Situation macroéconomique et financière du Liban

Le Liban se trouve dans une situation d’impasse politique persistante et de forte incertitude économique. En l’absence de réformes économiques et financières préalables à la mise en œuvre d’un programme FMI, les perspectives d’une stabilisation macroéconomique à court-terme sont limitées. Le PIB, divisé par 2,5 par rapport à 2018, s’est stabilisé en 2022, tandis que le taux d’inflation demeure parmi les plus élevés du monde. Compte-tenu de la chute des recettes budgétaires, les institutions publiques fonctionnent désormais partiellement, laissant craindre une dégradation du climat social. Quelques indicateurs, tels que le niveau d’importation et l’indice PMI, suggèrent une reprise partielle de l’économie réelle, qui s’appuie désormais avant tout sur la diaspora (remises de fonds, retours saisonniers) et l’économie informelle.

1/ En l’absence de mesure structurantes, le contexte économique est resté globalement dégradé en 2022, malgré une stabilisation voire un redressement de certains indicateurs.

Après une contraction forte et rapide entre 2018 et 2021, l'économie libanaise semble montrer des signes de stabilisation, soutenue par la levée des restrictions sanitaires et la reprise du « secteur touristique » (retours saisonniers de la diaspora). Le FMI estime ainsi un ralentissement de la contraction du PIB, avec croissance réelle nulle en 2022. Le PIB réel devrait toutefois se contracter de -0,5 % en 2023. Pour établir ses prévisions dans le cadre de l’Article IV, le FMI a établi deux scénarios : (i) un scénario où les réformes sont mises en œuvre (croissance moyenne de +4% par an) ; (ii) un scénario de statu quo, avec un PIB continuant de se contracter, pour se stabiliser autour de 12,5 Mds USD (contre 52 Mds USD en 2019 et 21,6 Mds USD en 2022).

L’inflation demeure très élevée, avec un indice des prix à la consommation en hausse de +155% en moyenne en 2021 et de +170% en 2022. Une hausse de +165% est attendue en 2023. Selon les données officielles (CAS), l'inflation, en baisse depuis le mois de juin 2022 (+210% en g.a.), semble repartir à la hausse en février 2023 (+190%), avec une hausse des prix particulièrement marquée les secteurs de la communication (x4,8), de l'énergie et de l'eau (x3) de l'alimentation (x3,6) et du transport (x3).

Certains indicateurs microéconomiques semblent néanmoins suggérer une légère amélioration de l’activité. L’indice PMI s’établit à 48,4 en moyenne pour 2022, et a atteint 50,1 en août, soit son plus haut niveau depuis juin 2013. Le secteur du tourisme se redresse et les pics saisonniers (saison estivale et fêtes de fin d’année) pourraient avoir des retombées positives à court terme, et devraient se poursuivre pour la saison 2023. De plus, les importations libanaises ont atteint en 2022 un niveau quasiment équivalent à celui de 2018 (19 Md$). Bien que le cours du baril de pétrole participe à cette hausse, l’importation de produits industriels et alimentaire a elle aussi progressé en volume.

2/ Les déséquilibres macroéconomiques persistent dans un contexte de baisse des réserves de change.

La politique budgétaire demeure déséquilibrée, dans un contexte d’amoindrissement des recettes et des dépenses de l’État. Les recettes se sont effondrées à 6 % du PIB en 2022 (contre 10 % du PIB en 2021 et plus de 20 % avant la crise). Les dépenses publiques passent quant à elles de 7,3% du PIB en 2021 à environ 9% en 2022. La dette publique représentait 181% en 2021 et s’élève à 280% du PIB en 2022. Cette augmentation du ratio de dette sur PIB se doit à la fois à une augmentation de la valeur de la dette libellée en devises et une forte diminution du PIB. Cette combinaison rend la dette publique libanaise insoutenable. Les chiffres officiels sont toutefois incomplets car ils ne prennent en compte les arriérés et les nombreuses dépenses hors-budget.

Le déficit courant reste élevé, s’élevant à -20,6% du PIB en 2022, mais une amélioration est prévue pour 2023 (-14%). L’arrêt quasi-total d’entrées de capitaux au Liban depuis 2019 et l’élargissement du déficit commercial (environ 71% du PIB en 2022, sous l’effet de la forte hausse des importations mais aussi d’une baisse des exportations) ont eu des répercussions négatives sur la balance des paiements.

La politique de change semble insoutenable à moyen-terme. Alors que le taux officiel est passé le 1er février de 1507,5 LBP/1 USD à 15 000 LBP/1 USD, la livre libanaise continu de se déprécier sur le marché parallèle, fluctuant au gré des interventions de la Banque du Liban (BdL) ; après de fortes fluctuations en 2022, la livre libanaise s’est stabilisée autour de 95 000 LBP / USD pendant les mois d’avril, de mai et de juin. Parallèlement, le phénomène de dollarisation s'est intensifié, et la BdL continue d'épuiser ses réserves en devises (ramenée de 30 Mds USD à 2018 à 9,5 Mds USD en mai 2023), en raison de ses opérations quasi-budgétaires, du financement du déficit budgétaire et du soutien en liquidités aux banques pour faire face aux retraits de dépôts.

3/ En l’absence de leviers de sortie de crise, la croissance potentielle devrait continuer de se détériorer

L’avancement des dix actions préalables demandées par le FMI (staff-level agreement d’avril 2022) est très limité. En dépit de l’amélioration conjoncturelle observée, un programme FMI reste une condition sine qua non à la stabilisation macroéconomique du Liban et au retour des financements extérieurs.

L’Etat libanais s’effondre progressivement. Les recettes des administrations sont libellées en livre, tout comme les salaires qu’elles versent aux fonctionnaires. Le rythme de dépréciation de la livre n’a toujours pas été suivi, ce qui implique un effondrement du pouvoir d’achat des fonctionnaires. L’essentiel des administrations tournent ainsi au ralenti, les fonctionnaires venant au travail une à deux fois par semaine.

La situation sociale est préoccupante. Le taux de chômage aurait progressé de 11% en 2018 à 30% en 2023, en particulier chez les jeunes (58%). Si l’existence de flux financiers permet à une partie de la population de subsister, la Banque mondiale estime le taux de pauvreté à 30%, et le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté absolue (1,90 $ par jour) à 1 million. L’accès aux services publics de base (santé, éducation, eau, télécommunications, transports, protection sociale) est de plus en plus limité.

 

Annexe 1 : Principaux indicateurs macroéconomiques

  

PIBBalance commerciale

budgetinflation

Taux de change

 

Annexe 2 : Indicateurs microéconomiques

 

pmitourisme

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