Indicateurs et conjoncture

L'économie marocaine a été fortement affectée par une série de chocs internes (séisme, sécheresses à répétition) et externes (tensions sur les cours mondiaux de matières premières) et enregistre une croissance de 1,2% en 2022 et 2,4% en 2023 et des pressions inflationnistes (8,6% en 2022 et 7,7% en 2023 hors biens administrés). Toutefois, le Maroc a su faire preuve de résilience et maîtriser ses équilibres macroéconomiques, sécurisant ainsi son accès aux financements. Cette capacité de financement sera sollicitée pour répondre aux défis à venir :  reconstruction post-séisme, réformes sociales, transition écologique, coupe du Monde 2030.

1. Fortement affectée par le stress hydrique et les tensions sur les cours des matières premières, l’économie marocaine demeure résiliente. Alors que la croissance marocaine est historiquement soumise aux aléas climatiques (les chocs sur la pluviométrie expliquent en moyenne près de 37 % de la variance du PIB), le pays a connu en 2022 son année la plus sèche depuis plus de trois décennies, entraînant un net ralentissement de la croissance (de 8% en 2021 suite au rebond post-COVID à 1,3 % en 2022). En 2023, la croissance devrait s’établir à 2,8% selon la Banque mondiale. Le secteur agricole rebondit faiblement (+1,5%) en lien avec une nouvelle récolte décevante et les activités non agricoles progressent à un rythme moins soutenu que les années précédentes (+2,6% après +3,1% en 2022 et +6,7% en 2021). S’agissant du séisme de septembre 2023, au vu du premier diagnostic (réactivité des autorités, préservation des principaux centres économiques, faible perturbation des réseaux et activités, pertes circonscrites sectoriellement), l’impact sur la croissance devrait être très modéré en 2023 (-0,1 à -0,2 points de croissance) et même légèrement positif en 2024. Le Maroc échappe aux fluctuations erratiques de l’activité qui caractérisent certaines des économies de la région, offrant des perspectives stables aux opérateurs. Toutefois, les taux de croissance enregistrés (3,5% par an en moyenne sur 2010-20 et 3,4% prévus par le FMI en moyenne pour 2024-28) doivent encore être réhaussés pour répondre aux défis socio-économiques du pays.

2. Les pressions inflationnistes ont fortement pesé sur les ménages les plus vulnérables mais ont commencé à s’infléchir. La hausse de l’indice des prix à la consommation semble se stabiliser depuis l’été 2023 autour de 5% (après un pic à 10,1 % en février 2023) et devrait continuer à refluer en 2024 (3,5% selon le FMI). Les pressions inflationnistes avaient été nourries par la hausse des cours des matières premières (60 % de l’inflation au premier semestre 2023 était liée aux produits alimentaires et 20% aux carburants). En outre, à l’instar de ce qui est constaté dans d’autres pays, les ménages modestes ont souffert davantage de la poussée inflationniste, la Banque mondiale estimant que l’inflation était 30 % plus élevée pour le décile le plus pauvre que pour le plus riche.

3. Tenant compte de ces pressions inflationnistes mais aussi de la nécessité de ne pas fragiliser la reprise économique, la politique monétaire reste accommodante. La banque centrale (Bank Al Maghrib) maintient depuis mars 2023 le principal taux directeur à 3%, niveau bas d’un point de vue historique, négatif en termes réels et particulièrement faible comparé aux pays de la région.  En dépit d’un désajustement de taux désormais conséquent par rapport aux Etats-Unis (taux directeur à 5,25-5,5%) et la zone euro (4,25%) le dirham se maintient voire s’est légèrement apprécié à l’été 2023 par rapport aux deux devises composant son panier d’ancrage (USD et EUR), bénéficiant notamment de la reprise de l’activité touristique, de transferts robustes de la diaspora et d’une attractivité pour les investisseurs étrangers.

4. Dans ce contexte difficile, les autorités marocaines parviennent à maîtriser les grands équilibres financiers du pays. Fort de rentrées fiscales plus importantes que prévues, le Maroc a pu réduire son déficit budgétaire en 2022 (5,2% contre 6,0% en 2021 et 7,1% en 2022) et cette consolidation devrait se poursuivre (4,9% en 2023 d’après le FMI et 4% pour 2024 prévus dans le dernier projet de loi de finances). En dépit d’une forte progression lors du COVID, la dette du Maroc demeure viable à moyen terme grâce à des ratios maîtrisés (dette à 69,7% du PIB en 2023 selon le FMI) et des facteurs limitant l’impact de la hausse des taux sur le service de la dette : nombre important d’investisseurs institutionnels – donc de long terme - nationaux, maturité confortable de la dette (6 ans en moyenne) réduisant les risques de refinancement, large part de dette externe concessionnelle, faible part de la dette marocaine en devises (25%).

5. Si le Maroc se finance principalement sur le marché domestique, les fondamentaux du pays permettent de garantir un accès privilégié aux financements internationaux, S’agissant des financements concessionnels, le FMI a octroyé au Royaume en avril 2023 une ligne de crédit modulable (LCM) pour un plafond de 5 Md USD, LCM habituellement réservée à des pays plus riches (Pologne, Mexique, Colombie, Chili, Pérou). En septembre 2023, le FMI a de nouveau approuvé le recours du Maroc à la Facilité de Résilience et de Durabilité (FRD) pour 1,3 Md USD. Ces programmes constituent un signal positif envoyé sur la qualité de la signature marocaine. S’agissant des financements à conditions de marché, le pays a fait sa première sortie sur les marchés internationaux depuis deux ans le 1er mars 2023 pour 2,5 Mds USD et avait bénéficié de très bonnes conditions : taux de couverture supérieur à 10 et spreads très raisonnables par rapport aux obligations américaines (T +195 pb à 5 ans et T+260 pb à 10 ans).

6. Cette capacité de financement sera fortement sollicitée pour répondre aux défis à venir :  reconstruction post-séisme, réformes sociales, transition écologique, coupe du Monde 2030. Suite au séisme, les autorités marocaines ont annoncé un programme de 120 Md MAD (10,9 Md EUR) sur 2024-2028 (1,7% du PIB annuel). A plus long terme, le financement de la transition écologique constitue le principal défi macro-économique : la Banque mondiale estime que la mise en œuvre de la contribution déterminée au niveau national du Maroc requiert un volume de financements de 78,8 Md USD sur 2020-2030 soit 7,2 Md USD en moyenne par an (5,2 % du PIB). Ces priorités devront être conciliées avec le financement des réformes sociales du Nouveau Modèle de Développement (éducation, protection sociale, sécurité alimentaire, etc. pour un total représentant 4% du PIB) et de la Coupe du Monde 2030 que le Maroc accueillera avec l’Espagne et le Portugal (0,6% du PIB).

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