SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU LESOTHO - Avril 2018

  • Un contexte politique complexe.

Le Lesotho est une monarchie constitutionnelle. Depuis l’effondrement en 2014 du premier gouvernement de coalition, le pays souffre d’une instabilité politique récurrente. Dernier avatar, le commandant des forces armées du Lesotho a été assassiné le 5 septembre dernier, tandis que plusieurs leaders de l’opposition prenaient la route pour l’Afrique du Sud. La SADC a déployé une mission politique sur place. Depuis, la situation, bien que toujours fragile, semble stabilisée. Le Premier ministre, Tom Thabane, réélu le 3 juin dernier après quelques années dans l’opposition, compte avancer sur la voie des réformes.

 

  • Figurant parmi les pays les moins avancés, le Lesotho est extrêmement dépendant de l’Afrique du Sud.

Petite économie ouverte à revenu faible selon la Banque mondiale (PIB de 2,3 Mds USD et PIB par habitant de 1020 USD en 2017), le Lesotho est enclavé dans l’Afrique du Sud. Source majeure de fragilité, le pays est étroitement lié à son voisin, à la fois commercialement (32 % des exportations lesothanes et 86 % des importations), budgétairement (recettes douanières issues de la SACU) et monétairement (aire monétaire commune - le loti est ancré au rand à parité égale). Le Royaume dépend aussi en large partie des transferts des migrants employés surtout en Afrique du Sud, notamment dans les mines. Par ailleurs, le secteur agricole est faiblement diversifié et fortement vulnérable aux conditions climatiques. 73 % de la population vit en milieu rural et dépend des secteurs de l’agriculture et de l’élevage, qui, en l’état, n’assurent pas l’autosuffisance du pays. Le Lesotho doit ainsi régulièrement faire appel au Programme Alimentaire Mondial.

L’extrême prévalence du VIH (25 % des adultes, 2ème taux le plus élevé au monde) exacerbe la pauvreté (57 % de la population) et explique le recul par rapport à 1990 de 11 ans de l’espérance de vie à 49 ans. En parallèle, les inégalités restent très prégnantes (indice de GINI de 0,54) tandis que le pays se classe au 160ème rang sur 188 pays en terme d’IDH. Si le secteur minier (6 % du PIB) n’offre que peu de perspectives en matière d’emplois (27,5 % de la population étant au chômage), l’augmentation observée des cours des produits miniers lui sera favorable (les exportations de pierres et métaux précieux représentaient 30 % des exportations en 2016).

Le secteur textile (8 % du PIB) joue un rôle majeur dans les exportations (48 % des ventes totales) et pour l’emploi (50 % de l’emploi formel), même si le 1er employeur reste l’Etat. Il est très dépendant de l’accès à l’AGOA US, lequel a été renouvelé en 2017 pour deux ans. L’eau constitue la principale ressource du pays et joue un rôle stratégique pour l’alimentation de l’Afrique du Sud. Le Lesotho Highlands Water Project (LHWP), le projet le plus important de l’histoire du Lesotho et dont la phase II (23 Mds ZAR) devrait dynamiser l’activité dès cette année (début de la construction du barrage de Polihali en 2019), a rendu le pays autonome en matière électrique et lui a apporté une nouvelle source de revenus, grâce à la vente de ressources en eau et en électricité à son voisin.

 

  •  La croissance a rebondi en 2017.

Reflet de sa faible insertion dans le commerce mondial, le pays a été peu touché par la crise de 2008/09 et la croissance a été supérieure à 3 % jusqu’en 2014 (4,7 % en moyenne sur 2010/14) avant de décélérer sensiblement (2,5 % en 2015, 2,4 % en 2016). L’activité avait notamment pâti en 2015/16 de la sécheresse, de la faiblesse de l’activité en Afrique du Sud (qui pénalise le commerce régional et limite les transferts douaniers de la SACU) et des incertitudes autour du renouvellement de l’accès du pays à l’AGOA (finalement maintenu pour 2017 et 2018). La croissance du PIB a rebondi en 2017 où elle a atteint 4,6%, ce qui constitue un point haut depuis 2011. Pour 2018, elle est attendue à 3,1 % selon le FMI. L’activité profite globalement de la mise en œuvre de la 2nde phase du projet Lesotho Highlands Water et du dynamisme du secteur minier (dont la mine de diamants de Liqhobong). Du côté des prix, l’inflation s’est élevée à +6,4 % en glissement annuel en 2016 et s’établit à +6,6 % en 2017.

 

  • Un solde courant structurellement déficitaire et qui se dégrade.

Sur le plan externe, le solde courant est toujours fortement déficitaire (-7,5 % du PIB en moyenne sur 2010/16) en raison notamment d’une balance commerciale déséquilibrée du fait de la faible diversification de la production nationale et des différents grands projets de construction qui nécessitent d’importer massivement, notamment depuis l’Afrique du Sud. Par ailleurs, les recettes douanières issues de la SACU ont chuté à 13,6 % du PIB en 2016/17 contre 25,9 % en 2015/16. Dans ce contexte, le déficit courant, estimé à -7,7 % du PIB en 2016 par le FMI, a augmenté en 2017 à -8,5 %. Fin décembre 2017, les réserves de change représentaient 4,9 mois d’importations, un niveau légèrement inférieur au seuil recommandé par le FMI (5 mois de couverture) pour maintenir la parité du loti au rand sud-africain et fournir une marge de manœuvre suffisante aux autorités en cas de choc éventuel.

 

  • Un budget sous tension mais un endettement tout à fait soutenable

Après avoir été excédentaire en 2015/16 (0,5 % du PIB), le solde budgétaire a enregistré un important déficit en 2016/17 (-6,9%), conséquence de la baisse des revenus douaniers issus de la SACU et de la faiblesse de l’activité. En 2017/18, le déficit budgétaire est attendu à -6,5 %.Les finances publiques demeurent extrêmement dépendantes des transferts douaniers de la SACU, lesquelles ont chuté à 13,6 % du PIB en 2016/17 contre 25,9 % en 2015/16. Cette tendance devrait perdurer au moins sur le moyen terme compte tenu de la poursuite du processus de libéralisation engagé dans la région (baisse des droits de douanes). Dans ce contexte, la perspective éventuelle de réviser la clé de répartition des recettes douanières au sein de la SACU est un véritable enjeu budgétaire pour le Lesotho.Le déficit est globalement financé par le gouvernement en tirant sur les réserves de la Banque Centrale, ce qui explique, par ailleurs, leur réduction significative sur un an. Le FMI recommande la mise en place d’un processus d’ajustement budgétaire tout en rappelant que la situation sociale (et politique) du pays reste fragile.

En 2016/17, la dette publique s’est réduite significativement passant de 41,3% du PIB (2015/2016) à 35,4% du PIB. Selon le Fond, elle devrait se stabiliser à ce niveau pour l’année en cours. Elle est, en outre, essentiellement composée de dette externe assortie de conditions concessionnelles (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement) et donc ne pose pas de problème particulier s’agissant de sa soutenabilité. La dette interne qui augmente légèrement (de 3% à 4% du PIB entre 2016/17 et 2017/18) reste limitée.

Au plan monétaire, le Lesotho s’est doté pour la 1ère fois en décembre 2015 d’un taux directeur, fixé à 6,25 %, relevé à 7 % puis diminué à 6,75% en juillet 2017 et à 6,50% en mars 2018 afin de l’aligner sur le taux directeur sud-africain. Cet outil vient compléter l’instrument traditionnel de pilotage de la Banque centrale consistant à fixer un seuil minimal de réserves de change, revu à la baisse 2 fois entre janvier et avril 2017 (-80 M USD cumulés) puis rehaussé 2 fois entre mai et août (+35M cumulés) à 635 M USD

 

  • Un secteur bancaire plutôt solide et en voie de modernisation, dominé par des groupes sud-africains

En dépit de sa taille réduite, le secteur bancaire est relativement bien capitalisé, sain et rentable selon le dernier Article IV du FMI (novembre 2017). Il est dominé par 3 filiales de groupes sud-africains (Standard Lesotho Bank Ltd, Nedbank Lesotho Ltd et First National Bank of Lesotho) qui se partagent 90 % des actifs et des dépôts, le reste relevant de la banque publique Lesotho Post Bank, qui accuse habituellement des pertes, son activité étant surtout orientée vers le milieu rural et les personnes exclus du système traditionnel. L’accès au crédit pour les ménages est très perfectible vu la faible inclusion financière (38 % de la population disposant d’un compte bancaire). Le risque de crédit tend à croître en parallèle de la dégradation de la situation économique et de l’endettement croissant des ménages.

 

  • Perspectives et réformes structurelles : priorité au soutien au secteur privé

En dépit de progrès substantiels, le Lesotho figure au 100ème rang sur 189 pays en ce qui l’environnement des affaires (classement Banque mondiale). Le National Strategic Development Plan (NSDP), lancé en mars 2012, entend favoriser l’accueil de l’investissement étranger via la facilitation de visas de travail et de résidence, sujet qui pourrait s’accompagner d’importantes retombées en matière de facilitation du commerce transfrontalier. Le NSDP entend donner une place centrale au secteur privé, qui devrait bénéficier de la mise en œuvre de la Loi foncière votée en 2010, ainsi que de la Loi sur les nouvelles sociétés prévoyant la mise en place d’un guichet unique pour le conseil et le soutien aux entreprises. Néanmoins, la mise en place du NSPD et l’investissement pâtissent de la dégradation des perspectives économiques et du climat politique et sécuritaire, certains pays partenaires envisageant même de réduire leur aide. Des réformes supplémentaires doivent ainsi être engagées pour attirer davantage d’investissements et remédier à la faiblesse de la compétitivité, le pays étant classé 120ème sur 138 au Global Competitiveness Index du World Economic Forum. Le pays entend enfin accélérer la diversification de son économie en soutenant davantage plusieurs secteurs prioritaires dont le tourisme, qui représente actuellement 5,5 % du PIB.

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