ROYAUME-UNI
Présentation de l'économie britannique
Avec un PIB de 3 345 Md$ en 2023, le Royaume-Uni est la sixième économie mondiale et la deuxième économie européenne, derrière l’Allemagne (4 457 Md$) et devant la France (3 032 Md$), selon le FMI[1]. Le PIB par habitant du Royaume-Uni s’élève à 49 099 $, se classant au 22e rang mondial, devançant la France de deux positions (46 000 $). La nette contraction du PIB observée pendant la pandémie (-10,4 % en 2020) – qui fut la plus forte des pays du G7 – a été suivie d’un rebond dynamique en 2021 (+8,7 %) et en 2022 (+4,8 %) – qui fut mécaniquement le plus soutenu du G7. L’économie britannique est pourtant entrée en récession technique au second semestre de 2023, menant à une croissance annuelle du PIB de seulement +0,3 % pour l'année 2023. Ce rythme semble s’infléchir en 2024, avec deux premiers trimestres de croissance plus dynamiques qu’anticipé. Ainsi, en milieu d’année 2024, le Royaume-Uni avait dépassé son niveau d’activité pré-pandémie de 2,9 %.
L’économie britannique est essentiellement portée par les services. Au premier semestre de 2024, le secteur tertiaire représente 80,7 % de la valeur ajoutée brute[2] et 82,4 % de l’emploi total[3]. Le secteur de l’immobilier est le service le plus important en termes de valeur ajoutée (13,3 %), mais emploie relativement peu (1,3 % de l'emploi). Vient ensuite le commerce de détail (9,6 % de la VA et 10,3 % de l’emploi). La place financière de Londres étant l’une des plus importantes au monde, le poids des services financiers et du secteur des assurances dans l’économie britannique est relativement plus élevé que dans d’autres économies comparables (8,5 % de la VA et 4,6 % de la main-d’œuvre). L’industrie manufacturière reste significative, représentant 9,7 % de la valeur ajoutée et 8,2 % des emplois. Après l’agro-alimentaire (1,5 % de la VA), les industries contribuant le plus intensément au PIB sont la production de matériels de transports (1,4 %), la sidérurgie (1,1%), la fabrication de médicaments (0,8 %) et la fabrication de produits électroniques et optiques (0,6 %).
La production du secteur de l’énergie est importante, grâce à l’exploitation du pétrole et du gaz naturel en mer du Nord (qui constitue environ 69 % de la production nationale d’énergie en 2023)[4]. Toutefois, la production ne couvre pas l’ensemble de la consommation nationale : le Royaume-Uni est importateur net d’énergie à hauteur de 44 % de l’offre énergétique. Le Royaume-Uni s’appuie sur l’énergie nucléaire – responsable en 2023 de 14 % de la production électrique – dont il entend poursuivre le développement. Pour la première fois depuis deux décennies, deux réacteurs EPR sont en cours de construction, à Hinkley Point dans le Somerset.
Si le niveau des dépenses publiques reste mesuré, la dette publique a augmenté de façon spectaculaire ces 15 dernières années. Les dépenses publiques représentent moins de 45 % du PIB en 2023-24[1], contre 40,5 % de recettes – dont une grande majorité de recettes fiscales (36,0 % du PIB). Le déficit public britannique s’est établi à 4,5 % du PIB en 2023-24. A l’automne 2024, la dette publique britannique représentait presque 102 % du PIB. La dette publique a considérablement augmenté depuis 15 ans, suite à la crise financière de 2008 (date à laquelle la dette publique représentait « seulement » 35 % du PIB), à la pandémie de Covid-19 et à la crise énergétique. La dette publique britannique reste inférieure aux dettes publiques affichées par les autres pays du G7 (Allemagne exclue) mais se situe à un niveau sensiblement supérieur à la moyenne des dettes publiques constatées dans l’UE-27[2] (81,7 %).
Le système juridique et fiscal britannique et le marché du travail sont perçus comme étant favorables aux entreprises, même si le taux d’impôt sur les sociétés est passé de 19 % à 25 % au 1er avril 2023 (les plus petites entreprises n’étant pas concernées). Selon l’OCDE, en 2022, le Royaume-Uni était le 4è pays le plus attractif pour les fondateurs de start-ups grâce à une culture entrepreneuriale très puissante et de nombreuses licornes créées au cours de la dernière décennie. Le droit du travail flexible fait également partie des facteurs d’attractivité : cette flexibilité du marché du travail induit une forte participation au marché du travail et un faible taux de chômage, structurellement inférieur à la France et à la zone euro. Le programme du parti travailliste, arrivé au pouvoir en juillet 2024, prévoit une réforme du marché du travail visant à conditionner et à encadrer davantage l’utilisation de certains contrats considérés comme trop peu favorables et sécurisants pour les salariés. Au deuxième trimestre de 2024, le chômage s’établissait à 4,2 % au Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni affiche des disparités régionales très fortes en termes de croissance économique et de répartition des revenus, le rendant « économiquement » dépendant de sa capitale. L’activité britannique est essentiellement tirée par les régions de Londres et du Sud-Est, qui représentaient respectivement 22 % et 15 % du PIB national en 2022. Le PIB par habitant à Londres s’élève à 63 000 £, soit presque deux fois plus que la moyenne nationale de 36 800 £.
Le pays fait face à un déficit de productivité, amplifié par les conséquences du Brexit. Depuis 2010, la productivité par heure travaillée au Royaume-Uni a divergé de la productivité américaine, française et allemande[3] ; en 2023, elle était 16 % inférieure à la moyenne de ces trois pays. Sur la décennie, la croissance de la productivité britannique a été l’avant-dernière des pays du G7, avoisinant +0,6 % par an[4]. Ceci s’explique en partie par la faiblesse de l’investissement – surtout privé – qui a atteint 14 % du PIB en moyenne sur la période, ce qui est inférieur de 4 points à la moyenne des autres pays du G7[5]. L’incertitude causée par le Brexit aurait contribué à ce sous-investissement, avec une stagnation de l’investissement des entreprises depuis le référendum de 2016[6] (des analystes ont évalué la baisse de l’investissement imputable à l’incertitude générée par le Brexit àcond11 % de l’investissement total en 2022[7]). Par ailleurs, le Brexit a nui à la productivité britannique par le canal de la main-d’œuvre, en réduisant la participation des Européens au marché du travail ; cette perte n’a été qu’en partie compensée par les travailleurs non-européens (malgré une croissance très soutenue depuis 2016 de l’immigration de travail non-européenne). Enfin, le Brexit a eu un effet marqué sur le commerce extérieur britannique, mais hétérogène entre les biens et les services. Si la performance du commerce des services a été la plus forte des pays du G7, le commerce de biens a quant à lui chuté. L’Office for Budget Responsibility (OBR) estime que cette réduction de l’intensité des échanges commerciaux du Royaume-Uni avec l’UE conduit à une perte de 4 % de la productivité potentielle à horizon 2030 pour le pays[8].
Les élections générales de juillet 2024 ont marqué le retour au pouvoir du parti travailliste après 15 ans de gouvernement conservateur. La priorité du nouveau gouvernement est le retour de la croissance après une période prolongée d’instabilité économique. L’économie britannique est entrée en récession technique aux deux derniers trimestres de l’année 2023, résultant en une croissance annuelle très faible (+0,3 %). De plus, l’inflation avait atteint 11,1 % au pic de la crise énergétique (octobre 2022), ce qui avait conduit la Banque d’Angleterre à élever son taux directeur jusqu’ à 5,25 % à l’été 2023. Ce taux a été maintenu jusqu’à l’été 2024. Il a été alors baissé à 5% ; la politique monétaire restrictive de la Banque d’Angleterre commence donc seulement à être assouplie, et ce de façon très prudente. Depuis le début de l’année 2024, l’inflation a en effet temporairement retrouvé sa cible et le PIB britannique a crû plus fortement qu’anticipé. Le commerce extérieur reste volatile et tire/freine la croissance selon les trimestres ; en revanche, il témoigne structurellement d’une moindre intégration commerciale après le Brexit. Dans un tel contexte, la principale mission de ce nouveau gouvernement est le retour d’une croissance pérenne. Il mise sur le retour de la stabilité politique et règlementaire ainsi que sur un « nouveau partenariat » avec le secteur privé pour relancer l’investissement, notamment dans les infrastructures et les industries de la transition énergétique. Le gouvernement souhaite également réformer le marché du travail pour renforcer les droits des salariés et s’assurer que « le travail paie ». Le programme travailliste comporte également quatre autres priorités : i) faire du Royaume-Uni une superpuissance de l’énergie décarbonée, ii) lutter contre l’insécurité, iii) réduire les inégalités entre les générations et iv) adapter le NHS (système public de santé) aux enjeux futurs. L’état dégradé des finances publiques devrait contraindre le gouvernement travailliste dans l’atteinte de ces objectifs et de ses promesses de campagne ; la réussite du programme économique de relance de la croissance sera donc décisive.
[1] Data - Office for Budget Responsibility (obr.uk) (Les années fiscales s’étendent d’avril à mars)
[6] Trésor-Éco n° 343 (Avril 2024), " Les conséquences économiques du Brexit pour le Royaume-Uni " (economie.gouv.fr)
[5] Data - Office for Budget Responsibility (obr.uk) (Les années fiscales s’étendent d’avril à mars)