Indicateurs et conjoncture

Point de conjoncture T2 2024/24

au 1er décembre 2024

 

Après une croissance de l’ordre de 8,2 % sur l’exercice 2023/2024, le PIB n’a crû que de 6 % en termes réels au premier semestre 2024/2025. En effet, un net ralentissement a été constaté au deuxième trimestre de l’exercice, avec un taux de croissance de 5,4 %, nettement en retrait par rapport à des prévisions qui tablaient sur une progression du PIB à hauteur de 6,5%. Le fléchissement est sans doute en partie lié au contexte électoral qui a pesé sur l’investissement public, principal moteur de la croissance depuis 2022, mais il se rattache également à des facteurs structurels, liés aux inégalités croissantes de revenus et de patrimoine, qui pèsent sur la consommation privée. Malgré les fortes pressions exercées sur la Banque centrale, le Conseil de Politique Monétaire (MPC) a préféré surseoir à une baisse des taux directeurs, compte tenu des incertitudes tant internes quant à la dynamique de hausse des prix qu’externes, comme le reflètent les pressions baissières de la roupie au cours des dernières semaines. Au statu quo sur les taux directeurs, elle a conjugué une baisse du coefficient de réserves obligatoires de 50 points de base, à 4,0%, libérant ainsi 1200 Mds INR (14 Mds USD) qui viennent rééquilibrer la liquidité bancaire et potentiellement inciter les banques à accorder davantage de crédits.    

 

Un net ralentissement au deuxième trimestre 2024/2025

La croissance du PIB s’est infléchie au T2 2024/2025 (juin-septembre 2024), revenant de 6,7 % en g.a. au T1 à 5,4 % en g.a. au T2.  Pour mémoire, le consensus Bloomberg tablait sur une progression du PIB de 6,5 %, elle-même nettement en retrait par rapport à la prévision révisée de la RBI fin octobre, qui avait été ramenée de 7,0 % à 6,8 %. Cette évolution du PIB se révèle être la plus faible depuis le T3 2022/2023 (octobre-décembre 2022). La progression de la valeur ajoutée brute, un indicateur conjoncturel de meilleure qualité que le PIB, pollué par les évolutions des impôts sur la production, est également en retrait, revenant à 5,6 %, contre 6,8 % le trimestre précédent.

Du côté de l’offre, le recul est principalement imputable à l’évolution de la production manufacturière, revenue de 7,0 % au T1 à 2,2 % au T2. La production manufacturière reflète l’érosion des profits des sociétés cotées, qui a entraîné des prises de bénéfices à la Bourse de Bombay. La production industrielle, en phase avec les indicateurs mensuels parus sur la période juillet-septembre, a également fléchi, de 8,3 % à 3,6 %, alors que le consensus tablait sur une dynamique supérieure, de quelque 5 % en glissement annuel. En consolidé, le secteur « Industrie et Construction » a enregistré un recul, revenant de 9,0 % à 4,5 % sur la période sous revue. Les services ont maintenu une dynamique bien orientée, de 7,2 % au T1 2024/2025 à 7,1 % au T2 2024/2025. L’agriculture a observé une progression plus favorable qu’au premier trimestre, de 2,0 % à 3,5%. Toutefois, malgré une pluviométrie satisfaisante, les effets positifs de la mousson sur la production agricole ont été surestimés, d’au moins 0,4 point de pourcentage du PIB, selon Barclays.

Du côté de la demande, la moindre croissance est imputable à la faiblesse des dépenses d’investissement en capital public, liée au gel des budgets et à l’incertitude pré et postélectorales. Un rebond des dépenses publiques engagées par l’Etat central à hauteur de 10 % fait suite à la forte contraction de 35 % des dépenses publiques enregistrées au premier trimestre. S’agissant des dépenses publiques d’investissement des Etats fédérés, elles continuent de reculer de 6 % au deuxième trimestre, après une diminution de 20 % au premier. La consommation des ménages a fléchi par rapport au trimestre précédent, essentiellement en raison du comportement de demande des ménages urbains, alors que les perspectives de mousson favorable entraînaient un rebond de celle des ménages ruraux.

Les conjoncturistes s’attendent à un rebond au second semestre, ne serait-ce que parce que les dépenses au titre des investissements publics devraient s’accélérer au cours des prochains mois ; en revanche, l’atonie de l’activité manufacturière devrait se prolonger, en raison des résultats décevants des entreprises, qui reflètent les incertitudes liées à la conjoncture internationale, aggravées par ailleurs par la victoire de Donald Trump. Malgré le faible taux d’ouverture de l’Inde, la victoire du candidat républicain entraîne plusieurs aléas, une inflation importée supérieure, un risque de captation de l’épargne du reste du monde au profit des Etats-Unis et pour l’Inde elle-même, peut-être la perspective d’une réduction de l’excédent bilatéral enregistré avec les Etats-Unis et partant un creusement du déficit commercial, parallèlement à de moindres entrées de capitaux. Enfin, si la période festive du troisième trimestre renforce la perspective d’un rebond de la consommation, celle-ci risque d’être bridée par l’endettement des ménages et la faible appétence des banques à prêter en blanc, sur des crédits à forte marge brute mais imposant des charges en capital plus élevées depuis novembre 2023.

La Banque centrale devrait être tentée d’agir sur le canal du crédit au cours des prochains jours, non par la variable des taux directeurs, que les derniers indices de prix au-dessus du plafond de la cible diffèrent à février 2026, mais par la variable des réserves obligatoires. L’incidence d’une variation de ces dernières sur le canal du crédit sera d’autant plus rapide que la liquidité bancaire excédentaire a été malmenée par la nécessité pour la RBI d’intervenir à la vente de devises, pour près de 80 Mds USD, ce qui a exercé un effet récessif sur la liquidité bancaire. La baisse du coefficient de réserves obligatoires, de 4,5 % à 4,0 % pourrait accroître les réserves excédentaires et inciter les banques à accorder davantage de crédits, ce qui est au final l’objectif du gouvernement. Pour mémoire, tant le ministre du Commerce et de l’Industrie que la ministre des Finances en ont appelé à une baisse des taux directeurs lors du prochain MPC dont les résultats seront connus le 6 décembre, au motif que les taux d’intérêt réels élevés brident l’investissement des entreprises. Cette analyse quelque peu biaisée méconnait le fait qu’une baisse des taux réduirait la marge d’intérêt des banques, qui ne la souhaitent pas nécessairement et surtout que l’efficacité marginale du capital n’est qu’un des facteurs de l’investissement, la variable de demande étant un autre élément déclencheur, actuellement médiocrement orienté, de l’investissement.

 

Les implications du ralentissement sur la conduite de la politique monétaire

Sur la base de ces dernières données, la RBI a révisé en baisse ses prévisions de croissance pour 2024/2025, les ramenant de 7,2 % à 6,6 %. Elle a rehaussé ses prévisions d’inflation, de 4,5 % à 4,8 %. La plupart des banques ont également pris la mesure du ralentissement observé au T2 pour réduire leurs prévisions. Goldman Sachs a ramené ses prévisions de 6,4 % à 6 %. Deutsche Bank a également révisé en baisse ses estimations de croissance, de 6,9 % à 6,5 %.

Comme on pouvait s’y attendre, la RBI n’a pas modifié ses taux directeurs, maintenus à 6,5 % depuis février 2023. Malgré la forte pression du gouvernement et des milieux d’affaires, le Conseil de Politique Monétaire (MPC) n’a pas souhaité modifier ses taux directeurs, même si deux voix divergentes se sont fait jour au sein du MPC, en se prononçant en faveur d’une baisse des taux à hauteur de 25 points de base. Le fait que l’IPC ait largement excédé la bande supérieure de la cible d’inflation en novembre, et les engagements réitérés du gouverneur dans le sens d’un retour durable de l’IPC au centre de la cible, soit 4 % comme préalable à l’assouplissement monétaire, excluait par ailleurs une inflexion des taux directeurs. Au-delà de la nécessité pour la RBI de maintenir sa crédibilité, la lenteur de la transmission d’une baisse des taux à l’économie réelle, comprise entre six et neuf mois et sans doute également les incertitudes tant internes qu’externes ont conduit la Banque centrale à privilégier un autre canal pour réactiver le cycle du crédit.

Le MPC a en effet annoncé à l’issue de sa réunion la baisse du coefficient de réserves obligatoires, de 4,5 % à 4,0 %, en deux salves successives, les 14 et 28 décembre, ramenant ainsi ce coefficient au niveau qui était le sien pendant le Covid. Pour mémoire, ce coefficient impose aux banques de détenir un certain pourcentage de dépôts non-rémunérés sur leurs comptes à la Banque centrale. La baisse du coefficient a ainsi pour effet d’injecter 1200 Mds INR de liquidités et donc de rétablir au moins partiellement un retour à une liquidité bancaire excédentaire, qui devrait également subir l’incidence du paiement des impôts courant décembre.

La baisse des taux directeurs est différée à février, selon que l’inflation aura ou non convergé vers le centre de la cible. Il est difficile de conjecturer l’ampleur du mouvement de baisse des taux, qui dépendra de la stabilité de la roupie. A ce stade, deux baisses de taux de 25 points de base sont intégrées, une troisième baisse de taux de 25 points de base étant possible, ce qui portera à 75 points de base l’ampleur de la baisse. 

S’agissant d’un élément de méthode, il serait souhaitable que la pondération des produits agricoles dans l’IPC soit revue à la baisse, comme le suggérait notre interlocuteur de Bank of America. Elle pourrait revenir d’ici 2026 de 46 % actuellement à 39 %, ce qui accroîtrait à due concurrence l’action de la Banque centrale, actuellement contrainte.  

 

 

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Fiche économique des agrégats macroéconomiques de l'Inde pour l'exercice 2023/24 et de la relation commerciale bilatérale franco-indienne
 
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