MOLDAVIE
Situation économique et financière de la Moldavie
Appartenant à la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire (PIB par habitant de 4 407 USD en 2020) la Moldavie est l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Elle fait face à des défis très importants en matière d’environnement des affaires, de productivité et de démographie. En 2020, la profonde récession causée par la crise de la Covid et les conséquences d’évènements climatiques adverses sur le secteur agricole a interrompu une phase de stabilité macroéconomique. En 2021, l’activité économique a vivement repris, surprenant les IFI. A court terme, les risques liés à la pandémie, à la poussée inflationniste et au coût de l’énergie sont importants. Les enjeux de moyen-long terme, se cristallisent autour du chantier des réformes de structure qui est au cœur du programme négocié entre les autorités moldaves et le FMI et alors que la configuration politique parait exceptionnellement favorable.
1. Après une profonde récession en 2020, l’économie moldave connait une franche reprise économique en 2021
En 2020, la Moldavie a subi un recul de son activité de 7% sous l’effet conjugué de la crise de la Covid 19 et d’une chute de la production agricole. Les mesures sanitaires domestiques et internationales mises en œuvre pour endiguer l’épidémie de Covid 19[1] ont perturbé le fonctionnement de secteurs clefs de l’économie comme le commerce de gros et détail, l’industrie manufacturière (secteur automobile notamment), la construction et l’immobilier. Le secteur exportateur a dû faire face à une baisse de la demande adressée par les principaux partenaires commerciaux de la Moldavie (UE et Russie)[2]. En outre, les fortes sécheresses enregistrées en Moldavie en 2020 ont eu un impact considérable sur la production agricole et l’économie dans son ensemble.
L’année 2021 est marquée par une reprise solide. Le PIB a augmenté de 11,7% en glissement annuel (g.a.) au premier semestre 2021 à 104,2 Md MDL (5,9 Md USD) contre une baisse de 7,2% en g.a. sur la même période en 2020. Les ventes de détail ont augmenté de 19,7% au premier semestre 2021 en g.a. et la production industrielle a augmenté de 12,8% en g.a. en janvier-août. L’investissement en capital fixe a augmenté de 21,8% au premier semestre 2021 en g.a. Au plan des échanges extérieurs, sur janvier-août 2021, les exportations ont augmenté de 18,6% en g.a. à 1,8 Md USD, tandis que les importations ont augmenté de 32,5% en g.a. à 4,4 Md USD. Le déficit commercial s’est ainsi établi à 2,6 Md USD, en hausse de 44,3% en g.a.
Cette reprise a surpris les institutions financières internationales. Le FMI et la Banque mondiale viennent de revoir à la hausse leurs prévisions d’activité pour 2021. Le premier vient, à l’issue d’une mission virtuelle, de rehausser de 3 points sa prévision, à 7,5%. La seconde a amélioré sa prévision en octobre à 6,8% contre 3,8% prévu en juin.
Plusieurs risques pèsent néanmoins sur cette reprise :
Le premier est relatif à la résurgence de l’inflation, que la Banque centrale peine à maîtriser. Après une nette décrue en 2020 (elle est passée de 6,9% en janvier à 0,4% en décembre), l’inflation augmente depuis le début 2021 : elle a atteint 12,4% en novembre 2021, dépassant largement la cible de la banque centrale de 5% (+/-1,5 point). Après avoir mené une politique monétaire extrêmement accommodante en 2020[3], la Banque nationale de Moldavie a augmenté son taux directeur principal de 385 points de base en 2021, à 6,5%. La Banque centrale vient de rehausser sa prévision d’inflation moyenne pour 2021 et 2022 à respectivement 4,5% (+1,4 point) et 14% (+7 points). L’inflation est causée par la croissance des cours énergétiques et alimentaires mondiaux, ainsi que par la hausse de demande intérieure, elle-même alimentée par l'augmentation des revenus de la population et la hausse des crédits bancaires. Les variations du taux de change du leu n’ont pas été une source d’inflation : globalement stable par rapport au dollar américain en 2020 et depuis début 2021, le leu affichait une dépréciation de 2,5% en glissement annuel au 25 octobre 2021 (-0,8% par rapport à l’euro).
Le second est lié à la situation épidémique. Le taux d’infection actuel et le faible taux de vaccination (estimé de 25 à 37% fin octobre selon les différentes sources) représentent des risques pour la reprise économique. L’état d’urgence sanitaire a été réintroduit du 10 septembre au 31 octobre 2021 puis prolongé jusqu’au 30 novembre. Il a introduit certaines restrictions sur l’activité, essentiellement dans le secteur des services.
Enfin, des risques liés au coût des importations énergétiques demeurent, même s’ils ressortent considérablement allégés à court terme par l’accord trouvé récemment entre la Moldavie et Gazprom. Après des négociations difficiles, un contrat d’approvisionnement d’une durée de 5 ans à compter du 1er novembre 2021 a été signé, offrant à la Moldavie un tarif gazier - indexé sur les cours d’un panier de produits pétroliers et au cours du gaz sur le marché européen - raisonnable à court terme. Néanmoins, l’augmentation des cours énergétiques au niveau mondial demeure un risque pour la reprise de l’économie
2. Des fragilités structurelles qui freinent le développement économique
Appartenant à la tranche inférieure des pays à revenus intermédiaires (avec un PIB de 11,9 Md USD et un PIB par habitant de 4 407 USD en 2020), la Moldavie est l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Elle fait face à des défis très importants en matière d’environnement des affaires (corruption perçue comme très élevée, Etat de droit fragile, instabilité politique), de productivité (secteur des entreprises publiques peu efficace et trop protégé) et de démographie. Du fait d’une importante émigration de travail, la population moldave (2,6 millions d’habitants au 1er janvier 2021 selon les chiffres officiels) est en déclin tendanciel depuis le début des années 1990 et ce déclin s’est accéléré après 2014 (-272 119 habitants en cumul), année durant laquelle la Moldavie a subi une fraude bancaire massive (estimée autour de 1 Md USD soit près de 9% du PIB de l’époque). Cette fraude a emporté des conséquences graves sur la stabilité financière du pays, ses finances publiques et l’économie dans son ensemble (récession de 0,3% en 2015). En outre, le pays reste encore très agricole (environ 15% du PIB en 2020) et est donc fortement exposé aux risques climatiques.
L’économie de la Moldavie est fortement vulnérable au plan externe. Du fait d’un important déficit commercial structurel (respectivement 27,5% et 26% du PIB en 2019 et 2020), compensé par les entrées de devises liées aux envois de fonds de la diaspora (13% du PIB en 2020), le déficit du compte courant est resté élevé en 2020 à 6,7% du PIB après 9,3% en 2019. En 2021, il est attendu par le FMI à 7% du PIB et s’est élevé à 14,3% du PIB prévisionnel 2021 au 1er semestre 2021. Même si le montant des investissements directs étranger rapporté au PIB était avant 2020 sur une tendance croissante (de 1,1% du PIB en 2016 au 4,2% du PIB en 2019 ; 2,3% du PIB en moyenne entre 2016 et 2019), les besoins de financement extérieur sont sur le moyen terme majoritairement comblés par de la dette externe qui atteignait 70,9% du PIB fin juin 2021. La mise en œuvre de réformes de structure axées sur l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires, permettrait de stimuler l’investissement notamment étranger et d’assoir un modèle de croissance plus soutenable.
Néanmoins, la Moldavie a comme atout un niveau d’endettement public relativement contenu. La dette publique, qui atteignait 28,4% du PIB fin 2019, a fortement progressé en raison de la crise de 2020 mais se situe actuellement toujours à un niveau raisonnable, à environ 31,2% du PIB prévisionnel fin septembre 2021. Pour l’ensemble de l’année, elle est attendue à 39,5% du PIB par le FMI. Le déficit budgétaire consolidé en janvier-août 2021 s’est élevé à environ 2,4% du PIB prévisionnel et est attendu à 5% par le FMI pour l’ensemble de l’année (4,5% du PIB).
De la même manière, les réserves de change se situent à un niveau confortable, à environ 7 mois d’importations à fin octobre 2021 (4 Md USD). La Moldavie a profité de l’allocation globale de DTS du FMI en août 2021 : elle a obtenu 236 M USD qui seront utilisés pour financer le déficit budgétaire.
Enfin, le système bancaire du pays a été assaini et a fait preuve de résilience durant la crise. Suite à la crise bancaire de 2014/2015, le secteur a été restructuré et consolidé ; les actionnariats des établissements ont été assainis avec désormais une part majoritaire des investisseurs non-résidents dans le capital du secteur. La gouvernance de la Banque centrale a été renforcée, la règlementation prudentielle du secteur a été modernisée, le cadre d’octroi de liquidité en urgence rénové et la supervision des activités du secteur financier non bancaire progresse[4]. Le ratio de capital total du secteur ressort à 25,9% en septembre 2021 pour un minima réglementaire de 10% (versus 26% début 2020 et 27% début 2021). Le niveau de prêts non performants est en septembre de 2021 de 6,8%[5]. Fin septembre 2021, les crédits au secteur réel étaient en progression de 22% en glissement annuel. Néanmoins, structurellement, le système bancaire ne joue pas à plein son rôle d’intermédiation avec ratio crédits/PIB qui demeure bas à 22% en 2020.
3. Une fenêtre d’opportunité exceptionnelle pour mettre en œuvre des réformes structurelles avec le soutien des IFI
La configuration politique qui prévaut dans le pays est exceptionnelle et ouvre une fenêtre d’opportunités pour mettre en œuvre un programme de réformes. En novembre 2020 Maia Sandu, une candidate pro-européenne proposée par le Parti de l’Action et de la Solidarité (PAS), est devenue présidente. Puis, en juillet 2021, son Parti a remporté la majorité au Parlement. Enfin, le Parlement a approuvé Natalia Gavrilita (également une représentante du parti PAS) proposée par la présidente pour le poste de Premier ministre.
En décembre 2021 le FMI la demande de la Moldavie d’un programme adossé à un Mécanisme Elargi de Crédit (ECF) et à une Facilité Elargie de Crédit (EFF) à hauteur de 400 Md DTS et d’une durée de 40 mois. Ce programme vise à soutenir la reprise économique, le développement économique et les réformes de structure. Il devrait en outre permettre de drainer des fonds supplémentaires en provenance d’autres bailleurs de fonds internationaux, comme par exemple l’Union européeenne.
[1] Débutée au mois de mars 2020, l’épidémie de Covid 19 a contaminé au 25 octobre 2021, selon les chiffres officiels, 328 mille personnes et causé 7 497 décès.
[2] La Moldavie est une économie ouverte fortement intégrée au marché mondial avec un taux d’ouverture commerciale proche de 45% en 2019. Cet indicateur est calculé comme le ratio : ((Exportations de biens et services + importations de biens et services) /2)/PIB. Dans le cadre d’un Accord d’association signé avec l’UE en 2014, une Deep and Comprehensive Free Trade Area (DCFTA) est en place depuis 2016.
[3] En novembre 2020, le taux directeur de la Banque nationale de Moldavie a atteint son plus bas niveau historique (2,65 %).
[4] Il est prévu par la Loi 178 du 11/09/2020 que la supervision des organisations de crédit non-bancaires soit transférée à la Banque nationale de Moldavie à partir du 1 juillet 2023. Il s’agit d’une recommandation du FMI.
[5] Le niveau actuel des prêts non performants est faible comparé au plus haut atteint en 2017 (18,4%).
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