INDE
Indicateurs et conjoncture
Point de conjoncture T2 2025/26
au 8 décembre 2025
L’économie indienne a enregistré une croissance du PIB réel de 8,2% en glissement annuel au deuxième trimestre de l’exercice 2025/26 (juillet à septembre 2025), marquant la plus forte progression des six derniers trimestres, dépassant les anticipations des conjoncturistes. La dynamique de croissance reste largement soutenue par la vigueur de la demande domestique, notamment grâce à un policy-mix accommodant. Ainsi, le secteur tertiaire mène la croissance sur le trimestre avec une performance de 9,2%, suivi du secteur secondaire, en hausse de 8,1% sur la période, porté par les performances du secteur manufacturier. Le secteur agricole enregistre quant à lui une croissance plus modérée de 3,5%. Toutefois, le déflateur du PIB poursuit sa chute (0,5% contre 0,9% au trimestre précédent) reflétant une dynamique des prix atone et une croissance nominale en ralentissement. Cette amplification mécanique de la croissance réelle ne saurait être négligée, tant pour l’appréciation du dynamisme économique indien que pour la conduite des politiques budgétaires et monétaires.
Record de la croissance réelle de 8,2% au deuxième trimestre de l’exercice 2025-26 gonflée par un déflateur du PIB minimal
Les données officielles indiquent que le PIB réel a progressé de 8,2% au deuxième trimestre de l’exercice 2025-26, contre 5,6% un an plus tôt et 7,8% au trimestre précédent. Il s’agit du rythme le plus élevé enregistré depuis six trimestres, nettement supérieur à la prévision de 7% de la RBI. Cette accélération tient à la fois un effet de base favorable et à un déflateur exceptionnellement faible. En effet, malgré le dynamisme du PIB réel, la croissance nominale ralentit, passant de 8,8% au T1 à 8,7% au T2 2025-26, et l’écart réel–nominal est à son plus bas niveau depuis six ans (0,5%, contre 0,9% au trimestre précédent, cf. annexe2). Le niveau du déflateur est inférieur à l’inflation mesurée par l’indice moyen des prix à la consommation sur la période (IPC, 1,7%). Cette situation découle de la méthodologie de calcul du déflateur, fondée sur la pondération combinée de l’IPC et de l’indice moyen des prix de gros (Wholesale Price Index, WPI) quasi nul (+0,02%) sur la période sous revue, ce dernier n’incluant pas les services. Ainsi, la sous-estimation de l’inflation conduit mécaniquement à une surestimation de la croissance réelle[i].
Sur le plan de l’offre, la valeur ajoutée brute progresse de 8,1%, contre 7,6% au premier trimestre de l’exercice précédent et 5,8% en g.a[ii] l’année dernière à la même période, soit un plus haut de huit trimestres. Sans surprises, le secteur tertiaire émerge comme principal moteur, avec une hausse de 9,2%, portée par les services financiers, l’immobilier et les administrations publiques. Le secteur secondaire maintient une dynamique robuste avec une croissance de 8,1% : l’industrie manufacturière enregistre une expansion de 9,1%, en ligne avec la bonne performance de l’indice industriel de production sur le trimestre (4,3% g.a.)[iii] tandis que la construction progresse de 7,2%, soutenue par la poursuite des projets publics d’infrastructures. Le secteur primaire affiche quant à lui une croissance modérée pour le troisième trimestre consécutif de 3,5% en g.a.
Du côté de la demande (c.f annexe 1), la consommation privée, moins volatile que l’investissement, reste solide avec une progression de 7,9%. Cette dernière est soutenue par une conjonction de facteurs favorables tels que le redressement de la demande rurale[iv], les effets retardés et combinés du policy-mix, une inflation très modérée et une mousson régulière. La formation brute en capital fixe (FBCF) progresse de 7,3%, prolongeant la trajectoire haussière engagée au trimestre précédent. Cette progression reflète l’effet de l’intensification des dépenses d’investissement et une reprise de l’investissement privé favorisé par des bilans plus sains[v]. Le taux d’investissement, mesuré par la FBCF nominale en pourcentage du PIB, reste stable à 30,5%[vi]. Ces tendances positives sont partiellement compensées par le repli de 2,7% de la consommation publique, après un rebond spectaculaire de 7,4% au trimestre précédent. Les dépenses courantes du gouvernement central, hors subventions et paiements d’intérêts, diminuent de 13% en g.a. Concernant le solde extérieur, les exportations ont progressé de 5,6 % (contre 6,3% au T1 2025-26) portées notamment par l’anticipation des exportations vers les États-Unis avant l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs fin août, ainsi que par le maintien d’une forte dynamique des exportations de service (+ 14% en g.a). Toutefois, ce sursaut a été plus que compensé par la reprise des importations, en hausse de 12,8%, ce qui a dégradé la contribution nette du commerce extérieur à la croissance
Orientations des politiques budgétaires et monétaires
Sur le plan monétaire, la RBI a décidé lors de sa dernière réunion de Comité de politique monétaire (CPM) de réduire le taux directeur de 25 points de base, le portant à 5,25%, tout en gardant une orientation « neutre ». La Banque centrale a également révisé à la baisse ses prévisions pour l’exercice 2025-26 : l’inflation est attendue à 2% contre 2,6% précédemment, en raison de la chute exceptionnelle de l’inflation à 0,25% en octobre dernier, tandis que la croissance devrait atteindre 7,3%, contre 6,8% anticipé. Parallèlement, la RBI poursuit ses mesures d’assouplissement de la liquidité : le taux de facilité permanente de dépôt (SDF) a été ajusté à 5 % (contre 5,25 % précédemment), et les taux de facilité permanente de prêt marginal (MSF) ainsi que le taux d’escompte (ou « bank rate ») ont été abaissés à 5,5 % (contre 5,75 %)[i]. En outre, la RBI desserre progressivement sa politique macro-prudentielle[ii], avec une réduction du Cash Reserve Ratio (CRR) de 100 points de base, le portant à 3% fin novembre 2025. Cette mesure devait permettre d’injecter environ 2,5 lakh crore INR (approx. 30 Mds USD) de liquidité supplémentaire dans le système bancaire, afin de soutenir le crédit et stimuler la croissance agrégée[iii].
Avec des réserves de change confortables de 688 Mds USD[iv], la RBI devrait poursuivre sa stratégie d’intervention sur le marché des changes afin de contenir la volatilité excessive de la roupie, comme en témoignent les 38 Mds USD vendus au cours des neuf premiers mois de l’exercice selon les données du ministère des Finances. Néanmoins, il est probable que la roupie conserve un léger biais à la dépréciation (-3,7% entre juillet et septembre), sous l’effet simultané des sorties de capitaux (proche de 17 Mds USD depuis le début de l’année 2025[v]) et de l’élargissement du déficit courant (1,3% du PIB au T2 FY26 contre 0,2% au T1 FY26) tiré par l’augmentation des importations d’or[vi]. À ce jour, la roupie se rapproche d’un niveau de 90 INR pour 1 dollar, et la monnaie semble fluctuer dans une fourchette relativement large de 88 à 90. Enfin, le Fonds monétaire International (FMI) a récemment reclassé le régime de change indien en régime de change à glissement contrôlé (ou « crawl »), la variation du taux de change étant contenue dans une marge étroite d’environ 2 %, deux ans après l’avoir qualifié de régime « stabilisé ».
Sur le plan budgétaire, le gouvernement cherche à concilier soutien à la croissance et consolidation des finances publiques[vii], avec un objectif de déficit public de 4,4% du PIB pour 2025-26. Atteindre cette cible pourrait s’avérer complexe, les recettes fiscales nettes risquant de décevoir à court terme, en raison de la rationalisation des taux de GST entrée en vigueur en septembre et d’une croissance du PIB nominal plus faible au cours des deux derniers trimestres. Cet effet, combiné à l’abattement d’impôt sur le revenu introduit dans le budget de février, se traduit par des recettes fédérales en retrait, ne représentant que 45 % de l’objectif sur la période avril‑octobre, contre 50,5 % un an plus tôt[viii]. Bien que le budget 2025-26 mise sur la stimulation de la consommation (réductions d’impôts, la simplification de la fiscalité), et sur l’investissement dans les infrastructures (11,2 trillions INR, soit 3,1% du PIB)[ix] , l’incertitude économique incite les ménages à la prudence, et est susceptible de limiter l’effet immédiat de ces mesures.
Par ailleurs, l’efficacité de ces initiatives à compenser pleinement l’impact des tensions commerciales avec les États-Unis demeure incertaine. La hausse à 50 % des droits de douane américains sur certaines exportations indiennes, entrée en vigueur le 27 août dans le cadre des sanctions liées aux importations de pétrole brut, entretient un climat d’incertitude susceptible d’affaiblir la confiance des entreprises et de ralentir la dynamique de l’investissement privé[x]. Bien que cette mesure soit appelée à rester transitoire, un accord bilatéral prévoyant une réduction du tarif à 15 % étant attendu, la conclusion rapide de cet accord sera déterminante pour soutenir des exportations déjà fragilisées, en particulier dans les secteurs intensifs en main-d’œuvre. Entre mai et octobre 2025, les exportations indiennes vers les États-Unis ont reculé de 28,5 %, passant de 8,8 à 6,3 Mds USD, selon le Global Trade Research Initiative (GTRI).
Fiche économique des agrégats macroéconomiques de l'Inde pour l'exercice 2023/24 et de la relation commerciale bilatérale franco-indienne