CROATIE
Les investissements directs étrangers en Croatie en 2020
La Croatie a su attirer les investissements directs étrangers par un important programme de privatisations lancés à son indépendance de la Yougoslavie. En revanche, son entrée en 2013 dans l’UE n’a pas marqué d’accélération notable d’implantation de filiales étrangères. Le stock d’IDE a atteint 33 Mds€ à la fin du 3eme trimestre 2020, soit 61% du PIB et concernent principalement les secteurs de service, le secteur industriel étant modestement représenté. Malgré la crise liée à l’épidémie de Covid-19, les flux d’IDE devrait continuer à augmenter en 2020, enregistrant déjà un solde positif de 1,13 Md€, soit 2,1% du PIB sur les 3 premiers trimestres, contre environ 2,2% l’année précédente. L’Autriche, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne et l’Italie sont les principaux investisseurs, représentant à eux seuls plus de 90% des flux sur l’année 2019 et 60% du stock. La France occupe une place modeste avec seulement 3% du stock d’IDE. 7ème investisseur fin 2016, elle recule aujourd’hui à la 9ème place, conséquence de la vente des actifs de la Société Générale en 2017. Sa présence est cependant forte d’une soixantaine d’entreprises, employant 5000 personnes, particulièrement actives dans l’agroalimentaire, la distribution, les infrastructures et l’industrie, et jouit d’une forte visibilité
Les sociétés étrangères ont largement bénéficié de la vague de privatisations et de la croissance de la Croatie jusqu’à la crise de 2008
Deux vagues de privatisation jusqu’à la crise de 2008
Depuis l’effondrement de la Yougoslavie, en 1991, la Croatie a connu deux périodes distinctes de privatisations. La première, dans les années 1991-1999, a conduit à la constitution de grands groupes privés nationaux (Agrokor, Vindija, etc..). Les investisseurs étrangers n’ont bénéficié des opportunités des privatisations qu’à partir des années 2000. Celles-ci ont concerné successivement l’ensemble du secteur bancaire, les télécommunications, les industries pharmaceutique, les assurances et la distribution ainsi que, dans une moindre mesure, l’industrie manufacturière et les infrastructures autoroutières. Les télécommunications croates ont été privatisées au profit de sociétés allemandes (D-Telecom) et autrichiennes (A1) ; le secteur bancaire est dominé par les banques italiennes (Intesa, Unicredit) et autrichiennes (RBA, Erste). Le domaine de l’énergie est resté relativement fermé, avec la privatisation partielle de l’industrie pétrolière INA (MOL). Au total, le stock d’IDE est passé de 3 Mds€ en 1999 à plus de 20 Mds€ juste avant la crise de 2008. Faiblement orientés vers le domaine productif et fortement concentrés dans le secteur financier (22% du stock aujourd’hui), ces investissements ont favorisé le financement du développement des infrastructures et le rattrapage économique des entreprises et des ménages. A noter toutefois que peu d’IDE ont généré de nouveaux emplois, la plupart étant en effet des acquisitions.
Aujourd’hui les flux d’IDE, toujours positifs et en augmentation, peinent néanmoins à retrouver le dynamisme d’avant la crise financière de 2008
Avant la crise économique et financière de 2008, les flux d’IDE atteignaient en moyenne 5% du PIB. Le reflux en Croatie entre 2009 et 2015 est similaire à celui observé dans les autres pays de la région de l’Europe du Sud Est. La dégradation de la situation économique dans les pays de l’UE émetteurs d’IDE en est principalement la cause, particulièrement l’Italie et l’Autriche, dont les banques ont dû faire face à une nécessaire consolidation de leurs réseaux bancaires régionaux. 2015 a connu le plus faible flux d’IDE depuis 1995, avec à peine 30 M€, mais a constitué également une année charnière avec une reprise en 2016 des IDE de l’ordre de 0,5 et 1 Mrd€/an. L’entrée dans l’UE de la Croatie en 2013 n’aura ainsi pas marqué une accélération des investissements étrangers, les entreprises étant souvent découragées par les lenteurs administratives locales mais aussi par le retard significatif de la reprise économique après la crise de 2008[1].
Aujourd’hui, les flux d’IDE répondent principalement aux besoins de développement du secteur du tourisme, illustrant la prépondérance de ce secteur dans l’économie croate, bien que les flux soient légèrement en hausse dans les secteurs de l’industrie (de 4% en 2018 à 8,7% en 2019). En dépit d’une crise économique mondiale liée à l’épidémie de Covid-19, les flux d’IDE entrant en Croatie maintiennent sur les 3 premiers trimestres de l’année 2020 une dynamique positive atteignant environ 90% (1,13 Md€) des chiffres de 2019 (1,26 Md€). Selon les chiffres de la Banque centrale croate[2], les principaux secteurs d’IDE restent ceux que la Croatie avait choisi de privatiser dans les années 2000 : le secteur financier, le commerce de gros, le secteur pharmaceutique et l’immobilier, alors qu’on observe une forte contraction dans l’investissement hôtelier (de -40 M€ en 2020 contre environ +100 M€ les années précédentes).
Le secteur financier (banques et assurances) reste prépondérant avec 22% des 32 Mds € de stock d’IDE, suivi du commerce de gros 9%, de l’immobilier 7%, du commerce en détail 6% et des télécommunications 6%.
En Croatie comme dans l’ensemble de la région, les principaux investisseurs sont l’Autriche (14%), les Pays-Bas (13,2%), le Luxembourg (11,3%), l’Allemagne (10,8%) et l’Italie (10,4%). Représentant à eux seul 60% du stock d’IDE, ces 5 pays se maintiennent malgré la crise du Covid, représentant 95% des flux d’IDE en 2020.
La présence française est modeste mais stable et bénéfice d’une bonne visibilité du fait de projets emblematiques
En 2020, la présence économique française en Croatie s’appuie environ sur 60 entreprises employant 5 000 personnes. 7ème investisseur fin 2016, la France a reculé à la 9ème place en 2020, suite notamment à la vente en 2017 des actifs que la Société Générale possédait dans ce pays depuis 2006 et qui a réduit mécaniquement sa place dans le classement des investisseurs. L’arrivée sur le marché de nouveaux entrants tels que le consortium ADP-Bouygues qui remporté le marché de la construction d’un nouveau terminal à l’aéroport de Zagreb n’a pas suffi à améliorer le classement. La France dispose ainsi d’un stock d’IDE relativement modeste de 992 M € (soit seulement 3% du stock) en 2020. Toutefois, la présence française réelle est probablement plus importante que ne l’indique les chiffres car certains investissements de grandes sociétés françaises ont été réalisés avec des capitaux provenant d’autres pays, tels que la Belgique (pour Lactalis) ou les Pays-Bas (Atos). En revanche, plusieurs grands groupes comme Schneider, Saint-Gobain, Suez, Legrand, AGS, Sanofi, Servier ou encore L’Oréal sont représentés par des filiales locales.
La présence française est particulièrement visible dans l’agro-alimentaire avec le rachat par Lactalis du leader de l’industrie laitière, Regional Dukat (en 2007) mais aussi Lesaffre qui détient Kvasac premier fabricant de levures dans la région. Dans la distribution, la marge d’amélioration est importante, seule l’enseigne Décathlon étant représentée, avec cependant une forte présence composée de 7 grands magasins. En termes de production industrielle, seul Saint Jean Industries – spécialisé dans les pièces automobiles, est implantée dans l’Est du pays.
Les projets les plus emblématiques sont des partenariats publics/privés (PPP) dans les infrastructures, qui confèrent à nos groupes français une large visibilité: l’Y d’Istrie – concession autoroutière de 140km dans le cœur de la région touristique dont l’actionnaire de référence est Bouygues. Il s’agissait en 1998 du premier projet de PPP en Croatie dont l’investissement est aujourd’hui supérieur à 1 Md €. La mise en concession de l’aéroport de Zagreb, géré par le consortium Bouygues - ADP en 2017 a permis la construction d’un nouveau terminal doublant les capacités d’accueil en passagers (320 M €).
[1] la Croatie n'a pu renouer avec la croissance qu'en 2015 : depuis 2008, le pays a connu six années consécutives de récession économique, le PIB ayant chuté de 12%. L’économie a progressé de 2,9% en 2019, contre 2,7 % l'année précédente
[2] www.hnb.hr
Flux d’IDE en Croatie depuis 1993 (en M€) – Source Banque Centrale de Croatie :
Flux d’IDE en provenance de France depuis 1993 (en M€) – Source Banque Centrale de Croatie :