Relations économiques bilatérales France - Libye en 2024

Depuis la guerre civile libyenne de 2011, la France a vu sa présence économique et commerciale en Libye reculer : alors qu’elle était le 3ème partenaire commercial de la Libye en 2013, la France n’était plus qu’à la 8ème place en 2023 (5% des échanges de biens de la Libye), laissant des parts de marché notamment à la Chine, aux Émirats Arabes Unis et à l’Egypte. En 2024, les échanges de biens ont atteint 2,4  Mds EUR (après 2,7  Mds EUR en 2023). La structure de ces échanges bilatéraux génère un déficit bilatéral structurel pour la France (1,8 Md EUR en 2024) qui résulte de nos achats d’hydrocarbures naturels et de produits pétroliers (97% des importations en 2024). Les exportations françaises vers la Libye sont diversifiées (agroalimentaire, équipements, produits pharmaceutiques) et ont progressé ces dernières années pour atteindre 300  M EUR en 2024, et devraient progresser significativament en 2025 grâce à une forte hausse des produits agricoles. Si le potentiel d’exportations de biens et services français est significatif, l’environnement des affaires et les risques de conformité pour les entreprises européennes contraignent l’aboutissement de certains contrats. Dans un contexte compliqué par la division politico-institutionnelle et les tensions sécuritaires, le stock d’IDE français en Libye, qui atteignait près d’1 Md EUR en 2010, n’atteignait plus que 115  M EUR en 2023. Outre le groupe TotalEnergies, 2ème opérateur pétrolier étranger en Libye après ENI, la présence française reste significative dans les secteur-clés (transports, eau et assainissement, distribution, construction, numérique) et progresse à mesure que le pays se stabilise politiquement et s’engage dans sa reconstruction . La forte présence économique française en Tunisie constitue également une opportunité pour le renforcement de notre empreinte économique et commerciale en Libye, compte tenu des relations économiques historiques et denses entre la Tunisie et la Tripolitaine.

1/La France a perdu des parts de marché depuis la guerre civile de 2011, mais nos exportations se sont redressées ces dernières années

La France a vu sa position commerciale régresser en Libye depuis 2011, devenant un partenaire commercial de second ordre.

En ce qui concerne les échanges de biens, alors qu’elle était 3e partenaire pour les échanges de biens en 2013 (7,8% des échanges de biens de la Libye), la France n’était plus que 8e partenaire en 2023 (5% des échanges de biens de la Libye - cf. Figure 1). Le recul a porté sur les importations françaises (de 3e à 4e client de la Libye, soit de 10% à 7,5% des exportations libyennes) mais surtout sur nos exportations (de 7e à 17e fournisseur, soit de 4,1% à 1,3% des parts de marché).

Nos exportations vers la Libye ont toutefois connu une accélération depuis 2021, avec une hausse de 70% entre 2021 et 2023, puis une stabilisation autour de 300 M EUR en 2024. Les chiffres des huit premiers mois de 2025 montrent une nette progression, tirée notamment par les produits agricoles. Nos exportations vers la Libye sont diversifiées, avec une prédominance des produits laitiers (15,2% du total), des produits du raffinage du pétrole (14,2%) et des produits pharmaceutiques (12% ; les principaux acteurs pharmaceutiques français sont présents, parfois via leurs filiales tunisiennes). L’agroalimentaire ainsi que la cosmétique et les parfums sont dynamiques grâce à des partenariats anciens. A noter qu’Airbus a enregistré en juillet 2024 une commande de 6 appareils A320 neo par la compagnie privée Berniq basée à Benghazi.

A l'inverse, les importations françaises depuis la Libye sont quasi-exclusivement (97,5%) composées de produits pétroliers (2 Md€ en 2024 après 2,4 Md€ en 2023). Parmi les pays de la région Afrique du Nord, la Libye ne représente que 6% du total de nos échanges commerciaux avec la région (cf. Tableau 1).

La structure déséquilibrée de nos échanges bilatéraux avec la Libye génère un déficit commercial bilatéral structurel, qui s’élevait à 1,8 Md EUR en 2024 (après 2,1 Md€ en 2023). Selon l’outil de modélisation Export Potential Map de l’ITC, le potentiel inexploité d’exportation de la France vers la Libye est estimé à 285 M USD par an (cf. Figure 4). Malgré la bonne solvabilité de l’économie libyenne grâce à la rente pétrolière, et l’existence de besoins d’investissements considérables pour la reconstruction du pays après les années de guerre civile, les opérateurs économiques occidentaux peuvent se heurter à des difficultés pour contractualiser avec des contreparties libyennes en raison des difficultés à mettre en œuvre les diligences de conformité (risques de corruption, difficulté à identifier les bénéficiaires finaux et actionnaires des contreparties, traçabilité incertaine de l’origine des fonds, etc.). Ces difficultés contraignent la croissance de nos exportations.

La plupart des économies avancées ont également perdu des parts de marché en Libye, comme l’Italie (de 14,6% des importations libyennes en 2013 à 7,9% en 2023) et l’Allemagne (de 5% à 2,7%). Ceci a profité aux économies émergentes, notamment la Chine (de 11% à 16,8%), la Turquie (de 12,1% à 14,1%), les Emirats Arabes Unis (de 4,2% à 7,9%) et l’Egypte (de 4,9% à 7,9%). Les exportations libyennes, qui représentaient environ 23,2 Mds USD en 2023 essentiellement composées d’hydrocarbures, étaient principalement destinées à l’Italie (22,5%), première destination devant l’Allemagne (14,6%), l'Espagne (8,7%) et la France (7,5%).

Les échanges de services entre la France et la Libye restent faibles et irréguliers, dans un contexte sécuritaire contraignant et de faible intégration économique. Selon Eurostat, les échanges de services entre la France et la Libye atteignaient 135 M EUR en 2021 (dernières données disponibles), pour un excédent bilatéral français de 91 M EUR, principalement lié aux prestations techniques, de transport et de fret liées aux importations françaises d’hydrocarbures.

 2/Un environnement des affaires complexe qui contraint le développement des investissements français

Dans un environnement des affaires marqué par la fragmentation institutionnelle, des tensions miliciennes et tribales, une corruption généralisée, une insécurité persistante, et des exigences de conformité juridique éloignées des standards européens, le stock d’IDE français s’est nettement contracté depuis la révolution. Estimé à environ 1 Md€ en 2010, puis 289M€ en 2019, il ne serait plus que de 115 M€ en 2023 (selon la Banque de France).

Ces dernières années, les flux d’IDE français en Libye ont été faibles et fluctuants (cf. Tableau 3), reflet des crises politiques locales et des arbitrages des entreprises dans un environnement incertain. Ainsi, les flux d'IDE auraient été négatifs en 2023 (-60 M EUR) après 120 M EUR en 2022.

Les investissements français sont dominés dans le secteur des hydrocarbures par la présence de TotalEnergies, 2ème acteur pétrolier étranger en Libye derrière ENI, partenaire stratégique de la compagnie pétrolière d’Etat libyenne (NOC) depuis une soixantaine d’années. La production de TotalEnergies s’élève à 100 000 b/j soit plus de 7 % de la production nationale. Avec ses projets d’investissement dans le pétrole et les EnR (solaire), TE participe au développement du secteur pétrolier et au verdissement du mix énergétique libyen.

Dans le domaine du transport maritime, CMA-CGM est le 1er affréteur et opère en Libye depuis son hub maltais.

Nos entreprises sont également actives dans les domaines de la construction (Freyssinet, Matière), de la gestion de l’eau et des services d’assainissement (Veolia-SIDEM, avec une présence historique). Des entreprises et marques françaises sont également présentes dans les secteurs des produits électriques et du numérique (Vocalcom, Sofrecom, Schneider Electric, Legrand) et de la distribution (franchise Casino à Benghazi et ouverture de la franchise Eric Kayser en février 2025).

Les investissements libyens en France sont très modestes : le stock d'IDE libyen en France s'élèverait à 87 M€ en 2023 selon la Banque de France, et les flux entrants sont très modestes (6 M en 2019, 3 M en 2020, 4 M en 2021).

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