Etat des lieux sur les déchets

 

Etat des lieux de la gestion des déchets en Croatie : des taux de collecte et de recyclage encore loin de la moyenne de l’UE

7 décembre 2020 -

 

Cette note co-écrite par Citeo[1] & le service économique de l’Ambassade de France à Zagreb a pour but de dresser un état des lieux de la situation actuelle en matière de gestion des déchets et de recyclage en Croatie et d’établir des recommandations afin d’appréhender au mieux la structuration de la filière à responsabilité élargie du producteur à tous les emballages (ménagers, industriels et commerciaux) d’ici 2025 et de contribuer ainsi à l’atteinte des objectifs européens fixés dans le Paquet économie circulaire de l’UE et la directive SUP.

Introduction

Qu’est-ce qu’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) ?

La REP, obligation européenne, est un produit du principe du pollueur-payeur : les producteurs et les entreprises responsables de la mise sur le marché de produits et emballages sont tenus de financer ou d'organiser la gestion de la fin de vie de ces produits. En France, la plupart des entreprises ont décidé de s'organiser collectivement sous la responsabilité d’éco-organismes accrédités par les pouvoirs publics.  En ce sens, Citeo est la société française chargée de la responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les emballages ménagers et les papiers graphiques.

Cadre réglementaire Croate en matière de gestion des déchets.

Il existe un certain nombre de réglementations croates régissant le cadre politique de la Croatie en ce qui concerne la gestion des déchets et la transition vers une économie circulaire en ligne avec les directives européennes.

  • La loi sur la gestion durable des déchets (OG, n° 94/2013),
  • Ordonnance sur la gestion des déchets (OG, n° 23/2014, 51/2014, 121/2015, 132/2015),
  • Ordonnance sur les emballages et les déchets d'emballages (OG, n° 88/2015, 78/2016),
  • Stratégie de gestion des déchets de la République de Croatie (OG No. 130/2005),
  • Ordonnance sur les sous-produits et le statut de fin de vie des déchets (OG n° 117/14)
  • Plan de gestion des déchets pour la République de Croatie pour la période de 2017 à 2022 (OG n° 3/2017).

 

La Croatie s’est fixée comme objectif de transposer la directive emballage et déchets d’emballages début 2021.

 

 Orientations stratégiques nationales

La planification du système croate de gestion des déchets est dirigée par le ministère de l’économie et de l'environnement par le biais d'un plan national de gestion des déchets (2017-2022).

Le Plan de gestion des déchets en Croatie 2017 – 2022

Conformément aux obligations européennes mais aussi mondiales en matière de gestion des déchets, le gouvernement croate a adopté un Plan de gestion des déchets pour la période 2017-2022, début janvier 2017. Ce Plan vise à développer l'industrie du recyclage et faciliter la création d’emplois verts. Il est également la condition préalable à l'obtention des financements de l'Union européenne pour la mise en œuvre du Programme opérationnel Compétitivité et Cohésion, notamment en termes de construction de centres de recyclage,. Au total, 475 M EUR sur la période 2014-2020 sont à disposition pour le financement du secteur des déchets.

Mesures importantes

Ce Plan met en avant la prévention de la production de déchets, le recyclage et le compostage.

Parmi les mesures importantes on retrouve :

  • L’amélioration du déploiement de la collecte sélective en porte à porte,
  • L’introduction de mesures stimulatrices dans la facturation des services de collecte des déchets publics selon leurs compositions et quantités et
  • L’introduction de redevances incitatives pour la collecte des déchets municipaux.
  • La création de nouvelles déchèteries et centres de recyclage avec des contenants spécifiques de collecte sélective et de compostage où les déchets seront séparément préparés pour leur recyclage.

 

Selon le Ministère de l’environnement, onze centres de recyclage doivent être construits dans le cadre de ce plan, 2 sont déjà construits et d’autres sont en cours de projet. La capacité et le contenu des centres devront être ajustés aux objectifs de ce nouveau Plan.

 

Objectifs chiffrés

Sur la base de la situation de 2015, le plan fixe les objectifs suivants pour 2022 en matière de collecte séparée des déchets municipaux :

  • Réduire la quantité totale de déchets municipaux de 5% en 2022 par rapport à 2015 ;
  • Collecter séparément 60% de ces déchets (principalement du papier, du verre, du plastique, des métaux, des déchets biologiques, etc.)[2] Cet objectif est plus ambitieux que la directive-cadre sur les déchets de l'Union européenne, qui dispose que les Etats membres doivent assurer un taux de collecte séparé d’au moins 50% d'ici 2020[3].

 

D’autre part, outre la gestion des déchets municipaux, le Ministère de l’environnement entend développer d'ici 2022 :

  • Les systèmes de gestion des déchets dangereux ;
  • L’assainissement des zones polluées ;
  • L’éducation et la promotion de la gestion durable des déchets auprès du public ;
  • Un système d'information et base de données de la gestion des déchets ;
  • La supervision (suivi des flux) et procédures administratives en matière de gestion des déchets.

A noter, le ministre de l'économie et du développement durable, Tomislav Ćorić, et la directrice de la Banque mondiale pour la Croatie, Elisabetta Capannelli, ont signé un accord[4] le 28 septembre 2020 en vertu duquel la Banque mondiale fournira une assistance technique pour aider le gouvernement croate à réformer son système de gestion des déchets. Dans le cadre de ce programme de deux ans, la Banque mondiale aidera à mettre à jour le plan national de gestion des déchets existant, fournira un travail de diagnostic et, sur la base de cette analyse, recommandera comment accélérer la transformation conformément au plan d'action de l'UE pour l'économie circulaire[5]

 

Actuellement, le taux de collecte séparée des déchets croates est bien loin de l'objectif de l'Union européenne. Pour y remédier, le ministre de l'Environnement et de l'Energie, Tomislav Čorić a exigé l’engagement de tous les niveaux politiques, nationaux et locaux avec la mise en œuvre du nouveau Règlement sur la collecte des déchets municipaux. Celui-ci définit la collecte séparée des déchets comme une obligation pour les collectivités locales. Il est entré en vigueur le 1er novembre 2017 avec une période moratoire de trois mois pour la préparation de sa mise en œuvre par les villes. Même si de nombreuses municipalités ont élaboré leur propre plan de gestion des déchets, leur mise en œuvre est encore loin d’être évidente.

Outre les 161 parcs de tri existants en Croatie, il existe aussi 107 points de collecte séparée mobiles dans le pays, permettant ainsi un accès au tri, même dans les lieux « hors-foyers », c’est-à-dire en dehors de son domicile.

Performances de gestion des déchets municipaux

En 2018, selon le Ministère de l’environnement et du développement durable, la quantité de déchets municipaux en Croatie s’élevait à près d’1,8 millions de tonnes. 31,3% ont fait l’objet d’une collecte séparée mais 37% selon une déclaration du ministre en fin 2020 ?). Sur ces déchets collectés séparément 25% ont été recyclés. Moins de 3% ont fait l’objet d’un compostage par voie de digestion anaérobie et principe de méthanisation. Les taux de mise en décharge des déchets municipaux en Croatie restent très élevés (70%).



[1] Citeo est née de la fusion, en 2017, de deux sociétés agréées au titre des filières à responsabilité élargie des producteurs en matière d’emballages (Eco-Emballages créé en 1992) et de papiers graphiques (Ecofolio créé en 2007). 28 000 entreprises ont confié à Citeo le soin d’organiser la fin de vie de leurs emballages et de leurs papiers. Citeo est une entreprise à mission créée par les entreprises du secteur de la grande consommation et de la distribution pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages et papiers, en leur proposant des solutions de réduction, de réemploi, de tri et de recyclage. Aujourd’hui, 70% des emballages ménagers et 57,5 % des papiers sont recyclés grâce au geste de tri des Français devenu premier geste éco-citoyen.

 

[2] Soit 942.733 tonnes de déchets municipaux collectés

[3] Article 1er point 12 (a) de la directive cadre-déchets (n°851/2018/UE)

[4] L’intégralité des dispositions de l’accord à retrouver ici

[5] Le Plan d’action pour une économie circulaire a été adopté par la Commission européenne, en mars 2020.

 

 

Pour combler son retard dans le secteur des déchets, la Croatie a bénéficié d’aides européennes depuis sa candidature à l’adhésion. Sur la période 2007-2013, les fonds IPA ont ainsi attribué  74 millions d’euros à la Croatie pour améliorer la gestion de ses déchets dans le cadre du programme opérationnel « Environnement » (axe prioritaire n°1). Les deux principaux projets financés par ce biais ont été les centres de traitement des déchets pour les villes de Rijeka et Pula.

Depuis son entrée dans l’UE en 2013, la Croatie a obtenu 475 millions EUR sur le programme « Compétitivité et cohésion » pour la période 2014-2020 pour financer le traitement des déchets municipaux au sein de l’axe prioritaire 6 « Protection environnementale et durabilité des ressources ».

Quelle responsabilité élargie du producteur en Croatie ?

La Croatie dispose d’un mécanisme de REP sur la base de la loi sur la gestion durable des déchets (OG, n° 94/2013), qui prévoit la possibilité de mettre en œuvre la REP selon 3 schémas :

  • La mise en œuvre d'un système de collecte et de traitement de certains types de déchets, géré par le Fonds pour l'environnement et l'efficacité énergétique, placé sous tutelle du ministère de l'Environnement (c’est ce qui est fait actuellement)
  • La mise en œuvre d’un système de collecte et de traitement des déchets géré par un organisme privé (EKO Ozra) [1]
  • La prise d’engagement spécifique à une filière afin d’atteindre des objectifs de collecte pour recyclage (c’est ce qui est fait pour les Déchets équipements électriques DEEE)

C’est donc selon un mix du premier et deuxième schéma que la République de Croatie a étendu la responsabilité des producteurs pour les groupes de produits suivants :

  • Les emballages ne contenant pas de substances dangereuses,
  • Les équipements électriques et électroniques,
  • Les piles et accumulateurs portables,
  • Les véhicules,
  • Les lubrifiants
  • Les pneus

 

 La Croatie a mis en place en 2006 le Fonds pour l'environnement et l'efficacité énergétique sous la tutelle du Ministère de l’environnement et du développement durable qui est chargé de collecter les contributions des entreprises afin d’assurer la gestion de la fin de vie de leurs déchets. Le Fonds paie intégralement les coûts de la collecte séparée, du transport et du traitement des déchets. Par ailleurs, le Fonds a conclu des contrats avec des entreprises de collecte et de valorisation des déchets générés par les groupes de produits mentionnés.

Il existe en outre également un autre Fonds créé par l’éco-organisme Eko Ozra.  

 La gestion financière et opérationnelle des déchets.

Les Fonds permet donc de réunir les metteurs en marchés et les opérateurs assurant la collecte et le traitement des déchets. La responsabilité opérationnelle de la gestion des déchets incombe aux jupanies qui sont l’équivalent des départements (il y en a 21) et aux municipalités (555). Ces autorités locales sont donc en charge de la collecte, du transport et de l'élimination des déchets. Le service peut être fourni par les municipalités ou délégué à une agence publique de coopération intercommunale ou à un groupe privé.

 Les Fonds perçoit une redevance de la part des metteurs en marché, fournit les services de collecte et de traitement et coordonne les acteurs du système de gestion des déchets.

Le producteur qui paie la redevance prescrite au Fonds n'a pas d'autres obligations liées à la collecte séparée, au transport et au traitement des déchets des produits qu'il met sur le marché.

Le Fonds finance à 100% les coûts de collecte des déchets municipaux, dont les flux sont principalement constitués de déchets d'emballages, pour lesquels une redevance de gestion est versée au Fonds. Il existe un contrat entre le Fonds et le prestataire de services publics.

Modalité de collecte et de traitement des déchets.

Le système de collecte séparée est organisé par la mise en place d'un système de points d'apport (conteneurs individuels ou mélangés ou regroupés en "îles vertes"), et si 24% des plastiques font l'objet d'une collecte séparée en Croatie, seuls 18% finissent par être correctement collectés pour être recyclés.

En termes de traitement, 20 entreprises sont spécialisées dans la gestion du pneu, 8 dans la gestion des batteries, 12 dans le traitement des lubrifiants, 6 dans le traitement des véhicules, 7 dans le traitement des emballages, 20 se charge de la collecte générale.

Suivi et contrôle.

Une autorité de contrôle (inspection environnementale établie au niveau national) est en charge de s’assurer du suivi de la gestion des déchets, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du plan national des déchets 2017-2022. Cependant, les résultats sont mauvais : la pression sur les maires est assez faible dans la mesure où il n’y a que 10 inspecteurs de contrôle au niveau national.



[1] Eko Ozra, créé à l'initiative des metteurs en marché qui assure également une REP financière. Pour tous les groupes de produits sous-mentionnés, les metteurs en marchés sont tenus de payer une contribution à ce Fonds lors de la mise sur le marché de leurs produits

Tourisme et pollution plastique

Les activités côtières sont à l'origine de 79 % des rejets de plastique dans la mer, résultant de la mauvaise gestion des déchets municipaux et du tourisme. Les villes côtières produisent la plus grande quantité de déchets plastiques par an. Toutefois, la côte croate est grandement polluée par les déchets provenant des pays voisins, comme l'Albanie la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro. Ces déchets représentent environ 30% des déchets qui finissent sur les côtes croates. Des actions de communication, et de pédagogie ont lieu régulièrement mais sans guère de résultats à ce stade.

Une grande pollution plastique générée par le tourisme 

La Croatie produit 400 000 tonnes de déchets plastiques chaque année, soit 96 kg de plastique par habitant. Elle est la troisième région productrice de déchets par habitant dans la zone méditerranéenne (sur 22 pays côtiers). Le tourisme est un facteur clé de cette production de déchets, qui augmente considérablement pendant les mois d'été ; le pays comptant près de vingt millions de touristes sur l’année, pour seulement quatre millions d’habitants.

La majorité des déchets en Croatie sont traités de manière « linéaire », puisque 70% des déchets sont envoyés directement à la décharge. Les déchets non collectés sont la cause principale des fuites de plastique dans la nature, ce qui fait que 40 000 tonnes de plastique se retrouvent dans la nature chaque année dont 4 200 tonnes dans la mer[1].

 

Recommandations de CITEO

 

Citeo* souhaite partager un ensemble de bonnes pratiques pouvant être mises en œuvre pour atteindre les objectifs européens du paquet économie circulaire et de la stratégie plastique :

 

Au niveau de la production :

  • Développer des exigences en matière d’éco-conception sur la recyclabilité des emballages ;
  • Instaurer des exigences minimales d’incorporation de matière premières recyclées dans les produits & emballages en ligne avec les exigences européennes.

 

Au niveau de la consommation

 

En matière de gestion des déchets                             

  • Augmenter progressivement les taxes sur la mise en décharge pour inciter au recyclage plutôt que l’enfouissement, pour respecter la hiérarchie européenne des déchets ;
  • Développer des campagnes de communication durant la période estivale, compréhensible par les touristes locaux et étrangers et accroitre la communication sur le bon geste de tri.

 

*

 

 

 

 

Rédaction : Diane DEWALLE & Axel DARUT (CITEO)/ Fabrice PAYA (SE de Zagreb)


 



[1] WWF, Stop the flood of plastic − A guide for policy-makers in Croatia, 2019

[2] Directive relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastiques sur l’environnement (n°2019/904/UE)

Performance de gestion des déchets municipaux (2018)

 

Qté totale de déchets municipaux

Collecte séparée

Recyclé (1)

Composté (2)

Incinéré (3)

Mise en décharge (4)

Total en tonne

1.768.411

 

553.791

 

398.381

 

48.648

 

4,616

 

1.170.912

 

Total en %

100% (1à4)

(37% selon une déclaration du, ministre le 12/12/2020

25%

3%

1%

71 %

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