Accès au marché et propriété intellectuelle en Israël en 2018

Accès au marché

Malgré le climat favorable d’ouverture progressive du marché israélien à la concurrence, locale comme étrangère, l’accès au marché reste difficile pour certains produits, en particulier agroalimentaires, en raison d’obstacles tarifaires et non-tarifaires. Ces obstacles, ainsi que la charge de la régulation, sont à l’origine d’un coût de la vie élevé. Les services restent globalement moins libéralisés que les biens. Le pays possède un régime ouvert aux investissements. Enfin et bien que l’exercice soit clos, certains des travaux engagés dans le cadre de la task-force qui a été mise en place par notre Ministre de l’Economie et des Finances en septembre 2017 se poursuivent dans le but de lever les freins aux échanges et aux investissements.

 

Comme le souligne la publication récente par l’OMC, Israël a conduit ces dernières années un nombre de réformes allant dans le sens d’une ouverture de son économie, dans un contexte macro-économique particulièrement favorable.[1] Dans le prolongement de l’adhésion du pays à l’OMC en 1995, puis à l’OCDE en 2010, l’évolution du cadre réglementaire est globalement favorable aux échanges et aux investissements. Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de barrières subsistent.

 

Le SE de Tel-Aviv souhaite mettre en avant les difficultés suivantes : 

 

1. Les autorités poursuivent une politique d’ouverture afin de baisser le coût de la vie, mais certaines barrières aux échanges de biens persistent

Les échanges avec la France font l’objet des conditions fixées par l’Accord d’Association entre l’UE et Israël qui a été signé en 1995 et est entré en vigueur en 2000. Celui-ci a été complété par un protocole additionnel de libéralisation du commerce, en vigueur depuis 2010, portant sur les produits agricoles (transformés et non transformés), les poissons et produits de la pêche.

a/ La moyenne par NPF des droits de douane appliqués par Israël est relativement basse

Elle s’élevait à 5,2 % en 2018 et atteignait 3% pour les biens non-agricoles.[2] Pour les biens agricoles, la moyenne des droits de douane appliqués par Israël en 2018 est de 19,1%, soit une baisse appréciable depuis 2012 (27,7%).

b/ Les obstacles non-tarifaires restent assez nombreux et concernent une grande variété de types de biens : L’équivalence entre les normes israéliennes et européennes n’est en pratique pas toujours appliquée par les autorités israéliennes, ce qui se traduit par le maintien de barrières dans un certain nombre de domaines relatifs aux biens de consommation et agroalimentaires, notamment. L’adoption en février 2018 d’un amendement à la loi sur les standards, qui visent à supprimer les adaptations locales pourrait ainsi réduire les décalages existants dans ce domaine, aura certainement un impact positif à terme, sous réserve d’être pleinement appliquée.

Les procédures d’importation de produits alimentaires « sensibles » (au sens de la loi israélienne) sont en pratique excessivement longues et coûteuses, en raison notamment de la stricte application des normes phytosanitaires sur la base du Codex Alimentarius à défaut de la reconnaissance de standards internationaux ou régionaux plus avancés, ce qui aboutit à de nombreux tests supplémentaires pour des produits déjà approuvés pour le marché européen. La situation s’est aggravée depuis la mise en place d’une nouvelle équipe au National Food Service du ministère de la Santé.

 

2. Le marché des services est globalement moins libéralisé que celui des biens

Le secteur des services, qui représente 76% des emplois israéliens, est la source principale de l’excédent balance courante (exportations de 37,8 Md$ contre 23,1 Md$ d’importations au cours des trois premiers trimestres de 2018, d’après le Bureau Central des Statistiques israélien). Selon les indicateurs synthétiques de l’OCDE, Israël est le pays développé le plus restrictif pour les échanges de services ; sur une échelle de 0 (ouvert) à 1 (fermé), celui d’Israël est le plus élevé (près de 0,3 contre moins de 0,2 en moyenne pour les pays de l’OCDE et moins de 0,15 pour la France). Israël n’avait jamais signé d’accord bilatéral de libre-échange couvrant le domaine des services avant 2016.[4]

Depuis, des accords de libre-échange signés ou en négociation intègrent un chapitre sur les services, notamment l’extension de l’accord existant avec Canada ainsi qu’un nouvel accord avec le Panama en fin mai 2018. Plus récemment, un accord de libre-échange a été signé en février 2019 avec le Royaume uni pour la période post-Brexit. 

Israël n’a pris aucun engagement à l’OMC dans un grand nombre de secteurs, notamment dans les domaines de la R&D, l’immobilier, la distribution, et la construction. Dans le cadre des négociations de l’Accord Général sur le Commerce des Services et selon les dernières données de l’OMC[5], seuls 58 sous-secteurs sont couverts contre plus de 100 pour la plupart des pays développés (115 pour l’UE, 110 pour les Etats-Unis. Lors des négociations dans le cadre du TiSA (Trade in Service Agreement), Israël a cependant laissé entendre qu’il pourrait ajouter d’autres sous-secteurs à sa liste.

Sur le marché du travail, seuls les postes de direction ou d’encadrement supérieurs peuvent être pourvus par des non-résidents et seulement de manière temporaire. Des visas de travail peuvent en outre être accordés à des non-résidents qui ont des profils très spécialisés ou des compétences rares sur le marché israélien. Dans tous les autres cas, l’octroi de visa de travail est au mieux subordonné à un examen des conditions de marché dans le secteur concerné. De plus, l’obtention d’un permis de travail pour les conjoints d’expatriés constitue également une difficulté importante et ne semble pouvoir être résolu qu’au cas par cas. Une négociation en cours entre Israël et les États-Unis visant à une reconnaissance mutuelle d’un visa « investisseurs » offre à moyen terme l’occasion d’étendre de telles dispositions à la France, dans un cadre de réciprocité.

Encore considéré comme un pays en développement dans le cadre de l’Accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP), l’accès à ces marchés par les entreprises étrangères peut encore se révéler contraignant. En effet et bien que membre de l’OCDE, Israël bénéficie toujours d’une dérogation pour imposer des compensations dans le cadre de la commande publique, y compris civile. Celles-ci sont demandées de manière systématique dans le cas de grands contrats et peuvent prendre la forme de sous-traitance locale, d’investissements sur le marché local, d’activités de R&D, de transfert de savoir-faire, ou d’achats des biens fabriqués en Israël. Le pays a néanmoins signé en avril 2014  la révision de l’AMP, qui prévoit la diminution progressive de ce type d’opération à partir de 2019. Cette évolution ne devrait pas pour autant conduire à la disparition totale des compensations, Israël ayant posé des exceptions importantes aux champs d’application lors de la signature de l’accord.

 

3. Le cadre légal est globalement favorable aux investissements étrangers

Israël n’a pas mis en place une législation propre au contrôle des investissements directs étrangers. De manière générale, le pays est ouvert aux investissements étrangers et, à quelques réserves près, est compatible avec les principes des codes de libéralisation et la déclaration sur les investissements internationaux et les entreprises multinationales de l’OCDE[6]. D’un côté, le gouvernement israélien a adopté plusieurs réformes pour  ouvrir certains monopoles publics à la concurrence (ports, aéroports, production d’électricité, etc.) ou renforcer la concurrence et diminuer la concentration de l’économie (notamment en restreignant le contrôle par un même consortium d’activités bancaires et réelles) qui entraînent des cessions d’acteurs importants dans des secteurs à fort enjeu du point de vue de l’économie israélienne. Mais de l’autre côté, des limitations quant aux investissements étrangers existent et concernent plusieurs champs : les entreprises d’importance pour la sécurité nationale, les entreprises publiques, l’acquisition de terrains et d’immobilier (ou de droits d’usage) par une entreprise étrangère est soumis à un régime d’autorisation préalable ;dans les services financiers, notamment la banque et l’assurance, une autorisation préalable du superviseur est requise pour l’acquisition de plus de 5% d’un acteur présent sur le marché ; si le dispositif s’applique également aux entités israéliennes, c’est en pratique un outil de contrôle des investissements étrangers (par exemple chinois) ;dans les réseaux, des restrictions légales existent quant au niveau de détention maximal par des entités ou individus non israéliens d’opérateurs licenciés (transport aérien et maritime, télécommunications, électricité).

Vu que l’accord bilatéral entre la France et Israël sur le traitement et la protection réciproque des investissements qu’avait été signé en 1983 a expiré en 1995, et que l’accord de libre-échange avec l’UE ne contient pas des chapitres ni sur les services ni les investissements, le renouvellement de cet accord devrait incorporer le sujet à la base de l’accord de protection réciproque des investissements signé récemment entre l’Israël et le Japon. Cela dit, l’activité des acteurs économiques français en Israël n’a pas connu des limitations particulières dans ce domaine. 

 

Propriété intellectuelle

 

La protection de la propriété intellectuelle en Israël a connu des progrès significatifs au cours des dernières années. Israël poursuit par exemple sa progression au classement « Global Competitiveness Report[1] » du Forum Economique Mondial et occupe le 16e rang pour la période 2017-2018 soit un gain de 11 places en 1 an. L’indicateur consacré à la Propriété Intellectuelle dans le pays est de 5,9/7 (+0,9 par rapport au précédent rapport), et l’essentiel du droit positif israélien est aligné sur les standards internationaux en la matière. Selon le rapport du Ministère des Sciences qui a été publié en août 2018, Israël se situe par ailleurs au 5ème rang en 2018 pour le nombre de dépôts de brevets par tête, (après le Japon, la Suède, la Suisse et la Corée du Sud) Bien que l’ILPO n’ait pas publié de rapport depuis 2016, les professionnels s’accordent pour constater des progrès dans le traitement des dossiers et le raccourcissement des délais.

Plusieurs avancées peuvent être signalées depuis la dernière enquête :

  • Après avoir rejoint en juin 2017 la base de données harmonisée des produits et des services TM Class, l’Office Israélien des Brevets (ILPO) met depuis le 14 mai 2018 ses données à la disposition de l'outil de recherche TM View. Ces réalisations ainsi que l’ajout de la langue hébraïque dans cette base de données résultent d'une étroite collaboration avec l’Office de l'Union européenne de la propriété intellectuelle (EUIPO).
  • Entrée en vigueur le 7 août 2018, une loi modernise le droit positif israélien en matière de dessins et modèles. La durée de protection maximale des dessins et modèles passe de 15 à 25 ans (18 années pour les dessins et modèles déjà enregistrés) et la notion de droits portant sur un dessin ou modèle non-enregistrée sera introduite pour offrir une protection de 3 années. Un mécanisme de compensation sans preuve du dommage pourra permettre au titulaire des droits d’obtenir jusqu’à 100k NIS (25k€) en cas de contrefaçon. Enfin, la loi permettra aux douanes israéliennes d’agir en cas d’importation de marchandises contrefaites et requalifiera en crime (felony) l’atteinte aux droits portant sur un dessin ou modèle. Ces améliorations devraient permettre à Israël de rejoindre l’Arrangement de La Haye concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels.

Certaines lacunes persistent néanmoins :

  • Les indications géographiques sont absentes de l’écosystème israélien : bien qu’Israël soit membre de l’Arrangement de Lisbonne, une seule AO israélienne, datant de 1968, est reconnue au niveau international ce qui porte indirectement préjudice aux AO françaises commercialisées en Israël et auxquelles les consommateurs pourraient être plus sensibles.

    Depuis le départ du représentant en Israël de l’INPI et le séminaire ENPARD sur les indications géographiques qui a été co-organisé par la Délégation Européenne le 7 mars 2018 au ministère israélien de l’Agriculture, en présence d’experts français notamment, aucune activité n’est à noter dans ce domaine.

  • Israël reste l’un des rares pays de l’OCDE à ne pas avoir ratifié les traités Internet de l’OMPI (le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes).

Les professionnels locaux déplorent notamment l’absence de mesures pénales plus dissuasives, la non-application de la loi, les importations parallèles (notamment la possibilité d’acheter des médicaments sur internet) et de longues chaines d’approvisionnement insuffisamment surveillées créent des conditions favorables pour la contrefaçon. Certains nous ont confié que les juges n’ont par ailleurs aucune sensibilisation particulière au droit de la propriété intellectuelle ce qui constitue un problème, notamment en matière de Droit des brevets.

Le rapport du cabinet Luzzatto[2] pour 2018 présente différentes pistes d’amélioration ; notamment une augmentation du budget et des ressources humaines des autorités compétentes, la nécessité de mieux sensibiliser le grand public aux dangers de la contrefaçon et l’adoption de nouvelles technologies pour surveiller et contrôler les produits commercialisés.

 


[1] World Trade Organization, Trade Policy Review: Report by the Secretariat: Israël, 12 June 2018. 

[2] A noter que 67% de la totalité des tarifs sont hors taxe, et seulement 3,7% vont au-delà de 20%.

[3] Par exemple, la désignation pour chaque entreprise d’une « personne responsable », qui serait une personne physique plutôt qu’une entité légale, comme le permet la régulation UE ou encore l’obligation d’apposer un code barre spécifique sur les produits concernés, qui n’existe pas dans le cadre UE.

[4] OCDE, Revue économique d’Israël 2016, p. 63.      

[5] Dans le cadre de l’AGSC, Israël est signataire du quatrième et cinquième protocole sur les services de télécommunications et les services financiers respectivement. World Trade Organization, Trade Policy Review: Israel, June 2018, p. 86.

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