Opportunités dans les PPP

Dans un contexte d’effondrement économique et financier, les partenariats public-privé (PPP) sont parfois présentés comme un levier pertinent pour soutenir le redressement du Liban. Si le cadre juridique spécifique aux PPP, adopté en 2017, n’est dans les faits pas appliqué, les autorités libanaises n’hésitent pas à utiliser le cadre général des marchés publics. Le déploiement des PPP reste contraint à court terme en l’absence de stabilisation du cadre macroéconomique ; toutefois les PPP auront un rôle significatif à jouer en sortie de crise, au vu des besoins importants en infrastructures du pays (énergie, eau, transports, télécommunications) et des difficultés financières structurelles de l’État libanais.

1/ Le cadre juridique et réglementaire relatif aux PPP est inachevé.

Au plan juridique, le Liban s’inspire du modèle français qui différencie les concessions (service public) des partenariats public-privé (besoin de l’État) :

  • Les concessions sont mentionnées à l’article 89 de la Constitution, comme ayant pour objet l’exploitation d’une richesse naturelle du pays ou un service d’utilité publique. En vertu de cet article, chaque mise en concession nécessite l’adoption d’une loi spécifique par le Parlement ;
  • Les PPP sont définis comme tout projet d’utilité publique auquel le secteur privé contribue par le financement, la gestion et au moins une des opérations suivantes : conception, construction, aménagement, restauration, équipement, entretien, réhabilitation et exploitation. La loi instaurant le cadre juridique des PPP a été adoptée en 2017 mais elle n’est pas appliquée du fait notamment de l’absence : (i) d’adoption des textes d’application de la loi de 2017 ; (ii) de nomination des membres et du secrétaire général du Haut conseil pour la privatisation et les partenariats-publics-privés, censé réguler et autoriser les PPP. Il n’existe ainsi pas à ce jour de projet relevant de ce cadre juridique.

Dans les faits, des projets pouvant s’apparenter à des PPP ou des concessions sont régulièrement lancés au Liban, mais sans recevoir cette qualification juridique. D’une part, l’obligation d’adoption d’une loi spécifique pour les mises en concession dissuade généralement le gouvernement libanais de mobiliser formellement cette forme juridique. D’autre part, il n’est pas possible d’instruire un PPP en l’absence de fonctionnement du Haut conseil pour la privatisation et les partenariats public privé. Ainsi, le cadre juridique utilisé est celui des marchés publics (loi de 2021), y compris pour des projets devant théoriquement relever du cadre juridique des concessions ou de celui des PPP. Ces projets sont parfois qualifiés – selon la terminologie anglo-saxonne – de marchés de DBOT (Design-Built-Operate-Transfer).

2/ Pour autant, des opportunités s’apparentant à des schémas PPP pourraient émerger, notamment dans l’énergie et les transports.
En retenant une définition économique des PPP (contrats de long terme entre l’État et un partenaire privé choisi par appel d’offres, couvrant à la fois la construction, l’exploitation et le financement), le potentiel des PPP au Liban n’est pas négligeable, au vu des besoins importants en infrastructures du pays (énergie, eau, transports, télécommunications) et des difficultés financières sévères et durables de l’État. Le Capital Investment Plan de 2018 (conférence Cèdre) identifiait ainsi 18 projets structurants pouvant être développés en PPP. Cependant, l’utilisation de tels schémas est compliquée par la détérioration du cadre macroéconomique (risque-pays) et la fragilité financière des entreprises publiques (risque de contrepartie).

Le secteur de l’énergie, et en particulier des énergies renouvelables, apparaît le plus prometteur, compte tenu du déficit capacitaire d’Électricité du Liban (1,2 GW contre une demande moyenne estimée avant crise à 3 GW). La loi de 2002 sur l’électricité (n°462) prévoit la possibilité d’octroyer des licences à des producteurs, dans une logique d’Independent Power Producer (IPP). Plusieurs projets pilotes sont en préparation depuis le début des années 2010 : (i) la construction de 3 parcs éoliens dans le Akkar, d’une capacité de 226 MW (350 M$) ; (ii) l'installation de 11 fermes photovoltaïques, chacune d'une capacité de 15 MW (10 à 15 M$ par projet). Si les licences ont été octroyées et les contrats d’achats (PPA) signés, ces projets sont aujourd'hui à l’arrêt faute de financement compte tenu de la dégradation du risque-pays (défaut souverain) et du risque de contrepartie (effondrement financier d’EDL). Concernant les nouveaux projets, le cadre réglementaire ne permet plus d’octroyer de licence de production, car la régulation temporaire conférant cette prérogative au Conseil des ministres a expiré mi-2021. Il faut donc instaurer l’autorité de régulation du secteur de l’électricité, dont l’opérationnalisation ne devrait pas intervenir à très court terme.

Des opportunités pourraient également émerger dans le secteur des transports :
  • La reconstruction de la zone sinistrée du port de Beyrouth devrait s’effectuer principalement en autofinancement. Toutefois, des schémas s’apparentant à des PPP pourraient être envisagés à moyen terme pour certains chantiers spécifiques (silos, terminal passagers, etc.) ;
  • Le port de Tripoli entend poursuivre son expansion et envisage de faire développer par le secteur privé de nouveaux silos et un quai flottant. En outre, le développement en PPP d’une zone économique spéciale adjacente au port est envisagé, avec des appels d’offres à venir dans les prochains mois. Le candidat sélectionné devra développer l’infrastructure (électricité, eau, etc.), puis démarcher des entreprises de différents secteurs (industrie, énergie, logistique, etc.) ;
  • Le développement d’un nouveau terminal à l’aéroport de Beyrouth est envisagé de longue date, compte tenu de la congestion structurelle de l’aéroport (sa capacité théorique s’élève à 6 M de passagers par an, alors qu’il a reçu 6,4 M de passagers en 2022 après un pic de 8,8 M en 2018). Les autorités libanaises avaient annoncé en mars 2023 le développement d’un nouveau terminal (3,5 M de passagers par an), mais l’attribution en gré-à-gré du contrat de 25 ans à la société privée Lebanese Air Transport (LAT), a été contestée au regard de la loi sur les marchés publics, entraînant l’abandon ultérieur du projet.
À plus long terme, des opportunités pourraient voir le jour dans le secteur de l’eau (notamment le développement de nouvelles stations de traitement des eaux usées, sur le modèle des stations développées par Veolia-Suez avec le soutien financier du Trésor français) et les télécommunications. Néanmoins, ces secteurs souffrent à ce stade très fortement de l’effondrement financier respectivement des établissements des eaux et de l’opérateur internet fixe Ogero.
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