Fiche pays (septembre 2023)

Avec un PIB de 2,5 Mds USD en 2022, le Lesotho est la plus petite économie d’Afrique australe. Si elle est relativement diversifiée (textile, diamants, eau, agriculture et tourisme), l’économie du Lesotho demeure fortement dépendante de l’Afrique du Sud (commercialement, financièrement, logistiquement, monétairement, etc.). Si le pays a renoué avec la croissance en 2021 après quatre années de récession, celle-ci reste toutefois faible (1,8% en 2021, 2,1% en 2022, prévision de 2,1% en 2023). Le dérapage continu des finances publiques ces dernières années constitue également un facteur d’inquiétude. Les perspectives économiques du pays reposent sur la mise en œuvre des réformes annoncées dans la foulée de l’élection présidentielle d’octobre 2022 et sur la réalisation de la seconde phase du mégaprojet Lesotho Highland Water Project (barrage, réservoir et tunnel de transfert visant à approvisionner la région du Gauteng en eau potable).

1. Situation économique et politique
1.1. Situation politique

Ancien protectorat britannique, le Lesotho, indépendant depuis 1966, est désormais une monarchie constitutionnelle. Le pays souffre d’une instabilité politique chronique, illustrée par de nombreuses tentatives de coups d’Etat et la chute de trois gouvernements entre 2013 et 2017. En 2020, Tom Thabane, nommé à la tête d’un gouvernement de coalition en 2017, a été poussé à la démission suite à des soupçons de complicité dans l’assassinat de son ex-épouse. Son refus de démissionner a paralysé le pays pendant près de six mois avant qu’il ne soit écarté du pouvoir. La stabilisation escomptée après l’élection de son successeur Moeketsi Majoro n’a toutefois pas eu lieu : en dépit de l’autorité morale du monarque Letsie III, le régime a très vite renoué avec ses réflexes habituels (délitement des partis, création incessante de nouveaux mouvements, nomadisme politique, tentatives de déstabilisation, affaires de corruption, etc.).

Dans un contexte politique marqué pendant quinze ans par une alternance entre deux partis (le Democratic Congress et la All Basotho Convention, parti du Premier ministre sortant), les élections législatives du 7 octobre 2022 ont constitué un changement inattendu, portant au pouvoir le parti Revolution for Prosperity (RFP), fondé seulement quelques mois auparavant par le magnat minier et immobilier Sam Matekane. Un an après les élections, et malgré une volonté affichée d’ouvrir le pays aux investisseurs internationaux et de renforcer la coopération avec les puissances occidentales, les réformes attendues tardent à se matérialiser et le secteur public continue de pâtir d’un manque de moyens et de compétences.

1.2. Éléments structurels relatifs à l’économie

Le Lesotho est un petit pays de 2 M d’habitants enclavé dans le territoire sud-africain. Son PIB s’élevait à 2,5 Mds USD en 2022, et son PIB par habitant à près de 1 170 USD. Alors que le Lesotho a enregistré une croissance moyenne de 3,5% dans la première moitié de la décennie 2010, son PIB s’est contracté de 2% par an en moyenne sur la période 2017-2019, sous l’effet notamment de la détérioration de la situation politique. La récession débutée en 2017 s’est aggravée en 2020 (-3,9%), sous l’effet de la pandémie de Covid-19, qui a entraîné un confinement strict et prolongé.

L’économie du Lesotho est très dépendante de la conjoncture des autres pays de la sous-région, en particulier de l’Afrique du Sud, qui fournit 90% de ses importations et est le débouché de 33% de ses exportations. Les recettes budgétaires du Lesotho proviennent en grande partie des revenus transférés par l’union douanière SACU (Southern African Customs Union – plus de 35% des recettes du gouvernement en moyenne ces trois dernières années). L’économie du Lesotho est par ailleurs dépendante des transferts de fonds des migrants, qui ont représenté plus de 20% du PIB du pays en 2022, et dont la grande majorité provient d’Afrique du Sud (travailleurs du secteur minier). A noter également que la monnaie lesothane, le loti, est ancrée au rand sud-africain dans le cadre la zone monétaire commune (Common Monetary Area – avec la Namibie et l’Eswatini).

L’économie du pays est relativement diversifiée. Elle repose en premier lieu sur l’industrie manufacturière (19% du PIB en moyenne sur la période 2020 à 2022), et notamment textile (près de 50% des exportations – vers l’Afrique du Sud, mais aussi vers les Etats-Unis via l’accord AGOA, qui permet au Lesotho de bénéficier de droits de douane réduits pour l’accès au marché américain). Elle s’appuie en second lieu sur le secteur minier, principalement sur le sous-secteur des diamants (environ 7% du PIB et 22% des exportations). Le secteur de l’eau est également stratégique (5% du PIB) : le Lesotho exporte une partie importante de ses ressources aquifères vers l’Afrique du Sud, via un système de barrages et de tunnels. L’agriculture représente aussi un poids substantiel dans l’économie (5% du PIB et près de 45% des emplois), avec une forte dichotomie entre un secteur commercial qui génère la majeure partie de la valeur ajoutée et une agriculture vivrière qui emploie une part importante de la population active, notamment dans les zone rurales et montagneuses isolées (élevage). Malgré l’absence de données précises, le tourisme représente enfin un secteur non-négligeable, évalué à environ 13% du PIB en 2020 – avec un effet d’entrainement sur les autres secteurs d’activité.

L’économie souffre de nombreuses fragilités structurelles : (i) un modèle de gouvernance à bout de souffle, miné par la corruption et le clientélisme ; (ii) un modèle économique très réglementé, qui entrave le développement du secteur privé ; (iii) et un modèle éducatif en inadéquation avec la demande du marché du travail. Ce contexte, qui a entraîné une forte dégradation du climat des affaires et de l’image du pays vis-à-vis des investisseurs, entrave également le bon déroulement de projets d’infrastructures majeurs. La phase II du Lesotho Highland Water Project (LHWP) a ainsi été bloquée pendant plusieurs années, avant que le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, n’annonce le 23 mai 2023 le lancement de la première phase des travaux. Ce projet, développé conjointement avec l’Afrique du Sud, prévoit le développement de capacités hydroélectriques (barrage de Polihali – 1,2 GW), d’un réservoir et d’un nouveau canal d’acheminement d’eau potable pour approvisionner les centres urbains de Johannesburg et Prétoria, et représente un investissement de près de 2 Mds EUR.

La situation sociale, déjà particulièrement fragile, s’est durablement dégradée sous l’effet de la crise de la Covid-19, qui a vu la destruction de nombreux postes de travail, notamment dans l’industrie manufacturière. Le taux de chômage atteignait toujours 18% en 2022 (soit +1 point par rapport à 2019). Le taux de pauvreté (seuil de 2,15 USD par jour) a bondi de trois points en 2020 (à près de 36%), avant de se stabiliser autour de 35%, et le pays reste marqué par un niveau d’inégalités particulièrement élevé (indice de Gini de 0,5 en 2019). Les risques pesant sur la sécurité alimentaire sont également significatifs, dans un contexte d’inflation élevée, notamment sur les denrées alimentaires de première nécessité (céréales, huile, etc.). Selon le dernier rapport de l’Integrated Food Security Phase Classification, plus de 15% de la population rurale souffrait ainsi d’insécurité alimentaire aigüe au troisième trimestre 2023, un taux qui devrait progresser et atteindre près de 22% début 2024. En 2021 (dernières données disponibles), le Lesotho était classé à la 168ème position (sur 191 pays) du classement IDH.

2. Conjoncture et finances publiques
2.1. Conjoncture économique

Après quatre années de récession, le Lesotho a renoué avec la croissance en 2021. Le rebond post-covid a toutefois été modéré (+1,8% en 2021 et +2,1% en 2022). Si la reprise a été portée par le secteur des services en 2021, elle a été principalement soutenue par les secteurs de l’industrie (+6,9%) et du commerce (+13,6%) en 2022. A noter également la nouvelle progression en 2022 du secteur des administrations publiques (+15,7%), dont le poids dans l’économie demeure structurellement élevé (près de 30% du PIB). Sept secteurs économiques sur quinze ont en revanche enregistré une contraction de leur activité, en premier lieu desquels l’industrie minière (-9% soit une contribution négative à la croissance de 1,5 points), en raison de facteurs conjoncturels (baisse de la production de diamants).

La croissance devrait atteindre 2,1% en 2023 (FMI), portée par le secteur de la construction, qui bénéficiera du démarrage des travaux liés au projet LHWP (cf. supra). Si le modèle de croissance du pays demeure déséquilibré et instable, reposant en grande partie sur la mise en œuvre de grands projets, le gouvernement étudie néanmoins plusieurs pistes pour attirer les investisseurs internationaux dans le secteur des énergies renouvelables et diversifier ses exportations, notamment dans le secteur agricole (projets de développement de l’industrie du chanvre et de l’horticulture).

2.2. Situation des finances publiques

La situation des finances publiques s’est dégradée de manière significative ces dernières années, en raison d’une forte progression des dépenses (poids croissance de la masse salariale de la fonction publique et augmentation des dépenses d’investissement), couplée à une diminution des recettes douanières en provenance de la SACU (en moyenne 30% des recettes totales). Le cadre de gestion des finances publiques est par ailleurs défaillant (suivi des dépenses insuffisant, faible mise en œuvre des budgets d’investissements, etc.). Le déficit public a ainsi atteint 5% du PIB en moyenne entre 2016 et 2020, contre 1,2% en moyenne sur la première moitié de la décennie.

A ces fondations déjà fragiles s’est ajoutée la crise de la Covid-19. Si sur l’exercice 2020/21, les performances fiscales ont été meilleures qu’anticipé (léger excédent budgétaire, grâce à la hausse des redevances minières et à une relative maîtrise des dépenses), le déficit s’est creusé dès l’exercice 2021/22 (-4,8% du PIB) : les recettes se sont contractées, sous l’effet d’une chute des revenus douaniers en provenance de la SACU (-35%), affectés par la baisse du commerce extérieur en 2020. Le déficit a atteint 7,7% du PIB sur l’exercice 2022/23, sous l’effet d’une nouvelle progression des dépenses sur l’exercice (+16,4%), portées par la hausse des investissements (+21% pour un poste représentant 41% du total) et de la masse salariale de la fonction publique (+13% pour un poste représentant 40% du total).

Le gouvernement anticipe en revanche un excédent budgétaire (2,5% du PIB) sur l’exercice 2023/24. Il table sur une forte augmentation des recettes (+35,4%), grâce au rebond des revenus douaniers issus de la SACU (+88%), particulièrement volatiles. Les dépenses croîtraient à un rythme inférieur (+12%), sous l’effet d’une rationalisation ambitieuse de la masse salariale de la fonction publique (-1,4%). Si les coupes budgétaires annoncées sont ambitieuses, le budget a été basé sur des prévisions de croissances réalistes (2,2%), équivalentes aux estimations du FMI.

Le risque de surendettement est jugé modéré par le FMI, malgré la progression du poids de la dette publique, qui est passée de 45% du PIB en 2015 à 57% du PIB fin 2022. La dette est principalement externe et a majoritairement été contractée auprès des bailleurs internationaux selon des termes concessionnels (80% de l’endettement total à la fin de l’exercice 2021/2022, dont 35% à la Banque Mondiale, 14% à la Banque Africaine de Développement et 8% à la Banque Européenne d’Investissement). Le Lesotho a cependant eu davantage recours à l’endettement domestique ces dernières années : sa part dans l’endettement total est ainsi passée de 5% en 2017/2018 à près de 20% en 2021/2022. Selon le FMI, la dette devrait continuer de progresser dans les exercices à venir, pour atteindre 58% du PIB en 2023, avant de se stabiliser autour de 55% à l’horizon 2026.

3. Relations avec la communauté financière internationale

Le Lesotho est classé dans la catégorie des pays à « revenu intermédiaire de la tranche inférieure » par la Banque Mondiale. Le portefeuille de projets actifs de l’institution s’élève à environ 350 MUSD et compte une dizaine de projets dans des domaines variés (éducation, énergies renouvelables, agriculture, nutrition, gouvernance, développement du secteur privé), dont trois initiés en 2022 (chauffage solaire dans les zones rurales et assistance technique en matière de gouvernance), mobilisant 86 MUSD. Le portefeuille de la BAfD s’élève à 88 MUSD et compte huit projets (dont deux approuvés en 2022, d’un montant total de 16 MUSD), tous souverains : renforcement du système éducatif, promotion du secteur privé, développement des infrastructures, digitalisation des services publics.

En juillet 2020, le pays a bénéficié d’un financement d’urgence du FMI (Rapid Credit Facility et Rapid Financing Instrument) de 50 MEUR pour faire face aux besoins de financement découlant de la crise de la Covid-19. Le pays a également bénéficié de l’initiative de suspension du service de la dette (Debt Service Suspension Initiative – DSSI) mise en œuvre par les pays du G20 – les reports de remboursements ont représenté 0,2% du PIB du pays pour la période allant de mai 2020 à fin 2021. Aucun autre financement du FMI n’a été envisagé depuis.

4. Aide publique au développement de la France

Entre 2019 et 2021 (dernières données disponibles), le Lesotho a reçu en moyenne 83,5 MUSD par an de versements bruts d’Aide Publique au Développement (APD) de la part des bailleurs bilatéraux. La grande majorité de cette somme provenait des Etats-Unis (près de 90%) et, dans une moindre mesure, du Japon (5%), de l’Allemagne (1,3%) et du Royaume-Uni (1%). La contribution de la France à l’APD bilatérale en faveur du Lesotho est marginale – 390 000 EUR par an en moyenne. L’AFD n’a pas d’activité au Lesotho.

5. Relations économiques avec la France
5.1. Échanges commerciaux avec la France

Les échanges commerciaux entre la France et le Lesotho ont fortement rebondi en 2022 (+196% à 1,3 M EUR), portés par la reprise des importations de diamants. S’ils restent bien en-deçà des niveaux exceptionnels observés en 2019 (importations de diamants) et 2020 (exportations d’appareils médicaux), ils sont toutefois nettement supérieurs à leur moyenne historique (+167% par rapport à la moyenne 2014-2018). Ils restent néanmoins peu importants, en raison de l’étroitesse du marché domestique, du niveau de développement du pays, de son enclavement géographique (le Lesotho commerce en grande majorité avec l’Afrique du Sud, qui fournit 90% de ses importations et est le débouché de 33% de ses exportations) et de sa spécialisation (produits agricoles et textiles).

5.2. IDE et présence française

D’après l’UNCTAD, le stock total d’Investissements Directs à l’Etranger (IDE) dans le pays s’élève à 958 MUSD - principalement en provenance des Etats Unis et dans l’industrie du textile. Le Lesotho a enregistré un nouveau flux d’IDE négatif en 2022 (-8 MUSD), après un flux de -12 MUSD l’année précédente, dans un contexte marqué par une dégradation du climat des affaires et une aversion croissante des investisseurs aux risques. Le stock d’IDE français est insignifiant dans le pays, où aucune grande entreprise n’est implantée.

 

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