Politique industrielle

L’industrie entendue comme l’ensemble des activités de production de biens matériels hors construction représente 20% du PIB italien en valeur en 2022 (versus 72% pour les services). La majorité de la production industrielle est destinée à l’export : les exportations de biens industriels représentent 95% de la valeur totale des exportations de biens italiens en 2021. Les produits exportés sont issus de secteurs spécialisés estampillés « Made in Italy » comme les machines-outils (15,6% des exportations industrielles en 2022), la métallurgie (12,6%), la mode (11,1%), l'agroalimentaire (9%), les produits pharmaceutiques (8,1%), l'automobile (6,7%), et la haute technologie (3,6%).

L’industrie italienne est dominée par l’activité manufacturière qui représente 79% de la production industrielle en valeur en 2022, 94% des entreprises industrielles et 92% de la main d’œuvre industrielle en 2021. Cette importante activité fait de l’Italie la 2ème puissance manufacturière européenne en valeur ajoutée en 2022 et le 9ème exportateur de produits manufacturés mondial en valeur en 2021.

1 – Un tissu industriel historiquement solide...

En 2021, l’Italie comptait quelques 390 500 entreprises industrielles (250 200 en France) dont 99% sont des PME (71% en France) et 81% des TPE à moins de 10 employés. Le tissu industriel italien se caractérise par une prédominance d’entreprises familiales de taille réduite (les entreprises italiennes emploient en moyenne 4 salariés pour 5,6 en France), et l’existence depuis les années 1970 de districts industriels (organisation productive regroupant des PME organisées en réseau dans la production d'une famille de produits). Il existe environ 141 districts industriels en Italie (principalement dans les régions Vénétie, Emilie-Romagne, Marches et Toscane), spécialisés dans des activités traditionnelles (habillement, chaussure, cuir, joaillerie, agroalimentaire, ameublement, papeterie, matériaux de construction, etc.) ou plus techniques (petite mécanique, électrotechnique, machines-outils et pièces de rechange, biens électroménagers, etc.). Ces districts représentent 66% de l’emploi manufacturier italien. Cette forme organisationnelle présente de nombreux avantages : la centralité des chaînes de production (avec une distance moyenne d’approvisionnement de 116 km dans les districts en 2021, contre 140 km dans les zones hors districts) offrant un cadre propice à la relocalisation des chaînes de valeur ; le fait que les entreprises d’un même district mettent en place de stratégies communes pour la recherche de nouveau marchés à l’export ; et que la combinaison de relations de complémentarité et de concurrence apporte d’avantage d’innovation.

L’Italie mise sur la qualité de ses produits ce qui lui permet de maintenir son rang dans les chaines de valeur mondiale et de se positionner sur des segments à plus forte valeur ajoutée. Cette orientation stratégique a pris la forme d’une diversification verticale (amélioration de la qualité des biens produits) et horizontale (diversification pour la production de biens plus sophistiqués). A côté de ce tissu industriel composé de petites entreprises, il convient de noter l’existence de grandes entreprises (Agnelli, Benetton, Armani, Barilla, Del Vecchio, Ferrero, Illy, Versace…) possédées par une centaine de familles au travers de holdings familiales.

2 - … qui a démontré certaines faiblesses pendant les crises successives, mais qui est resté résilient…

Aujourd’hui, l’industrie italienne subit une forte évolution parallèlement à l’évolution du capitalisme familial italien à la suite des crises successives (2008-2009, 2011-2013 et Covid 2020-2021). Les entreprises italiennes qui n’ont pas la taille critique pour faire face à la compétition internationale constituent des cibles pour les investisseurs étrangers. Dans ce contexte, de nombreux symboles nationaux ont été acquis comme Edison (EDF), Pirelli (ChemChina), Indesit (Whirlpool), Parmalat (Lactalis) ou Lamborghini (Volkswagen). Les intrications industrielles se sont renforcées entre la France et l’Italie. On peut citer LVMH et Kering sur le marché du luxe par exemple. De son côté, l’Etat italien a renforcé sa participation dans des groupes industriels tels que Fincantieri pour les chantiers navals, Leonardo pour l’espace ou STMicroelectronics pour les semi-conducteurs. Par ailleurs, compte tenu de sa forte dépendance au gaz, l’industrie italienne a été particulièrement affectée par le choc énergétique qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine. Depuis mi-2022, la production manufacturière connait une baisse plus marquée en Italie que dans les autres principales économies de la zone euro (-2,1% entre le T2 2022 et le T1 2023). Cette baisse est le corollaire de la forte hausse des prix de l’énergie depuis le début de la guerre en Ukraine du fait du mix énergétique orienté vers le gaz.

En plus des crises conjoncturelles, l’industrie italienne connait des défis structurels : les entreprises tardent à prendre le virage technologique avec un indice de digitalisation de l’économie italienne (DESI) à 49,3 (52,3 en UE) même si 60% des PME italiennes atteignent un niveau de base en terme d’intensité digitale (55% dans l’UE) en 2022 ; l'absence de débouchés en sortie d'étude, le niveau des salaires et le développement de contrats à temps partiel pour les plus jeunes, ont accéléré l'exode des actifs qualifiés depuis vingt ans : 120 000 jeunes diplômés de 25 à 34 ans ont ainsi quitté le pays sur la période 2012-2021 ; et la bourse de Milan n’a historiquement pas facilité l’accès aux financements (valorisations plus faibles) malgré les incitations fiscales du gouvernement.

En dépit de ces difficultés, les entreprises italiennes ont prouvé leur capacité de résilience face aux crises. Elles ont su maintenir l’emploi, encourager l’innovation, développer de nouveaux marchés, y compris hors UE, en exploitant notamment leur plus grande flexibilité par rapport aux multinationales dans un contexte de tensions sur les approvisionnements, particulièrement marqué sur le marché mondial. Grâce à la puissance, à la flexibilité et à la diversification de son tissu industriel, l’Italie semble être moins dépendante de l’international et donc moins vulnérable aux difficultés d’approvisionnement. En effet, selon une enquête de la Commission européenne, en moyenne sur l’année 2022, seulement 18% des entreprises italiennes du secteur industriel déclaraient être affectées par des contraintes d’approvisionnement (contre 43% en France).

3 - …et qui a besoin d’investir dans la transition numérique et écologique pour continuer à innover

Le gouvernement de Mme Meloni soutient la transition numérique et écologique pour renforcer la compétitivité du système productif italien, avec 24 Md€ d’investissements programmés dans le cadre du Plan national de relance et de résilience - PNRR (plan de transition 4.0 lancé en 2021). L’Italie participe également activement aux programmes européens PIEEC sur des thèmes comme l’hydrogène, le cloud, l’électronique et la connectivité, les batteries électriques et la santé. Depuis 2021, l’investissement dans l’industrie a fortement progressé, notamment pour ce qui est de la composante machines et équipement (+15,5% entre le T4 2019 et le T1 2023, contre +2,9% pour la France), favorisé par les mesures d’incitations fiscales mises en place via le plan de transition 4.0 du PNRR.

Le gouvernement italien inclut dans ses priorités les secteurs de l'aéronautique et du spatial ; les secteurs d’innovation (Tech, pharmaceutique, chimie, …) ; les télécommunications et la défense, et le « made in Italy » à travers des filières d’excellence que sont l’agroalimentaire, la mode, l’automobile et le mobilier.

Pour renforcer l'industrie italienne, le ministre des entreprises et du made in Italy (MIMIT) Adolfo URSO a tracé les grandes priorités suivantes :

-soutien et protection des entreprises dans le cadre d’une politique industrielle européenne forte ;

-défense des secteurs stratégiques (l'aérospatiale, les secteurs à forte innovation et les télécommunications) notamment avec l’utilisation du Golden Power, un outil du gouvernement pour protéger les fleurons nationaux contre les rachats par des étrangers susceptibles de porter atteinte à la souveraineté industrielle en Italie ;

  • transition écologique, énergétique et numérique ;
  • simplification de la bureaucratie et de l'action administrative ;
  • surveillance continue des prix et vigilance pour le bon fonctionnement du marché.

La politique industrielle nationale s’appuiera sur deux mesures inscrites dans le projet de loi budgétaire pour l’année 2024 (i) l’allègement de la pression fiscale sur les entreprises investissant dans l’innovation, la réforme des incitations fiscales pour les entreprises relocalisant leur production en Italie à travers des crédits d’impôts dont les taux varient en fonction du montant de l’investissement (de 10% à 50% pour un montant maximal de 20 M€ en 2022) et (ii) la promotion du Made in Italy.

Pour la mise en place d’une telle politique, le gouvernement promeut une politique industrielle européenne fondée sur un nouveau Pacte de Stabilité axé vers le renforcement des investissements d’avenir, la réforme des aides d’Etat et un fonds souverain européen pour financer les secteurs industriels innovants et la transition verte. Cette politique industrielle européenne devrait permettre de faciliter l’émergence de champions industriels européens, capables de s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales. A noter que dans le cadre du traité du Quirinal, la France et l’Italie ont engagé un dialogue régulier sur les matières premières critiques, sur l’industrie (automobile, énergie, espace, transports, …) et sur les technologies de souveraineté (intelligence artificielle, numérique, micro-processeurs, …).

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