Les énergies renouvelables au Liban

En dépit d’un fort potentiel en matière d’énergie renouvelable, le mix énergétique du Liban reste composé à 95% de pétrole. L’effondrement d’Électricité du Liban (EDL) a entraîné la recherche de solutions alternatives, essentiellement via les groupes électrogènes (couteux et polluants), mais aussi de manière croissante par l’installation de panneaux solaires à usage privé. Le déploiement de projets solaires et éoliens plus structurants, envisagés avant la crise en IPP (Independent Power Producer), reste conditionné à l’instauration de l’autorité de régulation du secteur, au redressement d’EDL et au retour des financements internationaux (en cas d’adoption d’un programme FMI).

1/ L’énergie solaire se développe rapidement au Liban, mais uniquement à l’échelle privée.

Le Liban dispose d’un fort potentiel en matière d'énergies renouvelables, grâce à son taux d’ensoleillement élevé (300 jours / an), ses vents importants (30 km/h en moyenne dans la région du Akkar) et ses ressources en eau dans la montagne. Pour autant, la capacité installée en énergies renouvelables est quasi-nulle, à l'exception de quelques infrastructures hydroélectriques vieillissantes. L’État libanais s’est fixé un objectif de 30% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030, dont le financement serait très largement pris en charge par le secteur privé (IPP).

Plusieurs projets en IPP sont en préparation depuis le début les années 2010, mais ont été gelés à la suite du déclenchement de la crise économique et financière libanaise :

  • La construction de 3 parcs éoliens dans le Akkar, d’une capacité cumulée de 226 MW, a été approuvée en 2019. Le projet, d’un coût estimé entre 300 et 350 M USD, impliquait à l’origine trois entreprises libanaises et plusieurs bailleurs internationaux. Sa structuration avait atteint un stade avancé : les licences ont été octroyées, les contrats d’achat d’électricité (PPA) ont été signés mais les bailleurs se sont retirés à la suite du déclenchement de la crise économique.
  • Plusieurs projets d’énergie solaire de taille moyenne ont été sérieusement étudiés. Le Ministère de l’Energie a octroyé des licences pour l'installation de 11 fermes photovoltaïques, chacune d'une capacité de 15 MW (soit 10 à 15 M USD par projet), dans différentes régions du pays. Par ailleurs, l'installation de trois fermes photovoltaïques totalisant une capacité de 300 MW était envisagée. En dépit de l'intérêt d’entreprises locales et étrangères, ces projets sont aujourd'hui à l’arrêt, faute de financement.

Les projets solaires à usage privé se développent rapidement. À la suite de l’effondrement en 2021 d’EDL (qui ne fournit plus que 2 à 4 heures d’électricité par jour) et du coût exorbitant de l’électricité produite par les groupes électrogènes (de 30 à 55 c$/kWh), l’installation de panneaux solaires par les ménages et entreprises (sans soutien financier) et institutions (avec le soutien des bailleurs) s’est accélérée en 2021-2022 ; cette source d’énergie étant devenue très compétitive (environ 6 c$/kWh, et 20-25 c$/kWh en comptant le stockage). La capacité solaire installée a ainsi été multipliée par 7 depuis le début de la crise, pour atteindre 690 MW en 2022. Cette tendance devrait se poursuivre à court terme, compte-tenu de l’augmentation significative des importations de panneaux solaires (l’équivalent de 1000 MW a été importé en 2022 , essentiellement de Chine). En parallèle, des projets d’énergie solaire décentralisée de plus grande échelle émergent (municipalités rurales, micro-réseaux entre hôpitaux, écoles et édifices religieux).

2/ Le déploiement de projets à grande échelle nécessite de surmonter plusieurs obstacles d'ordre réglementaire, financier et technique.

Le développement des énergies renouvelables reste conditionné à plusieurs réformes :

  • Pour les IPP, le cadre réglementaire ne permet plus d’octroyer de licence de production, car la régulation temporaire permettant au Conseil des ministres d’octroyer des licences a expiré mi-2021. Il faut donc instaurer l’autorité de régulation du secteur de l’électricité.
  • Le redressement financier d’EDL est par ailleurs incontournable , dans la mesure où l’entreprise publique sera en charge de la transmission et constituera, au moins dans un premier temps, la contrepartie des IPP. A ce jour, le risque EDL (contrepartie) est jugé quasiment aussi élevé que le risque-pays libanais.
  • Pour les projets décentralisés, la loi sur l’énergie renouvelable décentralisée, en lecture au Parlement, doit être adoptée afin d’ouvrir le réseau aux petits producteurs d’énergie renouvelable (jusqu’à 10 MW), qui seraient libres de vendre à des tiers en versant des redevances à EDL pour la transmission. Un système de compensation (« net metering ») aux petits producteurs nets connectés au réseau serait aussi mis en place.

Les bailleurs internationaux sont réticents à financer des projets d’IPP, considérés comme trop risqués, à moins qu'un accord avec le FMI ne soit conclu. La Banque mondiale envisage toutefois un nouveau projet de prêt pour soutenir la transition énergétique du pays.

Afin d’assurer la stabilité du réseau, l’intégration des énergies renouvelables nécessite un niveau suffisant de production non-intermittente d’électricité (baseload), soit 1000 MW a minima. À court terme, les capacités disponibles d’EDL (1200 MW) pourraient être suffisantes, à condition que les 4 principales centrales soient alimentées en fuel ou en gaz. A moyen terme, une à deux centrales à gaz devront être construites pour assurer, de manière pérenne, la baseload. En outre, il sera nécessaire de réhabiliter et de développer le réseau de transmission, dans le cas où des projets à grande échelle se concrétisent.

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