COMORES
Indicateurs et conjoncture
Situation économique et financière des Comores en 2024
L’économie comorienne demeure structurellement peu dynamique et sa croissance est restée récemment modérée (+3,3 % en 2024, après +3,0 % en 2023), portée surtout par la consommation des ménages et les services, dans un contexte de faible investissement privé et de diversification limitée. À moyen terme, la croissance pourrait atteindre jusqu’à +4,5 %, grâce aux transferts de la diaspora et aux investissements publics du Plan Comores Émergent, mais les vulnérabilités restent fortes face aux tensions inflationnistes, aux pénuries structurelles, à la dépendance aux importations et à une position extérieure fragile, marquée par un déficit courant croissant. Les finances publiques se dégradent, avec un déficit croissant, des recettes insuffisantes et un recours accru à des financements non concessionnels, dans un contexte de risque élevé de surendettement.
1. Eléments structurels de l'économie et conjoncture
L’économie comorienne suit une reprise post-crise Covid-19 modérée (+2,7 % en moyenne entre 2021 et 2024), à un rythme toutefois inférieur à celui observé avant la crise (+3,1 % en moyenne entre 2010 et 2019). En 2024, la croissance a légèrement augmenté (+3,3 %, après +3,0 % en 2023), portée principalement par le secteur des services – en particulier le tourisme – et par des transferts de fonds de la diaspora toujours solides, qui ont soutenu la consommation privée dans un contexte de baisse de l’inflation. L’agriculture a bénéficié de conditions climatiques plus favorables, et l’industrie a également progressé, tirée par le BTP, bien que sa part dans le PIB reste limitée (moins de 10 %). Cependant, l’activité économique a été affectée par l’épidémie de choléra et les pénuries de certains produits de base. Ce niveau de croissance est insuffisant pour permettre une hausse sensible du niveau de vie (PIB par habitant de 1637 USD en 2024) du fait de l’accroissement démographique (+1,9% en 2024).
Les perspectives de croissance des Comores sont bien orientées bien que celles-ci restent modestes. La croissance devrait augmenter en 2025 (+3,8 %), portée principalement par la relance de l’investissement public, en particulier à travers les grands chantiers d’infrastructure comme l’hôpital El-Maarouf et l’hôtel Galawa. À moyen terme, la croissance augmenterait à nouveau (+4,4 % en moyenne/an entre 2026 et 2028), à condition que les réformes engagées dans le cadre du programme FMI se poursuivent. Cette dynamique reposerait sur la consommation privée, soutenue par les transferts de la diaspora et le recul de l’inflation, ainsi que sur les investissements stratégiques du Plan Comores Émergent (PCE) 2030, notamment dans la perspective des Jeux des îles de l’océan Indien en 2027[1]. Toutefois, ces perspectives restent fragiles : les tensions inflationnistes récentes (+7,3 % en mars 2025), les pénuries persistantes d’eau et les coupures d’électricité, les aléas climatiques et la réduction accrue de l’aide internationale pourraient peser sur la stabilité macroéconomique. À l’inverse, l’adhésion à l’OMC[2] et les réformes structurelles, comme la libéralisation du marché du riz, pourraient améliorer la compétitivité du pays et encourager une diversification progressive de l’économie. Le développement des centrales solaires devrait par ailleurs améliorer progressivement l’accès à l’électricité.
L'inflation a fortement diminué depuis 2022, celle-ci avait atteint un pic de +12,4 %, principalement provoqué par la flambée des prix internationaux du pétrole et des produits alimentaires. L’inflation a ensuite fortement baissé (+5,0 % en 2024, après +8,5 % en 2023) grâce à la normalisation progressive des cours mondiaux et à de meilleures performances agricoles et de pêche sur le plan domestique. Toutefois, un rebond a été observé au début 2025 (+7,3 % en mars 2025), en lien avec la hausse des prix alimentaires, alimentée par les effets du cyclone Chido, la forte demande liée au Ramadan et des effets de base. L’inflation reste structurellement volatile aux Comores, du fait de sa forte dépendance aux importations et de sa sensibilité aux aléas climatiques.
Le secteur financier comorien reste peu développé et concentré, avec une inclusion financière très limitée. Fin 2024, les actifs financiers représentaient environ 35 % du PIB, dont 70 % étaient détenus par seulement trois établissements de crédit. La croissance du crédit s’est accélérée à +6,8 % en 2024 (contre +3,5 % en 2023), principalement tirée par les prêts au gouvernement (+26,3 %, après +6,2 % en 2023). En revanche, le crédit au secteur privé s’est nettement essoufflé, ne progressant que de +1,6 % en 2024 (après +12,8 % en 2023). Le taux de prêts non performants reste élevé (13,6 % fin 2024), ce qui freine la capacité et l’appétence des banques à prêter, notamment aux ménages et aux PME considérés comme plus risqués.
[1] Les Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI), compétition multisports quadriennale réunissant Madagascar, Maurice, Seychelles, Réunion, Mayotte, Maldives et les Comores, devraient être organisés par ces dernières en 2027.
[2] Les Comores sont devenues le 165e membre de l'OMC le 21 août 2024.
2. Finances publiques
En 2024, les finances publiques comoriennes ont été marquées par une exécution inférieure aux attentes, dans un contexte de pressions budgétaires persistantes. Le déficit budgétaire s’est creusé à -3,6 % du PIB (après -1,2 % en 2023). Les recettes fiscales ont progressé en valeur (+7,0 %), mais leur poids dans le PIB a reculé à 8,1 % (après 8,2 % en 2023), restant en deçà des objectifs fixés dans la loi de finances rectificative. Cette contre-performance s’explique notamment par la faiblesse des taxes sur le commerce international et à des dysfonctionnements persistants dans les régimes suspensifs. Les appuis budgétaires extérieurs ont par ailleurs fortement chuté, partiellement compensés par une hausse des dons projets. Côté dépenses, les charges courantes et les investissements sur financements extérieurs ont dépassé les prévisions. Le déficit primaire s’est établi à -1,7 % du PIB (après -2,0% en 2023), soit 0,5 point en dessous de la cible fixée par le FMI.
La dette comorienne est classée à risque élevé de surendettement par le FMI, bien qu’elle reste jugée soutenable. Depuis la fin de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en 2013, la dette publique a connu une hausse marquée, passant de 10,3 % du PIB à 33,7 % en 2024. Cette trajectoire s’explique principalement par une accumulation progressive de dette externe, qui représente aujourd’hui 81 % de l’encours total, en grande partie détenue par des créanciers bilatéraux, notamment la Chine. Si les emprunts concessionnels restent majoritaires (52 % de la dette externe en 2024, + 37 % par rapport à 2021), on observe en parallèle une hausse des emprunts non concessionnels, illustrée notamment par le financement du projet hôtelier Galawa. Cette dynamique contribue à alourdir le service de la dette, qui a doublé en trois ans pour atteindre 2,1 % du PIB en 2024 (contre moins de 1 % avant 2021), principalement du fait de l’augmentation du stock de dette, y compris concessionnelle. Par ailleurs, des tensions de trésorerie croissantes ont entraîné l’accumulation de nouveaux arriérés extérieurs, malgré les efforts d’apurement engagés par les autorités.
3. Relations économiques avec l'extérieur
Sur le plan externe, les vulnérabilités persistent. Les Comores restent très dépendantes des importations de produits alimentaires et énergétiques, ce qui les rend vulnérables aux chocs de prix mondiaux. Le déficit courant s’est creusé en 2024 (-2,2 % du PIB, après - 1,5 % en 2023, et -0,6 % en 2022), sous l’effet d’une forte hausse des importations au 2nd semestre 2024, notamment de produits alimentaires (riz, farine, volaille) et de produits pétroliers. Les exportations ont diminué en 2024 (-5,6 % par rapport à 2023), pénalisées par une forte baisse des exportations de clous de girofle (-25,6 %) et de vanille (-63,1 %) et que partiellement compensée par la hausse des exportations d’ylang-ylang (+37,5 %). Les transferts courants, en particulier les envois de fonds de la diaspora, équivalents à 19 % du PIB en 2024, ont contribué à contenir le déséquilibre extérieur. Les réserves en devises sont relativement stables, couvrant 7,4 mois d’importations fin 2024 (après 7,3 mois fin 2023), un niveau jugé adéquat par le FMI. En 2025, le déficit courant devrait s’accroître (à -3,1 % du PIB), notamment en raison de l’importation de générateurs pour pallier les coupures d’électricité. L’adhésion à l’OMC et la ZLECAf ouvrent des perspectives de diversification des exportations à moyen terme, mais à court terme, la perte de recettes tarifaires engendre des pressions supplémentaires. Une diversification vers des exportations à plus forte valeur ajoutée (transformation des produits de la mer, services touristiques) est essentielle pour renforcer la résilience extérieure du pays. Cependant, l'état dégradé des infrastructures portuaires, pourtant essentielles à l’économie de ce pays insulaire, freine le potentiel de développement. Le transport de marchandises à destination des Comores et entre les trois îles serait assuré à hauteur de 90% par voie maritime. Ces infrastructures portuaires devraient néanmoins être modernisées dans les prochaines années grâce au soutien de plusieurs bailleurs internationaux.