MONTÉNÉGRO
Situation économique et financière du Monténégro
Du fait de la crise de la Covid, le Monténégro a subi en 2020 une forte récession (-15,2%) en raison notamment de sa forte dépendance aux recettes touristiques. La reprise inattendue de l’activité touristique a entrainé une croissance du PIB de 12,4% en 2021 et laissait espérer aux autorités monténégrines un retour du PIB à son niveau de 2019 dès 2022. Le gouvernement a engagé une politique de soutien de la demande des ménages pour alimenter la croissance mais les conséquences de l’intervention de la Russie en Ukraine pourraient le conduire à réviser ses prévisions à la baisse.
1. Une reprise économique plus rapide qu'anticipée en 2021
Le Monténégro est le pays des Balkans-Occidentaux et européen qui a fait face à la récession la plus forte en 2020 (-15,2 %) notamment en raison de sa forte dépendance au tourisme (¼ du PIB). La reprise plus rapide qu’anticipée de l’activité touristique à l’été 2021 (plus de 65% du niveau de 2019) et, dans une moindre mesure, la hausse de la consommation des ménages (+5,4% au dernier trimestre 2021), a entraîné une croissance de +12,4% en 2021. La production industrielle en revanche est en baisse depuis le dernier trimestre 2021 (-0,2%) ainsi que sur les deux premiers mois de 2022, respectivement -10% et -15,3% en g.a. Dans son programme de réformes économiques présenté en janvier 2022 (avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie), le gouvernement prévoyait de retrouver dès 2022 le niveau de PIB de 2019. En février dernier, le FMI estimait la croissance du PIB en 2022 à 3,8%.
Le taux de chômage a légèrement remonté au dernier trimestre 2021 après la fin de la saison touristique, pour atteindre 15,7%, un niveau cependant bien moins élevé que celui observé en 2020 (21,5%). A l’instar des autres pays des Balkans occidentaux, à peine plus de la moitié des personnes en âge de travailler ont un emploi dans le secteur « formel » (54%). Le gouvernement a misé sur la hausse des salaires, tirée par l’augmentation du salaire minimum (de 250 à 450 €/mois), la réduction des charges salariales et la progressivité de l’impôt (programme EUROPE NOW) pour réduire l’économie grise.
Selon les données de la Banque Centrale du Monténégro, le déficit de la balance courante a été ramené à -9,2% du PIB en 2021 contre -26,1% en 2020 et -14,3% en 2019. La balance commerciale a notamment enregistré un lourd déficit (-39% du PIB) mais les services, à +19,5% du PIB ont, en 2021, quasiment retrouvé leur excédent de 2019 (+20,6% du PIB, +4,2% en 2020). A noter la reprise des transferts des expatriés qui se reflète dans la hausse de l’excédent du compte des revenus secondaires (+8,2%). Le flux des IDE a augmenté de 18,1% (hausse spectaculaire des investissements immobiliers mais baisse de ceux portés par les entreprises). Au total, le solde des IDE a atteint 11,2% du PIB, couvrant ainsi largement le déficit du compte courant.
2. Le redressement des finances publiques devrait permettre d'infléchir la trajectoire de la dette publique
La reprise de la croissance économique combinée avec une sous-utilisation du budget consacré aux investissements a entraîné une réduction de 76,2% du déficit budgétaire, qui s’établissait en 2021 à -1,9 % du PIB, contre -11,1% en 2020. Cette tendance s’est poursuivie sur les deux premiers mois de 2022, les recettes fiscales ayant augmenté de 19,4% en g.a, alors que les dépenses budgétaires diminuaient légèrement (-0,3%), et ce en dépit de nouvelles mesures sociales dont la suppression des charges destinées à financer les dépenses de santé.
Le FMI dans son rapport de février 2022, estime cependant que le déficit budgétaire en 2022 dépassera 6% du PIB en raison notamment de la mise en œuvre du programme EUROPE NOW destiné à éliminer l’économie grise et à soutenir la demande des ménages. Selon le Fonds, les mesures de ce programme visant à augmenter le déficit (augmentation du salaire minimum, élimination des charges pour le financement des dépenses de santé) ne sont pas encore compensées par la croissance des recettes fiscales. La mise en œuvre de la progressivité de l’impôt sur le revenu et de celui sur les sociétés sont nécessaires pour renforcer les moyens de l’administration fiscale. En outre les mesures du programme susceptibles d’augmenter les entrées (augmentation des droits d’accise, de la TVA sur les activités hôtelières et marquage des carburants) n’ont pas été adoptées par le parlement.
Sous l’effet de la crise Covid, le ratio de la dette publique sur le PIB a crû en 2020 pour atteindre 107,3 % contre 78,8% en 2019. En 2021, le taux a été ramené à 88,2% et le FMI prévoit un taux inférieur à 80% en 2022 et 2023, puis une tendance à la hausse à moyen terme.
Le Monténégro a conservé son accès aux financements internationaux. En décembre 2020, il a émis 750 M€ d’euro-obligations à des conditions favorables (maturité de 7 ans, à un taux de 2,875 %) destinés au refinancement de sa dette. En juillet 2021, le Ministère des Finances a conclu un accord avec plusieurs banques étrangères[1] pour une opération de « swap » sur le prêt de l’autoroute Bar-Boljare (944 M USD ; maturité de 20 ans). Cet accord permet de réduire, pour une période de 2 ans, le taux d’intérêt de 2 % (en USD) à 0,88 % (en EUR), et représenterait ainsi une économie budgétaire de 8 M€ par an grâce à la réduction du taux d’intérêt et du risque de change.
[1] Trois banques internationales, dont deux banques américaines et la Société Générale, en sont parties prenantes.
3. Le secteur financier demeure stable
Le secteur bancaire est stable, liquide, et suffisamment capitalisé. Il existe 12 banques (après le rachat de Société Générale par OTP en 2019), les cinq premières détenant 60 % du marché et les banques à capitaux étrangers majoritaires contrôlant 73 % du marché. Une plus grande concentration du secteur est probable dans les prochaines années.
Le niveau des créances douteuses, bien qu’en légère augmentation à 6,7% en février 2022 contre 5,9% un an plus tôt, a sensiblement baissé depuis une dizaine d’années (il avait atteint 17,6 % en 2012). La Banque centrale conduit une politique prudentielle active, orientée vers la poursuite de la réduction des prêts non performants (PNP) et la résilience du secteur bancaire (harmonisation avec l’acquis communautaire et l’adoption des règles de Bâle III). Un examen de la qualité des actifs des banques avait en outre déjà contribué à assainir le secteur bancaire fin 2019.
En réponse aux demandes du FMI, le Monténégro a aussi pris des mesures importantes pour mieux assurer sa stabilité financière : mise en conformité de la gouvernance de la Banque Centrale avec les recommandations du FMI, création d’un Fonds de résolution bancaire, augmentation de la taille du Fonds de garantie des dépôts (avec le soutien de la BERD), adoption d’une nouvelle loi contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme à la mi-2020.
4. Des incertitudes liées à la guerre en Ukraine et à la situation politique
Les prévisions présentées jusqu’ici par le gouvernement, la Commission Européenne et le FMI ne tiennent pas compte des conséquences de l’intervention de la Russie en Ukraine. L’impact sur le secteur du tourisme, le moteur de la croissance, n’a pas été mesuré (les touristes russes représentaient 25% et les Ukrainiens 8,5% des nuitées en 2019). Il faut par conséquent s’attendre à une révision à la baisse des indicateurs de croissance, d’équilibre des comptes extérieurs et des recettes fiscales. Dans son dernier rapport régional qui prend en compte le conflit, la Banque mondiale estimait cependant à 3,6% la croissance du PIB cette année, avant une reprise de 4,7% en 2023.
Le retour à l’équilibre budgétaire et le contrôle de la dette publique (qui devrait être inférieure à 80% en 2022, selon le FMI et la Banque mondiale) demeurent des enjeux de long-terme pour le Monténégro. La Banque mondiale évalue le déficit budgétaire à -5,2% du PIB en 2022, puis à -3% en 2023. Le FMI estime que le gouvernement devrait viser un excédent primaire de 1% en 2024, ce qui suppose un contrôle serré des dépenses et la mise en œuvre de toutes les taxes et impôts initialement prévu dans le programme EUROPE NOW. Le Fonds recommande en outre des mesures fiscales supplémentaires (hausse générale de la TVA et suppression des niches fiscales) ainsi que des réformes de l’administration : création d’un conseil budgétaire indépendant, fusion des administrations de recouvrement des recettes (impôts, douanes et jeux), hiérarchisation des projets d’investissements, rationalisation de l’administration publique.
La Commission Européenne, dans son rapport du mois d’avril, souligne aussi la fragilité de la situation politique et du gouvernement conduit par M. Abazovic qui n’est soutenu que par 46 députés sur 81, dont ceux du parti DPS du Président Djukanovic, et cela après la chute du gouvernement précédent début février à la suite d’un vote de défiance du parlement.
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