CROATIE
Le tourisme, un pilier de l’économie croate à consolider
Le tourisme est le moteur de l'économie croate, représentant environ 25% du PIB et près de 15% des emplois. Cette rente que lui confère un patrimoine et une situation géographique exceptionnels génère de fortes pressions sur les ressources naturelles, le marché de l’emploi et le secteur immobilier. La structure d'hébergement est dominée par des logements privés, souvent utilisés comme revenus complémentaires par les ménages croates et détournés ainsi du marché locatif classique. Pour répondre à ces enjeux, le gouvernement souhaite rééquilibrer le marché immobilier par la fiscalité et ambitionne de développer, en mobilisant les fonds européens, un tourisme plus respectueux de l'environnement et plus inclusif pour les populations de la Croatie continentale. Face au risque de l’hypertourisme, la Croatie cherche ainsi à trouver le juste équilibre entre développement économique et soutenabilité de son secteur touristique.
1/ Source majeure de croissance et amortisseur de choc pour l’économie du pays
Le tourisme est un pilier essentiel de l'économie croate, représentant environ 25% du PIB du pays[1], contribution parmi les plus élevées en Europe. L’entrée de la Croatie dans l’Union européenne en 2013 a favorisé ce développement tout comme l’adhésion à la zone euro et espace Schengen en 2023. Le tourisme est également un moteur pour l'emploi, générant près de 15% des emplois en Croatie (dont la moitié uniquement dans l’hôtellerie et la restauration). Les services représentent près des deux tiers des exportations de la Croatie, dont 64 % sont des services de voyage[2], ce qui fait de la Croatie le pays de l’UE le plus dépendant de ce secteur[3]. Par ailleurs, lors de la crise Covid, la Croatie a su tirer parti de sa bonne gestion de la pandémie en particulier par rapport à des destinations comme l'Italie et l'Espagne, qui sont sortis de la crise beaucoup plus tard. En 2021, la Croatie réalisait 87% de ses recettes de 2019.
Le pays a largement investi dans son réseau autoroutier depuis le milieu des années 90. Ainsi, la facilité d'accès aux régions côtières (Dalmatie, Istrie) pour les touristes notamment des pays de la région (plus de 80% des touristes internationaux arrivent en voiture et bus) lui a permis d’accueillir environ 17 M de visiteurs étrangers par an ces dernières années pour une population de 3,9 M habitants. Selon l’Office de tourisme croate, le pays enregistre sur les 10 premiers mois de 2024 17,8 M de touristes étrangers soit +2,7% par rapport à 2023. La France est en 10ème position avec 596 500 touristes français (+5,3%)[4]. La Banque centrale croate évalue à 15,2 Mds € les recettes globales qui seront générées par ce secteur sur l’année 2024.
Le poids du tourisme dans l’économie se reflète également à la Bourse de Zagreb (ZSE), où le secteur joue un rôle significatif: le plus important en termes d'actions cotées, le troisième en termes de capitalisation boursière et il représente environ 20% des transactions annuelles.
2/ Un secteur générateur de déséquilibres qui doit trouver son modèle à plus long terme
Une forte saisonnalité et des disparités régionales. Plus des 2/3 des nuitées touristiques annuelles sont concentrées sur les mois de juin, juillet et août, avec un pic significatif en août qui représente près d’un tiers de l’ensemble des nuitées. Cette saisonnalité est étroitement liée à la concentration de la capacité d’accueil, principalement dans les régions côtières, où le tourisme est historiquement plus développé. En 2023, les destinations comme Dubrovnik, Split ou les îles croates ont enregistré des taux d’occupation de 90% en été, tandis que dans l’intérieur du pays (Slavonie), la demande reste beaucoup plus faible. Ainsi 95% des nuitées est réalisé dans les régions côtières alors que la capitale Zagreb et la partie continentale ne compte que pour 5% (Annexe). La structure de l'hébergement touristique en Croatie se caractérise par la prédominance des petits hébergements privés “chez l’habitant” (66% du nombre total de lits) qui fonctionnent principalement pendant la saison estivale et sont une source importante de revenu complémentaire pour les ménages croates[5]. L’industrie hôtelière ne représente ainsi actuellement que 10% du nombre total de lits (annexe).
Générateur de distorsions sur le marché immobilier, le gouvernement souhaite réguler par la fiscalité. Victime de la spéculation générée par l’essor du tourisme et du modèle de location courte durée, le secteur immobilier devient inabordable en Croatie[6]. Jusqu’à présent, l’absence de taxe foncière incitait les propriétaires à garder les appartements vides ou à la location courte durée soumise à un régime d’imposition simplifié et sous-taxé (3% environ sur les revenus générés seulement), doublant les prix du m² à la location et à l’achat depuis 2019 dans les centres-ville. Le gouvernement souhaite aujourd’hui harmoniser le traitement des différentes formes de revenu, y compris ceux liés au tourisme, par la fiscalité foncière et prépare une réforme d’ampleur qui entrera en vigueur début 2025.
Le secteur a massivement recours à la main d’œuvre étrangère pour faire face à la demande notamment durant la saison estivale. En 2023, le secteur du tourisme employait près de 150 000 personnes directement, avec des besoins de main-d'œuvre particulièrement élevés durant la haute saison. Si historiquement la Serbie et la Bosnie-Herzégovine voisines sont des pourvoyeurs de main d’œuvre temporaire, ce vivier ne suffit plus aujourd’hui. la Croatie a ainsi intensifié le recours à des travailleurs de pays tiers, tels que le Népal, les Philippines, le Bangladesh et l'Inde. En 2023, près de 46 000 permis de travail[7] ont été délivrés à des ressortissants étrangers dans l’hôtellerie et la restauration. L’arrivée de cette main d’œuvre extra européenne, combinée à un taux de rotation du personnel élevé et des conditions de travail parfois précaires, pose aujourd’hui d’importants défis en termes de politiques publiques[8].
Dans leur nouvelle vision 2030 pour le tourisme, les autorités croates mettent l’accent sur le développement durable et le tourisme responsable. L’augmentation du nombre de visiteurs a créé de fortes pressions sur les infrastructures locales et des problèmes de gestion des déchets et des eaux usées, en particulier pendant l'été. Ainsi, le nouveau plan de développement porte sur un tourisme durable, tout au long de l'année et met l’accent sur le patrimoine naturel et culturel de toutes les régions croates pour un tourisme mieux répartie géographiquement. Il prévoit également des investissements dans la transition verte et numérique tout au long de la chaîne de valeur du secteur. Pour la réalisation de ces objectifs, des montants importants devraient être débloqués, plus de 1,2 Md€ au total issu du budget national et des fonds européens (notamment du Plan national de relance et de résilience).
[1] World Bank systematic country diagnostic (octobre 2024)
[2] Rapport OCDE
[4] Top 5 : Allemagne, Slovénie, Autriche, Pologne, Italie
[5] On notera également que le tourisme reste très exposé à l’économie informelle.
[6] Si près de 91% des ménages croates sont propriétaires de leur logement, la situation est particulièrement difficile pour les primo accédants.
[8] modification de la Loi sur les étrangers oct 2024 qui vise notamment à pérenniser la main d’œuvre et améliorer les conditions de travail et la rémunération des travailleurs étrangers.