Situation économique et financière

Éléments structurels sur l’économie

Avec un PIB de 120,9 Md USD en 2024, le Kenya est la 2e économie plus importante économie d’AEOI et la 8e d’Afrique (60e au niveau mondial), juste derrière l’Angola. Avec 52,4 millions d’habitants, le PIB/habitant s’élève à 2305,3 USD, permettant au Kenya d’être classé, depuis 2014, parmi les pays classés à revenu intermédiaire selon les critères de la Banque mondiale. Avec un IDH de 0,601, le Kenya se classe à la 146e position dans le monde, mais première de la Communauté d’Afrique de l’Est.

L’économie kényane repose principalement sur les services (59 % du PIB), en particulier le tourisme (9 %) et le numérique (8 %). Ce dernier secteur a connu une forte expansion grâce à des politiques publiques ambitieuses, portées par le développement de la téléphonie mobile et le succès de la plateforme MPESA. Le secteur est désormais l’un des plus attractif d’Afrique en termes d’investissement en capital-risque dans les startups et la capitale, Nairobi, est devenue le hub technologique de l’Afrique de l’Est. L’agriculture reste un pilier de l’économie (22 % du PIB), employant environ 45 % de la population active et représentant plus de la moitié des exportations (56,2 %), dominées par le thé, les fleurs coupées et le café[1]. L’industrie (19 % du PIB) reste dominée par les PME et peu développée, ce qui limite la création de valeur ajoutée. En soutien à ce secteur, le port de Mombasa joue un rôle clé : principal point de transit de la région, il renforce les échanges commerciaux avec les pays voisins enclavés (Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud), contribue largement aux recettes d’exportation du Kenya et attire des investissements dans les infrastructures portuaires. Les transferts de la diaspora (3,8 % du PIB en 2023), majoritairement en provenance des États-Unis, constituent une importante source de devises et soutiennent la consommation intérieure.

Le Kenya reste confronté à des défis structurels persistants. L’économie demeure peu diversifiée, avec une spécialisation marquée dans les produits primaires, illustrée par une perte de 20 places dans l’indice de complexité économique entre 2010 et 2020 (de 75ᵉ à 95ᵉ). Elle reste vulnérable aux chocs climatiques, à la volatilité des prix des matières premières et à une forte dépendance aux importations manufacturières et énergétiques. Pourtant, le pays dispose d’un potentiel de diversification important, notamment via l’agro-industrie (transformation du café, du thé, des produits horticoles) et le tourisme. Le secteur informel reste très dominant (25–30 % du PIB, 86,5 % des emplois). Les disparités régionales sont marquées : 6 comtés concentrent près de 50 % du PIB, dont Nairobi à elle seule 27,5 %. Malgré une baisse des inégalités (indice de Gini à 0,39 en 2021), le taux de pauvreté est reparti à la hausse après la pandémie (39,8 % en 2022). 

Conjoncture et finances publiques

Après une récession en 2020 (-0,3 %) liée à la crise du Covid-19, l’économie kényane a connu une reprise dynamique, avec une croissance moyenne de +6,0 % sur 2021–2023, supérieure à celle de la décennie précédente (+5,0 %). Cette performance s’explique par des investissements publics massifs dans les infrastructures, en lien avec la stratégie Vision 2030, malgré un policy-mix restrictif dans un contexte d’inflation élevée et de fortes tensions budgétaires. En 2024, la croissance a ralenti à +4,5 % (après +5,6 % en 2023), en raison d’une baisse de la confiance des agents économiques liée aux manifestations de juin et à la poursuite d’une politique monétaire stricte. La croissance du crédit privé a chuté (+3,3 %, après +8,3 % en 2023), pénalisant notamment la construction et l’industrie, tandis que le secteur du thé a souffert de volumes non écoulés. L’inflation a nettement diminué en 2024 (+4,5 %, après +7,7 %), revenant dans la fourchette cible de la banque centrale. Cette baisse s’explique par la chute des prix des denrées et carburants, des effets de base favorables, et l’appréciation du shilling depuis février. Elle devrait se poursuivre en 2025 (+4,1 %).

La croissance est attendue à +4,8 % en 2025, soutenue par la reprise de la demande intérieure : l’assouplissement monétaire (entamé en août 2024) stimulerait l’investissement, tandis que la baisse de l’inflation relancerait la consommation. À moyen terme, la croissance devrait se stabiliser autour de +5,0 %, un niveau proche de la moyenne régionale mais insuffisant pour réduire significativement le chômage, dans un pays à forte croissance démographique. Malgré l’ambition de devenir un hub industriel régional d’ici 2030, la trajectoire reste contrainte par la consolidation budgétaire, qui limite les dépenses dans les secteurs sociaux et productifs. 

La consolidation budgétaire poursuivie depuis 2021 dans le cadre du programme FMI a ralenti en 2024 : le déficit public a peu diminué (-5,5 % du PIB, après -5,7 %), en raison du poids croissant du service de la dette et d’un solde primaire moins favorable qu’anticipé. Le retrait du budget 2024/25 après les manifestations de juin a mis en évidence les limites de la consolidation budgétaire dans un contaxte de tensions sociales. Le déficit ne devrait se réduire que marginalement en 2025 (-5,4 %).

Le FMI continue de classer le Kenya en situation de risque élevé de surendettement, selon la dernière analyse de soutenabilité de la dette (DSA). La dette publique suit une trajectoire ascendante depuis 2011 (73,0 % en 2023, après 35,7 % du PIB), en lien avec des déficits primaires persistants et un fardeau croissant du service de la dette, qui a atteint 64 % des recettes publiques en 2024 (après 30 % en 2013). En 2024, la dette, majoritairement externe (55,3 %), a reculé mécaniquement (65,6 % du PIB), grâce à l’appréciation du shilling. Les euro-obligations émises en février 2024 et février 2025 (de 1,5 Md USD chacun, échéance 2031 et 2023) permettent de soulager temporairement la pression sur les liquidités, mais le risque de change demeure élevé. Le programme FMI a été suspendu d’un commun accord le 17 mars 2025, avec l’annulation d’un décaissement de 850 M USD (cf. infra), et S&P a dégradé la note souveraine du pays à B– (août 2024). 

La position extérieure s’est renforcée en 2024, grâce au resserrement monétaire qui a freiné les sorties de capitaux et favorisé l’accumulation de réserves de change (près de 5 mois d’importations). Le déficit courant s’est réduit à -3,7 % du PIB (contre -4,0 % en 2023), porté par des exportations dynamiques (+15,4 %) – notamment agricoles – et des transferts de la diaspora en forte hausse (+18 %). L’émission d’euro-obligations en février a attiré d’importants flux de portefeuille, contribuant à une appréciation de 25 % du shilling par rapport au dollar depuis janvier.


[1] Le thé constitue à lui seul 19 % de la valeur totale des exportations du pays, tandis que les fleurs coupées et le café en représentent respectivement 9 % et 5 %.

 

Publié le