ISRAËL
Les hautes technologies
Qualifié de « Start-up Nation », Israël est souvent considérée comme un exemple avec près de 9 000 start-ups et plus de 70 licornes[1]. La politique volontariste du gouvernement dans le domaine de la R&D, l’éducation (exposition à la technologie dès l’enfance) et la valorisation de la prise de risque constituent les facteurs clés du succès israélien. Si Israël a franchi un cap et s’apparente davantage aujourd’hui à une « Scale-up Nation », le pays doit néanmoins relever plusieurs défis.
1. Un écosystème largement tourné vers l’international
En l’espace de 50 ans, l’écosystème israélien de l’innovation est devenu l’un des plus attractifs, denses et productifs de la planète.
1.1 L’écosystème israélien poursuit son développement
- Israël héberge un écosystème de l’ordre de 9 000 start-ups qui ont levé un montant record de plus de 23 Mds USD en 2021[2], soit plus du double de l’année 2020 qui constituait déjà elle-même une année record. Les sorties (rachats, introductions en bourse) se sont élevées à 37 Mds USD en 2021 (contre 2,6 Mds USD en 2010), ce qui représente 50% des exportations de biens et services.
- L’écosystème israélien gagne en maturité. Le pays compterait en effet plus de 70 licornes. La recrudescence des opérations d’envergure reflète ainsi l’appétence des investisseurs pour ces entreprises ayant atteint un stade de développement avancé.
- Le pays se distingue dans plusieurs domaines : la cybersécurité (où il concentrerait 20% des investissements mondiaux), l’intelligence artificielle (technologies transverses à l’ensemble des secteurs d’application), la mobilité intelligente, la santé numérique, l’agrotech/foodtech et la fintech.
1.2 Les start-ups israéliennes sont reconnues sur la scène internationale
- Septième dans le Bloomberg Innovation Index (2021), quinzième dans le Global Innovation Index (2021), premier pays en nombre de start-ups par habitant, l’écosystème israélien se caractérise par une densité unique : 809 USD par habitant ont été investis dans les start-ups en Israël en 2018 contre 302 USD aux États-Unis, 58 USD en Chine et 41 USD en Europe.
- Israël compte 300 accélérateurs, 200 fonds de capitaux risques et 350 centres de R&D appartenant à des multinationales. Il consacre 5,4% de son PIB à la R&D civile (source OCDE, 2020), le pourcentage le plus élevé au monde. Dans leur ensemble, ces 350 centres de R&D contribuent à 40% de la dépense de R&D civile et emploient davantage de personnel de R&D que l’ensemble des start-ups réunies.
- L’investissement privé et étranger (en particulier américain). Près de 90% des capitaux investis dans les start-ups israéliennes proviennent de l’étranger. Les Etats-Unis représentent 80% du montant des fusions acquisitions et une centaine d'entreprises israéliennes sont cotées au NASDAQ. Ces liens financiers et stratégiques mettent les entreprises israéliennes en prise directe avec le marché mondial.
1.3 La réussite d'Israël dans le secteur technologique tient à une combinaison de plusieurs facteurs
- Ce succès est articulé autour d’un engagement de la puissance publique depuis près de 50 ans. La mise en place du programme Yozma dans les années 1990 a contribué au développement du capital risque. Les incitations fiscales sont nombreuses pour les entreprises High Tech.
- Certaines dispositions favorisent ce dynamisme, telles que la culture du risque et de l’entrepreneuriat, le rôle de l’armée, à la fois formatrice (service militaire) et donneuse d'ordres, ou encore la formation du capital humain (cours de codage au secondaire). L’étroitesse du marché intérieur et l’insularité d’Israël encouragent par ailleurs l’internationalisation des start-ups. Les interactions entre secteurs civil et militaire, public et privé - entreprises, investisseurs, universités, armée, autorités - sont «naturelles».
2. Un écosystème qui fait aussi face à plusieurs défis
2.1 Le secteur high-tech fonctionne ne profite pas à toute la population
- Si le secteur de la high-tech représente plus de 50% des exportations de biens et services, il contribue à 11% des emplois (15% des emplois privés) et à environ 15% du PIB[3]. Fort d'une productivité supérieure à celle des industries traditionnelles, le secteur offre des rémunérations très élevées (plus de 30 791ILS par mois (9 590 USD), soit trois fois plus que le salaire moyen global), et contribue ainsi à l’exacerbation des inégalités. 77% de ces entreprises sont implantées à Tel Aviv ou dans un rayon de 20 km aux alentours. Elles recrutent principalement des hommes (74%). Si la population arabe représente 22% des habitants, seul 1,5% travaillent dans ce secteur.
- La diffusion de l’innovation israélienne dans l’ensemble de l’économie constitue donc un défi car les start-ups israéliennes se projettent immédiatement à l’international et s’intéressent peu au marché intérieur. Mais un défi en passe d’être résolu puisqu’en 2021le opérations de levée de fonds ont moins souvent conduit à un contrôle des entreprises du cru par les investisseurs étrangers.
2.2 La pénurie de talents et le moindre dynamisme de l’entreprenariat sont un frein à la pérennité de l’écosystème
- Une pénurie de 30 000 postes dans ce secteur à l’échelle de l’écosystème israélien menace la pérennité du système et se traduit donc par une hausse des rémunérations, difficilement soutenable à long-terme.
- Les entrepreneurs israéliens, particulièrement reconnus pour leur créativité, rejoignent de plus en plus les multinationales, lesquelles sont en concurrence pour attirer les plus qualifiés. Le salaire annuel moyen serait de 125 000 EUR dans une multinationale quand il est de 85 000 EUR dans une start-up. Cela pèse sur le développement endogène des start-ups voire sur leur création.
2.3 La vulnérabilité aux évolutions du contexte international et le déficit de financement local constituent un frein à la croissance de l’écosystème
- La dépendance vis-à-vis des financements étrangers est une fragilité. Si le montant moyen des sorties a augmenté au cours de ces dernières années, leur précocité reste une source d’inquiétude.
- Les entreprises sont confrontées à des difficultés de financement sur le marché local où le recours à la dette est limité et où le manque d’expertise financière est avéré. D’une part, les scale-ups ne parviennent pas à lever de la dette sur le marché local et ont tendance à opter pour des financements dans des pays où leurs filiales sont implantées, augmentant les risques de transfert d’activités à l’étranger sous la pression des créanciers même si celui-ci semble à la baisse depuis 2021. Face à cet environnement, les autorités envisagent de prendre le relais des financements « early stage » en : 1) en octroyant des subventions en faveur des projets R&D ; 2) en aidant à l’établissement d’incubateurs ; 3) en incitant les investisseurs institutionnels à investir dans les start-ups.