Indicateurs et conjoncture

Petite économie ouverte, dépendant étroitement de ses échanges de biens et de services avec les deux belligérants, très sensible financièrement aux remous géopolitiques de son environnement immédiat, le déclenchement de la guerre en Ukraine aurait certainement dû dégrader très sensiblement l’activité et les perspectives économiques de la Géorgie. A ce stade, il n’en est rien et l’année 2022 devrait enregistrer une amélioration des ratios macroéconomiques mis à mal par l’impact de la crise sanitaire. Cela étant, cette marge de manœuvre risque de ne pas être suffisamment mise à profit pour reprendre le chemin des réformes structurelles visant à accroître la rentabilité économique du pays.

 

 

L’année 2022 significativement meilleure qu’anticipée initialement 

  • La crise sanitaire a sensiblement dégradé le profil de risque du pays.

 

L’année 2021 avait enregistré un fort rebond de l’activité et une dégradation de la situation financière du pays. Ainsi, malgré une croissance du PIB de 10,4 %, les mesures financières mises en œuvre par l’Etat pour atténuer l’impact financier de la crise sanitaire ont dégradé sensiblement les finances publiques. Avec la reprise de l’activité mondiale, et notamment du tourisme, les économistes estimaient que la croissance devait rester robuste en 2022, autour de 6%, améliorant mécaniquement les ratios macroéconomiques du pays. L’Ukraine et la Russie étant deux partenaires très significatifs de la Géorgie, l’invasion de l’Ukraine a conduit, dans un premier temps, à réviser drastiquement à la baisse les prévisions de croissance, l’impact étant estimé entre 2 et 2,5 pp de croissance (ramenant la croissance du PIB entre 3,5 % et 4%), ainsi que les principaux soldes économiques : détérioration des comptes courants (en raison de la diminution des revenus d’exportations, des recettes touristiques et des transferts des migrants), hausse du déficit et de la dette publique (avec la baisse des recettes budgétaires et l’impact négatif de la dépréciation du taux de change), accélération de l’inflation (en lien avec la hausse des prix mondiaux des matières premières).     

 

  • Tirant parti d’une situation géopolitique délicate, la croissance s'est finalement avérée robuste en 2022.

 

Contrairement aux prévisions initiales, la guerre en Ukraine a un impact positif sur l’activité économique. Premièrement, parce que les exportations géorgiennes n’ont été que peu affectées, certains produits étant toujours livrés en Russie (vin de consommation courante par exemple) et d’autres marchés sont restés très dynamiques. Deuxièmement, parce qu’outre une reprise dynamique du tourisme, un des principaux moteurs de la croissance (les recettes touristiques ont dépassé en 2022 le montant record de 2019), l'arrivée de 100 000 migrants russes, mais aussi dans une moindre mesure ukrainiens et biélorusse a contribué à soutenir la demande interne. Troisièmement, parce que les transferts de migrants, en particulier ceux en provenance de Russie (probablement en lien avec l’arrivée des migrants de long terme précités). Enfin, la croissance du crédit reste soutenue, dépassant 18 % en g.a au mois de mars, hors effet de change. In fine, la croissance du PIB atteint 11% sur 2022, ce qui permet de redresser mécaniquement la situation financière du pays.

  • Les pressions inflationnistes perstistent, contraignant la Banque centrale à infléchir sa volonté d’assouplir sa stratégie de politique monétaire.

 

En augmentation continue depuis la fin de l’année 2020, l’inflation a atteint un pic à 13,9 %, en g.a, à la fin de l’année 2021 conduisant la Banque centrale à hausser de 300 pdb son principal taux directeur depuis son étiage du milieu de l’année 2020. La dérive des prix a atteint 13,3% en g.a à la fin du mois de mai 2022 avant de redescendre à 8,1% fin 2022. La Banque centrale continue d'estimer que les pressions inflationnistes sont transitoires, la trajectoire de l’inflation sous-jacente devant fléchir progressivement en 2023 pour atteindre la cible de 3% en fin d'année, une situation qui l’inciterait à abaisser ses taux directeurs pour soutenir la croissance. Toutefois, les déterminants de la hausse des prix sont largement conditionnés par des facteurs extérieurs, notamment des cours des matières premières agricoles et énergétiques, et donc susceptibles de varier en fonction des aléas géopolitiques. 

 

Les Autorités publiques souhaitent maintenir une politique économique très prudente

  • Malgré ce contexte économique favorable, la Géorgie maintiendra une politique très conservatrice

Cette politique excessivement prudente s’explique pour au moins trois raisons. La première est liée à la sensibilité structurelle de l’économie géorgienne à son environnement géopolitique, en particulier de la pression exercée par la Russie. Dans ce contexte, la prolongation et/ou l’extension du conflit ukrainien peut avoir un impact négatif sur l’activité économique, avec une baisse des revenus d’exportations, des recettes touristiques, des transferts de migrants et une détérioration des soldes macroéconomiques. A l'inverse la fin du conflit en Ukraine pourrait signifier le départ des migrants et de la manne financière qu'ils apportent au pays. La deuxième tient à la volonté du Gouvernement de restaurer des marges de manœuvre financières entamées par l’impact de la crise sanitaire. Ainsi, l’objectif du Gouvernement est de tirer parti d’une croissance de l’activité meilleure qu’anticipée initialement pour se désendetter. A cette fin, le gouvernement géorgien a demandé et obtenu un accord de stand-by auprès du FMI, cet accord étant assorti de critères de performances stricts pour contraindre l’action gouvernementale. La troisième s’inscrit dans la stratégie de long terme mise en œuvre par la Géorgie pour attirer les investissements afin de stimuler la croissance économique. Dans ce contexte, l’effort constant des autorités publiques a consisté à proposer un cadre des affaires stable et performant notamment en affichant une situation macroéconomique et financière robuste. Dans cet esprit, le superviseur a durci les conditions d’accès au crédit (notamment des crédits en devise) ainsi que les normes réglementaires (mise en œuvre d’un ratio des grands risques depuis le mois de juin 2022) afin de renforcer la stabilité du système bancaire et sa capacité à faire face à de nouveaux chocs externes et ainsi rassurer les investisseurs.

  • Les réformes structurelles marquent le pas.

En privilégiant un assainissement rapide des comptes publiques (l’objectif est de ramener le déficit public dans les limites prévues par la Loi d’or budgétaire, ie un déficit inférieur à 3% du PIB, dès 2023) et la reconstitution des marges de manœuvre qu’elle estime nécessaires pour faire face à un choc externe et rassurer les investisseurs étrangers, la Géorgie a choisi de contenir ses dépenses (l’augmentation des recettes budgétaires nécessitant d’être approuvée par referendum), en particulier ses dépenses d’investissement. Si cette intention est saluée par le FMI, elle se fait au détriment des investissements et des réformes structurelles indispensables pour pallier les nombreux goulets d’étranglement (infrastructures, éducation et formation, réforme du secteur agricole, etc) qui brident le potentiel de croissance du pays. A cet égard, le cadre administratif adopté en 2022 pour identifier les projets d’investissements prioritaires, Public Investment Management, (principalement dans le secteur de l’énergie, un marché de gros devant être créé à partir du 1er septembre prochain) peine à faire preuve de son efficacité, ce qui entrainera des retards pour la sélection et la mise en œuvre des investissements privilégiés.

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