La situation économique et financière du Kirghizstan

Appartenant à la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire (PIB par habitant estimé à 1 146 USD en 2020 par le FMI), le Kirghizstan a connu la plus forte baisse d’activité parmi les pays de la zone CEI en 2020, aggravée par une crise politique consécutive aux élections parlementaires. Malgré une certaine résilience du pays au plan financier, permise notamment par le soutien des bailleurs de fonds internationaux, ses vulnérabilités ont été accentuées par la pandémie. En 2021, la reprise économique, fortement entravée par la baisse de la production et des exportations d’or, a été très limitée. La situation de la mine de Kumtor, passée sous contrôle des autorités kirghizes au détriment de son opérateur canadien, fait peser des incertitudes supplémentaires sur le climat des affaires.

1. Une reprise laborieuse après une lourde chute de l’activité en 2020.

En 2020, le Kirghizstan a enregistré un recul de l’activité de 8,6% imputable à la situation épidémiologique, mais aussi aux troubles politiques qui ont affecté le pays en octobre 2020. Les restrictions sanitaires adoptées dès la fin du mois de mars ont pesé sur l’activité, notamment dans le secteur des services. La limitation des déplacements internationaux a entraîné un recul des transferts de fonds depuis la Russie particulièrement marqué au 1er semestre[1], affectant les revenus des ménages et la demande. Les troubles politiques consécutifs aux élections parlementaires d’octobre ont aggravé la situation par la mise à l’arrêt temporaire du système financier du pays ainsi que de plusieurs installations industrielles.

 

Figure 1. Évolution du PIB réel (%, g.a.)

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Source : FMI

Lecture : selon le FMI, la progression du PIB en 2021 serait de 2,1% en glissement annuel. 

En hausse de 1,6% en g.a. sur janvier-octobre, l’activité repart péniblement en 2021. Le dynamisme du secteur industriel non minier, dont la production a augmenté de 18,2% en g.a., a été contrebalancé par les difficultés rencontrées par les activités de production et d’exportation d’or : prise dans son ensemble, la production industrielle n’a crû que de 0,2% en g.a sur cette même période. Au total, en excluant la contribution de la mine d’or de Kumtor, principale installation industrielle du pays, le PIB aurait augmenté de 4,1% sur cette période. La mauvaise performance du secteur minier se répercute sur la balance commerciale, dont le déficit a plus que doublé en glissement annuel à 2,7 Md USD : les exportations de biens ont reculé de 22,5% en g.a. à 1,2 Md USD, alors que les importations ont retrouvé leur niveau pré-pandémique à 3,9 Md USD, en hausse de 43,6% en g.a. L’investissement en capital fixe demeure en territoire négatif et a diminué de 3,4% en g.a. en janvier-octobre 2021. A contrario, les ventes de détail ont augmenté de 11,5% en septembre 2021, à la faveur de l’accélération des transferts transfrontaliers entrants, qui ont crû de 18,5% en g.a. sur janvier-septembre 2021 et dépassent de 14,2% le niveau mesuré en 2019 sur cette même période. La faiblesse de la reprise a conduit les IFI à revoir à la baisse leurs prévisions pour 2021 : le FMI anticipe une hausse de l’activité de 2,1% en 2021, contre 2,3% pour la Banque mondiale et 2,5% pour la BERD.

2. Une reprise menacée par des aléas conjoncturels.

Le Kirghizstan est affecté par la montée généralisée de l’inflation. En 2020, la Banque nationale du Kirghizstan (BNK) a laissé son taux directeur inchangé à 5%, alors que l’inflation annuelle s’est généralement maintenue à un niveau proche du couloir cible (5-7%). L’augmentation des tensions inflationnistes à partir de la fin de l’année 2020 a conduit la BNK à un resserrement progressif de sa politique monétaire, qui s’est traduit par une hausse cumulée du taux directeur de 250 points de base entre février et juillet 2021. Après avoir atteint un pic à 14,6% en juillet, l’inflation annuelle a légèrement ralenti pour atteindre 12,5% en octobre. Les tensions inflationnistes sont en grande partie importées via la hausse des prix des produits alimentaires sur les marchés mondiaux. Le relèvement des prix administrés, notamment ceux de l’énergie, et des conditions climatiques défavorables à la production agricole ont également renforcé cette tendance. La BNK demeure toutefois prudente et n’a pas procédé à de nouvelles hausses de taux depuis juillet 2021, ce afin de ne pas compromettre une reprise économique encore très fragile.

Figure 2. Inflation et politique monétaire

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Source : Banque nationale du Kirghizstan

Le secteur minier aurifère accumule les difficultés depuis plusieurs mois. Celles-ci touchent à la fois la production et les exportations d’or. La prise de contrôle de la mine d’or de Kumtor par les autorités kirghizes en mai a perturbé l’activité du site et généré des incertitudes sur son avenir. L’ouverture d’une enquête pour malversations en juin à l’encontre de Kyrgyzaltin, entreprise publique détenant le monopole des exportations d’or, suivie de sa suspension du marché londonien en septembre par la London Bullion Market Association (LBMA), a considérablement réduit les débouchés à l’exportation d’or kirghiz. Ainsi, sur janvier-septembre 2021, les exportations d’or ont été divisées par plus de trois en glissement annuel : elles se sont élevées à 251 M USD (21,1% des exportations) contre 807 M USD l’année précédente (52,6% des exportations)

La situation sanitaire est susceptible de se dégrader de nouveau. Depuis le début de la pandémie, le Kirghizstan a enregistré près de 183 000 cas de contaminations et 2 729 décès liés à la Covid. Si le rythme actuel des contaminations (environ 60 par jour) est nettement inférieur au dernier pic atteint durant l’été, le risque d’une nouvelle vague n’est pas à exclure eu égard à la faiblesse de la couverture vaccinale : au 24 novembre, seul 13,1% de la population avait bénéficié d’un cycle vaccinal complet.

3. Des fragilités structurelles persistantes.

L’environnement des affaires au Kirghizstan est dégradé pour plusieurs raisons. La prévalence de la corruption[2] et l’instabilité politique chronique du pays, qui a connu trois révolutions en 15 ans, sont des facteurs désincitatifs importants pour les investisseurs. Plus récemment, la récupération par la force et la nationalisation de la mine de Kumtor au détriment de l’opérateur canadien Centerra Gold[3] a soulevé d’importantes préoccupations quant à la garantie des intérêts des investisseurs étrangers.

L’économie kirghize présente une fragilité extérieure importante. En 2020, les transferts de fonds ont atteint 2,4 Md USD, soit près de 31% du PIB kirghiz, et cette tendance s’est renforcée sur les 3 premiers trimestres de l’année 2021 : les transferts ont représenté 2 Md USD et plus de 33% du PIB sur cette période. Les exportations d’or ont pour leur part atteint 987 M USD en 2020, soit 12,7% du PIB kirghiz, mais cette part a considérablement diminué sur les trois premiers trimestres de l’année 2021 à 4,1% du PIB. Ces différentes sources de revenus réduisent partiellement le déficit courant du Kirghizstan, lié à un déficit commercial structurel. En 2020, à la faveur d’une conjoncture internationale inédite, le solde courant a été positif à hauteur de 4,8% du PIB : les exportations se sont maintenues, portées par un cours de l’or à la hausse, ainsi que les transferts de fonds des migrants, tandis que les importations se sont fortement contractées. La tendance s’est néanmoins inversée dès le 1er semestre 2021 avec un déficit courant atteignant 12,2% du PIB.

Figure 3. Évolution du compte courant (% PIB)

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Source : Banque nationale du Kirghizstan

L’endettement public est un sujet d’inquiétude récurrent. Sous l’effet des dépenses contra-cycliques liées à la pandémie et de la chute de l’activité, la dette publique a augmenté de près de 16 points de PIB en 2020, passant de 51,6% à 68% du PIB. Selon les prévisions du FMI, la dette devrait décroître légèrement dans les prochaines années mais rester supérieure à 60% du PIB (61,7% en 2026). Le déficit public s’est élevé à 3,3% en 2020 et devrait atteindre 3,7% en 2021. L’endettement extérieur total a bondi en 2020, passant de 94,9% à 112,8% du PIB. Les réserves internationales s’élèvent à un peu plus de 3 Md USD, soit 8 mois d’importations, fin octobre 2021.

[1] Les rémittences ont enregistré un fort rebond au 2e semestre limitant leur diminution sur l’ensemble de l’année 2020 à 1% en g.a.

[2] Le Kirghizstan occupe la 124e place sur 180 de l’Indice de perception de corruption mesuré par Transparency International.

[3] Le 19 novembre 2021, Centerra Gold a officiellement reconnu avoir perdu le contrôle de la mine de Kumtor, et a annoncé avoir subi des pertes liées à cette situation s’élevant à 926 M USD au 2e trimestre 2021.

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