Panorama énergétique du Proche-Orient

Les économies du Proche-Orient sont dans l’ensemble pénalisées par les fragilités de leurs systèmes énergétiques, qui se traduisent par un coût de l’électricité élevé et des coupures fréquentes. La transition énergétique menace certes les rentes pétrogazières de certains pays (Irak, Iran et, dans une moindre mesure, Egypte et Israël), mais elle constitue avant tout une opportunité de renforcer les systèmes énergétiques domestiques en misant sur les énergies renouvelables et les interconnexions électriques.

1/ Le Proche-Orient est aujourd’hui dans une situation de forte vulnérabilité énergétique.

Les systèmes énergétiques d’Israël et de la Jordanie sont les seuls de la région pouvant être considérés comme stables. La découverte de champs gaziers offshore a permis à Israël d’acquérir depuis plusieurs années une autonomie énergétique et de devenir exportateur net (vers l’Egypte, qui dispose d’unités de liquéfaction, et la Jordanie). En Jordanie, le système énergétique et électrique est stable mais couteux pour les finances publiques et fondé sur une dépendance aux importations (à hauteur de 90%), notamment de gaz depuis Israël, pesant sur le déficit commercial et exposant le pays aux chocs exogènes.

L’Iran, l’Irak et l’Egypte ont priorisé leurs exportations d’hydrocarbures au détriment de leurs systèmes énergétiques domestiques. L’Irak dispose de ressources abondantes mais produit une quantité insuffisante d’électricité pour satisfaire sa demande. Cette situation résulte du choix de privilégier les exportations de pétrole, de torcher la majorité du gaz extrait des champs de pétrole et de ne pas développer plusieurs champs gaziers. L’Irak est ainsi contraint d’importer 40% à 50% de son gaz depuis l’Iran, alors que ce dernier ne parvient pas à équilibrer son propre système énergétique. L’Iran souffre en effet d’un déficit électrique structurel (12 GW) et fait face à des pénuries de gaz qui le contraignent à la fermeture temporaire d’usines et administrations. Cette situation, qui résulte d’une hausse de la consommation et d’une sous-exploitation des champs gaziers, contraint l’Iran à importer un volume croissant de gaz (depuis le Turkménistan et l’Azerbaïdjan) et à ne pas honorer en totalité ses exportations (vers la Turquie et l’Irak). En Egypte, les autorités continuent de privilégier l’exportation de GNL en dépit de l’effondrement de la production du champ de Zohr (-50% par rapport à 2015, alors qu’il représentait 50% des capacités gazières). Cette situation entraîne des coupures d’électricité lors des pics de chaleur.

Les pays connaissant une forte instabilité politique et économique (Liban, Syrie, Territoires palestiniens) sont dans une situation énergétique critique. Au Liban, l’opérateur national n’est plus en mesure de fournir, faute de moyens financiers, qu’au mieux 4 heures d’électricité par jour ; le reste de la demande étant essentiellement servi par les groupes électrogènes privés. En Syrie, les infrastructures énergétiques, déjà insuffisantes, ont fait l’objet d’un ciblage durant le conflit et la production d’électricité s’est effondrée (-67% entre 2011 et 2023). Les Territoires palestiniens sont quant à eux dans une situation de dépendance quasi-totale à l’égard d’Israël pour leur approvisionnement énergétique, alors même que leurs infrastructures sont sous-développées, ce qui aboutit à de graves pénuries d’électricité.

2/ La transition énergétique est un levier de stabilisation et d’intégration des systèmes énergétiques.

La transition énergétique représente à la fois une menace pour les rentes pétrogazières et une opportunité de diversifier les systèmes énergétiques. Les modèles économiques de la plupart des pays de la région sont dépendants des exportations d’hydrocarbures. L’Iran et l’Irak sont les plus exposés, mais aussi, dans une moindre mesure, l’Egypte et Israël, qui misent sur les exportations gazières. Dans le même temps, la décarbonation constitue une opportunité de résoudre les dysfonctionnements des secteurs énergétiques. Dans les pays importateurs nets d’énergie, elle permet de réduire la facture énergétique, qui est par nature volatile et entraîne des vulnérabilités macroéconomiques. Dans les pays gaziers, le déploiement des énergies renouvelables peut permettre de libérer des ressources pour l’export.

Les pays du Proche-Orient disposent d’un potentiel solaire et éolien significatif, mais les investissements demeurent limités du fait de contraintes règlementaires, techniques et financières. Les mix énergétiques de la région restent à ce jour largement carbonés (à plus de 90%). La Jordanie est le pays plus avancé dans les énergies renouvelables : la part dans le mix électrique y est passée de 1% en 2014 à 27% en 2022. Israël, l’Egypte, l’Irak et l’Iran affichent des objectifs très ambitieux, qui peinent toutefois à se matérialiser. Certains pays font face à des contraintes techniques sur leurs réseaux électriques, parfois du fait d’un excédent de production (Jordanie, Egypte). Les difficultés de financement sont aussi prégnantes, a fortiori dans les pays où la situation financière des opérateurs nationaux est dégradée (Jordanie, Egypte, Irak, Iran, Liban) ou quand le cadre réglementaire ne permet pas d’envisager le développement massif de projets financés par le secteur privé (Liban, Irak, Egypte, Israël). Outre les énergies renouvelables, l’hydrogène vert est perçu comme prometteur, notamment en Egypte, qui se positionne comme un hub à l’export. En matière d’énergie nucléaire, l’Iran dispose d’une centrale d’1 GW (mais couvrant seulement 1% de la production électricité) et l’Egypte développe un projet de centrale de 4,8 GW.

L’électrification du mix énergétique devrait inciter les pays de la région à renforcer leurs interconnexions. Les interconnexions gazières sont déjà bien développées, notamment entre l’Iran et l’Irak d’une part, et l’Egypte, la Jordanie et Israël d’autre part. Des interconnexions électriques existent mais les volumes échangés restent contenus et servent surtout à stabiliser les réseaux. En situation d’excédent d’électricité, l’Egypte cherche à accroître ses exportations (en particulier vers l’Europe), tout comme la Jordanie (en particulier vers l’Irak et le Liban, ainsi que vers Israël dans le cadre du projet Prosperity). A l’inverse, en situation de pénurie d’électricité, l’Irak développe ses interconnexions avec les pays voisins. Israël envisage de son côté un projet d’interconnexion avec Chypre. Enfin, le projet India-Middle East-Europe Economic Corridor (IMEC) intègre une dimension énergétique (interconnexions électriques et transport d’hydrogène).

 

Annexe 1 – Mix énergétique estimé des pays du Proche-Orient

 

Egypte

Iran

Irak

Israël

Jordanie

Liban

TP

Syrie

Pétrole

38%

30%

63%

38%

66%

95%

Données non disponibles

69%

Gaz

55%

68%

36%

41%

21%

-

30%

Charbon

1%

-

-

16%

2%

2%

-

Total fossile

94%

98%

99%

95%

89%

97%

99%

Solaire

3%

0,1%

-

4,5%

11%

2%

0,3%

Eolien

0,1%

-

0,5%

0%

-

Hydroélectricité

3%

1,8%

1%

1%

0,7%

Total EnR

6%

2%

1%

5%

11%

3%

1%

Source : Services économiques, Agence internationale de l’énergie

 

Annexe 2 – Mix électrique estimé des pays du Proche-Orient

 

Egypte

Iran

Irak

Israël

Jordanie

Liban

TP

Syrie

Pétrole

9%

19%

36%

11%

5%

91%

Cisjordanie : 95% importé d’Israël

40%

Gaz

79%

74%

57%

58%

68%

-

56%

Charbon

-

-

-

19%

-

-

-

Total fossile

88%

93%

94%

88%

73%

91%

96%

Solaire

5%

0,3%

0,1%

11%

27%

3%

1%

Eolien

0,2%

-

1%

-

-

Hydroélectricité

7%

5,5%

6%

6%

3%

Total EnR

12%

6%

(et nucléaire : <1%)

6%

12%

27%

9%

4%

Source : Services économiques, Agence internationale de l’énergie

 
 
 
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