L'investissement direct étranger en Irlande en 2017

 

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En 2017, l’Irlande a désinvesti à hauteur de 34,5 Mds€ de l’étranger ;  les flux d’investissements étrangers en Irlande étaient également négatifs à -1,1 Md€, faisant chuter le pays dans les classements internationaux. Le stock d’ID irlandais à l’étranger, bien qu’en baisse, demeure toutefois très conséquent, à 715 Mds€, quasiment égal à celui d’IDE en Irlande (745 Mds€), soit environ 250% du PIB du pays. La France était le 6ème récipiendaire d’ID irlandais dans le monde et le 8ème investisseur de par son stock, alors que les flux redevenaient positifs dans les deux sens. L’entrée en vigueur de la réforme fiscale américaine fin 2017 pourrait réduire l’attractivité de l’Irlande aux yeux des multinationales : les premières données disponibles pour le 1er semestre 2018 semblent ainsi faire état d’une réduction des flux d’ID entre les deux pays.   

1.   L’Irlande conserve une place de premier plan en termes de stock d’IDE en 2017 malgré une forte diminution des flux, qui deviennent négatifs dans les deux sens

Selon les autorités statistiques irlandaises (CSO), les flux d’investissements irlandais sortants étaient fortement négatifs (-34,5 Mds€, dont -65,0 Mds€ de fonds propres) en 2017, notamment en raison d’un désinvestissement de -92 Mds€ au Luxembourg. Selon les données disponibles[1], les flux d’investissements en fonds propres irlandais avaient pour principales destinations le Royaume-Uni (+713 M€), le Canada (+252 M€) et l’Allemagne (+60 M€). L’Irlande chute ainsi dans les classements internationaux, passant du 9ème investisseur mondial en 2016 au 20ème en 2017 selon l’UNCTAD et du 5ème au 176ème selon l’OMC[2].

Le stock total d’investissements irlandais à l’étranger était le 11ème plus important au monde en 2017[3], gagnant une place par rapport à l’année précédente. Le CSO évalue le stock total d’ID irlandais à plus de 715 Mds€ (près de 3,0% du stock mondial) – la grande majorité étant constituée de fonds propres et de bénéfices réinvestis (645 Mds€). 60% des investissements en fonds propres étaient localisés dans l’UE, dont plus de la moitié (56%) au Luxembourg : il peut s’agir d’actifs financiers détenus au Luxembourg par des sociétés britanniques ou américaines ayant établi leur siège fiscal en Irlande. Les Etats-Unis étaient les seconds récipiendaires d’investissements en fonds propres irlandais (110 Mds€, soit 17%) suivis du Royaume-Uni (75 Mds€, soit 11,5%). La France se situait en 6ème position (inchangée depuis 2016). Par ailleurs, 52 Mds€ de fonds propres et de bénéfices réinvestis irlandais étaient localisés dans les centres offshores, soit 8% du total. 

Les flux d’IDE totaux à destination de l’Irlande étaient négatifs en 2017 (-1,1 Mds€) en raison de d’importants désinvestissements en fonds propres (-35,5 Mds€ contre +98,0 Mds€ en 2016). La relocalisation de brevets de propriété intellectuelle en Irlande s’est en effet avérée nettement plus faible en 2017 qu’en 2015 et 2016 : l’investissement en actifs incorporels a diminué de moitié entre 2016 et 2017. Selon l’UNCTAD, le pays était la 15ème destination d’IDE dans le monde, tandis que l’OMC le classait 192ème. Les Pays-Bas (+30 Mds€) et le Luxembourg (+23 Mds€) étaient les principaux investisseurs en Irlande tout ID confondus. On observe toutefois un désinvestissement des Etats-Unis de - 19 Mds€ de fonds propres (-60 Mds€ d’ID totaux) et les données, bien que jugées confidentielles par le CSO, suggèrent un désinvestissement significatif des Bermudes (-21 Mds€ de l’Amérique centrale et -16 Mds€ des « centres offshore »).

Le stock d’IDE en Irlande était de près de 745 Mds€ en 2017, en diminution par rapport à 2016 (800 Mds€).  La grande majorité était constituée d’IDE en fonds propres et en bénéfices réinvestis (672 Mds€), en baisse par rapport à 2016 (706 Mds€). Le Luxembourg était le premier investisseur en fonds propres (149 Mds€), suivi des centres offshores (147 Mds€), des Etats-Unis (77 Mds€) et des Pays-Bas (61 Mds€). Dans la limite des données disponibles, la France était le 8ème investisseur en Irlande (inchangé depuis 2016), avec un encours de fonds propres de 16 Mds€. L’origine des stocks d’IDE en Irlande est toutefois différente selon que l’on examine les stocks en application de la règle de l’investisseur immédiat ou de celle de l’investisseur ultime. Selon règle de l’investisseur immédiat, les Etats-Unis étaient le premier investisseur en Irlande (tout investissement confondus) à près de 180 Mds€, suivi des centres offshore (143 Mds€), des Pays-Bas (100 Mds€), du Luxembourg (92 Mds€) et de la Suisse (74 Mds€). Selon la règle de l’investisseur ultime en revanche, les Etats-Unis demeurent les premiers investisseurs en Irlande mais avec un stock près de 3 fois plus important, à 520 Mds€. La différence constatée avec la nationalité des « investisseurs immédiats » suggère que des sociétés américaines investissent en Irlande depuis leurs filiales basées principalement dans les centres offshores, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Par ailleurs, l’Irlande apparait comme le deuxième investisseur ultime en Irlande (93 Mds€), ce qui traduit, selon le CSO, les pratiques d’inversion fiscale d’entreprises américaines ayant établi leur siège fiscal en Irlande

2.  L’année 2017 a été marquée par des flux positifs d’ID bilatéraux dans les deux sens

Selon la Banque de France, les flux d’investissements irlandais en France ont atteint +0,9 Md€ en 2017 (contre - 0,5 Md€ en 2016), principalement du fait des autres opérations de financement intra-groupes (+0,7 Mds€), loin devant les fonds propres (+0,2 Mds€). Ces investissements ont majoritairement concerné les services (+0,8 Mds€), dont les activités immobilières (+0,9 Mds€), l’assurance (+0,2 Mds€) et l’édition et la programmation informatique (+0,2 Mds€). Des désinvestissements ont eu lieu dans les services financiers hors assurance et retraites (- 0,3 Mds€) et les sociétés holding (- 0,2 Mds€). Dans le secteur industriel, les investissements se sont concentrés dans l’industrie pharmaceutique (+0,3 Mds€).

Le stock net d’ID irlandais en France était en hausse de plus de 30% en 2017, s’établissant à 4,9 Mds€. Les investissements en fonds propres irlandais (4,8 Mds€) se sont concentrés dans les activités immobilières (2,7 Mds€) et les activités financières et d’assurance (0,9 Md€).

300 entreprises irlandaises employaient plus de 20 000 salariés en France (source Eurostat), dont la société de conseil Accenture, premier employeur irlandais en France, avec 6 000 salariés, et l’entreprise papetière Smurfit Kappa (5 500), présente en France depuis 1994 sur 50 sites industriels. Le groupe cimentier CRH, en France depuis 1996, employait 3 350 personnes, tandis que l’entreprise de distribution de vêtements Primark, basée à Dublin, créait plus de 4 000 emplois. Peuvent être également cités le groupe spécialiste en appareils électroniques et de chauffage Glen Dimplex (1 500 employés), le spécialiste de l’emballage rigide Ardagh Packaging (1200 employés), le leader mondial de l’isolation Kingspan (800 salariés), le groupe alimentaire Kerry Group (500 salariés), ainsi que la holding DCC et le groupe informatique Experian.

En 2017, Business France a soutenu 17 projets d’investissements[4] irlandais en France, créant ou maintenant 279 emplois. 53 % des projets accompagnés en 2017 concernaient des activités de production et près d’un tiers (27%) ont été réalisés en Occitanie. Les entreprises irlandaises sont majoritairement implantées dans les régions Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France. Les principaux projets en 2018 sont (1) l’investissement de 2 M€ par Smurfit Kappa dans son usine de Lys-Lez-Lannoy dans les Hauts-de-France (créations de 20 emplois en 2017 et 10 supplémentaires en 2018) ; (2) Avanade, filiale d’Accenture spécialisée dans la transformation digitale et l’intégration de solutions logiciels Microsoft, a renforcé sa présence en région Auvergne-Rhône-Alpes (recrutement de 20 personnes à Lyon et de 10 à Clermont-Ferrand).

Sur la même période et selon la Banque de France, les flux d’investissement français en Irlande ont atteint 3,1 Mds€ (contre - 2,1 Mds€ en 2016), principalement par du fait d’opérations de financement intra-groupes (+2 Mds€) – les investissements en capitaux propres et les bénéfices réinvestis représentant 0,5Mds€ chacun. Les ID français ont concerné en majorité les services (+3,4 Mds€), notamment la publicité (+2 Mds€), les activités auxiliaires de services financiers et d'assurance (+0,5 Mds€), les activités de location et location-bail (+0,1 Mds€) et les télécommunications (+0,1 Mds€). Dans l’industrie, les principaux flux se sont répartis entre la pharmacie (+0,3 Mds€) et la métallurgie (+0,3 Mds€). A l’inverse, on relève un désinvestissement net dans le secteur agroalimentaire (- 0,7 Mds€).

En 2017, le stock net d’ID français en Irlande s’est accru de près de 20%, s’établissant à 22,2 Mds€ (dont 24,3 Mds€ de capitaux propres). Les investissements français se concentrent dans les activités financières et d’assurance (9,7 Mds€), l’industrie agro-alimentaire (5,2 Mds€) et les TIC (4,2 Mds€).

L’enquête OFATS (Outward Foreign Affiliates Statistics) dénombrait, en 2015, 361 filiales d’entreprises françaises en Irlande employant plus de 12 000 personnes pour un chiffre d’affaires global de 12 Mds€. La plus grande partie des entreprises se concentrait dans le secteur des services (243 sociétés employant près de 6 000 personnes). Plusieurs établissements français sont implantés dans le centre de services financiers internationaux de Dublin : BNP Paribas, Société Générale, Caceis (filiale du Crédit Agricole) et Amundi, ainsi qu’Airbus Financial Services. Les grands acteurs français de l’assurance sont également présents à Dublin : AXA, CACI (Crédit Agricole), Coface, Euler Hermes et SCOR. Le secteur agroalimentaire est représenté par Danone et Pernod Ricard (qui a fait l’acquisition en 1988 d’Irish Distillers, propriétaire de la marque de whisky Jameson). Dans les industries manufacturières, la pharmacie est le principal secteur d’activité avec Servier et Sanofi, installé en Irlande depuis 1989. Parmi les autres industries manufacturières, Essilor, Valéo et Saint-Gobain possèdent des investissements en Irlande. Dans le secteur de l’énergie et des services aux collectivités, Schneider Electric et Veolia sont d’importants acteurs du marché local. La présence française est également significative dans le secteur des services (Mazars, Publicis Media, Hopscotch, Sodexo), des transports (Alstom, Transdev, Egis, Geodis, Touax, Le Petit Forestier) et de l’aménagement urbain (JC Decaux International).

3.   La réforme fiscale américaine aurait réduit les flux d’investissements américains en Irlande au premier semestre 2018, ce qui pourrait constituer une menace pour le modèle économique du pays

La place privilégiée de l’Irlande pour l’attraction des IDE repose avant tout sur son environnement fiscal avantageux (taux d’IS à 12,5% et facilité d’établir des montages fiscaux à des fins d’optimisation). La République est ainsi le « hub » européen de nombreuses entreprises multinationales, notamment américaines, principalement dans les secteurs de l’informatique (ex. Apple, Google, Facebook) et pharmaceutique. Il en résulte une dépendance croissante de l’Irlande, aux investissements étrangers, qui représentaient en 2017 plus de 250% de son PIB, près de 60% de la valeur ajoutée du pays et plus d’un cinquième de l’emploi dans le secteur privé (emplois directs et indirects).

Selon le FMI et la plupart des cabinets juridiques et de conseils en Irlande, la réforme américaine, baptisée « Tax Cut and Jobs Act » (TCJA) n’aurait pas d’impact majeur sur l’attractivité de l’Irlande. Malgré le renforcement du caractère territorial de la fiscalité américaine, malgré la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés de 35% à 21% et l’application d’une taxe au taux unique de 15,5% aux profits générés à l’étranger et rapatriés sur le sol américain, le régime fiscal irlandais, avec son taux d’IS nominal à 12,5% demeurerait plus compétitif. Les entreprises s’acquittant d’un IS supérieur à 10% dans un pays tiers ne sont par ailleurs pas redevables aux Etats-Unis.

Les premières données disponibles font toutefois état d’une baisse significative des flux d’investissement entre l’Irlande et les Etats-Unis au premier semestre 2018, largement imputable au rapatriement de profits accumulés à l’étranger par les FMN sur le sol américain, selon l’UNCTAD. Selon les données publiées par cette dernière, les flux de capitaux entrants d’ID américains en Irlande ont diminué de 69 Mds€ au S1 2018, s’établissant à -64 Mds€ contre +5 Mds€ au S1 2017. Selon les données du CSO, la balance des paiements irlandaise affiche un flux entrant négatif de plus de -60 Mds€ de fonds propres avec le reste du monde au S1 2018. Parallèlement, on observe un désinvestissement massif en fonds propres de l’Irlande vers le reste du monde de -70 Mds€ au S1 2018. Or, une part importante des ID irlandais vers les pays tiers (dont les Etats-Unis) correspond à des investissements légalement domiciliés dans le pays via des véhicules financiers mais dont l’investisseur ultime est une société américaine. L’un des effets potentiel du TCJA pourrait être un débouclage de ces structures, réduisant ainsi à la fois les flux entrants et les flux sortants.

S’agissant des IDE, le Brexit a un effet positif à court terme. Selon l’agence publique de promotion de l’investissement (IDA Ireland), l’Irlande aurait bénéficié de 55 nouveaux investissements directement liés au Brexit en 2018 qui devraient créer plus de 4 500 emplois. Ces projets concernent principalement les secteurs financier (Bank of America Merrill Lynch, Barclays, Citi Group, Thomson Reuters…), pharmaceutique (Central Pharma, Wasdell…) et juridique (Legal & General, Simmon & Simmon, Pinsent Masons…). A plus long terme, l’effet du Brexit est plus incertain dans la mesure où une « sortie sèche » du Royaume-Uni déstabiliserait profondément l’économie irlandaise.

 

*          *          *

Commentaire : Malgré des flux en baisse en 2017, l’Irlande demeure un pays particulièrement attractif aux yeux des investisseurs, y compris français. L’environnement des affaires irlandais va cependant devoir faire face à d’importants défis : plein effet de la réforme fiscale américaine, intensification du débat européen sur la fiscalité des multinationales, effet incertain du Brexit sur l’investissement à plus long terme. Répondre à ces défis obligera l’Irlande à adapter sa stratégie d’attractivité et à mieux prendre en compte des critères non fiscaux pour lesquels ses performances accusent un retard certain par rapport à ses concurrents européens (compétitivité-coût, qualité des infrastructures, productivité des entreprises hors multinationales).



[1] Pour raisons de confidentialité, le CSO ne communique pas la répartition par catégorie des flux d’ID vers plusieurs pays, dont la France, la Suisse, les Pays-Bas, la Chine et Hong-Kong.

[2] Les méthodologies utilisées par le CSO, l’UNCTAD et l’OMC étant différentes, les résultats divergent significativement

[4] Business France, Rapport sur l’internationalisation de l’économie française – Bilan 2017 des IDE en France

 

 


 

 

ANNEXE

 
1.1 – Encadré : Distorsions comptables des IDE de et vers l’Irlande

Impact des restructurations des firmes multinationales sur les IDE de et vers l’Irlande 

Les opérations de domiciliation fiscale (« redomiciled PLCs » et inversions fiscales) gonflent artificiellement le côté « actifs » de la position d’investissement irlandaise. Les « redomiciled PLCs », notamment, sont des entreprises qui déplacent leur siège fiscal en Irlande, afin d’y transférer leurs profits et de bénéficier d’un taux d’impôts sur les sociétés (IS) plus faible, sans y mener une véritable activité économique. Dans le cas des inversions fiscales, une société irlandaise fusionne avec une entreprise de taille bien plus importante, et le siège de la nouvelle entité est établi en Irlande. Dans les deux cas, les actifs situés dans les pays où ces entités mènent principalement leurs opérations deviennent des actifs irlandais localisés à l’étranger, ce qui a pour effet d’augmenter le stock des ID de l’Irlande à l’étranger (sans toutefois apparaître en tant que flux). Les « redomiciled PLCs » et les inversions ont un impact notable sur les comptes nationaux irlandais depuis le début des années 2010, mouvement qui s’est considérablement accéléré en 2015.

Les données sur les IDE sont ainsi très affectées par l’activité des entreprises multinationales. On constate en particulier une évolution similaire des flux d’ID entrants et sortants (voir graphique 2.1 ci-dessous). Les flux entrants ont considérablement augmenté en 2015 du fait des relocalisations de portefeuilles d’actifs de propriété intellectuelle en Irlande. Ces actifs ont entraîné, les années suivantes, une augmentation significative des bénéfices non distribués, lesquels sont comptabilisés comme des flux entrants. La « maison-mère » étrangère peu également choisir de financer la filiale irlandaise par le biais de prêts intra-groupes, également comptabilisés comme flux entrants. L’importance symétrique s’explique par le réinvestissement à l’étranger des bénéfices accumulés (le passage par l’Irlande servant uniquement à défiscaliser) ainsi que par les opérations dites « d’inversion fiscale » (par lesquelles un groupe étranger transfère sa résidence fiscale en Irlande au moyen d’une prise de contrôle fictive dudit groupe par une entité irlandaise).

 

1.2 – Encadré : Définitions des trois grandes catégories d’IDE

Les investissements en capital social ou « capitaux propres » : ce poste recouvre les prises de participation de plus de 10% dans des sociétés. Il comprend également les souscriptions aux augmentations de capital et les dotations de succursales. Il inclut également les investissements immobiliers ;

Les bénéfices réinvestis : il s’agit de la partie non distribuée et mise en réserve des résultats opérationnels courants des filiales et des autres participations à l’étranger. Elle est prise en compte à hauteur de la quote-part du capital social détenu par l’investisseur ;

Les « autres opérations » ou « prêts entre affiliés » : il s’agit (i) des prêts entre les investisseurs directs et les entreprises dans lesquelles ils ont investi et (ii) des prêts entre entreprises appartenant à un même groupe situées dans des pays différents, même lorsqu’elles n’ont pas de lien en capital social. Toutes les opérations de prêts n’y sont toutefois pas retracées : malgré les recommandations du FMI, les prêts obligataires et les crédits commerciaux restent à ce jour retracés au sein des investissements de portefeuille et des crédits commerciaux donc dans d’autres rubriques de la balance des paiements.

A noter que les revenus des IDE sont enregistrés dans un autre poste de la balance des paiements, au sein de la balance courante.

Source : Direction Générale du Trésor


2 – Investissements directs à l’étranger

 a

b

c

d

3 - Comparaison des stocks d’IDE en Irlande selon la règle de l’investisseur immédiat et de l’investisseur ultime

e

4 - Les investissements bilatéraux entre la France et l'Irlande

f

g

h

 i
 

 

L’Irlande conserve une place de premier plan en termes de stock d’IDE en 2017 malgré une forte diminution des flux, qui deviennent négatifs dans les deux sens

Selon les autorités statistiques irlandaises (CSO), les flux d’investissements irlandais sortants étaient fortement négatifs (-34,5 Mds€, dont -65,0 Mds€ de fonds propres) en 2017, notamment en raison d’un désinvestissement de -92 Mds€ au Luxembourg. Selon les données disponibles[1], les flux d’investissements en fonds propres irlandais avaient pour principales destinations le Royaume-Uni (+713 M€), le Canada (+252 M€) et l’Allemagne (+60 M€). L’Irlande chute ainsi dans les classements internationaux, passant du 9ème investisseur mondial en 2016 au 20ème en 2017 selon l’UNCTAD et du 5ème au 176ème selon l’OMC[2].

Le stock total d’investissements irlandais à l’étranger était le 11ème plus important au monde en 2017[3], gagnant une place par rapport à l’année précédente. Le CSO évalue le stock total d’ID irlandais à plus de 715 Mds€ (près de 3,0% du stock mondial) – la grande majorité étant constituée de fonds propres et de bénéfices réinvestis (645 Mds€). 60% des investissements en fonds propres étaient localisés dans l’UE, dont plus de la moitié (56%) au Luxembourg : il peut s’agir d’actifs financiers détenus au Luxembourg par des sociétés britanniques ou américaines ayant établi leur siège fiscal en Irlande. Les Etats-Unis étaient les seconds récipiendaires d’investissements en fonds propres irlandais (110 Mds€, soit 17%) suivis du Royaume-Uni (75 Mds€, soit 11,5%). La France se situait en 6ème position (inchangée depuis 2016). Par ailleurs, 52 Mds€ de fonds propres et de bénéfices réinvestis irlandais étaient localisés dans les centres offshores, soit 8% du total. 

Les flux d’IDE totaux à destination de l’Irlande étaient négatifs en 2017 (-1,1 Mds€) en raison de d’importants désinvestissements en fonds propres (-35,5 Mds€ contre +98,0 Mds€ en 2016). La relocalisation de brevets de propriété intellectuelle en Irlande s’est en effet avérée nettement plus faible en 2017 qu’en 2015 et 2016 : l’investissement en actifs incorporels a diminué de moitié entre 2016 et 2017. Selon l’UNCTAD, le pays était la 15ème destination d’IDE dans le monde, tandis que l’OMC le classait 192ème. Les Pays-Bas (+30 Mds€) et le Luxembourg (+23 Mds€) étaient les principaux investisseurs en Irlande tout ID confondus. On observe toutefois un désinvestissement des Etats-Unis de - 19 Mds€ de fonds propres (-60 Mds€ d’ID totaux) et les données, bien que jugées confidentielles par le CSO, suggèrent un désinvestissement significatif des Bermudes (-21 Mds€ de l’Amérique centrale et -16 Mds€ des « centres offshore »).

Le stock d’IDE en Irlande était de près de 745 Mds€ en 2017, en diminution par rapport à 2016 (800 Mds€).  La grande majorité était constituée d’IDE en fonds propres et en bénéfices réinvestis (672 Mds€), en baisse par rapport à 2016 (706 Mds€). Le Luxembourg était le premier investisseur en fonds propres (149 Mds€), suivi des centres offshores (147 Mds€), des Etats-Unis (77 Mds€) et des Pays-Bas (61 Mds€). Dans la limite des données disponibles, la France était le 8ème investisseur en Irlande (inchangé depuis 2016), avec un encours de fonds propres de 16 Mds€. L’origine des stocks d’IDE en Irlande est toutefois différente selon que l’on examine les stocks en application de la règle de l’investisseur immédiat ou de celle de l’investisseur ultime. Selon règle de l’investisseur immédiat, les Etats-Unis étaient le premier investisseur en Irlande (tout investissement confondus) à près de 180 Mds€, suivi des centres offshore (143 Mds€), des Pays-Bas (100 Mds€), du Luxembourg (92 Mds€) et de la Suisse (74 Mds€). Selon la règle de l’investisseur ultime en revanche, les Etats-Unis demeurent les premiers investisseurs en Irlande mais avec un stock près de 3 fois plus important, à 520 Mds€. La différence constatée avec la nationalité des « investisseurs immédiats » suggère que des sociétés américaines investissent en Irlande depuis leurs filiales basées principalement dans les centres offshores, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Par ailleurs, l’Irlande apparait comme le deuxième investisseur ultime en Irlande (93 Mds€), ce qui traduit, selon le CSO, les pratiques d’inversion fiscale d’entreprises américaines ayant établi leur siège fiscal en Irlande.

 

L’année 2017 a été marquée par des flux positifs d’ID bilatéraux dans les deux sens

Selon la Banque de France, les flux d’investissements irlandais en France ont atteint +0,9 Md€ en 2017 (contre - 0,5 Md€ en 2016), principalement du fait des autres opérations de financement intra-groupes (+0,7 Mds€), loin devant les fonds propres (+0,2 Mds€). Ces investissements ont majoritairement concerné les services (+0,8 Mds€), dont les activités immobilières (+0,9 Mds€), l’assurance (+0,2 Mds€) et l’édition et la programmation informatique (+0,2 Mds€). Des désinvestissements ont eu lieu dans les services financiers hors assurance et retraites (- 0,3 Mds€) et les sociétés holding (- 0,2 Mds€). Dans le secteur industriel, les investissements se sont concentrés dans l’industrie pharmaceutique (+0,3 Mds€).

Le stock net d’ID irlandais en France était en hausse de plus de 30% en 2017, s’établissant à 4,9 Mds€. Les investissements en fonds propres irlandais (4,8 Mds€) se sont concentrés dans les activités immobilières (2,7 Mds€) et les activités financières et d’assurance (0,9 bMd€).

300 entreprises irlandaises employaient plus de 20 000 salariés en France (source Eurostat), dont la société de conseil Accenture, premier employeur irlandais en France, avec 6 000 salariés, et l’entreprise papetière Smurfit Kappa (5 500), présente en France depuis 1994 sur 50 sites industriels. Le groupe cimentier CRH, en France depuis 1996, employait 3 350 personnes, tandis que l’entreprise de distribution de vêtements Primark, basée à Dublin, créait plus de 4 000 emplois. Peuvent être également cités le groupe spécialiste en appareils électroniques et de chauffage Glen Dimplex (1 500 employés), le spécialiste de l’emballage drigide Ardagh Packaging (1200 employés), le leader mondial de l’isolation Kingspan (800 salariés), le groupe alimentaire Kerry Group (500 salariés), ainsi que la holding DCC et le groupe informatique Experian.

En 2017, Business France a soutenu 17 projets d’investissements[4] irlandais en France, créant ou maintenant 279 emplois. 53 % des projets accompagnés en 2017 concernaient des activités de production et près d’un tiers (27%) ont été réalisés en Occitanie. Les entreprises irlandaises sont majoritairement implantées dans les régions Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France. Les principaux projets en 2018 sont (1) l’investissement de 2 M€ par Smurfit Kappa dans son usine de Lys-Lez-Lannoy dans les Hauts-de-France (créations de 20 emplois en 2017 et 10 supplémentaires en 2018) ; (2) Avanade, filiale d’Accenture spécialisée dans la transformation digitale et l’intégration de solutions logiciels Microsoft, a renforcé sa présence en région Auvergne-Rhône-Alpes (recrutement de 20 personnes à Lyon et de 10 à Clermont-Ferrand).

Sur la même période et selon la Banque de France, les flux d’investissement français en Irlande ont atteint 3,1 Mds€ (contre - 2,1 Mds€ en 2016), principalement par du fait d’opérations de financement intra-groupes (+2 Mds€) – les investissements en capitaux propres et les bénéfices réinvestis représentant 0,5Mds€ chacun. Les ID français ont concerné en majorité les services (+3,4 Mds€), notamment la publicité (+2 Mds€), les activités auxiliaires de services financiers et d'assurance (+0,5 Mds€), les activités de location et location-bail (+0,1 Mds€) et les télécommunications (+0,1 Mds€). Dans l’industrie, les principaux flux se sont répartis entre la pharmacie (+0,3 Mds€) et la métallurgie (+0,3 Mds€). A l’inverse, on relève un désinvestissement net dans le secteur agroalimentaire (- 0,7 Mds€).

En 2017, le stock net d’ID français en Irlande s’est accru de près de 20%, s’établissant à 22,2 Mds€ (dont 24,3 Mds€ de capitaux propres). Les investissements français se concentrent dans les activités financières et d’assurance (9,7 Mds€), l’industrie agro-alimentaire (5,2 Mds€) et les TIC (4,2 Mds€).

L’enquête OFATS (Outward Foreign Affiliates Statistics) dénombrait, en 2015, 361 filiales d’entreprises françaises en Irlande employant plus de 12 000 personnes pour un chiffre d’affaires global de 12 Mds€. La plus grande partie des entreprises se concentrait dans le secteur des services (243 sociétés employant près de 6 000 personnes). Plusieurs établissements français sont implantés dans le centre de services financiers internationaux de Dublin : BNP Paribas, Société Générale, Caceis (filiale du Crédit Agricole) et Amundi, ainsi qu’Airbus Financial Services. Les grands acteurs français de l’assurance sont également présents à Dublin : AXA, CACI (Crédit Agricole), Coface, Euler Hermes et SCOR. Le secteur agroalimentaire est représenté par Danone et Pernod Ricard (qui a fait l’acquisition en 1988 d’Irish Distillers, propriétaire de la marque de whisky Jameson). Dans les industries manufacturières, la pharmacie est le principal secteur d’activité avec Servier et Sanofi, installé en Irlande depuis 1989. Parmi les autres industries manufacturières, Essilor, Valéo et Saint-Gobain possèdent des investissements en Irlande. Dans le secteur de l’énergie et des services aux collectivités, Schneider Electric et Veolia sont d’importants acteurs du marché local. La présence française est également significative dans le secteur des services (Mazars, Publicis Media, Hopscotch, Sodexo), des transports (Alstom, Transdev, Egis, Geodis, Touax, Le Petit Forestier) et de l’aménagement urbain (JC Decaux International).

 

La réforme fiscale américaine aurait réduit les flux d’investissements américains en Irlande au premier semestre 2018, ce qui pourrait constituer une menace pour le modèle économique du pays

La place privilégiée de l’Irlande pour l’attraction des IDE repose avant tout sur son environnement fiscal avantageux (taux d’IS à 12,5% et facilité d’établir des montages fiscaux à des fins d’optimisation). La République est ainsi le « hub » européen de nombreuses entreprises multinationales, notamment américaines, principalement dans les secteurs de l’informatique (ex. Apple, Google, Facebook) et pharmaceutique. Il en résulte une dépendance Flux croissante de l’Irlande, aux investissements étrangers, qui représentaient en 2017 plus de 250% de son PIB, près de 60% de la valeur ajoutée du pays et plus d’un cinquième de l’emploi dans le secteur privé (emplois directs et indirects).

Selon le FMI et la plupart des cabinets juridiques et de conseils en Irlande, la réforme américaine, baptisée « Tax Cut and Jobs Act » (TCJA) n’aurait pas d’impact majeur sur l’attractivité de l’Irlande. Malgré le renforcement du caractère territorial de la fiscalité américaine, malgré la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés de 35% à 21% et l’application d’une taxe au taux unique de 15,5% aux profits générés à l’étranger et rapatriés sur le sol américain, le régime fiscal irlandais, avec son taux d’IS nominal à 12,5% demeurerait plus compétitif. Les entreprises s’acquittant d’un IS supérieur à 10% dans un pays tiers ne sont par ailleurs pas redevables aux Etats-Unis.

Les premières données disponibles font toutefois état d’une baisse significative des flux d’investissement entre l’Irlande et les Etats-Unis au premier semestre 2018, largement imputable au rapatriement de profits accumulés à l’étranger par les FMN sur le sol américain, selon l’UNCTAD. Selon les données publiées par cette dernière, les flux de capitaux entrants d’ID américains en Irlande ont diminué de 69 Mds€ au S1 2018, s’établissant à -64 Mds€ contre +5 Mds€ au S1 2017. Selon les données du CSO, la balance des paiements irlandaise affiche un flux entrant négatif de plus de -60 Mds€ de fonds propres avec le reste du monde au S1 2018. Parallèlement, on observe un désinvestissement massif en fonds propres de l’Irlande vers le reste du monde de -70 Mds€ au S1 2018. Or, une part importante des ID irlandais vers les pays tiers (dont les Etats-Unis) correspond à des investissements légalement domiciliés dans le pays via des véhicules financiers mais dont l’investisseur ultime est une société américaine. L’un des effets potentiel du TCJA pourrait être un débouclage de ces structures, réduisant ainsi à la fois les flux entrants et les flux sortants.

S’agissant des IDE, le Brexit a un effet positif à court terme. Selon l’agence publique de promotion de l’investissement (IDA Ireland), l’Irlande aurait bénéficié de 55 nouveaux investissements directement liés au Brexit en 2018 qui devraient créer plus de 4 500 emplois. Ces projets concernent principalement les secteurs financier (Bank of America Merrill Lynch, Barclays, Citi Group, Thomson Reuters…), pharmaceutique (Central Pharma, Wasdell…) et juridique (Legal & General, Simmon & Simmon, Pinsent Masons…). A plus long terme, l’effet du Brexit est plus incertain dans la mesure où une « sortie sèche » du Royaume-Uni déstabiliserait profondément l’économie irlandaise.



[1] Pour raisons de confidentialité, le CSO ne communique pas la répartition par catégorie des flux d’ID vers plusieurs pays, dont la France, la Suisse, les Pays-Bas, la Chine et Hong-Kong.

[2] Les méthodologies utilisées par le CSO, l’UNCTAD et l’OMC étant différentes, les résultats divergent significativement

[4] Business France, Rapport sur l’internationalisation de l’économie française – Bilan 2017 des IDE en France

 

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