LIBAN
Situation macroéconomique et financière du Liban
Le Liban est enlisé dans une impasse institutionnelle et économique dans un contexte régional profondément dégradé, notamment d’un point de vue sécuritaire. Les perspectives d’une stabilisation macroéconomique à court et moyen-terme sont très incertaines et dépendent notamment de l’évolution du conflit en cours au Sud-Liban. Les réformes économiques et les discussions avec le FMI sont au point mort, alors que les indicateurs macro-économiques sont durablement dégradés. Le PIB, divisé par 2,5 par rapport à 2018, s’est stabilisé en 2022 autour de 20 Mds USD. L’inflation ralentit mais demeure élevée (environ 70% pour début 2024). La loi de finances pour 2024 a été adoptée en début d’année et prévoit un équilibre budgétaire, aidé par une amélioration relative de la collecte de recettes publiques. Quelques indicateurs, tels que le niveau d’importations et l’indice PMI, suggèrent une reprise partielle de l’économie réelle, qui s’appuie désormais avant tout sur la diaspora (remises de fonds, retours saisonniers) et l’économie informelle.
1/ La conjoncture et les indicateurs macroéconomiques demeurent durablement dégradés.
En l’absence de réformes d’ampleur, la conjoncture macroéconomique demeure dégradée et toute perspective de reprise durable semble illusoire. Après un ajustement brutal, qui a vu le PIB se contracter de 55 Mds USD en 2019 à moins de 20 Mds USD en 2023, la récession semble avoir touché son niveau plancher. Certains indicateurs (PMI, importations) semblent en effet suggérer une légère amélioration de l’activité depuis l’été 2022. L’année 2023 semblait s’inscrire dans la même tendance, portée par des transferts de fonds importants et un afflux de visiteurs de la diaspora. Le conflit à Gaza a depuis effacé l’ensemble de l’acquis de croissance : le FMI et la Banque Mondiale estiment une contraction du PIB entre -0,4 et -0,9% pour 2023 (contre +0,2% avant le conflit). Les perspectives pour 2024 sont très incertaines compte-tenu de l’évolution du conflit au Sud-Liban mais la croissance devrait être légèrement négative. L’économie libanaise se maintient par le biais d’une rente diasporique, via les transferts de fonds (6,4 Mds USD en 2023, soit 36% du PIB) et les retours saisonniers (4 Mds USD en 2022, soit 18% du PIB).
Le niveau d’inflation demeure très élevé mais ralentit (autour de 70% à la fin du 1er trimestre 2024), notamment grâce à la stabilisation du taux de change et à la dollarisation de l’économie (cf. infra).
La situation sociale est préoccupante. Le taux de chômage atteint 30% en 2023, et même 48% chez les jeunes. La Banque mondiale estime le taux de pauvreté absolue (<1,90 $ par jour) à 50% (30% pour les Libanais et 90% pour les Syriens). L’accès aux services publics de base est de plus en plus limité et la main d’œuvre qualifiée fuit le pays.
2/ Les déséquilibres macroéconomiques persistent dans le contexte durable d’un affaiblissement des finances publiques, d’une politique monétaire insoutenable et d’un secteur bancaire a l’arrêt.
La situation des finances publiques libanaise s’est stabilisée et connait une certaine amélioration. Les recettes publiques devraient s’élever pour 2024 à 3,5 Mds USD environ. Entre 2019 et 2023, les recettes publiques avaient connu un effondrement, à 6% du PIB en 2023 contre plus de 20% avant la crise. Les dépenses avaient également progressé de 7,3% du PIB en 2021 à environ 9% en 2023, tirées essentiellement par les dépenses de fonctionnement. La dette publique demeure insoutenable, à 280% en 2022 (contre 181% en 2021).
La politique monétaire a montré des signes de stabilisation mais la sphère financière demeure largement dysfonctionnelle. La Banque du Liban réussit depuis l’été 2023 à maintenir une parité de 89 500 LPB pour 1 USD notamment du fait d’une réduction de la base monétaire en LBP (-37% en février 2024 en glissement annuel). La Banque Centrale a conduit cette politique en lien avec le gouvernement, à travers notamment une restriction de l’offre de LBP aux banques commerciales, une décision du Ministre des Finances en date du 10 février 2023 exigeant le règlement en espèces de certains droits et taxes ainsi qu’une limitation et un échelonnement des opérations de change menées en faveur du gouvernement. Ce nouveau régime de change - de facto fixe - ne semble pas soutenable à moyen-terme et dépend du relatif équilibre budgétaire de l’Etat libanais. La dégradation du contexte économique régional risque de peser sur les réserves en devises qui ont considérablement diminué depuis le début de la crise passant de 30 Mds USD à 2018, mais se sont stabilisées depuis la mi-2023 et s’élèvent actuellement à 9,3 Mds USD en décembre 2023 (soit 6 mois d’importations). En légère amélioration par rapport à 2022 (-20,6% du PIB), le déficit courant reste en effet élevé à -13% du PIB en 2023.
Le système bancaire demeure largement paralysé et confronté à de graves problèmes de solvabilité et de liquidité, compte-tenu du niveau de pertes de 75 Mds USD dans le système financier. Le bilan des banques commerciales demeure très déséquilibré, avec un passif de 90 Mds USD de dépôts de clients et un actif de 84 Mds de dépôts à la banque centrale ayant pour l’essentiel disparus. La dégradation de la valeur de la LBP a réduit à zéro la valeur des fonds propres des banques. Jusqu’à 2023, les banques commerciales parvenaient à être profitables grâce aux opérations de change sur la plateforme Sayrafa et en plaçant des liquidités en devises offshore sur les marchés, dans un contexte de taux élevés. L’arrêt de la plateforme Sayrafa a rendu le modèle économique des banques, en l’absence de génération de crédits, beaucoup plus fragile, et il semblerait que certains dépôts en dollars servent à financer les dépenses courantes de certaines banques. Parallèlement aux difficultés rencontrées par le secteur bancaire, on observe le développement rapide d’un secteur financier non bancaire, mal ou pas régulé, et qui soulève d’importants risques de conformité. Par ailleurs, la dollarisation de l’économie et la progression d’un secteur informel opérant en cash se poursuivent. Le poids de l’économie cash au Liban est en effet passé de 4,5 Mds USD en 2020 à 9,9 Mds USD en 2022, soit un ratio de l'économie liquide qui atteint 46% du PIB. Le développement d’une cash economy limite les recettes fiscales et accroit les risques en matière de criminalité financière.