MADAGASCAR
Finances publiques
La Loi de finances rectificative de 2021
La loi de finances rectificative pour 2021 a été promulguée le 10 août 2021 par le Président de la République. Après une récession de 5,7% en 2020, elle table sur une relance de 4,3% du PIB en 2021 (contre 4,5% inscrits en LFI et 3,2% selon le FMI). Elle affiche un déficit budgétaire de 6,5% du PIB, qui se creuse par rapport à la loi de finances initiale 2021 (5,5%), en raison d’une reprise des activités économiques moins forte que prévu faisant suite à la crise de Covid-19. Les recettes globales sont révisées à la baisse de 5% par rapport à la LFI, avec un taux de pression fiscale à 10,7% du PIB contre 10,9% inscrits en LFI. Les dépenses diminuent également de 3,2% avec une centralisation renforcée au niveau du ministère de l’économie et des finances (38% du budget contre 33% en LFI).
1. Une reprise soutenue de la croissance (+4,3%), mais restant optimiste selon le FMI (+3,2%)
En raison de la crise du Covid-19, les autorités malgaches ont revu leurs prévisions économiques pour 2020 à la baisse, avec une récession de -5,7% contre -3,8% inscrit en LFI 2021.
Une relance de la croissance serait observée en 2021 (+4,3% contre 4,5% en LFI), scénario optimiste par rapport à celui du FMI (+3,2%). L’évolution du PIB sera surtout soutenue par le secteur secondaire dont la progression, bien que moins importante que prévue, atteindra 10% (contre 10,6% en LFI) grâce notamment à la reprise en mars dernier des activités du projet minier d’Ambatovy. Le secteur primaire demeure résilient face à la crise (+3,6%, sans révision par rapport à la LFI). La croissance du secteur tertiaire devrait se maintenir comme en LFI (+4,1%) grâce au dynamisme du secteur TIC (+9,2% après une forte hausse en 2020 de 90,6%). Ses performances restent néanmoins tributaires de la réouverture des frontières aériennes, nécessaire à la relance de l’hôtellerie, de la restauration et des transports. Une hausse de 30,5% est ainsi attendue en 2022 contre +4,5% inscrit en LFR 2021.
L’inflation restera élevée à 5,6% en 2021 (contre 6,2% en LFI), supérieure à 2020 (4,2%), tandis que le FMI table sur une diminution de l’inflation à 4%.
Le gouvernement table sur un déficit de la balance courante à 4,8% du PIB en 2021 contre 4,6% en LFI. Ce déficit devrait être compensé par le rebond attendu des IDE et du maintien de l’excédent de la balance financière, permettant de dégager un excédent de la balance des paiements. Les réserves des devises couvriront pour 5,6 mois d’importations en 2021 contre 6,0 mois fin 2020, en raison de la hausse des importations par rapport à 2020.
La prévision du taux d’investissement s’établit à 22,1% du PIB en 2021, soit une révision à la baisse de 0,7 point par rapport à la LFI (22,8%). Il est composé à 8% d’investissements publics et 14,2% d’investissements privés.
2. Un déficit budgétaire de 6,5% du PIB, financé à 56% par les recettes extérieures et à 44% par les recettes internes
La LFR promulguée le 10 août 2021 est caractérisée par un creusement du déficit budgétaire à 6,5% du PIB, contre 5,5% du PIB en LFI. Il sera financé à hauteur de 55,6 % par financement externe (460 M€, dont un financement du FMI de 138,6 M$ au titre de la Facilité Elargie de Crédit, ainsi que des prêts de la Banque mondiale pour un total de 125 M$) et 44,4% par financement interne (367 M€ sous forme d’émission de bons du Trésor).
Selon le FMI, la dette publique malgache rapportée au PIB devrait fortement augmenter à 46,9% (+6,2 points) en 2021 contre 40,7% selon ses prévisions initiales. Elle est majoritairement externe (34,7% du PIB) et cette tendance s’accentue.
3. Révision à la baisse des recettes budgétaires de 5% en raison d’une diminution de la collecte fiscale
Les prévisions de recettes globales atteignent 1,74 Mds € en LFR, contre 1,83 Mds € en LFI, soit une révision à la baisse de 5%. Elles sont composées des recettes fiscales (1,41 Mds €, à hauteur de 81,1%) devant les dons projet (226 M€ pour 13% ; aide projet des bailleurs internationaux, comme le FED, l’IDA, le FAD, etc.), les dons courants (64,7 M€, soit 3,7% ; aide budgétaire des bailleurs internationaux) et les recettes non fiscales (36,7 M€ ; 2,1%). Une baisse des recettes fiscales (-4,3%) et une forte diminution des dons projet (-14,8%) sont constatées, que n’arrivent pas à compenser largement la légère hausse des autres recettes : les dons courants de 3,7% et les recettes non fiscales de 2,1%.
Le taux de pression fiscale atteindrait 10,7% du PIB contre 10,9% en LFI, soit une légère révision à la baisse de 0,2 points. Il s’élevait à 8,9% du PIB en 2020. Les recettes fiscales s’établissent à 1,41 Md€, en baisse de 4,3% par rapport à la LFI. La principale ressource demeure les recettes douanières avec 617 M€ (contre 622 M € en LFI), qui connaitront une légère baisse de 0,8%, notamment de la TVA à l’importation (-1,5%), alors que les taxes sur les produits pétroliers et autres droits de douanes resteront stables.
Viennent ensuite les impôts sur les biens et services (TVA domestique, droits d’accise, taxes sur les transactions) à 378 M€ (contre 399 M€ en LFI) qui diminuent de 5,1% en raison de la baisse attendue des recettes liées au droit d’accises (-9,5%) et aux taxes sur les transactions (-3%). L’impôt sur le revenu et bénéfices (impôt sur les revenus salariaux (IRSA), impôts sur les revenus des capitaux mobiliers, impôt synthétique, taxe sur les marchés publics) connaîtra également une baisse (-8,6%, soit 364 M€ contre 398 M€ en LFI) tout comme les impôts sur la propriété (10 M€, -7,7%).
4. Une centralisation renforcée des dépenses au niveau du ministère de l’économie et des finances par rapport à la LFI (38% contre 33%)
Diminution des dépenses de 3,2% par rapport à la LFI 2021, soit de 2,53 Mds € (19,6% du PIB) à 2,46 Mds€ (19,4% du PIB)
Elles sont composées pour moitié (1,19 Mds €, 48%) des dépenses de fonctionnement – solde du personnel, indemnités, achat de biens et services, transferts et subventions – en hausse de 7,8% par rapport à la LFI. 41% des dépenses correspondent aux dépenses d’investissement (1 Md €) qui diminuent significativement de 17,4%. Les opérations dites de trésorerie[1] (163 M€) concentrent 6,6% des dépenses devant le service de la dette (97 M€ ; 4%).
Par secteur, la LFR renforce la centralisation des dépenses au niveau du ministère de l’économie et des finances (38,4% contre 32,9% en LFI), empêchant une appréciation fine des priorités du gouvernement. Le Minefi voit ainsi son budget augmenter fortement de 12% (942 M€, en raison notamment d’une forte hausse des dépenses de fonctionnement de 20%).
La plupart des ministères importants connaissent une diminution plus ou moins forte de leur budget. En deuxième position, le Ministère de l’éducation nationale voit sa dotation baisser de 9% (285 M €, en raison à des investissements en chute de 42%), tout comme le ministère de l’aménagement du territoire et des travaux publics (246 M€, -19%) et le ministère de la santé publique (146 M€, -14%). C’est également le cas de l’agriculture, l’élevage et la pêche (105 M€, -13%), la défense nationale (84 M €, -3%), l’intérieur et la décentralisation (80 M€, -9%), la gendarmerie (69 M€, -3%), l’enseignement supérieur (64 M€, -5%), ainsi que de l’énergie et hydrocarbures (37 M €, -30%). Tandis que le budget de la Primature reste inchangé (59 M€), d’autres départements connaissent une augmentation notable : la Présidence (44 M€, +3%) et le ministère des transports et du tourisme, dont le budget double (31 M€, +139% grâce à un triplement de ses dépenses d’investissement).
Des dépenses de fonctionnement en hausse de 7,8% et centralisées à 44% au ministère de l’économie et des finances
Le ministère de l’économie et des finances concentre à lui seul 44% de ces dépenses (611 M€, contre 39,4 % en LFI), en forte hausse de 20% par rapport à la LFR 2020. Cette hausse s’explique surtout par une forte augmentation des transferts et subventions (+44,3%) et des achats de biens et services (+32,6%).
Vient ensuite l’éducation nationale, qui connaît une baisse légère (247 M€, -0,4%). Une réduction modérée des budgets est globalement constatée pour les ministères importants tels que : la défense nationale (79 M€, -2,1%), la santé publique (64 M€, -1,6%), l’enseignement supérieur (54 M€, -4,1%), l’intérieur et la décentralisation (44 M€, -1,2%) et la Justice (32 M €, -2%). Néanmoins, le budget alloué à la gendarmerie connaît une légère hausse de 1,6% (68 M€) tout comme celui de la sécurité publique (37 M€, +1,4%) et celui de la Présidence de la République (21 M€, +1,9%).
Des dépenses d’investissements en forte baisse de 17,4% et concentrées principalement (+ de 48 %) au ministère de l’aménagement du territoire et des travaux publics et au ministère des finances
Le ministère de l’aménagement du territoire et des travaux publics concentre 24,4% des dépenses d’investissement, quoiqu’en forte baisse de 19,1% (236 M€) par rapport à la LFI. Ce retrait s’explique par la réduction des dépenses d’investissement sur financement externe (-19,2%) et interne (-18,5%).
Le Minefi obtient un budget équivalent (234 M €, 24,2% du total), en hausse de 5%, en raison d’une augmentation de 11,9% des investissements sur financements internes.
Les secteurs sociaux et productifs connaissent une réduction significative de leurs dépenses : l’agriculture, l’élevage et la pêche (93 M€, -14,2%), la santé publique (82 M€, -22,6%), l’éducation nationale (38 M€, -41,8%), l’intérieur et décentralisation (36 M€, -16,3%), l’énergie et hydrocarbures (36 M€, -30,1%), la justice (13 M €, -20,6%), ainsi que l’eau et assainissement (12 M€, -63,2%).
Le ministère des transports, du tourisme et de la météorologie voit cependant sa dotation tripler par rapport à la LFI (27 M€, +220%), en raison d’une forte hausse des investissements sur financement interne portant sur le renouvellement et la construction d’infrastructures des réseaux ferroviaires. Une progression est également constatée au niveau de la Primature (49 M€) et de la Présidence (23 M€) dont les dotations augmentent chacune de 4,1%.
5. Des mesures fiscales avec un impact macro-économique limité
Plusieurs mesures fiscales à l’impact total non chiffré sont proposées afin de contribuer à la relance économique en 2021, notamment :
- en matière d’impôt sur le revenu et bénéfices : taxe sur les marchés publics (TMP) renommée impôt sur les marchés publics (IMP) ; précisions sur les opérations non imposables à l’IMP et sur les modalités de recouvrement de l’IMP ;
- en matière de TVA : précisions sur les cas d’exonération à la TVA des opérations réalisées par un titulaire de marchés publics entrant dans le champ d’application de l’IMP ;
- en matière de droit d’accises : abaissement du taux de droits d’accises sur l’importation d’alcool à 3 750 MGA (impact : -4,6 M€) ;
- en matière de droits de douane : harmonisation de dispositions du code des douanes avec celles du code des douanes du marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) ; harmonisation relative à la mise en œuvre des mesures correctives commerciales ; renforcement de dispositions relatives à la constitution de garanties dans le cadre du régime de l'entrepôt privé de douane, du suivi et contrôle du délai de séjour, de manipulation et de conservation des marchandises placées en entrepôt.
L’Etat a également mis en place des mesures administratives et fiscales afin de compenser les pertes sur les recettes traditionnelles, pouvant mener à une augmentation des recettes fiscales de 28,3 M€. Ces mesures se répartissent comme suit :
- en matière de mesures administratives : conclusion de contrats de performance avec les services fiscaux (impact : +10,4 M€) ; généralisation des télépaiements tels que l’e-hetra paiement, e-hetraphone, hetra-online (impact : +8,7 M€) ; autres mesures transversales (impact : +2 M€) ;
- en matière de droit d’accises : hausse du taux de droit d’accises (sans être inférieur à 600 MGA par litre) sur bières locales à 12,5% (impact : +6,2 M €) ;
- en matière de droits de douanes : hausse des droits des douanes des savons et détergents en liquide ou en poudre de 5 % à 20% (impact : +1 M€).
6. Un plan d’emprunt extérieur pluriannuel moins ambitieux par rapport à la LFI
Par ailleurs, la LFR 2021 présente les nouvelles orientations du plan d’emprunt extérieur pluriannuel, où les autorités comptent recourir à 1,6 Md€ d’emprunts extérieurs (contre 2,4 Mds € inscrits en LFI). 66% de ces emprunts seront d’origine concessionnelle (composée à 35% de dette multilatérale et 31% de dette bilatérale). Le premier bailleur est la Banque mondiale (300 M€, 19,2%, en faveur des pôles intégrés de croissance en soutien au secteur privé ; la gouvernance digitale ; le capital humain et le soutien au secteur privé ; la résilience agricole du Sud du pays). Vient ensuite, l’Exim Bank China (285 M€, 18,3% du total) qui financerait notamment la construction du projet de barrage hydroélectrique à Ambodiroka, la BAD (214 M€, 13,7%, en majorité pour le secteur énergie et routier) et la France (205 M€, 13,1% qui mobilisera ses principaux instruments de financement bilatéraux : prêts de l’AFD, Prêt du Trésor, BPIFrance).