Présentation de l’économie irlandaise

Avec une population de 5 millions d’habitants, l’économie irlandaise se caractérise par sa très forte ouverture internationale (investissements étrangers et exportations) ; l’activité des entreprises multinationales représente ainsi plus de la moitié de la valeur ajoutée produite sur le territoire. En dépit du deuxième PIB/habitant le plus élevé de l’UE en 2021 et d’un système financier largement assaini après la crise de 2008, le pays continue de faire face à des difficultés structurelles, notamment liées au déficit d’infrastructures (logement, santé, transports publics).

L’économie irlandaise a bénéficié d’un rattrapage extrêmement rapide depuis les années 1990, discontinué mais pas interrompu par la crise financière de 2008.

En 1973, l’Irlande était un pays pauvre situé à la périphérie de l’Europe des 9 qu’elle venait d’intégrer : son PIB/habitant s’établissait à un peu moins des deux tiers de la moyenne européenne. Outre l’entrée dans le marché intérieur et les transferts communautaires (25 Md€ entre 1973-1999), sa forte ouverture internationale – soutenue par une politique fiscale attractive – ont permis la convergence accélérée du pays, avec un taux de croissance moyen à 8% entre 1993 et 2006, période qui lui a valu le surnom de « Tigre celtique ». Dès le début des années 2000, ce dynamisme conjugué au développement rapide du crédit a alimenté une bulle immobilière ainsi qu’une hausse généralisée des coûts et des salaires. L’éclatement de cette bulle fin 2007, aggravé par le déclenchement de la crise financière mondiale l’année suivante, a plongé l’Irlande dans une profonde récession (-7,6% en 2009). Contrainte de restructurer et de recapitaliser ses banques avec l’aide des institutions financières internationales, l’Irlande a mis en œuvre des mesures de consolidation budgétaire drastiques, ayant eu d’importantes conséquences en termes d’infrastructures et de services publics.

Le retour progressif à une dynamique positive en matière de croissance et d’emploi a permis à l’Irlande d’entrer dans la pandémie avec des fondamentaux consolidés : le taux de chômage atteignait 4,8% de la population début 2020 (contre 16,1% en 2012), tandis que le PIB progressait de 5,6% sur l’année 2019. Il convient toutefois de garder à l’esprit la difficile intégration statistique du poids des multinationales implantées en Irlande et y consolidant une large partie de leurs revenus mondiaux, procédure comptable n’ayant que peu d’incidence sur l’activité économique locale.   

L’économie irlandaise a correctement résisté à la pandémie, mais souffre des conséquences de la guerre en Ukraine et – dans une moindre mesure – des incertitudes liées au Brexit.

En l’espace de deux ans, l’Irlande a été confrontée à la pandémie, à la sortie du Royaume-Uni de l’UE et, plus récemment, aux effets induits par l’invasion russe en Ukraine. Face à la crise sanitaire, l’économie s’est montrée très résiliente, sinon performante, grâce à la croissance des exportations des multinationales très productives dans l’industrie de la chimie-pharmacie et les services de l’information et la communication. Profitant de taux de croissance enviables dans un tel contexte (13,5% en 2021 et 5,9% en 2020), le gouvernement a néanmoins été contraint d’appliquer des restrictions sanitaires parmi les plus strictes au monde compte-tenu, notamment, de l’insuffisance de ses infrastructures de santé. Les entreprises servant le marché national, de leur côté, ont subi la contraction de la demande intérieure (-10,4% pour la consommation finale privée et -22,1% pour l’investissement en 2020) pendant les phases de confinement répétées. 70% des salariés dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration étaient ainsi encore indemnisés par le dispositif de chômage partiel fin février 2022.

À court terme, l’effet rebond de la demande post-pandémie est contrebalancé par les effets de l’invasion russe en Ukraine. Principal canal de transmission du conflit, la hausse du prix des matières premières conduit l’inflation à des niveaux records (projection de 6,2% en 2022), renchérissant un coût de la vie déjà parmi les plus élevés d’Europe (l’indice global du niveau des prix était 40% au-dessus de la moyenne de l’UE-27 en Irlande en 2020, le deuxième plus élevé après le Danemark).

Par ailleurs, les difficultés liées à l’application du protocole nord-irlandais engendrent un nombre important d’incertitudes pour les agents économiques irlandais, plus d’un an après la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE. Le gouvernement a très tôt anticipé et accompagné les acteurs les plus exposés qui demeurent éligibles à des mécanismes de soutien financier, via notamment les crédits issus de la Réserve d’ajustement Brexit au titre de laquelle l’Irlande obtiendra près d’1 Md€, soit 1/5 de l’enveloppe européenne totale.

À long terme, le défi structurel lié à la saturation des infrastructures et des équipements dans le logement, les transports, la santé ou encore l’éducation menace l’attractivité de l’Irlande vis-à-vis des IDE, et est un véritable enjeu de compétitivité pour le pays. En matière de logement, l’accroissement du parc immobilier progresse moins vite que celui de la population et l’écart se creuse de façon significative depuis près de quinze ans, alimentant une hausse des prix sur le marché immobilier irlandais. On estime à 28 000 le besoin en logements neufs par an sur la période 2018-2040, compte-tenu de la croissance démographique et de la dynamique migratoire. Si le gouvernement s’est engagé, dans son programme, à financer les investissements dont le pays a besoin, le niveau de la dette publique post-crise sanitaire (106% du GNI*), le resserrement de la politique monétaire de la BCE et la hausse des taux d’intérêt qui l’accompagne favorisent l’émergence de pressions concurrentes en termes de politiques publiques.

L’amélioration conjoncturelle des finances publiques et l’assainissement du système financier irlandais ont permis au gouvernement et aux banques d’endosser un rôle essentiel dans le soutien à l’économie ces dernières années.

La croissance soutenue de l’activité économique, la faiblesse des taux d’intérêt et, surtout, la progression exceptionnelle de la collecte de l’impôt sur les sociétés (IS) – qui a triplé entre 2014 et 2020 grâce à la relocalisation en Irlande des actifs des multinationales – ont permis de poursuivre, sans mesures supplémentaires, la réduction du déficit public. Mi-2016, l’Irlande est ainsi, conformément au calendrier prévu, sortie officiellement de la procédure pour déficit public excessif du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC). Pour la deuxième année consécutive, le pays enregistrait un excédent budgétaire en 2019 (+0,5% du PIB).

Dans le contexte, la réponse budgétaire à la crise sanitaire s’est avérée substantielle et efficace. En 2020-21, le gouvernement a déployé 30 Md€ (13,5% du GNI*) de mesures de soutien aux revenus des ménages, des entreprises, ainsi qu’à l’augmentation des capacités du système de santé irlandais, complétées de prêts garantis (5 Md€, soit 2% du GNI*) vis-à-vis desquelles les entreprises ont manifesté peu d’appétit (frilosité au crédit liée aux séquelles de la crise financière). Il a par ailleurs adopté une série de mesures d’un montant total de 2 Md€ (1% du GNI*) pour compenser l’érosion du pouvoir d’achat et l’augmentation des coûts de production qui accompagnent les pressions inflationnistes liées à la situation en Ukraine. Ces dernières comprennent notamment un plan national d’aide aux ménages (remise de 200€ sur les factures d’électricité de l’ensemble des usages, réduction du coût des services publics, etc.), une réduction temporaire des accises sur les carburants et de la TVA sur l’électricité et le gaz, ainsi que des aides plus ciblées (sur les ménages en situation de précarité énergétique et les transporteurs).

Toutefois, ces mesures discrétionnaires ont creusé la dette publique, ressortie à -106% du GNI* en 2021. La dette par habitant est l’une des plus élevées au monde, à 47 140€.

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