LIBYE
Indicateurs et conjoncture
Depuis la révolution de 2011, l’économie libyenne est particulièrement volatile compte tenu de sa dépendance à la production pétrolière, aux variations du prix du baril de pétrole et à l’évolution de la situation sécuritaire. L’embellie observée en 2017 (baisse des tensions sur les comptes courants et publics et sur les prix) s’est interrompue en 2019 avec l’offensive de l’Armée nationale libyenne et surtout en 2020 avec la crise sanitaire et le long blocus pétrolier suite au conflit autour des revenus pétroliers, entrainant une chute de la production de pétrole, unique ressource du pays. Fragilisée par ce contexte conjoncturel, l’économie libyenne est en outre handicapée par l’importance du secteur informel et de la corruption, ainsi que par la dualité de son système institutionnel (ouest/est). Par ailleurs, son secteur privé est embryonnaire et les services publics insuffisants. Des réformes profondes des institutions, de l’appareil productif, des finances publiques et du secteur financier sont nécessaires.
La croissance économique libyenne a fortement chuté en 2020 suite au double impact du blocus pétrolier et de la crise du Covid-19
L’activité économique nationale est volatile, tributaire de l’évolution de la situation sécuritaire du pays et des recettes pétrolières. L’économie libyenne est presque exclusivement tributaire des hydrocarbures. Les recettes pétrolières publiques atteignaient 22,4 Md USD pour un PIB estimé à près de 40 Md USD en 2019 et représentaient près de 80% de la croissance en 2019 (estimations Banque mondiale).
Le double choc du blocus pétrolier et de la crise sanitaire a entraîné une forte chute de la croissance en 2020. La Banque mondiale estime la chute du PIB réel à -31,3% en 2020, ce qui constituerait la plus grave récession depuis 2011. La fermeture des installations pétrolières entre janvier et septembre 2020 par les forces du maréchal Haftar a entrainé une baisse de 66,4% de la production de pétrole, d’un niveau moyen de 1,1 million de barils par jour (b/j) en 2019 à 368 167 b/j en 2020 (et même 107 000 b/j entre février et septembre 2020 lors du blocus pétrolier). La chute de la production, conjuguée à la chute des cours du pétrole en 2020 a causé près de 11 Md USD de pertes financières. Le rythme de production actuel est cependant repassé à 1,2M b/j et les prix du pétrole sont aujourd’hui remontés au-delà de leur niveau d’avant crise, à 80 USD le baril.
Les perturbations de 2020 ont attisé la crise de liquidités. Après deux années de ralentissement de l’inflation voire de déflation (-3% en 2019 selon la Banque mondiale) largement attribué à la dépréciation du dollar sur le marché parallèle et la baisse consécutive des prix des produits importés, l’année 2020 a été marquée par un renchérissement des prix. La Banque centrale estime que le taux d’inflation s’est établi à +1,4% en moyenne en 2020, tandis que pour le FMI, il aurait atteint +21,1%.
L’unification du taux de change début 2021 constitue un progrès important pour lutter contre la corruption et répondre à la crise. Un nouveau taux de change officiel de 4,48 LYD/USD approuvé par le Conseil unifié de la BCL est entré en vigueur le 3 janvier 2021, contre 1,4 LYD/USD auparavant. Le taux de change sur le marché parallèle est lui passé de 6,5 LYD/USD à 4,9 LYD/USD au 4 octobre 2021. L’unification du taux de change contribue à réduire la crise de liquidités et la corruption via le détournement des lettres de crédit. En revanche, elle a eu pour conséquence d’entrainer une dévaluation de 70% du taux officiel.
Les comptes extérieurs de la Libye ont été fortement affectés en 2020 par le blocus pétrolier et la crise sanitaire
L’équilibre des échanges extérieurs reste très dépendant de l’évolution de la demande de pétrole brut et des relations avec quelques partenaires majeurs, en premier lieu l’Italie, en dépit d’une relative diversification géographique :
- Composées à 85,7% de pétrole brut et 5,0% de gaz et autres hydrocarbures gazeux, les exportations libyennes sont très dépendantes de l’évolution du prix du baril et de la production nationale de pétrole. En 2020, la France était le 5e client des exportations libyennes (4,8% des exportations), derrière l’Italie (54,2%), partenaire historique de la Libye, la Turquie (12%), les Emirats arabes unis (6,5%) et la Chine (5,6%).
- La Libye importe par ailleurs une partie de ses besoins de pétrole raffiné qui représentaient 13,2% de ses importations en 2019. L’origine des importations libyennes s’est diversifiée au profit de la Chine (14,7% des importations libyennes totales en 2020, contre 8,5% en 2010), la Turquie (12%, contre 7,8% en 2010) et des Emirats arabes unis (10,4%, contre 0,5% en 2010). Si les parts de marché de l’Italie en Libye ont chuté (7,7%, contre 16,6% en 2010 et même 28% en 2004), elle reste son 4e fournisseur. La part de la France a chuté de 6,7% en 2015 à 1,3% en 2019 et 2020, le ratio le plus faible depuis 2000 (premières données disponibles).
La chute de la demande et les perturbations de la production de pétrole ont fortement affecté les exportations, mais les réserves de devises resteraient significatives. i/ Côté offre, le blocus pétrolier a entrainé une chute de la production et des exportations de pétrole ; ii/ Côté demande, la propagation du covid-19 a freiné la demande mondiale de pétrole, entraînant une chute du prix du pétrole. Le volume et la valeur des exportations de pétrole libyennes ont été impactés. Bien que difficilement lisible compte tenu du manque de transparence sur les échanges et l’activité économique, le déficit courant a atteint -34,8% du PIB en 2020 selon la BM. Par conséquent, les réserves de la Banque centrale ont régressé de 76,1 Md USD en 2019 à 50 Md USD fin 2020 avant de remonter à 64 Md USD fin mars 2021 (BM).
Les finances publiques libyennes restent sous tension
La crise sanitaire et le blocus pétrolier ont porté un coup aux finances publiques en 2020 après une embellie les années précédentes. Le déficit a explosé à 64,4% du PIB en 2020. Les recettes pétrolières ont ainsi chuté de 22,4 Md USD en 2019 à 3,8 Md USD en 2020, privées notamment des revenus pétroliers « gelés » par la NOC.
Le manque de viabilité du budget est inhérent à la structure des revenus et dépenses et aux problèmes de gouvernance. Côté revenus, le budget dépend de revenus pétroliers fortement volatiles et dont le contrôle fait l’objet de tensions entre gouvernement, Banque centrale et NOC. Côté dépenses, la grande majorité du budget est absorbée par les salaires et les subventions, évinçant les dépenses d’investissement public particulièrement faibles ces dernières années (5,5% des dépenses totales en 2020 selon la BCL). Le gonflement de la masse salariale, qui atteignait 58% des dépenses en 2020 selon la BCL reflète à la fois l’explosion de l’emploi public (2 millions, pour 6,6 millions d'habitants) et la hausse des salaires réels. Selon la BM, les salaires de la fonction publique représentaient 42% du PIB en 2019, contre environ 10% en 2010, la proportion la plus élevée au monde. La part des subventions dans les dépenses baisserait certes depuis 2014 (de 28,4% à 15% en 2020 selon la BCL) mais reste élevée (11% du PIB en 2019).
Le déficit budgétaire libyen est financé par les deux banques centrales. La BCL a avancé les fonds en puisant dans ses réserves de change. La Banque centrale de l’est a émis des obligations d’Etat, qui ont ensuite été vendues aux banques commerciales. Ce financement de la dette publique par création monétaire a contribué à la montée des tensions inflationnistes en Libye et à la baisse des réserves extérieures de la BCL. La première réunion officielle du Conseil unifié de la Banque centrale depuis 2014 en décembre 2020, l’unification du taux de change début 2021 et la finalisation de l’audit des deux branches de la Banque centrale à l’été 2021 ont récemment marqué des étapes importantes pour le processus de réunification des deux branches de la banque centrale et laissent espérer une amélioration de cette situation.
Indicateur |
2019 |
2020 |
2021 (p) |
PIB (Md LYD, prix constants) |
27,4 |
11 |
24,6 |
Croissance du PIB réel |
2,5% |
-31,3% |
78,2 |
Solde courant (% du PIB) |
11,6% |
-34,8% |
19,7% |
Solde budgétaire (% du PIB) |
1,7% |
-64,4% |
11,9% |
Production de pétrole moyenne (million de barils/jour) |
1,097
|
0,368 (-66,4%) |
|