La relation bilatérale France-Kenya

Commerce bilatéral entre la France et le Kenya : le solde commercial s'est infléchi en 2023, en raison d'une nouvelle baisse de nos exportations

En 2023, le Kenya était le 98ème (-1 place) fournisseur de l’hexagone et son 110ème client (-2 places) dans le monde ; son 16ème fournisseur et 20ème client en Afrique (-1 place). La France enregistre un excédent commercial structurel avec le Kenya, mais qui se réduit depuis 2015, atteignant un point bas historique en 2020 (19,4 MEUR). Malgré la reprise postpandémie, notre excédent commercial s’est infléchi à 24,2 MEUR en 2023, soit 3 fois moins important que l’excédent moyen enregistré entre 2010 et 2019. Nos importations, principalement agricoles, continuent d’augmenter plus vite que nos exportations (qui ont même reculé en 2023), constituées pour moitié de produits chimiques, de machines et de produits pharmaceutiques. L’élan enregistré ces deux dernières années s’est vite essoufflé.

 Exportations

Selon les Douanes françaises, les exportations françaises vers le Kenya se sont contractées de 3,2 % en 2023 (-5,5 MEUR), s’établissant à 168,9 MEUR, perdant l’élan enregistré depuis la pandémie (+16,1 % entre 2020 et 2022). Cette baisse s’explique principalement par le recul des exportations de « produits pharmaceutiques », des « équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique » - qui sont passés du 2ème au 3ème poste d’exportations, ainsi que des « produits manufacturés divers ». Cette baisse n’a pas été compensée par l’augmentation des exportations de « produits des industries agroalimentaires », et dans une moindre mesure, par celle des « produits chimiques, parfums et cosmétiques ».

Les exportations reposent sur des livraisons à forte valeur ajoutée et demeurent concentrées sur les secteurs d’exportations français les plus importants, qui comptent pour 76,5 % de nos exportations vers le Kenya :

  • Les produits chimiques, parfums et cosmétiques (24,4 % - 41,3 MEUR), en hausse de 12,9 % par rapport à 2022 ;
  • Les produits des industries agroalimentaires (23,1 % - 39,1 MEUR), en hausse de +33,4 % par rapport à 2022 ;
  • Les équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique (17,3 % - 29,3 MEUR), en baisse de -12,2 % par rapport à 2022 ;
  • Les produits pharmaceutiques (11,6 % - 19,6 MEUR), en baisse de -20,3 % par rapport à 2022.

Le Kenya reste un client marginal pour la France, tant dans le monde, qu’en Afrique Subsaharienne : les exportations françaises vers le Kenya ne représentent que 0,03 % des exportations françaises dans le monde, alors que le Kenya représente 0,1 % du PIB mondial ; que 1,5 % de nos exportations vers l’Afrique Subsaharienne, faisant du Kenya le 110ème client mondial de la France, 20ème sur le continent et le 4ème en Afrique de l’Est et Océan Indien (AEOI) derrière Maurice, Madagascar et l’Ethiopie. Une situation qui s’explique par (i) l’absence de grand contrat aéronautique ou de défense et (ii) par la faible pénétration des produits français hors des centres urbains, en raison d’un positionnement milieu de gamme peu adapté à la demande actuelle du Kenya qui porte d’abord sur des produits bon marché.

Importations

Depuis 2016, les importations françaises depuis le Kenya sont en constante augmentation pour atteindre 144,8 MEUR en 2023 (+62,3 % par rapport à 2016). Les exportations kenyanes vers la France sont concentrées sur des produits à faible valeur ajoutée, à 57,3 % des denrées agricoles (thé, café, fleurs, fruits) et à 32,8 % des produits agricoles transformés (préparations à base de légumes et de fruits).

Entre 2022 et 2023, les importations françaises en provenance du Kenya ont augmenté de 1,4 %, s’expliquant par la hausse des « matériels de transport » de 77,7 kEUR à 2,8 MEUR, notamment aériens, et de celle des « produits des industries agroalimentaires » de 35,8 à 47,5 MEUR. A l’inverse, les importations de « produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture » ont reculé de 16,4 % à 82,9 MEUR, du fait notamment de la baisse des importations de fruits et de fleurs.

Le Kenya reste un fournisseur marginal pour la France : 98ème fournisseur mondial ; 16ème en Afrique Subsaharienne et 4ème en AEOI, derrière Madagascar, Maurice et les Seychelles.

Solde commercial et APE

La France enregistre un excédent commercial structurel avec le Kenya, qui s’est établi en moyenne à 83,3 MEUR entre 2010 et 2019. Il s’explique principalement par la différence de valeur ajoutée des appareils d’exportations entre nos deux pays : là où la France exporte des produits à forte valeur ajoutée, les exportations kenyanes sont principalement composées de produits agricoles, à faible valeur ajoutée. Celui-ci tend à diminuer progressivement depuis 2015, avec un point bas en 2020, tombant à 19,4 MEUR. Notre excédent commercial tendait à repartir à la hausse avec la reprise du commerce international postpandémie, mais s’est à nouveau infléchit en 2023, tombant à 24,2 MEUR, en raison de la progression de nos importations et de la baisse de nos exportations.

Néanmoins, nos échanges bilatéraux devraient bénéficier de l'APE signé entre le Kenya et l'UE (son 2ème partenaire commercial) en 2023, avec une entrée en vigueur prévue au 1er juillet 2024. La France devrait bénéficier d’une baisse moyenne des droits de douane appliqués sur ses exportations à destination du Kenya d’environ 54,0 % d'ici 25 ans, créant de nouvelles opportunités pour les entreprises, notamment par le renforcement de leur compétitivité sur le marché kényan vis-à-vis des autres partenaires. En outre, cet APE bénéficiera en premier lieu aux exportations de produits des industries chimiques, mais aussi des appareils mécaniques et électriques et celles de métaux communs. A l’inverse, certaines catégories de produits resteront assujetties à des droits de douane relativement élevés (aliments préparés, boissons, spiritueux et tabac).

 

Commerce bilatéral agricole

Sur l’année 2022, les échanges bilatéraux entre la France et le Kenya pour le secteur agricole, agroalimentaire, forestier et des agrofournitures ont augmenté en valeur totale (+26,4 MEUR soit +16,7 %) par rapport à 2021 pour atteindre 184,7 MEUR (Douanes Françaises). Le déficit commercial français pour ces secteurs s'est creusé légèrement par rapport à 2021 (-1,9 MEUR soit +2,3 %) pour atteindre -86,7 MEUR, dû à une augmentation des importations de 11,7 % compensée par une croissance des exportations de 33,3 %. Les produits agricoles, agroalimentaires, forestiers et agrofournitures ont ainsi représenté 29,3 % (49,0 MEUR) de la valeur totale des exportations françaises vers le Kenya en 2022 et 92,9 % de la valeur totale des importations françaises en provenance du Kenya (135,7 MEUR).

Les investissements directs étrangers (IDE) et la présence française au Kenya

Une législation qui a évolué pour attirer les IDE

Le stock d’IDE totaux au Kenya s’élevait à 11,2 Mds USD en 2022 (contre 9,3 Mds USD en 2019). Selon les données nationales[1], la répartition sectorielle du stock d’IDE reste relativement similaire entre 2016 et 2019, à l’exception notable de la montée des TIC : activités financières et de l’assurance (33,2 % ; 33,9 % en 2016), les TIC (16,1 % ; 8,5 %), le commerce de gros et de détails (15,4 % ; 17,7 %) et le secteur manufacturier (14,8 % ; 19,6 %). En forte croissance sur la période 2011-2017, passant de 233 MUSD (4,3 % du stock d’IDE total au Kenya) à 898 MUSD (13,3 %), le stock français d’IDE au Kenya chute à 530 MUSD en 2019 avant de remonter légèrement en 2021 à 592 MUSD (5,7 %). Au global, d’après la Central bank of Kenya, la France se positionnait comme le 4ème détenteur du stock net d’IDE au Kenya en 2019 selon la CBK[2].

Le Kenya s’oriente vers une plus grande ouverture aux investisseurs étrangers pour libérer le potentiel de l’économie et a fait évoluer considérablement sa législation en ce sens depuis 2015. La Business Registration Act et la Companies Act visent à faciliter l’implantation des entreprises étrangères. Les pouvoirs publics ont également supprimé les restrictions à la participation étrangère dans les sociétés cotées en bourse. Le dispositif des « Special Economic Zone » offre des avantages considérables aux investisseurs qui visent le marché de la CAE, tandis que celui des « Exports Processing Zones » encourage les activités exportatrices. La création d’un guichet unique d’accueil des entreprises et la mise en place d’une procédure accélérée pour l’enregistrement des sociétés a complété le dispositif. Ces mesures ont permis au Kenya de progresser au classement Doing Business de la Banque mondiale, passant de la 108ème en 2016 à la 56ème place en 2020. Sur le plan bilatéral, la France et le Kenya ont signé un accord de protection des investissements (API) ainsi qu’un accord de non-double imposition (NDI) en 2007, qui offre des garanties aux investisseurs, en ouvrant notamment la possibilité de recours à l’arbitrage international du CIRDI en cas de différend.

Une présence française croissante

L’intérêt des entreprises françaises pour le Kenya est croissant, le nombre d’implantations étant passé de 35 en 2012 à environ 140 aujourd'hui. Le Kenya est le point d’entrée du marché intégré de la CAE. La qualité des services logistiques, financiers et juridiques, ainsi que son environnement des affaires relativement favorable en font une destination privilégiée pour l’implantation des entreprises françaises à partir de laquelle elles rayonnent dans l’environnement régional.
La présence française se caractérise par sa très grande diversité, la plupart des secteurs de l’économie française étant représentés : la construction mécanique (Peugeot, Renault Trucks, Ocea Construction Navale), l’aéronautique et la défense (Airbus, Thales, Arquus), l’industrie cimentière (Lafarge), l’industrie pétrolière et gazière (Total M&S, Total Distribution, Rubis Énergie, Vallourec, Maurel & Prom), l’énergie (GE, Siemens, Engie, Sagemcom, Urbasolar, Schneider Electric, Legrand, Voltalia, Innovent), la distribution (Carrefour, Décathlon, Yves Rocher, Madora), l’agro-alimentaire (Danone, Bonduelle, Moët-Hennessy, Pernod-Ricard, Afribon, Mane), les travaux publics et le bâtiment (Vinci, Eiffage, Colas, Razel-Bec, Saint-Gobain), la banque et l’assurance (Société Générale, Allianz, AXA, Olea), l’agriculture et l’horticulture (Limagrain, Meilland, Bigot Fleurs, Bayer France, Red Lands, Hubbard), l’eau et l’environnement (Veolia, Suez, CMI), les fonds d’investissement (Livelihoods, Moringa, Creadev, Amethis, Meridiam), l’ingénierie (Egis, BRL, Artelia, Ingerop, Seureca, Burgeap), les services aux entreprises (Sagaci, Cap Gemini, Dassault Systèmes, ONET), l’hôtellerie (Accor, Golden Tulip). Les entreprises françaises sont également présentes dans l’économie numérique au Kenya, en raison de l’écosystème de la Silicon Savannah : Jumia Internet (leader africain du commerce en ligne), Optimetriks et Altaï consulting (études de marché), ou encore Lelapa Fund (plateforme de financement).
Deux clubs sectoriels ont été créés : un club ENR-Ville durable (de portée régionale) et un club Agri afin de tenir compte de la forte croissance du nombre d’entreprises françaises dans ce secteur. La FrenchTech Nairobi a été (re)lancée en 2023 et regroupe principalement les start-ups et PME du secteur de la tech installées au Kenya. La communauté d’affaires française est structurée autour d’un Chambre de commerce (CCIFK) très active, regroupant 189 membres (pour moitié de membres kényans). Cependant, l’environnement des affaires reste problématique, tant en termes de corruption et de lourdeur administrative que de harcèlement fiscal et d’insécurité juridique. La nécessité d’augmenter la collecte fiscale à court terme, notamment dans la nouvelle Finance Bill 2024, ne va pas dans le sens d’une amélioration, dans la mesure où elle ne repose pas sur un élargissement de l’assiette fiscale et où la capacité de mobilisation des ressources domestiques semble atteinte.


[1] L’institut statistique kényan (KNBS) publie tous les 3 ans des données sur les IDE au Kenya et travaille actuellement au rapport 2023.

[2] Cette position a cependant probablement reculé depuis, avec la Chine, les Pays-Bas qui ont eu des IDE importants sur les dernières années.

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