CORÉE DU SUD
Indicateurs et conjoncture
Présentation générale de l'économie coréenne en 2024
Membre des Pays les moins avancés (PMA) en 1960, la Corée du Sud fait partie, depuis 2018, des pays peuplés de plus de 50 M d’habitants et ayant un PIB par habitant supérieur à 30 000$ en dollars courants – à côté des Etats-Unis, du Japon, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Italie et de la France. Membre de l’OCDE et du G20, la Corée était en 2023 la 13e économie mondiale et le 8e exportateur mondial (632,6 Md$). En 2023, la croissance économique de la Corée s’est élevée à 1,4%, en ralentissement par rapport à l’année précédente, notamment en raison de la chute des exportations du pays.
Une puissance industrielle de rayonnement mondial
La Corée tient sa force économique de son industrie, qui représentait en 2023 31,6% du PIB selon la Banque Mondiale, soit l’une des parts les plus importantes parmi les pays développés (la moyenne OCDE est de 22%, avec notamment 18% en France, 26,9% au Japon, ou encore 28,1% en l’Allemagne). L’appareil industriel, structuré autour de grands conglomérats (chaebols), a opéré une remontée de filières accélérée au cours des dernières décennies. D’abord pays atelier, la Corée s’est ensuite tournée vers l’industrie lourde, comme en témoigne l’importance, toujours aujourd’hui, de son industrie navale, de la construction ou du secteur automobile. L’industrie électronique, incarnée par des entreprises d’ampleur mondiale comme LG et Samsung, a par la suite pris le relais comme principal moteur de croissance de l’économie coréenne.
D’abord spécialisée sur les biens de consommation (écrans puis smartphones), l’industrie électronique coréenne, au fur et à mesure des délocalisations des chaines de production des grands groupes, s’est spécialisée sur des biens intermédiaires à haute valeur ajoutée, utilisés dans l’ensemble des chaines de production mondiales : la Corée a en particulier enregistré en 2023 115 Md$ d’exportations dans les semi-conducteurs (dispositifs de semi-conducteurs et circuits intégrés, dans le cas coréen essentiellement les puces et cartes mémoires, sur lesquelles la Corée est, assez largement, leader mondial). Ce dynamisme est soutenu par un effort de R&D très important, qui fait de la Corée le deuxième pays le plus dépensier au monde en proportion du PIB en 2021 (4,9%). Le secteur privé représente 77% du total des dépenses R&D de la Corée (2e ratio le plus élevé de l’OCDE après le Japon) dont près de la moitié est assurée par les 10 premiers chaebols. L’omniprésence des chaebols dans la R&D coréenne s’explique notamment par leur modèle exportateur, qui les a poussés à monter en gamme pour se maintenir dans la concurrence internationale et à investir progressivement dans des secteurs de plus en plus technologiques, pour figurer aujourd’hui parmi les leaders dans les semi-conducteurs, les smartphones, les batteries, l’automobile, etc. Les chaebols s’appuient en outre sur leur structure en conglomérat, qui permet de financer la R&D par la rentabilité d’activités lucratives. A titre d’exemple, Samsung était l’entreprise la plus dépensière au monde en 2021 (près de 20 Md$) et finance structurellement ses activités de R&D dans les puces à travers les bénéfices tirés des ventes de smartphones.
Forte de cette puissance industrielle, la Corée du Sud a connu une croissance moyenne de plus de 3% au cours des années 2010. Malgré la pandémie, l’économie coréenne ne s’est contractée que de 1% en 2020 avant de rebondir de 4% en 2021. Grâce à ce dynamisme économique, les fondamentaux de la Corée sont aujourd’hui très solides, avec un chômage structurellement faible (moyenne de 3,3% sur la période 2010-2023), un excédent commercial marqué (excédent de la balance des paiements courants de 2,07% du PIB en 2023), et un endettement public contenu (55,2% du PIB en 2023 pour le gouvernement central).
La Corée siège aujourd’hui au sein des principales organisations internationales. Membre de l’OCDE et du G20, le pays a rejoint le Club de Paris en 2016. La Corée poursuit son ouverture commerciale en multipliant les accords de libre-échange (ALE), qui pourraient à terme couvrir presque 90% de ses échanges. La Corée est ainsi le 1er pays à avoir conclu un ALE avec les 3 principales puissances économiques mondiales, Union européenne, Etats-Unis et Chine. C’est aussi le 1er partenaire commercial d’envergure avec qui la Chine a signé un accord de libre-échange en 2015. L’accord de libre-échange entre la Corée et l’Union européenne, en vigueur depuis 2011, a permis d’éliminer plus de 99% des droits de douane et a bénéficié au commerce bilatéral entre la France et la Corée.
L’année 2024 marquée par une reprise de la croissance
En 2024, l’économie coréenne montre des signes d’amélioration par rapport à 2023 (où la croissance s’était élevée à 1,4%), avec une croissance attendue à 2,2%, soutenue par des exportations en forte hausse.
Dès début 2024, l’économie a présenté des signes de reprise plus dynamique par rapport à l’année précédente, avec une croissance au 1er trimestre estimée à 3,3% (par rapport au 1er trimestre 2023), légèrement ralentie au 2ème trimestre à 2,3% (par rapport au 2ème trimestre 2023). En termes de moteur de croissance, la consommation des ménages a enregistré une hausse modeste (+0,6% sur le total du premier semestre) tandis que les investissements ont également ralenti (+1,0% des investissements dans la construction sur le total du premier semestre). En revanche, la croissance robuste des exportations (+3,2% sur le total du premier semestre), notamment dans le secteur des semi-conducteurs, a permis de maintenir un excédent courant important et de compenser la faible demande domestique. Cette tendance a été soutenue par un secteur industriel (hors construction) bien orienté comme en témoigne la progression de la production manufacturière de 1,6% sur la première moitié de l’année. Les bonnes performances économiques coréennes du début d’année 2024 avaient conduit à un ajustement à la hausse des prévisions de croissance initialement annoncées par les instances nationales. Cependant, force est de constater que ces prévisions de croissance – qui se situaient initialement autour de 2,5% pour cette année – ont progressivement été revues à la baisse, en raison d’une demande intérieure qui demeure atone (en particulier liée aux investissements et à la dynamique du secteur de la construction) et d’un affaiblissement progressif du rythme de croissance des exportations.
Après le rebond du début du second semestre de 2023, l’inflation a baissé quasi continuellement depuis près d’un an. La hausse des prix en glissement annuel s’est établi à 1,6% en septembre et 1,3% en octobre, le niveau le plus bas depuis février 2021, suggérant que les pressions inflationnistes sont bien contenues. Le retour à un niveau proche de la cible a été porté en grande partie par la diminution de l’inflation sur les produits alimentaires et énergétiques et par l’affaiblissement des tensions sur les services de restauration et de l’hôtellerie. Le FMI table à présent sur une inflation de 2,1% (contre 2,3% estimé par la Banque centrale en octobre) pour cette année, et anticipe un retour au niveau cible des autorités (2,0%) pour 2025. Après avoir maintenu ses taux inchangés depuis janvier 2023, la Banque de Corée a abaissé ses taux de 25 points de base à 3,25% lors de la réunion d’octobre (faisant suite à la première baisse de taux de la FED) et à 3% lors de la réunion de novembre. Cette décision reflète une volonté d’atténuer les risques de ralentissement économique, malgré les craintes d’une nouvelle dépréciation du won et la persistance d’un niveau de dette élevée des ménages.
Après une année 2023 marquée par la baisse de 7,4% des exportations coréennes, ces dernières ont affiché une reprise continue sur les huit premiers mois de l’année 2024 (+9,1% par rapport à la même période de 2023), renforçant son rôle de moteur de la croissance nationale. En août 2024, les exportations coréennes ont augmenté pour le onzième mois consécutif en glissement annuel pour atteindre 57,9 Md$ selon le ministère sud-coréen du commerce, de l'industrie et de l'énergie.
La reprise des exportations coréennes est principalement alimentée par la reprise de la vente d’appareils électriques, en particulier de semi-conducteurs (+41,7% entre janvier et août 2024 par rapport à l’an dernier), nécessaires à la fabrication de puces mémoire, par exemple utilisées dans le développement de l’intelligence artificielle générative. Les ventes dans la construction navale (+26,4% par rapport à l’an dernier) participent également à la hausse des exportations. La Banque de Corée considère que les exportations devraient continuer dans les prochains mois à alimenter la croissance coréenne, malgré l’existence d’un risque de ralentissement de la croissance américaine qui pourrait perturber le cycle des semi-conducteurs.
En termes de volume, les principales destinations à l’export demeurent la Chine (86 Md$, en augmentation de 6,9% sur les huit premiers mois de 2024 par rapport à l’année précédente) et les Etats-Unis (84 Md$, en augmentation de 15,5% sur la même période). On note également une dynamique ascendante concernant Hong Kong et Taïwan, dont les exportations ont respectivement augmenté de 68,6% et 53,4% sur les huit premiers mois de 2024, et dont la somme cumulée représente environ 10% du montant total des exportations coréennes.
Des défis à moyen et long-terme pour le modèle de croissance coréen
L’économie coréenne connait un certain nombre de défis qui risquent de peser sur sa croissance à moyen et long terme :
- La dépendance de la croissance coréenne aux exportations. Les exportations constituent un moteur traditionnel de la croissance et du développement économique de la Corée, le volume total des exportations en 2023 représentant 44% du PIB national (moyenne OCDE à 29%). La dynamique de ces dernières est aujourd’hui fortement exposée à la conjoncture économique mondiale, notamment marquée par un retour du protectionnisme et des barrières tarifaires, une dépendance qui subsiste à l’égard de la Chine (représentant près de 20% des exportations coréennes en 2023) et des fluctuations du cycle d’investissement dans les semi-conducteurs –15% de ses exportations en 2023 - dont l’inversion en 2019 avait entrainé une très forte contraction des prix, et donc de la valeur des exportations coréennes. Pour limiter cette dépendance, le gouvernement cherche à accompagner son industrie sur de nouveaux marchés à l’export, notamment au-delà de la Chine, et du point de vue des filières, à accompagner les autres industries exportatrices traditionnelles tout en développant de nouveaux leviers de croissance.
- Des gains de productivité qui plafonnent. La Corée qui a connu une croissance moyenne de 3% dans les années 2010, s’inquiète de voir sa croissance passer à moyen terme sous la barre des 2%. Selon la Banque de Corée (BoK), la croissance potentielle liée aux facteurs fondamentaux d'une économie - capital, travail et productivité globale des facteurs (PGF) - est passée de plus de 5% début 2000 à 2,0% en 2020/2021 et à 2,2% en 2024. Pour le FMI, elle sera inférieure à 2% en 2030 et à 1% en 2050. Avec une PGF n'atteignant que 65% de la PGF américaine depuis plusieurs années, alors qu'en 2023 l'industrie représente encore 31,6% du PIB coréen (moyenne OCDE 22%). Ceci s'explique par la faible productivité des services qui n'atteignent en Corée que 45% de la productivité de l'industrie, contre 90% en moyenne dans l'OCDE.
- Une concentration d’innovations incrémentales. Alors que les grands conglomérats coréens sont souvent présentés comme leaders mondiaux en matière d’innovation, le modèle actuel d’innovation des chaebols présente certaines difficultés et tarde à s’extraire d’une logique de rattrapage technologique. En effet, 89% des innovations coréennes étaient en 2021 orientées vers l’amélioration de produits ou de processus existants plutôt que vers le développement de nouvelles technologies. Si les chaebols sont innovants dans les domaines dans lesquels ils disposent depuis plusieurs années d’un avantage technologique (électronique, semi-conducteurs, batteries), il semble plus difficile pour ces grandes entreprises de se positionner sur des technologies de rupture, à l’instar des technologies vertes. Or, de par leur poids, la capacité des chaebols à faire émerger de nouveaux moteurs de croissance est devenue un impératif national, le fait de rater un virage technologique pouvant emporter des conséquences sur l’ensemble du tissu d’innovation du pays (ce que l’OCDE surnomme « scénario finlandais » en référence aux déboires de Nokia).
- Un faible taux de natalité. Avec la plus faible fécondité de l’OCDE – 0,72 enfant par femme en 2023 (un 0,65 historique atteint en janvier dernier) -- la démographie aura, en l’absence de réformes sur l’âge de départ à la retraite, une contribution négative à la croissance ces prochaines années. Plusieurs facteurs socio-économiques tels que les inégalités de genre sur le marché du travail (salaires et contrats) ou encore la baisse du nombre de mariages sont à l’origine de ce phénomène. Lors des enquêtes, ce sont également les prix élevés des logements et de l’éducation qui sont les principales raisons avancées par les ménages. Les experts expriment leur inquiétude et estiment que la population en âge de travailler devrait chuter de 35% au cours des 30 prochaines années. Pour faire face à ce déclin et au vieillissement de la population qui l’accompagne, le gouvernement se verra obligé d’augmenter fortement ses dépenses sociales (qui absorbent déjà plus du tiers du budget de l’Etat) dans les décennies à venir, ce qui pourrait s’avérer difficilement compatible avec l’impératif de modération de la dépense publique.