LIBAN
Conditions d'accès au marché libanais
1/ Le cadre législatif offre un certain nombre de protections au commerce et à l’investissement.
Le modèle économique du Liban, fondé sur une hypertrophie du secteur bancaire et sur quelques rentes (construction, tourisme, importations de biens), implique un degré d’ouverture commerciale important. Le Liban a ainsi renforcé son intégration régionale et multilatérale pendant les années 2000 et met en œuvre depuis 2006 un accord progressif de libre-échange avec l’UE (remis en cause depuis le milieu de l’année 2019).
La mise en œuvre de l’Accord d’Association UE-Liban a permis une levée progressive des barrières tarifaires au commerce. L’AA UE-Liban a permis la mise en place d’une zone de libre-échange à travers le démantèlement tarifaire progressif sur les produits industriels et agricoles sur une période de 12 ans. Le 1er mars 2015, les droits de douane et taxes d’effet équivalent sur les produits industriels ont été complètement abolis. Concernant les produits agricoles (transformés ou non), la réduction des droits de douanes varie d’une catégorie de produit à une autre.
Les réformes douanières de 2000 et 2001 ont permis une simplification des régimes douaniers et un abaissement sensible des taxes à l’importation. En matière sanitaire et phytosanitaire, la réglementation se rapproche de plus en plus de l’acquis communautaire. Si les contrôles s’étaient renforcés depuis 2009, la crise actuelle impacte toutefois fortement les fonctionnaires, qui ne travaillent plus qu’un à deux jours par semaine, et entraine une perte de savoir-faire avec l’émigration économique. Les locaux de la quarantaine animale et végétale qui avaient été détruits après l’explosion du port ont été reconstruits par le PAM, mais il manque toujours du matériel de laboratoire. Une réforme globale des douanes reste nécessaire au Liban et représente un enjeu sur lequel la France positionne son assistance technique (avec notamment le déploiement d’une ETI douanière depuis septembre 2023).
L’accès au marché est relativement aisé et peu de contraintes sont imposées aux investisseurs étrangers qui souhaitent créer une société, une agence ou une succursale. En l’absence de code spécifique, les sociétés à participation étrangère sont de fait assujetties au droit commun en matière commerciale, de législation du travail et de fiscalité. Les sociétés étrangères peuvent bénéficier de toutes les dispositions de la loi sur la promotion des investissements au Liban, adoptée en août 2011, qui a notamment confié à l’agence gouvernementale Investment Development Authority of Lebanon (IDAL) un rôle de guichet unique pour traiter et faciliter toutes leurs formalités administratives.
2/ Sous l’effet de la crise économique, les entraves au commerce se multiplient depuis 2019.
Le processus d’adhésion à l’OMC est au point mort. Engagé en 1999, il souffre de l’inertie politique du Liban et de l’absence de volonté de voter les lois. Le contexte économique et financier dégradé a définitivement éloigné les perspectives d’une reprise des discussions, compte-tenu de la volonté du gouvernement de favoriser la production et l’industrie locale dans les prochaines années.
Le renforcement de l’arsenal législatif pour la protection des droits de propriété intellectuelle est sans cesse reporté depuis 2007. Les lois sur les indications géographiques, les marques déposées, les dessins industriels et la gestion collective des droits d’auteur sont toujours en attente de vote au Parlement. A ce jour, et alors que la partie libanaise s’était engagée fin 2019 à faire approuver par le Parlement plusieurs lois, aucun progrès significatif n’a été constaté. La société civile tente de s’organiser face au manque de moyens investis par les pouvoirs publics.
La loi de finances 2024 comprend des mesures contrevenant à l’accord d’association UE-Liban, confirmant une tendance adoptée par les autorités libanaises depuis 2019 (l’article 34 de l’accord permet toutefois à l’une des deux parties d’introduire des mesures restrictives lorsqu’elle fait face à un déficit de sa balance des paiements). Pour mémoire, on assiste depuis 2019 à une montée en puissance de mesures contraires à l’accord d’association, afin de « protéger » l’industrie et l’agriculture locale et de diminuer les importations, dans un contexte de crise aiguë :
- Juillet 2019 : le Gouvernement a décidé de l’instauration d’une taxe temporaire (pour une durée de trois ans reconductible) de 3% sur les produits importés soumis à la TVA, soit environ 55 % des produits importés. Le carburant est exempté de cette taxe, tout comme les équipements industriels et les matières premières (face à la pression des industriels libanais). La loi de finances 2022 a maintenu cette taxe jusqu’au 31/12/2023. Puis, la loi de finances 2024 a prolongé l’application de cette taxe temporaire au 31/12/2025.
- 9 Août 2019 : dans un décret, le Gouvernement a annoncé la mise en place de nouvelles taxes et mesures pour une durée de cinq ans sur plusieurs catégories de produits afin de « protéger la production locale » qui concerne tous les pays (dont ceux de l’UE).
- Janvier 2020 : une résolution a été publiée fixant de nouvelles exigences pour les importateurs de vins qui exige la fourniture par l’importateur de nombreux documents, à la fois pour obtenir une licence d’importation (valide pendant 2 ans), et à chaque importation de vins. L’objectif est certainement de favoriser la production et la consommation des vins locaux.
- Novembre 2022 : outre la prorogation de la taxe de 3% susmentionnée, la loi de finances 2022 comprenait l’instauration pour une durée de cinq ans d’une taxe de 10% sur les marchandises importées, similaires à celles fabriquées au Liban et en quantités suffisantes pour la consommation locale. Cette mesure n’a pour le moment pas été appliquée, puisque les ministres de l’Economie, de l’Industrie et de l’Agriculture n’ont toujours pas constitué la liste des produits concernés. Le déséquilibre de la balance des paiements dont souffre le Liban pourrait justifier l’instauration de ces nouvelles mesures à condition que les procédures stipulées dans l’accord d’association soient pleinement respectées avant l’adoption desdites mesures (information préalable, justification, processus de consultation, etc.). A cet égard, le gouvernement libanais a d’ores et déjà effectué des démarches auprès de la Commission européenne.
3/ La détérioration du cadre macroéconomique et financier accentue les difficultés.
L’environnement des affaires est peu favorable aux investissements. Le dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale classait en 2021 le Liban au 143ème rang sur 190 économies (en baisse d’une place par rapport au rapport précédent, dans lequel le Liban avait déjà perdu 9 postes), l'un des classements les plus bas du Moyen-Orient. La corruption reste une entrave majeure (si ce n’est la plus importante) au Liban pour la bonne pratique des affaires et la participation de nos entreprises aux appels d’offres. Une réforme des marchés publics, fortement soutenue par la France, a toutefois été adoptée au Parlement en juillet 2021 et s’est traduite par la création en juillet 2022 d’une autorité des marchés publics.
Au plan macroéconomique et financier, la situation demeure extrêmement dégradée. Le Liban est en situation de défaut sur sa dette souveraine extérieure depuis mars 2020. La livre libanaise a perdu 98% de sa valeur depuis 2019. Le système bancaire est paralysé depuis octobre 2019 et un contrôle informel des capitaux s’applique (avec le risque que les dépôts bloqués dans les banques libanaises soient largement ponctionnés lors de la restructuration du secteur bancaire). La progression des paiements en liquide s’accompagne de risques importants en matière de traçabilité. Enfin, le risque sécuritaire n’est pas à exclure compte tenu de la détérioration drastique du climat social, de l’affaiblissement des organes de sécurité et du conflit opposant Israël au Hezbollah au Sud-Liban depuis octobre 2023.