Relations économiques bilatérales France-Sri Lanka en 2023

 

Résumé : la crise économique qu’a traversée le Sri Lanka en 2022 a des effets durables sur nos relations économiques bilatérales. En 2023, hormis nos ventes exceptionnelles de moteurs d’avion, nos exportations affichent une baisse de 8% après une baisse de 10% en 2022. Notre déficit commercial reste élevé à 315 M€ mais se résorbe (-28%). Notre coopération financière a été suspendue, à l’exception des dons, en raison du défaut de paiement. Notre stock d’IDE a augmenté mais reste faible. Pour 2024, grâce à la levée des restrictions à l’importation et au retour de la croissance on peut s’attendre à une légère reprise de nos exportations.   

 I- Des échanges commerciaux déficitaires pour les biens et excédentaires pour les services

Selon les douanes françaises, après sept années de dégradation continue qui l’avait porté à un niveau record en 2022 (-435 M€), notre déficit bilatéral du commerce de biens s’est contracté sensiblement en 2023 (-28%) pour atteindre 315 M€. Cette amélioration s’explique par la conjonction de la forte baisse de nos importations (-12%) en provenance de Sri Lanka induite par le ralentissement de l’activité en France et par le rebond de nos exportations (+72%) induit quasi-exclusivement par nos ventes de moteurs d’avion.

Nos exportations de biens, qui se sont élevées à 140 M€, retrouvent leur niveau pré-Covid. Elles sont tirées par l’augmentation exceptionnelle (+ 2500%) de nos ventes de moteurs d’avion à Sri Lankan Airlines (qui représentent à elles seules 49% de nos exportations). Hors aéronautique, nos exportations ont baissé de 8%.  Nos postes d’exportation traditionnels, à savoir les produits pharmaceutiques, les produits cosmétiques et les équipements industriels enregistrent des baisses de 38%, 8% et de 18% respectivement, du fait d’une conjoncture atone (récession de 2,3% en 2023).  Seules nos exportations de produits agro-alimentaires ont augmenté (+85%) en raison de la levée des restrictions à l’importation décidée par le gouvernement mi-2023 et de la reprise du tourisme.  En 2024, la poursuite des effets de la levée des restrictions à l’importation (à l’exception de celles sur le secteur automobile), le retour de la croissance (prévision de 2 à 3%), l’amélioration de la liquidité en USD et enfin la consolidation de la reprise dans le secteur touristique devraient induire une augmentation de nos exportations vers Sri Lanka.

Notre part de marché s’améliore pour atteindre 1,1% en 2023 contre 0,6% en 2022. Cela nous classe au 18ème rang des fournisseurs de Sri Lanka, très loin derrière la Chine (19%), l’Inde (18,7%), mais également derrière l’Allemagne (1,5%), l’Italie (1,4%) et le Royaume-Uni (1,2%). Hors aéronautique dont les variations sont erratiques, quatre catégories de produits représentent 70% de nos exportations : (1) les produits chimiques, parfums et cosmétiques, (2) les produits pharmaceutiques, (3) les produits agro-alimentaires et (4) les machines industrielles (notamment pour l’industrie textile).  

S’agissant des importations françaises de biens sri lankais, elles se sont élevées en 2023 à 455 M EUR. La France est le 8ème client de Sri Lanka derrière l’Allemagne et l’Italie. Nos importations se concentrent sur quatre catégories de produits : (1) l’habillement, qui représentent plus de la moitié (59%) du total, en baisse de 10% ; (2) les produits agroalimentaires et de la pêche (14% du total, pour l’essentiel des produits de la pêche et du thé) ; (3) les articles de joaillerie/bijouterie (9% du total) et ; (4) les produits en caoutchouc et en plastique pour 8% du total, essentiellement des pneumatiques notamment du fait de la forte présence du groupe Michelin.

S’agissant de nos échanges de services, en 2022 (derniers chiffres disponibles), ils ont affiché un excédent (+26M€), en baisse toutefois de 39%. Cette contraction de notre excédent s’explique par le fait que nos importations de services (tourisme pour l’essentiel), ont été en forte en forte augmentation (+63% pour atteindre 113 M€) en raison de la fin des restrictions sur les voyages liés au Covid. Nos exportations de services vers Sri Lanka se sont élevées à 139 M EUR (+24%). Il s’agit pour l’essentiel de services dans le domaine du transport maritime et de l’ingénierie. En 2023/2024, le rétablissement du tourisme français vers le Sri Lanka devrait induire une nouvelle contraction de notre excédent.

 II- Nos investissements reposent sur quelques grandes entreprises et des EFE dans le tourisme

Selon le Board of Investment, en 2023, le stock d’IDE français est passé de 25 à 35 MUSD, plaçant la France au 23ème rang des investisseurs étrangers. Toutefois, ce chiffre ne reflète pas la réalité de la présence française à Sri Lanka, de nombreux investissements transitant par des pays tiers. On compte une quarantaine d’entreprises françaises implantées, pour la moitié des EFE et pour l’autre moitié des filiales. Les EFE exercent essentiellement dans le domaine du tourisme (agences de voyages, boutiques hôtels…) et la restauration. Les filiales françaises sont essentiellement à vocation commerciale, les seules ayant des activités de production étant Michelin, l’un des plus importants employeurs locaux privés (5000 employés), Biogrow (substrats pour l’agriculture), Chryso (matériaux de construction), et Intissel (textile) Dans le domaine des services, Orange Marine a installé en 2019 une base de maintenance de câbles de télécommunications sous-marins en partenariat avec l’opérateur téléphonique sri lankais SLT. Enfin, CMA CGM est le 3ème contributeur du port de Colombo (le premier port d’Asie du Sud).

S’agissant des flux, en 2023, Michelin a réalisé des réinvestissements importants (ouverture d’un centre de logistique) et la société Volta poursuit l’installation de panneaux solaires (30 MW installés, objectif de 300 MW).

 III- Suspension de la coopération financière à l’exception des dons

Jusqu’en en 2021, notre coopération financière a été dense, la France ayant mobilisé à Sri Lanka les différents outils de financement à sa disposition (prêts du trésor, prêts garantis, prêts AFD, FEXTE et FASEP) avec de nombreuses interventions dans les domaines de l’eau et de l’électricité. Il en résulte que notre exposition sur le souverain est significative à 451 M€ dont 205 M€ pour l’AFD (45,5 M€ en restes à verser), 187 M€ pour l’assurance-crédit et 59 M€ en prêts du Trésor. La France est ainsi le 4ème créancier bilatéral de Sri Lanka derrière la Chine, le Japon et l’Inde. Depuis 2021, compte tenu de la dégradation de la situation financière, aucun nouveau prêt n’a été accordé. Par ailleurs, après l’annonce du défaut, le 12 avril 2022, les décaissements ont été suspendus à l’exception de 15 M€ pour permettre de payer des travaux exécutés (AFD) et de terminer un projet dans le domaine laitier (prêt du Trésor).  D’un commun accord avec les autorités sri lankaises, afin de réduire notre exposition et l’endettement du pays, l’AFD a annulé 175 M€ de restes à verser. Sur les cinq projets en cours signés par l’AFD, seuls trois ont été conservés dans des périmètres revus à la baisse. Le montant de 45 M€ de RAV conservé permettra de terminer ces trois projets lorsque la reprise des décaissements sera possible.

Le Club de Paris s’est engagé à restructurer la dette sri lankaise dans le cadre du programme FMI agréé le 20 mars 2023. Un comité des créanciers présidé par la France, le Japon et l’Inde a été constitué. La Chine y siège en tant qu’observateur. Un accord de restructuration a été signé le 26 juin 2024 qui devra être suivi d’un accord bilatéral de mise en œuvre entre la France et le Sri Lanka.

Notre coopération financière repose actuellement sur des financements par don afin de préparer de futurs projets lorsque la soutenabilité de la dette aura été rétablie. Ainsi trois FEXTE sont en cours : (1) coopération entre le CIRAD et le Tea Board pour la création d’une indication géographique Thé de Ceylan, (2) soutien d’EDF pour la préparation du plan de génération électrique à long terme du Ceylon Electricity Board et (3) programme d’amélioration de la qualité de l’air dans le cadre d’une coopération entre AirParif et le ministère de l’environnement. Une experte technique internationale a été affectée au sein du National Livestock Development Board afin de travailler sur l’amélioration de la production laitière. Enfin, deux FASEP sont en cours, le premier en coopération avec Michelin et la société Ksapa pour le développement de la filière hévéa et le second avec CLS dans la lutte contre la pollution marine.

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