Investissements Directs Étrangers impliquant le Japon en 2021

Le Japon reste un investisseur majeur : 3ème mondial en flux (131 Mds €) en 2021, pour un stock s’élevant à 1 771 Mds €. Cette dynamique peut toujours s’appuyer sur la force de frappe financière exceptionnelle des entreprises japonaises. L’ouverture de l’archipel aux IDE reste en revanche limitée (30ème rang mondial) mais pourrait bénéficier de la faiblesse du yen. A l’échelle bilatérale, la France investit presque 2 fois plus au Japon (18 Mds € en stock) que le Japon en France (11 Mds) : la France est le 5ème investisseur au Japon mais seulement le 22ème pays récipiendaire.

I. Le 3ème excédent courant au monde : des revenus primaires conséquents qui contrebalancent le déficit commercial

Le Japon maintient son rang de 3ème investisseur mondial en flux avec un montant de 131 Mds €, dépassé seulement par les Etats-Unis (360 Mds €) et l’Allemagne (135 Mds €). Si ces flux ne sont pas revenus à leur niveau record de 2019 (200 Mds €, 1er mondial), ils affichent une hausse conséquente (+53%, +46 Mds€) ; en comparaison, les flux français sont négatifs, à -3 Mds €. S’agissant des stocks d’IDE, le Japon, 5ème investisseur mondial sur la base des chiffres 2020, passe 8ème avec 1771 Mds € (+8%). Il est désormais devancé par le Canada, l’Allemagne et Hong Kong.

La recherche par le Japon de débouchés de croissance à l’extérieur est ancienne : elle est liée au rétrécissement de son marché intérieur (perte de 35Mi d’habitants d’ici 2060), ainsi qu’à sa faible croissance potentielle (inférieur à 1% depuis le début des années 2000). Les investissements à l’étranger du Japon s’appuient sur un patrimoine financier domestique exceptionnel : 24 000 Mds € d’actifs financiers, soit 6 fois son PIB, détenus par les acteurs privés (ménages : 15 000 Mds €, entreprises : 9 250 Mds €, au T2 2022). Entre 2000 et 2021, les IDE sortants ont été multipliés par 7 (et les revenus d’investissements directs par 6) contre 1,6 pour les exportations. L’implantation locale de la production, complémentaire des exportations, est devenue centrale dans la stratégie commerciale des entreprises : en ASEAN comme en Chine, les volumes de ventes par les filiales d’entreprises nippones dépassent de 4 à 5 fois les volumes d’exportations vers ces pays.

Les revenus primaires permettent au Japon de contrebalancer la persistance d’un déficit commercial (13 Mds € en 2021) depuis la catastrophe de Fukushima : depuis 2011, le pays a connu 8 années de déficit pour seulement 3 années de surplus, accumulant un déficit total de 260 Mds €, contre un excédent de 677 Mds € entre 2000 et 2010. En 2022, ce déficit devrait être exacerbé par l’inflation des importations du Japon ainsi que le yen faible (lié à la dégradation des termes de l’échange du Japon depuis 2000, et au découplage des politiques monétaires japonaise et américaine). Toutefois, la conversion des profits des investissements du dollar vers le yen bénéficie aux entreprises japonaises : alors que le yen a atteint en septembre 2022 (145¥/$) son niveau le plus bas depuis 1998, les grandes entreprises ont enregistré des profits records au T2 2022. Fort des revenus générés par ses IDE et malgré un déficit commercial, le Japon maintient en 2021 le 3ème excédent courant au monde (127 Mds €), derrière la Chine (283 Mds €) et l’Allemagne (280 Mds €).

II. Une ouverture aux IDE limitée, tiraillée entre promotion de l’attractivité et sécurité économique

En 2021, les flux d’IDE vers le Japon (+130%) affichent une croissance doublement supérieure à celle des flux mondiaux (+64%) ou vers l’Asie (+23%). Le Japon se classe ainsi au 20ème rang des pays récipiendaires en flux (22ème en 2020, 26ème en 2019) avec 25 Mds €. Toutefois, le stock d’IDE entrants au Japon reste faible, à 229 Mds € (5% de son PIB contre 33% pour la France) : le Japon est seulement le 30ème récipiendaire mondial en stock (-2 places), derrière la Chine, HK et Singapour, mais aussi l’Inde, la Thaïlande et la Corée (27ème). Au-delà du manque à gagner pour l’économie, cette situation freine également la transmission de pratiques productives et la diffusion des technologies, alors que la productivité japonaise ne se classe que 21ème sur 38 dans l’OCDE.

Si le stock d’IDE entrants au Japon a doublé entre 2013 et 2021 selon les statistiques nationales – conformément à l’objectif annoncé en 2013 –, son évolution sur la base des chiffres du CNUCED est moitié moindre, à 50% (contre +93% pour les économies développées). Ce différentiel s’explique par l’utilisation depuis 2014 par le Japon de la norme de calcul de balance des paiements BPM6, mesurant les IDE via le principe des actifs/passifs et non le principe directionnel (BPM5) recommandé par le CNUCED pour les comparaisons internationales et temporelles. Depuis juillet 2021, le nouvel objectif promu par le gouvernement est celui d’un nouveau doublement des IDE entrants pour relever d’ici 2030 la part des IDE à 12% PIB (qui correspond au score coréen), avec un nouvel accent mis sur l’innovation : en septembre 2020, le METI et le JETRO ont lancé la plateforme J-Bridge visant à renforcer les fusions-acquisitions entre entreprises japonaises et étrangères dans 6 secteurs (neutralité carbone, smart cities, mobilité, santé, commerce de détail, agrotech), en associant davantage les préfectures aux remontées d’information sur les opportunités locales.

Face à des risques accrus d’instrumentalisation des enjeux économiques à des fins malveillantes, les efforts visant l’attractivité du territoire japonais vont de pair avec une intensification des mesures autour du contrôle des investissements étrangers. En 2019, le seuil donnant lieu à contrôle préalable pour les prises de participation étrangères est abaissé de 10% à 1% dans les secteurs dits sensibles. A son arrivée fin 2021, le Premier Ministre F. Kishida, a aussi créé un ministère dédié, avant le vote d’une loi étendue ESPA (Economic Security Promotion Act) visant à assurer la sécurité des infrastructures clés, notamment par un processus de contrôle des acteurs chargés de leur installation et gestion. En outre, le gouvernement s’efforce de promouvoir la complémentarité de la sécurité économique avec l’attractivité du territoire : d’une part, il fournit des subventions pour la diversification des approvisionnements si les entreprises remplissent certaines conditions vérifiées par le ministère concerné ; d’autre part, le gouvernement a annoncé fin 2021 la création d’un fonds d’investissement sur 5 ans de 5 Mds € en soutien de projets du secteur manufacturier au Japon.

III. La France est un investisseur de premier plan au Japon…

Après avoir occupé la 2ème place sur 2018 et 2019, la France est depuis 2020 le 5ème investisseur étranger au Japon en stock, occupant une part de marché de 7,8% avec 25 Mds €. En 2021, le stock français a diminué de 14% - une évolution qui se situe néanmoins dans la moyenne du top 5. Les investissements directs français se concentrent dans le secteur manufacturier (49% du total) – notamment automobile (47%) – et la finance (38%).

Selon le JETRO (Japan External Trade Organization) : 6ème investisseur en flux en 2019, la France a été rétrogradée au 13ème rang en 2020 (flux de 81 Mi €) puis au 27ème rang en 2021 avec un flux négatif de 32 Mi €. Au total, seuls 7 pays affichent un flux vers le Japon supérieur à 1 Md €, avec en tête Hong Kong (11 Mds €, les Etats-Unis (7,6 Mds €) et Singapour (5,3 Mds €). Globalement, l’UE reste un investisseur majeur au Japon (stock de 78 Mds €) mais sa part de marché est passée d’environ 40% à 25% avec la prise en compte du Brexit en 2020.

Selon la Banque de France, le flux d’investissement français au Japon a également été négatif à -416 Mi € en 2021 après -2,6 Mds € en 2019 et -322 Mi € en 2020. Si en 2019 et en 2020, cette baisse était causée par le rapatriement des bénéfices vers la France (avec des opérations de capital restées positives), la tendance s’inverse en 2021 : les bénéfices réinvestis atteignent presque 400 Mi €, mais les opérations de capital (-60 Mi €) et les autres opérations (-750 Mi€, essentiellement des crédits d’entreprises françaises à leurs filiales) sont négatives. Dans ce cadre, le Japon se classe au 14ème rang des cibles d’investissements français (inchangé depuis 2019) avec un stock français de 17,6 Mds€ en diminution sensible depuis le pic de 2016 (26 Mds€). Le Japon reste la 2ème cible d’investissement en Asie après la Chine.

IV. …mais les ID japonais en France ne sont toujours pas à la hauteur des ID français au Japon

Les investissements japonais en France restent relativement décevants (10ème investisseur, part de marché de 1,2%), concentrés par ailleurs dans les secteurs manufacturier (à 38%, dont 21% l’automobile).

Selon JETRO, la France a accueilli un flux d’investissement japonais de 1 Md€ en 2021, en hausse de 45% (contre +3% pour les flux japonais vers le monde) et se classe au 15ème rang des pays récipiendaires, soit un gain de 11 places par rapport à 2020. Les flux vers la France restent dépassés par les flux vers les grands pays européens comme le Royaume-Uni (3ème, 13,3 Mds €, +70%) Allemagne (6ème, 6,3 Mds €, +157%) qui affichaient une évolution négative en 2020. Le frémissement des flux japonais vers le Luxembourg continue également (5ème, 8,9 Mds €, +209%) tandis que les flux vers les Pays-Bas et la Suisse, respectivement deuxième et troisième cible en 2020, deviennent légèrement négatifs. La France représente moins de 1% du stock japonais dans le monde (0,8%), se classant au 22ème rang (+1 place), avec 14,3 Mds €. En parts de marché, les capitaux japonais sont dirigés de façon prioritaire vers les Etats-Unis (33% du stock japonais), tandis que l’Europe (27%) et l’Asie (28%) sont au coude à coude.

Selon la Banque de France, le Japon a réduit ses investissements en France de 130 Mi € en 2021 (après des flux positifs à 307 Mi € en 2019 et 532 Mi € en 2020) en raison notamment du remboursement de prêts intra-groupes par des filiales présentes en France (-306 Mi €). Avec un stock de 10,5 Mds €, soit environ deux fois moins que le stock français sur l’archipel, le Japon reste le 10ème investisseur étranger et le 1er investisseur asiatique en France (1,2% du total des IDE en France, contre 0,4% pour la Chine, 0,3% pour Hong Kong et 0,2% pour la Corée).

Selon le rapport 2021 de Business France, le Japon se classe à la 12ème place des investisseurs en France en nombre de projets, avec 39 (2% du total, -7% contre +32% au global) permettant de générer 1015 emplois (contre 1244 en 2020). En 2021, la France a été le premier pays européen d’accueil des projets japonais (un tiers) devant le R-U (12%) et l’Allemagne (10%). Au total, le Japon compte +670 entreprises en France pour +103 000 salariés dont 21% dans les machines/équipements mécaniques, 15% dans les IAA, 13% dans l’automobile et 8% dans les équipements médicaux.

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