déficit budgétaire à 6% du PIB, contre 6,2% du PIB en LFR. Il serait largement financé à hauteur de 89,6 % par financement externe (827 M€, notamment sous la forme d’un prêt budgétaire de la part de la Banque mondiale pour 186 M€, d’un prêt de la Deutsche Bank de 93 M€ et de décaissements du FMI au titre du programme FEC pour 61 M€) et 10,4% par financement interne (97 M€ dont une partie des allocations de DTS du FMI pour 90 M€, le reste sous forme d’émission de bons du Trésor).

La dette publique malgache rapportée au PIB devrait augmenter à 40,6% (+2,5 points) en 2023 contre 38,1% en 2022. Elle est majoritairement externe (30,9% du PIB) et cette tendance s’accentue. Le FMI estime la dette publique à un niveau plus élevé : à 53,1% du PIB en 2023, en baisse par rapport à 2022 (57,1%).

3. Forte hausse attendue des recettes budgétaires de 29% grâce à un meilleur recouvrement des recettes fiscales (+25%)

 Les prévisions de recettes globales atteignent 2,54 Mds € en LFI 2023, contre 1,97 Mds € en LFI, soit une forte hausse de 29%. Elles sont composées des recettes fiscales (1,94 Mds €, à hauteur de 76,2%) devant les dons projet (564 M€ pour 22,1%), les recettes non fiscales (41 M€ ; 1,6%) et les dons courants (0,1 M€). Une forte hausse des recettes fiscales (+24,6%) est constatée, alors que les aides budgétaires restent suspendues comme en 2022. Les dons projet connaissent une forte progression (+49,7%, c’est à dire l’aide-projet des bailleurs internationaux, comme le l’IDA, le FAD, les reliquats du 11ème FED …).

Le taux de pression fiscale atteindrait 12,1% du PIB contre 11,1% en LFR, soit une forte hausse de 1 point. Il s’élevait à 10,2% du PIB en 2021. Les recettes fiscales s’établissent à 1,94 Md€, en forte hausse de 24,6% par rapport à la LFR. La principale ressource demeure les recettes douanières avec 911 M€ (47% des recettes fiscales ; 730 M € en LFR), qui connaitront une hausse de 24,8%. Cette progression s’explique principalement par une forte hausse de la TVA à l’importation (46% des recettes douanières ; hausse de 27,9%).

Vient ensuite l’impôt sur le revenu et bénéfices (impôt sur les revenus salariaux, impôts sur les revenus des capitaux mobiliers, impôt synthétique, taxe sur les marchés publics) qui connaîtra une forte hausse (+37,2%, soit 516 M€, contre 376 M€ en LFR). Les impôts sur les biens et services augmenteront également (TVA domestique, droits d’accise, taxes sur les transactions) à 500 M€ (+14,6% ; contre 436 M€ en 2022) en raison de la hausse attendue des recettes liées aux taxes sur les transactions (+14,5%) et aux droits d’accises (+15,4%). Les recettes liées aux impôts sur la propriété restent stables (11 M€).

4. Hausse des dépenses de 6,9% et meilleure répartition de la dotation budgétaire entre les ministères

 4.1. Augmentation des dépenses de 6,9% par rapport à la LFR à 3,31 Mds € (22,7% du PIB)

Elles sont composées pour 54% des dépenses d’investissement (1,79 Mds €) qui augmentent de moitié par rapport à la LFR. 41,8% des dépenses sont liées au fonctionnement – solde du personnel, indemnités, achat de biens et services, transferts et subventions – et diminuent fortement de 24,1% (1,38 Md €). Le service de la dette reste faible : 4,2% des dépenses (138 M€).

Par secteur, on observe une meilleure répartition des dépenses, précédemment centralisées au niveau du ministère de l’économie et des finances (22,9% contre 40% en LFR). Le Minefi voit ainsi son budget diminuer de 38,6 % (756,4 M €, en raison principalement d’une forte baisse des dépenses de fonctionnement de 51,3%, dont plus du tiers était constituée d’opérations d’ordre).

Les principaux ministères bénéficient d’une hausse plus ou moins conséquente de leurs dépenses, grâce à la meilleure répartition du budget et dans un contexte d’année électorale. En deuxième position, le ministère de l’éducation nationale voit sa dotation augmenter de 10,9% (373 M€, en raison de dépenses d’investissement en hausse de 18%).

En troisième position, le ministère des travaux publics obtient 370 M€, en hausse de 23,7%, grâce à une progression de 23,8% des investissements, principalement de source externe (+37,4%). Le ministère de la santé publique voit son budget fortement augmenter de 39,8% (257 M€) tout comme l’agriculture et l’élevage (186 M€, +41,2%). C’est également le cas de l’intérieur et la décentralisation (181 M€, +48,2%), de l’eau et assainissement (155 M€, +159%) et de l’énergie et les hydrocarbures (114 M €, +45,7%).

Les ministères en charge de l’ordre public voient leur dotation augmenter : la défense nationale (102 M €, +17,2%), la gendarmerie (88 M€, +15,1%) et la sécurité publique (48 M€, +15,9%).  D’autres institutions stratégiques connaissent également une hausse de leur budget durant cette année électorale : les nouvelles villes et l’habitat (77 M€, +415,7%), la Présidence de la République (73 M€, +54,7%), et l’enseignement supérieur (67 M€, +24,7%).

4.2. Des dépenses d’investissement en forte hausse de 52,4% et concentrées principalement (20,5 %) au ministère des travaux publics

 Le ministère des travaux publics concentre 20,5% des dépenses d’investissement (366 M€), qui voit sa dotation augmenter de 23,3% par rapport à 2022. Le ministère de la santé obtient le deuxième budget d’investissement (189 M €, 10,6% du total), en forte hausse de 39,8%.

Les secteurs sociaux et productifs connaissent une hausse importante de leurs dépenses : l’agriculture et l’élevage (177 M€, +43,9%), l’eau et l’assainissement (152 M€, +165,5%), l’intérieur et la décentralisation (138 M€, +35,8%), l’énergie et hydrocarbures (112 M€, +45,7%), les nouvelles villes et l’habitat (75 M€, +415,7%), l’éducation nationale (69 M€, +17,6%) et la Présidence (53 M€, +54,7%).

Le Minefi connait toutefois une légère baisse de sa dotation (139 M€, -5%), tout comme l’aménagement du territoire (49 M€, -0,6%).

4.3. Des dépenses de fonctionnement en forte baisse de 24,1% et centralisées à 35% au ministère de l’économie et des finances

 Cette variation est essentiellement imputable à une forte diminution des opérations de trésorerie du Minefi (-93,2% , de 630 M € à 43 M €). Cette variation correspondrait à une chute des « autres opérations nettes du Trésor » (AONT)[1] parmi les opérations d’ordre. Le Minefi concentre à lui seul plus du tiers des dépenses de fonctionnement (479 M €, 34,6% du total contre 54 % en LFR), en forte baisse de 51,3% pour les raisons susmentionnées.

Les principaux départements connaissent une hausse plus ou moins importante de leur dotation, à l’image de l’éducation nationale qui bénéficie d’une augmentation de 9,7% (304 M€), tout comme la défense nationale (91 M€, +6,6%), la gendarmerie (87 M€, +15,5%), la santé publique (68 M€, +10,7%), l’enseignement supérieur (57 M€, +11,5%), la sécurité publique (42 M€, +3,4%), la Justice (34 M€, +7,6%), la Présidence (20 M€ ; +3,8%) ou les affaires étrangères (18 M€, +6,7%).

Outre le Minefi, seuls deux ministères connaissent une baisse de leurs dépenses de fonctionnement pour 2023, à l’image de l’intérieur et la décentralisation (42 M€, -4,8%) et du Secrétariat d’Etat chargé des villes nouvelles et de l’habitat (2 M€, -6,8%).


5. Des mesures fiscales qui peuvent freiner la croissance économique

L’Etat a mis en place des mesures administratives et fiscales pouvant mener à une augmentation des recettes fiscales de 163 M€ par rapport à 2022. Les principales mesures se répartissent comme suit :

  • en matière de mesures administratives : un gain attendu de 95 M€ grâce au recouvrement d’arriérés divers (impact : +54,3 M€), à la meilleure gestion de la TVA (+9,8 M€), à la prise en charge des demandes d’admission temporaire (DAT, 6,5 M€), à l’intensification des contrôles fiscaux (+4,3 M€), à la généralisation de télépaiements (E-hetrapaiement, e-hetraphone, hetraonline,+4,3 M€) ; au suivi des mesures de suppression d'exonération et de réduction d'impôts (+4,1 M€) ; à l’optimisation de l'exploitation des données DG douanes et DG des impôts (DGD-DGI, +3,3 M€) ; au suivi des nouveaux contribuables suite à l'insertion et à la formalisation de leurs activités informelles (+3,3 M€) ; au suivi du recouvrement des IRSA (+2,6 M€) ; au déploiement du Système d'administration fiscale (SAFI, +1,3 M€) ; au suivi de contrats de performance avec tous les bureaux opérationnels, et les Directions régionales des impôts (DRI, +0,7 M€) ; à l’amélioration des services aux contribuables (+0,4 M€) et au suivi de l'ajustement de droits d'accises sur les jus (+0,3 M€);
  • en matière de droits de douanes : un gain attendu de 36 M€ grâce à l’application d’un taux de 3% sur le montant à exporter des produits de l’agriculture et des forêt, avec un délai de paiement de 3 mois (+25 M€) et au rehaussement du taux de TVA de 15% à 20% pour le supercarburant et le gas-oil (+10,6 M€) ;
  • en matière d’impôt sur le revenu : un gain attendu de 17 M€ grâce à la retenue à la source de l’impôt synthétique des revenus des agriculteurs dans la filière vanille (+10,5 M€) et à l’application d’un acompte sur l'impôt synthétique (AIRS) hors vanille (+6,7 M€) ;
  • en matière de droit d’accises : un gain attendu de 13 M€ grâce à une meilleure traçabilité des produits soumis aux droit d'accises (+5,4 M€) ; à l’augmentation du droit d'accise sur tabacs (+4,5 M€) ; à la mise en place d'un droit d'accise de 6% sur l'or (+2,2 M€) ; à l’application d’un taux de droit d'accises de 360 Ar par litre pour les rhums (+0,7 M€) ;
  • en matière d’impôt sur la propriété : un gain attendu de 3 M€ grâce à l’application un droit de 0,5% pour les cessions et mutations de créances à titre onéreux ou gratuit (+1,5 M€) et d’un droit d’enregistrement (DE) relatif à la formation ou la prorogation de société (+1,1 M€);

Plusieurs mesures fiscales à l’impact total non chiffré sont également proposées afin de contribuer à la relance économique en 2023, notamment :

  • en matière d’impôt sur le revenu : exonération à l’IR pour les écoles confessionnelles désintéressées ; affranchissement de l’Impôt sur le revenu pour les revenus réalisés par les sociétés coopératives ; affranchissement sur l’Impôt sur les revenus des capitaux immobiliers (IRCM) des intérêts sur les prêts accordés par les membres ou sur les emprunts contractés par les membres de sociétés coopératives ;
  • en matière de droits de douane : exonération à la TVA de l’importation et la vente des matériels et équipements pour les cimenteries ; des matériels et équipements pour la mise en place des unités industrielles de transformation et agroalimentaire dans le cadre de One District One Factory  sur décision prise en Conseil des Ministres ; de l’importation de matériels et équipements spécifiques non disponibles localement pour la mise en place des complexes hôteliers et touristiques ; des matériels et équipements en vue de la mise en place des parcs d’attraction dont les parcs aquatiques et animaux d’attraction…

 

6.Un plan d’emprunt extérieur pluriannuel très ambitieux dans un contexte électoral

La LFI 2023 présente les orientations du plan d’emprunt extérieur pluriannuel (2023-2024), où les autorités comptent recourir à 3,60 Mds € d’emprunts extérieurs (contre 2,77 Mds € inscrits en LFR 2022). 54% de ces emprunts seraient d’origine concessionnelle (composée à 29% de dette multilatérale et 25% de dette bilatérale).

Le premier bailleur serait les Etats-Unis (955 M€, soit 26,5 du total) qui pourrait financer des projets aux contours encore flous via deux entités : le fonds « Secure Capital Investments », qui financerait à hauteur de 899 M€ le projet d’autoroute entre Tananarive et Tamatave pour 719 M€ (le coût total du projet a été estimé par le gouvernement à 855 M€ en décembre 2022) ainsi que les projets Voie rapide ouest de Tananarive (VROT) et de fly-over pour un total de 180 M€ ; l’Exim Bank USA financerait un « projet de rénovation des ouvrages d'art vulnérables sur les routes nationales » pour 56 M€. Vient ensuite, l’Exim Bank China (576 M€, 16% du total) qui financerait notamment la construction du projet de barrage hydroélectrique à Ranomafana, la fourniture et la livraison de matériels roulants et équipements ferroviaires et la mise en place de lignes haute tension de transport d’électricité reliant le nord et le sud de Tananarive.

 Le premier bailleur multilatéral serait la Banque mondiale (550 M€, soit 15,3% du total ; projets en faveur de la sécurité alimentaire, de la nutrition, des infrastructures routières, et un prêt de 90 M€ destiné à soutenir le budget de l’Etat. L’inde (206 M€, 5,7%) contribuerait au financement du secteur agricole, industriel et énergie.

La France (173 M€, soit 4,8%) mobilisera ses principaux instruments de financement bilatéraux : prêts de l’AFD, prêt du Trésor, prêt de BPIFrance). La BEI financerait le PRIRTEM II et contribuerait au financement du barrage hydroélectrique de Sahofika pour un total de 170 M€ (4,7%). La Deutsche Bank pourrait financer un prêt destiné à soutenir le budget pour 166 M€ (4,6%). Le FIDA (130 M€, 3,6%) soutiendrait le développement du secteur agricole et de l’eau ; l’OFID prévoit 83 M€ de prêts en faveur des infrastructures routières (RN9) et de l’énergie ; l’Exim Bank de Corée du Sud (82 M€ ; 2,7%) soutiendra le secteur énergie à travers le financement de PRIRTEM I ) et la réhabilitations de la RNT8.

 

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