Indicateurs et conjoncture

Guatemala : une gestion budgétaire exemplaire qu’il reste à mettre au service du progrès social.

 

L’économie guatémaltèque a poursuivi en 2022, au sortir de la pandémie, sa tendance à l’orthodoxie budgétaire. Cette politique a permis de maintenir des comptes publics parfaitement sains (dette publique la plus faible du continent, grâce à une amélioration des rentrées fiscales et un investissement public quasi inexistant), aux dépens cependant de la réponse aux considérables défis du pays en matière d’inégalités sociales et de besoins en infrastructures.

Une stabilité macroéconomique exemplaire.

Une économie résiliente, capable d’absorber les chocs externes mais dont le potentiel reste à développer.

L’économie guatémaltèque est la première économie d’Amérique centrale, avec un PIB nominal estimé à 94,9 Mds USD en 2022, selon la Banque centrale (Banguat). Elle a également été l’une des économies les plus résilientes de la région pendant la pandémie de Covid-19 avec un recul de 1,8 % du PIB en 2020, soutenue par des politiques monétaires et budgétaires prudentes. Après avoir fortement rebondi en 2021 (+8 % du PIB), l’activité économique guatémaltèque s’est modérée en 2022 atteignant +4,1 % du PIB et devrait se rapprocher du potentiel de croissance dès 2023 (+3,5 % du PIB selon Banguat). Toutefois, des risques baissiers pèsent sur les perspectives de croissance du pays, dont notamment le ralentissement de l’économie américaine (remesas majoritairement en provenance des Etats-Unis, qui représentent 19 % du PIB et 30 % du revenu des ménages) et la persistance de niveaux élevés d’inflation, alors que la consommation privée représente 85 % du PIB. En effet, en dépit des hausses d’intérêts directeurs opérées par Banguat dès mai 2022 (+325 pdb en 9 mouvements), ce n’est qu’au mois de mars 2023 que l’inflation a montré un premier signe de ralentissement (+8,7 % g.a.), accentué en avril 2023 (+8,32 % g.a). 

Selon Banguat, la croissance du PIB potentiel, estimée à 3,1 %, pourrait augmenter sous réserve de : (i) l’augmentation de la productivité avec des investissements nécessaires dans le capital humain et les infrastructures, ainsi que la réduction du taux d’informalité (stable autour de 71 % de la population active), (ii) l’amélioration du cadre juridique notamment pour améliorer l’accès au marché dominé par des conglomérats nationaux ou la flexibilité du marché du travail, et (iii) l’augmentation des investissements publics et privés. Pour cela, le gouvernement guatémaltèque, en collaboration avec les acteurs privés du pays, a élaboré le plan « Guatemala no se detiene » comportant cinq axes de travail autour de : (i) l’attractivité du pays, (ii) le capital humain, (iii) les infrastructures, (iv) le tourisme, et (v) la sécurité juridique

Des finances publiques saines reflétant l’austérité budgétaire des autorités guatémaltèques.

Le Guatemala continue de pratiquer une forte orthodoxie budgétaire, avec un niveau de dette publique à 29 % du PIB et un déficit budgétaire de 1,7 % du PIB en 2022, A l’instar du recours à l’endettement, l’augmentation des recettes fiscales (12,1 % du PIB[1]) ne semble pas non plus être à l’agenda politique. En effet, les réformes de politique fiscale ont souvent été déclarées inconstitutionnelles par la Cour constitutionnelle et la hausse des impôts n’est pas à l’ordre du jour des candidats à l’élection présidentielle, qui promettent à l’inverse, une baisse des impôts. Selon l’Institut Centraméricain d'Etudes Fiscales (ICEFI), une hausse des recettes fiscales pourrait passer par une amélioration de la transparence des comptes des entreprises (protégés par la loi) et la réduction des régimes d’exonération. A titre d’exemple, en 2019, l’impôt sur les sociétés s’élevait à 25 % des bénéfices. Or, l’impôt réellement payé par les entreprises imposables était compris entre 0,8 % et 1,2 % grâce à l’optimisation fiscale.

Des lacunes sociales qui pèsent sur le potentiel de croissance du Guatemala .

Les acteurs locaux reconnaissent la persistance de lacunes sociales de taille.

Tout d’abord, le Guatemala est l’un des pays les plus pauvres d’Amérique latine avec un PIB par habitant estimé à 5000 USD/hab. En outre, suite à la crise de la Covid-19, les indicateurs sociaux se sont encore détériorés : (i) le taux de pauvreté (au niveau de 6,85 USD de 2017 par jour) a atteint 59 % de la population en 2020 (+4,8 pp), (ii) les inégalités se sont creusées selon l’indice de Gini (0,541 contre 0,489 pré-crise), et (iii) le taux de malnutrition des enfants de moins de cinq ans a atteint 47 %, soit l’un des dix plus élevés au monde et touche en majorité les communautés indigènes (plus de 60 % de la population) et ce malgré le vote de la Ley del Sistema Nacional de Seguridad Alimentaria y Nutricional en 2005, qui prévoit un budget spécifiquement dédié aux questions alimentaires (5 % du budget total de 2023). Le secteur agricole (10 % du PIB et 35 % de la population active) concentre à lui seul plusieurs défis dont notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre (premier secteur émetteur du pays) mais aussi de la vulnérabilité des producteurs face au changement climatique et aux variations de prix des matières premières.

Selon la BID, l’éducation est également un des défis majeurs auxquels le Guatemala est confronté, avec une durée moyenne de scolarisation de 6 ans de la population, soit le deuxième niveau le plus bas de la région Amérique Latine – Caraïbes (après Haïti). L’institution insiste notamment sur le décrochage scolaire entre le primaire et le secondaire, avec un taux de couverture de l’enseignement secondaire de seulement 62,4 % en zone urbaine et de 33,7 % en zone rurale. Le secteur éducatif souffre d’un manque d’investissements publics, qui se traduit dans la quantité et dans la qualité de l’enseignement offert, affectant les possibilités d’intégration au marché du travail et l’inclusion sociale.

Selon les bailleurs, tant que ces défis ne seront pas traités avec force par le gouvernement, ils continueront de contribuer au phénomène de migration, qui touche majoritairement les populations jeunes, ce qui pourrait, entre autres, peser sur le potentiel de croissance du pays.

Un cadre législatif qui ne facilite pas  le  développement du pays 

Les agences multilatérales (BID, BCIE, FMI, Banque Mondiale, FAO) s’accordent à présenter le cadre législatif au Guatemala comme un frein au développement. Tout financement extérieur impliquant un nouvel engagement financier (direct ou par prise en garantie) implique en effet un vote par le Congrès (trois lectures). En moyenne, un projet peut prendre jusqu’à six ans pour être approuvé par le Congrès, ce qui ne garantit toutefois pas son exécution effective. Cette situation ne devrait pas évoluer à l’issue des élections générales à venir, les propositions économiques des différents candidats sont jusqu’à présent limitées et le plus souvent marquées par une pérennité avec les politiques actuelles. Par ailleurs, l’absence de continuité dans le suivi des politiques publiques met en difficulté les banques multilatérales. De fait, la fragmentation du paysage politique (24 candidats à l’élection présidentielle de 2023), la faiblesse des institutions, la quasi-inexistence des fonctionnaires de carrière et les rotations des équipes ministérielles rendent la collaboration avec le secteur public d’autant plus difficile, incitant les agences multilatérales à se tourner vers les acteurs privés pour répondre aux défis sociaux. L’amélioration du cadre juridique par le vote d’une loi (en préparation) pour encourager et faciliter les partenariats publics-privés[2] semble indispensable.

Commentaire : Malgré une économie résiliente soutenue par un cadre macroéconomique et financier stable, le Guatemala présente des failles qui ne devraient pas être comblées à moyen terme, en raison d’une austérité budgétaire et d’un statu quo politique. En particulier, une hausse sensible de la pression fiscale, qui permettrait de combler les déficits d’investissements publics, ne paraît pas envisageable face aux pressions du secteur privé, concentrant la majorité des ressources du pays et voyant par ailleurs dans la faiblesse de l’investissement public une occasion de s’y substituer au travers d’investissements privés. En outre, les principaux conglomérats guatémaltèques sont représentés par des familles qui entretiennent des liens serrés avec la vie politique et sociale et dont l’influence s’étend dans tous les secteurs productifs du pays.

 

[1] Largement inférieure à la moyenne des pays d’Amérique latine s’élevant à 21,7 % du PIB.

[2] Un seul PPP conclu à ce jour, qui ne devrait pas se poursuivre à moyen-terme.

 

 

 

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