Situation économique et financière de la Moldavie

La Moldavie est dotée d'une économie de taille modeste. Avec une population de 2,5 M d’habitants au 1er janvier 2023 et un PIB de 16,14 Mds€ à prix courants en 2023, le PIB par habitant est limité, soit 6 423 € en 2023 ou 28,8 % de la moyenne UE en 2022. Le pays fait face à des défis structurels majeurs en matière de démographie, de productivité et d’environnement des affaires, et a subi des chocs successifs en raison de la crise sanitaire puis de la guerre en Ukraine. Alors que son économie a reculé de -5,0% en 2022, notamment en raison d’importantes pressions inflationnistes largement nourries par l’explosion des prix de l’énergie, la Moldavie a dû rapidement réorienter son commerce extérieur afin de réduire sa dépendance à l’Ukraine et à la Russie. Si une dynamique désinflationniste est apparue en 2023, le maintien de la croissance demeure incertain en raison du recul de l’investissement et de la baisse de la consommation des ménages ces derniers mois, dans un contexte géopolitique marqué par de fortes incertitudes. Après sa candidature à l’accession à l’Union européenne déposée le 23 juin 2022, le Conseil a décidé en décembre 2023 d’engager des discussions en vue de son adhésion.

1. La légère reprise d'une économie fragilisée par des crises successives.

Le pays a facialement renoué avec une légère croissance (+0,7 % en 2023) après une année 2022 (-5 %) marquée par les conséquences du déclenchement de la guerre en Ukraine. L’économie moldave a bénéficié du rebond de la production agricole en 2023 ainsi que de la réduction du déficit commercial en raison d’une hausse des exportations (+5,8 %) et d’une baisse des importations (-5,1 %). Cependant, la consommation des ménages (-0,5 %) et la formation brute de capital fixe (-1,3 %) demeurent pénalisées par les tensions régionales. Si l'on exclut la croissance agricole, qui est temporaire et fait suite à une sécheresse marquée en 2022, le PIB a diminué de 1,5%. En outre, les secteurs de l'économie directement liés aux affaires (industrie, commerce, services, etc.) ont vu leur activité baisser de 2,6%, après une récession de 6 % en 2022. 

La Moldavie réoriente ses relations économiques et énergétiques vers l’UE. Alors que les échanges sont limités par l’enclavement du pays, renforcé par le conflit en Ukraine, la Moldavie vise à diversifier ses partenaires à travers la conclusion d’accords de libre-échange avec son environnement proche (en particulier l’accord d’association comprenant un accord de libre-échange avec l’UE en 2014 mais également EFTA, CEFTA, la Turquie et ainsi que l’AELE) et via la mise en œuvre avec un certain succès d’interconnexions énergétiques[1] et des projets de développement d’infrastructures (de transport essentiellement[2]) financés par les bailleurs internationaux. Les autorités visent à intégrer le marché de l’énergie européen dès 2029, soit avant une éventuelle intégration au sein de l’UE. Alors que l’UE représentait 35% des exports et 44% des imports en 2008, elle représentait au T3 2023 59% des exports et 63% des imports[3]. La Roumanie est le premier partenaire commercial du pays : elle concentre 31% des exportations et 28% des importations de la Moldavie (contre respectivement 14% et 16% en 2008).

L’inflation annuelle, qui avait culminé au niveau record de 34,6% en novembre 2022, a ralenti fortement en 2023 pour légèrement rebondir début 2024, à 4,3 % en février[4], Si, au cours des 12 derniers mois, les consommateurs moldaves ont profité d’un recul important des prix des services de chauffage (-30,4 %) ou encore de l’huile végétale (-20,6%), les prix des services de transport (+21,1%), de distribution et de traitement des eaux (+18,4%) ou encore des fruits (+11,7%) et légumes (+11,0%) ont fortement progressé. Ce reflux de l’inflation s’est accompagné d’une baisse des taux directeurs de la banque centrale qui sont passés de 21,5% en novembre 2022 à 4,8 % en novembre 2023 (-16,7 pp).

Le marché du travail est caractérisé par d’importantes pénuries de main d’œuvre et une progression des salaires dynamique. Si le taux de chômage a progressé de 0,8 pp au quatrième trimestre 2023, celui-ci demeure faible (4,6 %, soit près de 45 000 demandeurs d’emploi). Parallèlement, le taux d’activité a reculé, pour la première fois depuis 2 ans, et atteint 44,7 % (-1,3 pp). Le salaire brut moyen a progressé de 8,4 %, à 13 401 MDL (695 €), par rapport au T3, dans une économie toujours traversée par d’importantes pénuries de main d’œuvre. Le salaire réel a ainsi progressé de +10,3 % en un an.

2. Des fragilités structurelles qui freinent le développement économique.

L’économie moldave est confrontée à une insuffisance d’investissements. Les investissements en actifs immobilisés ont reculé de 1 % en 2023, alors que le PIB moldave a quasiment stagné pour la deuxième année consécutive. Par ailleurs, la persistance de taux d’intérêt élevés, en particulier au premier semestre, a pesé sur l’investissement immobilier résidentiel qui a chuté de 15,9%. Cependant, les investissements en équipements de transport ont progressé de 8,2% et en machines et outils de 5,5% soutenus notamment par les programmes d’aides déployés par les Institutions Financières Internationales. Sur le segment des PME/ETI, les besoins d’investissement sont estimés à 1,2 Md MLD par le ministre du développement économique. 

La Moldavie fait face à des déséquilibres extérieurs croissants, en partie financés par des afflux de capitaux largement dépendants des bailleurs internationaux. La Moldavie connait un déficit commercial structurel de la balance des biens qui, bien qu’en diminution (-5,4% en 2023, à 4,6 Mds USD) dans un contexte de reflux des échanges extérieurs[5] n’est que partiellement compensé par l’excédent de la balance des services (908 M€ en 2022) et les revenus secondaires (1,7 Md€ en 2022). Au final, le déficit du compte courant atteint près de 2,5 Mds€ soit 17,1% du PIB en 2022 (contre 12,4 % en 2021). Le financement du déficit courant du pays est assuré en partie par des IDE dont la part dans le PIB progresse (4,08 % du PIB en 2022, contre 1,37% en 2020). 

La banque centrale joue un rôle stabilisateur essentiel dans un contexte régional tendu. Les réserves de devises de la Banque nationale de Moldavie ont atteint 5,4 Mds€ en janvier 2024 (contre 3,3 Mds€ en février 2022). Celle-ci dispose de près de 5 mois d’importations en réserves.

Si le faible niveau d’endettement public du pays (37,7 %) est un facteur de stabilité[6], la Moldavie connait une dette privée importante[7] et enregistre des déficits budgétaires persistants (prévisions de -6% en 2023, -4,9% en 2024 et -3,8% en 2025). Les recettes fiscales collectées par les pouvoirs publics (18,9 % du PIB en 2022, contre 27,3 % en moyenne dans l’UE) sont en effet insuffisantes pour couvrir les besoins d’investissement du pays (cf. analyses du FMI, de la BM, etc.). La mise en place d’une fiscalité directe faible (taux d’imposition de 7% sur le chiffre d’affaires, absence de taxation des profits qui restent dans les entreprises présentes dans le pays et uniquement imposition des dividendes) ne semble pas avoir permis de financer des investissements essentiels à l’attractivité du pays.

Le pays dispose d’un secteur financier qui apparait globalement solide mais insuffisamment développé pour assurer le bon financement des entreprises. Le taux de pénétration bancaire demeure faible (l’intermédiation financière atteint 56,1% du PIB contre 95% en zone euro et les crédits au secteur privé représentent 22,3 % du PIB en Moldavie contre 84 % en moyenne dans l’UE). Alors que l’encours des prêts bancaires a progressé de +3,7 % en 2023, pour atteindre 63,9 Md MDL (3,3 Md€)[8], les crédits accordés aux entreprises ont progressé plus modestement (+2,1 %), notamment en raison du recul du recours au prêt des entreprises énergétiques, agricoles et de la construction[9]. Dans l’ensemble, les banques opérant en Moldavie apparaissent solvables (Capital Adequacy Ratio à 30,1% en janvier 2024, contre 25,9% en 2021). L’enjeu pour les institutions financières moldaves consistera dans les prochaines années à transposer les réglementations UE en matière prudentielle, LCB-FT et de protection du consommateur.



[1] Alors que 80% de l’électricité moldave provenait de Transnistrie avant février 2022, la Moldavie achète dorénavant la quasi-totalité de son électricité à la Roumanie. Une seconde interconnexion avec la Roumanie est prévue, sur financement BERD.

[2] 80,8 % des exportations de la Moldavie transitent via le transport routier.

[3] Inversement les Etats membres de la CEI ont vu leur part passer de 55% des exports et 40% des exports en 2008 à 29% et 16% au T3 2023.

[4] Ce niveau d’inflation est conforme à la cible de la Banque Nationale de Moldavie (5 %, ±1,5 pp).

[5] Les importations et les exportations du pays ont diminué, entraînant une baisse de 6,1 % des échanges internationaux, qui représentent désormais 12,7 Mds USD.

[6] Un plafond de dette a été fixé par les autorités moldaves à 45% du PIB. La proportion de la dette publique libellée en euros est en hausse, passant de 35,4% en 2019 à 46,6%.

[7] 6,4 Mds USD soit 2/3 de la dette extérieure totale du pays.

[8] Le volume de prêts accordés aux particuliers, soutenu par l’assouplissement monétaire conduit par la banque centrale, a été particulièrement dynamique (+30,5 %).

[9] A noter que, dans le pays, 60,9% des emprunts sont contractés en monnaie locale.

 

 

 
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