LUXEMBOURG
Situation économique et financière du Luxembourg
Le Luxembourg est l’un des pays de l’Union européenne qui a été le moins touché par la crise économique et sanitaire mais le contexte incertain nourri par les pressions inflationnistes et le relèvement des taux pèse sur la dynamique de son économie montrant déjà des signes de surchauffe et une forte spécialisation dans les services financiers. Bien que résiliente dans les crises, l’inflation induite par le contexte international, et renforcée par les spécificités nationales menace la dynamique de croissance. Celle-ci reste soutenue (+1,5%) tirée par une consommation nationale et un marché de l’emploi dynamique (5,2% de chômage mi-2023), dont le déploiement ne menace pas à court et moyen terme l’équilibre des comptes publics (24,6% du PIB fin 2022), en revanche menacé à plus long terme par le vieillissement de la population. Moteur de la croissance, le secteur financier fortement extraverti, pourrait souffrir de la volatilité des marchés financiers et de la dévalorisation des portefeuilles obligataires induite par la remontée des taux. Capitalisé et liquide, le secteur bancaire préserve sa rentabilité.
Résiliente, l'économie luxembourgeoise résiste malgré les fortes pressions inflationnistes.
- Les pressions inflationnistes, déjà significatives en 2021 (+2,5%) se sont accélérées en 2022 (+6,3%) mais devraient se stabiliser en 2023 (+3,9%).
A l’instar de l’ensemble des économies européennes (+20,3%) et de la zone euro (17,6%), l’économie a été affectée par une forte inflation depuis le début de la crise sanitaire (+16%, IPCH). Initiées fin 2019, celles-ci sont alimentées par le contexte international et européen de (i) faible disponibilité de matières premières, (ii) de désorganisation des chaînes d’approvisionnement, (iii) de tensions géopolitiques et commerciales, (iv) de renchérissement des prix de l’énergie et (v) de normalisation rapide de la politique monétaire.
Ces pressions internationales sont renforcées par le contexte national (i) de plein emploi relatif (chômage à 5,3% en août 2022) exerçant une pression haussière sur les salaires qu’accélèrent (ii) le mécanisme d’indexation automatique des salaires et le relèvement du salaire minimum au 1er jan. 2023 (+3,2%) qui devraient entraîner une hausse des salaires nominaux. Y contribuent également (iii) la forte dépendance aux importations d’hydrocarbures et d’électricité, ainsi que (iv) la forte augmentation des prix de l’immobilier (+5,6% en 2022), alimentée par la forte pression démographique (+14,5% depuis 2015). Le déploiement des dispositifs de soutien devrait contenir l’inflation à +3,9% en 2023 et à 2,5% en 2024.
- Marginalement affectée par la crise sanitaire, la dynamique de croissance freinée par l’inflation.
Après l’un des replis (-0,9%) les moins marqués de l’UE (-5,6%) et de la zone euro (-6,1%) en 2020, l’économie avait déjà début 2021 retrouvé son niveau d’avant-crise, avant de se stabiliser à +1,5% en 2022. Sur l’ensemble de 2022, la croissance a été principalement tirée par le renforcement de la consommation (i) des ménages (+2,6), soutenue par un marché du travail dynamique (hausse de +3,4% du nombre de travailleurs et repli de -3,9% de celui des chômeurs sur 2022), l’indexation automatique des salaires et le mesures de soutien déployées mais aussi (ii) des administrations publiques (+3,8%) sous l’effet du déploiement des mécanismes d’atténuation du renchérissement des prix (2,1 Md€). La persistance de fortes pressions inflationnistes, associé au durcissement des conditions monétaires et aux pénuries de main d’œuvre est de nature à amplifier l’incertitude sur les perspectives économiques dans le pays que traduisent les enquêtes de conjoncture. Le ralentissement escompté de la croissance 2023 (+1,5%) se concrétise par un repli du PIB de -1,7% en g.a sur T1 et T2 2023.
Les larges marges de manoeuvre budgétaire permettent le déploiement de généreux dispositifs de soutien.
- Une dette publique maîtrisée à 24,6% du PIB fin 2022 grâce au cumul d’excédents budgétaires.
Malgré un exercice 2020 au terme duquel le Luxembourg a enregistré son 1er déficit depuis 2010 (-3,4%) en raison du coût des mesures de soutien déployés pendant la crise sanitaire, le solde budgétaire a depuis renoué avec l’excédent en 2021 (+0,7 %), maintenu en 2022 (+0,2%), mais qui devrait se dégrader en 2023 (-1,5%) et 2024 (-2,2%) sous l’effet de la prorogation jusque fin 2024 de principaux dispositifs de soutien. Le Grand-Duché avait au T1 2023 le 3e stock de dette publique le moins élevé de l’UE (derrière l’Estonie et la Bulgarie), à 28% du PIB. Considérant la dynamique de croissance et l’équilibre budgétaire, le Luxembourg a maintenu sa notation « triple A » (Moody’s, Fitch, S&P) qui (i) permet d’emprunter sur les marchés à taux compétitifs malgré la relève des taux de la BCE et (ii) contribue à l’attractivité de sa place financière.
- L’équilibre menacé à plus long terme par les coûts liés au vieillissement de la population .
L’excédent « traditionnel », imputable à la compensation du déficit de l’administration centrale (-720 M€ en 2022) par l’excédent du système de sécurité sociale (990M€), pourrait progressivement s’éroder en raison d’une hausse des dépenses liées au vieillissement (santé, retraites) plus rapide que celle des cotisations liées à l’emploi. L’Ageing report de la Commission européenne estime que ces dépenses pourraient représenter 27,3% du PIB d’ici 2070 (contre 16,9% en 2019). Le Luxembourg aurait ainsi, en 2070, le taux de dépenses pour les seules retraites le plus élevé de l’UE (18% du PIB).
- Le gouvernement dispose de larges marges de manœuvre pour atténuer l’impact des pressions inflationnistes.
En sus d’un premier paquet (Energiedësch) ciblant principalement les ménages vulnérables adopté en fév. 2022 (65 M€ sur 2022-2023), un « paquet de solidarité » (Solidaritéitspak) adopté en mars 2022 (1,3 Md€ sur 2022-2023) a été renforcé en sept. 2022 (« Solidaritéitspak 2.0 ») contenant notamment un « bouclier tarifaire » sur le gaz et l’électricité en faveur des ménages ainsi que différentes mesures pour les entreprises. Au total, environ 2,5 Md€ (3,3% du PIB, garanties incluses) seront ainsi mobilisés sur 2022-2023, pour financer des mesures de portée générale, bénéficiant surtout aux ménages et dans une moindre mesure aux entreprises.
Un secteur financier robuste mais aux performances menacées par la hausse des taux et l'inflation.
- Faiblement exposé à la Russie, le secteur financier est exposé à la volatilité des marchés nourrie par la dégradation des perspectives UE de croissance et la remontée des taux .
Le secteur financier luxembourgeois et spécialisé dans les services à une clientèle étrangère, est demeuré rentable au cours de la crise sanitaire et bénéficie du dynamisme de la place financière. L’activité de l’ensemble du secteur (bancaire, services financiers), qui avait progressé de manière modérée en 2020, a rebondi en 2021 mais enregistre un repli en 2022 en raison de la forte volatilité sur les marchés. Les autorités poursuivent leurs efforts pour renforcer le cadre de lutte contre le blanchiment d’argent.
- Un secteur bancaire solide en soutien de l’économie réelle.
En sus d’un 1er dispositif de prêt garanti par l’Etat (à hauteur de 85%) déployé pendant l’urgence sanitaire (193 M€ d’encours résiduels en août 2023), le secteur assure la « distribution » d’un 2e dispositif analogue (couverture jusqu’à 90% dans la limite de 500M€) prévu par le paquet Solidarité (mars 2022) et réservé aux prêts souscrits par des entreprises à la liquidité affectée par le conflit RU-UA (238 M€ d’encours en août 2023).
A la faveur (i) d’un produit net bancaire en hausse de +8% sur 2022 et (ii) d’une progression modérée des coûts opérationnels (+0,3%), le secteur a enregistré un résultat avant dépréciation et impôts en hausse de 21% (6,3 Md€), le résultat net accusant lui un repli de -0,7% (4,2 Md€) en raison du contexte de fortes volatilités, hausse des taux et de la forte dotation aux provisions observée en 2022 (couverture de l’exposition à la Russie, anticipations de la dégradation des portefeuilles de crédit) a pesé sur les performances.
- Le secteur bancaire restait fin 2022 très convenablement capitalisé (CET 1 à 22%) et disposant d’importantes réserves de liquidités (LCR à 200% fin 2022).
Dans ce contexte inchangé, le PNB du secteur progressait au S1 2023 de 19% en g.a. Malgré cette solidité, la vigilance reste de mise dans le contexte d’incertitudes et qui s’ajoute aux défis traditionnels du secteur de réduction des coûts opérationnels, de numérisation, verdissement et de forte concurrence.